Aller au contenu

Discussion utilisateur:Sofike68/brouillon

Le contenu de la page n’est pas pris en charge dans d’autres langues.
Une page de Wikipédia, l'encyclopédie libre.


L’ingénierie des génomes désigne les stratégies et les techniques récemment développées pour modifier de façon ciblée et spécifique l’information génétique - ou génome - des organismes vivants. Elle représente un champ très actif de la recherche car les applications possibles sont multiples, notamment en santé humaine (correction d’un gène porteur d’une mutation délétère, production de protéines thérapeutiques, élimination de séquences virales persistantes, etc.), en agriculture biotechnologique (mise au point de nouvelles générations de plantes génétiquement modifiées, etc.) ou encore pour la mise au point d’outils destinés à la recherche (par exemple pour explorer la fonction d’un gène).

L'ingénierie des génomes rend possible plusieurs types d'intervention sur l'ADN :

  • L’insertion consiste à introduire un gène dans un chromosome afin d’obtenir une fonction nouvelle (par exemple pour obtenir une plante plus résistante à la sécheresse) ou de compenser un gène défectueux, notamment en permettant de fabriquer une protéineefficace lorsque celle produite par le patient est défectueuse (par exemple le facteur VIII dans l’hémophilie A).
  • L’inactivation ou knock out est aujourd’hui surtout utilisée en recherche fondamentale pour comprendre la fonction d’un gène en observant les anomalies qui résultent de son inactivation. Elle peut aussi avoir d’autres applications, par exemple débarrasser les cellules d’une séquence virale persistante ou en agriculture pour supprimer le caractère irritant ou allergisant d’une plante.
  • La correction vise à retirer et à remplacer une séquence génique défectueuse par une séquence fonctionnelle. Cette correction peut porter sur une séquence très courte, quelques nucléotides parfois, comme dans le cas de la drépanocytose. Chez les plantes, cette intervention peut également permettre d’améliorer les caractéristiques d’une espèce sans apport d’ADN étranger, comme le fait la société Cibus.

Les nouveautés par rapport aux technologies précédentes de modification des génomes :

Les premières technologies mises au point pour introduire un gène dans une cellule vivante, comme la transgénèse, sont limitées par le caractère aléatoire de l’insertion de la nouvelle séquence dans le génome. Positionné à l’aveugle, le nouveau gène peut inactiver ou perturber le fonctionnement de gènes tiers, ou même être à l’origine d’effets indésirables graves comme le déclenchement d’un processus de cancérisation. De plus, ces technologies ne permettent pas d’obtenir de reproductibilité de l’expérience  : il n’y a pas de garantie que la nouvelle séquence soit insérée toujours au même endroit.

Tout l’intérêt de l’ingénierie des génomes, qui capitalise sur des connaissances et des technologies plus récentes, est d’intervenir sur une zone spécifique de l’ADN afin d’accroître la précision de la correction ou de l’insertion pratiquée, de prévenir ainsi toute toxicité cellulaire et d’offrir une reproductibilité sans faille.

L’ingénierie des génomes et la génomique synthétique (conception de génomes artificiels) figurent actuellement parmi les technologies les plus prometteuses en termes de recherche biologique appliquée et d’innovation industrielle.


Principes généraux[modifier le code]

Historiquement, la première approche d’ingénierie des génomes a consisté à modifier des séquences génétiques en utilisant uniquement la recombinaison homologue. Ce mécanisme de maintenance naturel de l’ADN permet de réparer un brin d’ADN en utilisant comme modèle une séquence homologue située sur un autre brin.

Il est possible d’induire des recombinaisons homologues entre l’ADN naturel d’une cellule et un brin d’ADN exogène introduit par les chercheurs, en utilisant comme vecteur le génome modifié d’un rétrovirus par exemple, Le phénomène de recombinaison est suffisamment souple pour qu’il soit possible d‘introduire un certain niveau de changement (ajout, suppression ou modification d’un portion d’ADN) au niveau de la zone d’homologie visée.

Dès les années 1980, Mario R. Capecchi et Oliver Smithies ont travaillé sur la recombinaison homologue de l'ADN comme outil de « ciblage de gène », c’est-à-dire comme instrument d’inactivation ou de modification de gènes précis. Avec la collaboration de Martin J. Evans, ils ont mis au point un procédé permettant de modifier le génome de souris en modifiant l’ADN de cellules souches embryonnaires murines en culture, et en injectant ces cellules souches modifiées dans des embryons de souris. Les souris génétiquement modifiées ainsi générées permettent d’étudier des maladies humaines en laboratoire. C’est aujourd’hui un outil couramment utilisé en recherche médicale. Les travaux des trois chercheurs leur ont valu le Prix Nobel de médecine en 2007[1].

Modifier des génomes en s'appuyant sur la seule recombinaison homologue reste cependant une opération longue et aléatoire, avec des rendements faibles et des possibilités d’intervention réduites.

Pour intervenir sur un gène de façon spécifique, mais avec plus d’efficacité et de latitudes, les chercheurs utilisent de plus en plus couramment des « ciseaux moléculaires », à savoir des enzymes dotées de propriétés particulières. Elles permettent de couper précisément le long filament d’ADN de part et d’autre de la séquence à modifier. Certaines de ces enzymes ont de plus la propriété de stimuler le processus de recombinaison homologue à l’endroit souhaité.

Les enzymes de restriction couramment utilisées en biologie moléculaire pour couper l’ADN interagissent avec des séquences constituées de 1 à 10 nucléotides. Ces séquences, très courtes et souvent palindromiques, sont généralement présentes à plusieurs endroits du génome (le génome humain comprend 6,4 milliards de bases). Les enzymes de restriction sont donc susceptibles de couper la molécule d’ADN à de multiples reprises. Pour pratiquer une chirurgie des génomes précise et sûre, les scientifiques se sont donc tournés vers des outils plus précis.

L’ingénierie ciblée des génomes est rendue possible par l’utilisation d’enzymes capables de reconnaître et d’interagir avec des séquences d’ADN suffisamment longues pour n’exister, en toute probabilité, qu’en un exemplaire unique dans un génome donné.L’intervention sur l’ADN se produit alors précisément au niveau de la séquence ciblée. Avec des sites de reconnaissance de plus de 12 paires de bases, les méganucléases et les nucléases à doigts de zinc répondent à ces critères de spécificité.

Une fois la coupure de l’ADN effectuée, les mécanismes naturels de réparation de l’ADN et la recombinaison homologue permettent d’incorporer une séquence modifiée ou un gène nouveau.

Le succès de ces différentes étapes (reconnaissance, coupure, recombinaison) dépend de divers facteurs, parmi lesquels l’efficacité du vecteur qui introduit l’enzyme dans la cellule, l’activité enzymatique de coupure, les capacités cellulaires de recombinaison homologue et probablement l’état de la chromatine au locus considéré.

Ingénierie par méganucléases[modifier le code]

Découvertes à la fin des années 1980, les méganucléases sont des enzymes de la famille desendonucléases qui présentent la caractéristique de reconnaître et de couper des séquences d’ADN de grande taille, de 12 à 40 paires de bases[2]. Parmi ces méganucléases, les protéines du groupe LAGLIDADG, qui doivent leur nom à une séquence d’acides aminés conservée, sont les plus nombreuses et les mieux connues.

Ces enzymes ont été identifiées dès les années 1990 comme des outils prometteurs pour l’ingénierie des génomes. Néanmoins, malgré leur diversité dans la nature, et même si chacune d’elles peut présenter de petites variations de son site de reconnaissance de l’ADN, il existe trop peu de chances de trouver la méganucléase adaptée à l’intervention sur une séquence d’ADN bien déterminée. Chaque nouvelle cible d’ingénierie génomique nécessite ainsi une première phase d’ingénierie protéique afin de produire une méganucléase sur mesure.

Deux types d’approches sont mis en œuvre pour créer des méganucléases à façon :

  • Par mutagenèse, on génère des collections de variants à partir d’une méganucléase ayant des propriétés proches de l’enzyme souhaitée, puis on sélectionne ces variants par criblage à haut débit. Cette procédure peut être optimisée par des méthodes dites semi rationnelles qui, à partir du traitement informatique des données structurales, permettent de diriger la mutagenèse sur la fraction de l’enzyme qui interagit avec l’ADN et qui provoque la coupure[3].
  • Par assemblage combinatoire, il est aussi possible d’associer ou de fusionner des sous-unités protéiques issues de différentes enzymes[4].

Ces deux approches peuvent être combinées. Les scientifiques de l’entreprise française de biotechnologie Cellectis ont ainsi identifié dans la structure de plusieurs méganucléases les zones responsables de la coupure de l’ADN et les zones qui interagissent avec des sites spécifiques de l’ADN. En agissant sur ces zones de reconnaissance, ils ont généré des variants qui interagissent avec des séquences d’ADN différentes de celles des méganucléases initiales, tout en conservant leur capacité à couper l’ADN ainsi que leur forte spécificité.

Une large banque comprenant plusieurs dizaines de milliers d’unités protéiques a ainsi été créée. Elles peuvent être combinés afin d’obtenir des méganucléases chimères reconnaissant le site visé, et de disposer ainsi d’outils de recherche et de développement pouvant répondre à des besoins très variés (recherche fondamentale, santé, agriculture, industrie, énergie…).

Cette technique a notamment permis de mettre au point de nombreuses méganucléases spécifiques de séquences génétiques de virus, de plantes… et de produire de façon industrielle deux méganucléases capables de cliver le gène humain XPC dont la mutation est en cause dans le Xeroderma pigmentosum, une maladie monogénique grave prédisposant aux cancers cutanés et aux brûlures dès lors que la peau est exposée aux rayons UV[5].

Une autre approche consiste à essayer de prédire aussi précisément que possible, en s’appuyant sur des modèles informatiques, l’activité des méganucléases modifiées et la spécificité de la séquence nucléique reconnue[6]. Le Northwest Genome Engineering Consortium, un consortium américain financé par le Institutes of Health, s’est engagé dans cette voie avec pour objectif le traitement des leucémies par intervention sur les cellules souches hématopoïétiques. La prédiction du modèle est vérifiée et orientée par la mise en œuvre d’une mutagenèse dirigée et d’une analyse biochimique in vitro.

Ingénierie par nucléases à doigts de zinc[modifier le code]

Les protéines à doigts de zinc sont présentes dans de nombreux facteurs de transcription. L’ion zinc, que l’on retrouve dans 8% de l’ensemble des protéines humaines, joue un rôle important dans l’organisation de leur structure tridimensionnelle. Dans les facteurs de transcription, il est le plus souvent situé dans les zones d’interaction protéine/ADN où il stabilise le motif sous forme de doigt de gant. La partie C-terminal de chaque doigt est responsable de la reconnaissance spécifique de la séquence d’ADN.

Les séquences reconnues sont courtes, environ 3 paires de bases, mais par combinaison de 6 à 8 doigts de zinc dont les domaines de reconnaissance ont été caractérisés, il est possible d’obtenir des protéines spécifiques de séquences d’une vingtaine de paires de bases. On peut ainsi contrôler l’expression d’un gène spécifique. Il a été montré que cette stratégie permet de promouvoir un processus d’angiogenèse chez l’animal[7]. Il est également possible de fusionner la protéine ainsi construite avec le domaine catalytique d’une endonucléase afin de provoquer une cassure ciblée de l’ADN et d’utiliser ces protéines comme outils d’ingénierie des génomes[8].

Pour ce faire, on associe généralement deux protéines, comportant chacune trois doigts de zinc spécifiquement choisis, au domaine catalytique de l’endonucléase Fok I. Les deux protéines reconnaissent deux séquences d’ADN éloignées de quelques nucléotides. La liaison des deux protéines à doigts de zinc sur leurs séquences respectives rapproche les deux endonucléases qui leur sont associées. Ce rapprochement permet leur dimérisation et par suite la coupure de la molécule d'ADN

Plusieurs approches sont utilisées pour concevoir des nucléases à doigts de zinc spécifiques des séquences visées. La plus courante est de combiner entre elles des unités à doigts de zinc dont les spécificités sont connues (assemblage modulaire). Différentes techniques de sélection, utilisant des bactéries, des levures ou des cellules de mammifères, ont été développées pour identifier, parmi les différentes combinaisons, celles qui assurent la meilleure spécificité et la meilleure tolérance cellulaire. En effet, une difficulté fréquemment rencontrée avec les nucléases à doigts de zinc est leur grande sensibilité à l’environnement génomique réel dans lequel elles sont appelées à agir. Notamment, l’apparition de coupures parasites du génome est fréquente[9].

Les nucléases à doigts de zinc sont des outils de recherche et développement qui ont déjà été utilisé pour modifier des génomes variés, notamment par les laboratoires fédérés dans le Zinc Finger Consortium. L’entreprise américaineSangamo Biosciences utilise les nucléases à doigts de zinc pour des travaux sur l’ingénierie génétique des cellules souches et la modification de cellules immunitaires à des fins thérapeutiques[10][11]. Des lymphocytes T modifiés font actuellement l’objet d’essais cliniques de phase I, portant sur le traitement d’un cancer du cerveau (le glioblastrome) et la lutte contre le SIDA[12].


Articles connexes[modifier le code]


Notes et références[modifier le code]

  1. The Nobel Prize in Physiology or Medicine 2007
  2. Stoddard BL (2006). Homing endonuclease structure and function. Quartely Reviews in Biophysics; 38(1): 49-95.
  3. LM, Chisholm KM, Chevlier BS, Chadsey MS, Edward ST, Savage JH, Veillet AL (2002). Mutations altering the cleavage specificity of a homing endonuclease. Nucleic Acids Research; 30: 3870-3879.
  4. S, Chams P, Perez C, Lacroix E, Duclert A, Epinat JC, Stricher F, Petit AS, Patin A, Guillier S, Rolland S, Prieto J, Blanco FJ, Bravo J, Montaya G, Serrano L, Duchateau P, Pâques F (2006). Engineering of large numbers of highly specific homing endonucleases that induce recombination to novel DNA targets. Journal of Molecular biology; 355: 443-458.
  5. P, Prieto J, Munoz IG, Alibès A, Stricher F, Serrano L, Cabaniols J-P, Daboussi F, Arnould S, Perez C, Duchateau P, Pâques F, Blanco FJ, Montoya G (2008). Molecular basis of Xeroderma pigmentosum group C DNA recognition by engineered meganucleases. Nature; 456(7218): 107-111.
  6. Ashworth J, Taylor GK, Havranek JJ, Quadri SA, Stoddard BL, Baker D (2010). Computational reprogramming of homing endonuclease specificity at multiple adjacent base pairs. Nucleic Acid Research; 38(16): 5601-5608.
  7. Rebar EJ, Huang Y, Hickey R, Nath AK, Meoli D, Nath S, Chen B, Xu L, Liang Y, Jamieson AC, Zhang L, Spratt SK, Case CC, Wolfe A, Giordano FJ (2002). Induction of angiogenesis in a mouse model using engineering transcription factors. Nature Medicine; 8: 1427-1432.
  8. H-G, Cha J, Chandrasegaran (2007). Hybrid restriction enzymes : Zinc finger fusions to Fok I cleavage domain. Proceedings of National Academy of Sciences of the United States of America; 93: 1156-1160.
  9. Ramirez CL et al (2008). Unexpected failure rates for modular assembly of engineered zinc fingers. Nat. Methods; 5: 374-375.
  10. Reik A et al (2008). Zinc finger nucleases targeting the glucocorticoid receptor allow IL-13 zetakine transgenic CTLs to kill glioblastoma cells in vivo in the presence of immunosuppressing glucocorticoids. Mol. Ther.; 16:S13-S14..
  11. Holt N et al (2010). Human hematopoitic stem/progenitor cells modified by zinc-finger nucleases targeted to CCR5 control HIV-1 in vivo. Nature Biotech.; 28:839-847.
  12. FD, Rebar EJ, Holmes MC, Zang HS and Grogory PD (2010). Genome editing with engineered zinc finger nucleases. Nature Reviews; 11 : 636-646.