Voir la source de Croiseur de bataille

[[Fichier:SMS von der Tann LOC 16927u.jpg|vignette|Le « grand croiseur » [[SMS Von der Tann|SMS ''Von der Tann'']] de la [[Kaiserliche Marine]] est un croiseur de bataille doté d'une artillerie un peu inférieure et d'une protection très supérieure à celles de ses contemporains britanniques.]]

Le '''croiseur de bataille''' est un type de [[navire de guerre]] apparu au début du {{s|XX|e}}. Ses caractéristiques sont semblables à celles du [[cuirassé]] pour le déplacement, le calibre de l'artillerie principale, l'effectif de l'équipage, le rayon d'action, mais sa vitesse est nettement supérieure, dépassant aussi celle des plus grands croiseurs de l'époque, grâce à une [[Coque (bateau)|coque]] au rapport longueur largeur plus fin et un [[Propulsion (navire)|appareil propulsif]] plus puissant. Ce poids supplémentaire est compensé, sur les navires de conception britannique, par un [[Blindage (mécanique)|blindage]] plus léger, et cette moindre protection constitue la principale restriction à l'emploi de ce type de navire ainsi que le montrent les principaux combats auxquels ils participent pendant la [[Première Guerre mondiale]].

Dans les classifications du [[traité naval de Washington]] de [[1922]], les croiseurs de bataille ne sont pas reconnus en tant que tels, mais sont de fait assimilés aux cuirassés, alors que les [[croiseur]]s sont définis comme ayant un déplacement bien moindre, au maximum {{unité|10000|tonnes}} « [[Traité naval de Washington#Termes|Washington]] » (tW) et une [[artillerie navale|artillerie]] limitée à un [[Calibre (arme à feu)|calibre]] maximum de {{unité|203|mm}}. À partir de [[1935]], alors que vont expirer les traités de limitation des armements navals, les principales marines vont s'efforcer d'atteindre les objectifs assignés aux croiseurs de bataille avec le concept de cuirassé rapide, d'un déplacement de {{unité|25000|à=35000|tonnes}}, jouant sur la puissance de l'armement (avec huit, neuf ou dix canons, de {{unité|280|mm}} à {{unité|406|mm}}), le blindage (avec des ceintures blindées de {{unité|230|à=356|mm}}), ou la vitesse, de {{unité|27|à=32|nœuds}}.

== Origine du concept ==
Les navires [[cuirassé]]s sont apparus dans la seconde moitié du {{s|XIX|e}}, en réaction à l'apparition de l'obus explosif, fatal aux navires en bois. Le déplacement important dû à la cuirasse, et les faibles performances des [[machine à vapeur#Expansion multiple|machines à vapeur alternatives]], conduisent à la généralisation d'un type de cuirassés assez homogène, dans les principales marines, autour de 1900, avec une artillerie principale de deux tourelles doubles de {{unité|305|mm}} mais à cadence de tir lente ({{unité|1|coup par minute}}), une forte artillerie secondaire, voire « intermédiaire », d'un calibre qui peut atteindre {{unité|250|mm}} mais à tir rapide ({{unité|3|coups par minute}}), une vitesse opérationnelle de l'ordre de {{unité|15|nœuds}}, c'est-à-dire susceptible d'être soutenue malgré les avaries assez fréquentes des machines alternatives fonctionnant à plein régime. C'est la situation au moment de la [[guerre russo-japonaise]], lors des batailles de la [[Bataille de la mer Jaune|mer Jaune]] ({{date|10 août 1904}}) ou de [[bataille de Tsushima|Tsushima]] ([[27 mai|27]]-{{date|28 mai 1905}}){{sfn|Macintyre|Bathe|1971|pp=89-128}}.

L'augmentation de la portée de l'artillerie, obtenue en substituant la [[cordite]] à la [[poudre noire]], et en recourant à des canons de plus grande longueur, les progrès en matière de réglage de l'artillerie et notamment l'introduction de la direction de tir centralisée, enfin l'utilisation de la turbine, plus fiable que les machines alternatives pour les vitesses soutenues sur de grands navires, vont conduire à une nouvelle génération de cuirassés, consécutive à la mise en service du {{HMS|Dreadnought|1906|6}} en 1906{{sfn|Macintyre|Bathe|1971|pp=129-145}}.

=== Croiseurs protégés et croiseurs cuirassés{{sfn|Preston, Croiseurs|1981|pp=6-22}} ===
[[Fichier:HMSPowerfulCirca1905.jpg|vignette|Le croiseur protégé HMS ''Powerful'', vers 1905.]]

Traditionnellement, le travail de reconnaissance des escadres de cuirassés incombait aux croiseurs, successeurs des frégates et autres corvettes. Il s'agissait de bâtiments légers, ayant un déplacement de l'ordre de {{unité|5000|tonnes}}, plus rapides que les cuirassés. Mais d'autres tâches comme la présence outre-mer, l'attaque ou la défense des liaisons maritimes commerciales, nécessitant un grand rayon d'action, demandaient des navires d'un déplacement plus important. La nécessité de concilier vitesse et protection a conduit à l'apparition des '''[[croiseur protégé|croiseurs protégés]]''', au cours de la décennie 1880. À défaut d'une cuirasse verticale, dont la lourdeur avait conduit à réduire la vitesse, ils reçoivent seulement un pont blindé, la protection des flancs étant assurée par les soutes à charbon{{sfn|Preston, Croiseurs|1981|p=19}}. À la fin du {{s-|XIX}}, la Royal Navy mit ainsi en service de grands croiseurs protégés, comme la [[classe Powerful]]{{sfn|Archibald|1971|pp=107}} dont le déplacement de plus de {{unité|14000|tonnes}} atteignait celui des cuirassés de l'époque, comme ceux de la {{classe|Formidable|cuirassé}}{{sfn|Archibald|1971|pp=61-62}} par exemple. Plus longs de {{unité|30|mètres}}, avec un ratio longueur/largeur de 7,2 au lieu de 5,5, développant {{unité|25000|ch}} au lieu de {{formatnum:15000}}, filant {{unité|4|nœuds}} de plus, ils avaient été dotés, comme artillerie principale, de deux pièces simples de {{Lien|langue=en|trad=BL 9.2 inch naval gun Mk VIII|fr=canon de 9,2 pouces Mk VIII|texte=9,2 pouces}} ({{unité|234|mm}}), non blindées, sous masque, ce calibre étant considéré comme le plus petit susceptible de causer des dégâts à un cuirassé, mais leur affrontement avec un cuirassé eût été plus que risqué.

[[Fichier:Armoured cruiser Edgar-Quinet.png|vignette|gauche|Le croiseur cuirassé français ''Edgar-Quinet'' sert de bâtiment-école jusqu'en 1930.]]
Aussi, à partir de 1899, la Royal Navy met sur cale un autre type de grands croiseurs, des '''[[Croiseur cuirassé|croiseurs cuirassés]]''', dont la première classe, la [[classe Cressy]]{{sfn|Archibald|1971|p=108}} est mise en service en 1901-1902. Leur déplacement et leur vitesse est comparable aux croiseurs des classes précédentes ({{unité|12000|tonnes}}, {{unité|22|nœuds}}), mais ils ont sur les flancs une cuirasse qui atteint {{unité|6|pouces}} ({{unité|152|mm}}), et sont armés, outre une imposante batterie de canons de {{unité|152|mm}}, de deux pièces simples de [[Canon de 9,2 pouces BL Mk X|{{unité|234|mm}}]]. Les classes suivantes sont dotées de la même artillerie, sauf la [[classe Monmouth]]{{sfn|Archibald|1971|p=108}}, sur laquelle les canons de {{unité|234|mm}} sont remplacés par des tourelles doubles de {{unité|152|mm}}, la cuirasse limitée à {{unité|102|mm}} en ceinture et à {{unité|127|mm}} sur les tourelles. La [[classe Devonshire]]{{sfn|Archibald|1971|p=109}} reçoit une cuirasse de {{unité|152|mm}}, mais des canons de {{unité|190|mm}} seulement. La dernière classe de croiseurs cuirassés, la [[classe Minotaur (1906)|classe Minotaur]]{{sfn|Archibald|1971|p=111}}, mise en service en 1909 porte deux tourelles doubles de {{unité|234|mm}}.
[[Fichier:USS Brooklyn h91960.jpg|vignette|Le croiseur cuirassé USS ''Brooklyn'' participa à la bataille de Santiago de Cuba, en 1898.]]

Les autres marines allemande, russe, austro-hongroise, française, italienne ou espagnole mais aussi japonaise ou américaine, mettent en service des croiseurs protégés, ou des croiseurs cuirassés, mais à la différence des cuirassés de l'époque, il n'y a pas la même convergence dans le déplacement ou l'armement. Certes, les plus grosses unités ne dépassent pas {{unité|15000|tonnes}}, mais certaines unités ne déplacent que {{unité|5000|à=7000|tonnes}}. La vitesse est toujours de quelque {{unité|22|nœuds}}. Quant au calibre de l'artillerie principale, il se situe le plus souvent entre {{unité|152|mm}} et {{unité|203|mm}} : les derniers croiseurs cuirassés français, la [[classe Edgar Quinet]], ne portent ainsi que des canons de {{unité|194|mm}}), mais la Marine impériale allemande utilise des canons de {{unité|210|mm}}, la Royal Navy, on l'a vu, utilise des canons de {{unité|234|mm}}, la marine austro-hongroise des canons de {{unité|240|mm}} sur le [[SMS Sankt Georg|SMS ''Sankt Georg'']], la marine espagnole des canons de {{unité|280|mm}} sur la [[classe Infanta María Teresa]]{{sfn|Ireland|Grove|1997|pp=10}} et la marine japonaise des canons de {{unité|305|mm}} sur la [[classe Tsukuba]] et la {{classe|Ibuki|croiseur cuirassé}}{{sfn|Preston, Croiseurs|1981|p=18-19}}.

Certains de ces navires sont engagés dans les combats de la [[guerre hispano-américaine]], comme l'{{USS|Olympia|C-6|6}}, sur lequel le commodore [[George Dewey|Dewey]] avait sa marque à la [[bataille de la baie de Manille]] ({{date-|1 mai 1898}}), ou l'{{USS|New York|ACR-2|6}} et l'{{USS|Brooklyn|ACR-3|6}}{{sfn|Ireland|Grove|1997|pp=30-31}}, navires-amiraux des escadres qui ont détruit les trois croiseurs cuirassés espagnols de la classe Infanta María Teresa et le [[Cristóbal Colón (croiseur)|''Cristóbal Colón'']], de construction italienne, à la [[bataille de Santiago de Cuba]] (3 juillet 1898). Quant à la guerre russo-japonaise, elle a montré une capacité certaine, du côté japonais, à bien coordonner les croiseurs cuirassés et les escadres de bataille, d'où la recherche d'un type de croiseurs, capable de repousser les forces de reconnaissance adverses et de servir d'aile marchante aux escadre de cuirassés, doté d'une vitesse lui permettant de dépasser la tête de la ligne de bataille ennemie, voire de lui « [[barrer le T]] ».

=== « Croiseurs de bataille » britanniques et « grands croiseurs » allemands ===
[[Fichier:HMS Invincible (1907) British Battleship.jpg|vignette|Le croiseur de bataille HMS ''Invincible'' inaugura le concept britannique du croiseur de bataille, immédiatement après la mise en service du HMS ''Dreadnought''.]]
Les premiers à réaliser de tels bâtiments sont les Britanniques, sous la houlette de l'amiral [[John Arbuthnot Fisher|Fisher]], Premier Lord de la Mer de 1904 à 1911, à partir de l'idée que « la vitesse tient lieu de blindage » (« ''Speed is armour'' ») : les trois navires de la {{classe|Invincible|croiseur}} mis en chantier en 1906 immédiatement après le HMS ''Dreadnought''{{sfn|Breyer|1973|pp=115-117}}, sont entrés en service en 1908. D'un déplacement de plus de {{unité|20000|tonnes}} à pleine charge soit {{unité|2000|tonnes}} de plus que le célèbre cuirassé, ils portent quatre tourelles de [[canon de marine de 12 pouces BL Mk X|12 pouces]] ({{unité|305|mm}}) au lieu de cinq. Plus longs d'une dizaine de mètres, avec un ratio longueur/largeur un peu supérieur (7,2 contre 6,4) et une puissance installée de {{Unité|41000|ch}} au lieu de {{formatnum:22000}}, ils filent {{nb|5 nœuds}} de plus. Mais pour compenser les plus grandes dimensions de coque et l'appareil moteur plus puissant avec {{nb|31 chaudières}} au lieu de 18, l'épaisseur de la ceinture cuirassée n'est que de {{unité|6|pouces}} ({{unité|152|mm}}) au lieu de 11 ({{unité|280|mm}}) et le blindage des tourelles n'est que de {{unité|7|pouces}} ({{unité|178|mm}}) au lieu de 11. Ces navires qui recevront en 1911 la désignation officielle de '''croiseurs de bataille''' ne sont dès lors plus intégrés aux escadres de croiseurs, mais constituent une escadre particulière de croiseurs de bataille. Conçus pour surclasser les croiseurs cuirassés, ils sont grâce à leur vitesse en situation d'éviter le combat avec les cuirassés.

[[Fichier:SMS Scharnhorst as Flagship in East Asia from 1909.jpg|vignette|gauche|Le croiseur-cuirassé ''Scharnhorst''.]]
La Marine impériale allemande avait commandé en 1904 la première unité de la {{Classe|Scharnhorst|croiseur}}{{sfn|Preston, Croiseurs|1981|p=29}} d'un déplacement de {{unité|12000|tonnes}}, filant {{unité|22|nœuds}}, armés de huit canons de {{unité|210|mm}}, avec un blindage de ceinture atteignant {{unité|150|mm}} et {{unité|170|mm}} sur les tourelles. En 1907, les crédits budgétaires furent alloués, en même temps que pour les deux premiers « dreadnoughts » allemands de la {{classe|Nassau}}, pour un « croiseur E » nettement plus puissant que la {{Classe|Scharnhorst|croiseur}}. Il devait déplacer {{unité|16000|tonnes}}, filer {{unité|25|nœuds}}, être armé de douze canons de {{unité|210|mm}}, son blindage atteignant {{unité|180|mm}} en ceinture et sur les tourelles. Le but était de répondre à ce qui allait devenir la {{Classe|Invincible|croiseur}} que l'on savait en construction, pensant, sur la foi d'une information publiée dans le Jane's Fighting Ships, qu'il s'agissait de grands croiseurs cuirassés armés de six à huit pièces de {{unité|234|mm}}. Lorsqu'il apparut qu'il s'agissait de navires encore beaucoup plus puissants, armés de huit canons de {{unité|305|mm}}, il n'était plus possible de modifier les plans de ce qui allait devenir le {{SMS|Blücher|1908|6}}{{sfn|Ireland|Grove|1997|pp=48-49}} lequel, pour des raisons de secret sur ses caractéristiques, devait rester classé croiseur cuirassé.

La Marine impériale allemande s'attacha alors à définir le « croiseur F » qui deviendra le [[SMS Von der Tann|SMS ''Von der Tann'']]{{sfn|Ireland|Grove|1997|pp=72 et 76}} mis sur cale en 1908 et qui sera le prototype des « grands croiseurs » allemands ({{langue|de|''Großer Kreuzer''}}) désignation officielle des croiseurs de bataille de la Marine impériale allemande).

L'amiral [[Alfred von Tirpitz|von Tirpitz]] penchait pour un homologue du {{HMS|Invincible|1907|6}} avec une forte artillerie et un blindage limité, pour pouvoir repousser les croiseurs cuirassés ennemis, pour la reconnaissance de la flotte. L'empereur Guillaume II et le [[Office du Reich à la Marine|Reichsmarineamt]] (le Bureau de la Reichsmarine, qui avait la responsabilité de la planification des constructions) étaient partisans d'un navire qui puisse prendre place ensuite dans la ligne de bataille. Ce fut cette option qui fut retenue, d'où un blindage de ceinture atteignant {{unité|250|mm}} d'épaisseur, soit {{unité|100|mm}} de plus que le {{HMS|Invincible|1907|6}}. Dans le même esprit, bien qu'un calibre de {{unité|210|mm}} ou {{unité|240|mm}} eût été suffisant pour percer le blindage des croiseurs de bataille britanniques de l'époque, le choix se porta pour l'artillerie principale, sur quatre tourelles doubles de [[Canon de 28 cm SK L/45|{{unité|280|mm}}]], du type déjà utilisé pour les cuirassés de la {{classe|Nassau}}, sans aller, pour des raisons d'économies budgétaires, jusqu'aux canons de [[Canon de 30,5 cm SK L/50|{{unité|305|mm}}]], qui équiperont les cuirassés à partir de la {{classe|Helgoland}}. L'artillerie secondaire est importante, avec dix [[Canon de 15 cm SK L/45|canons de {{unité|150|mm}}]]. Déplaçant {{unité|20000|tonnes}} environ, le {{SMS|Von der Tann}} est le premier grand bâtiment de guerre allemand équipé de turbines, développant {{unité|43000|ch}}, pour une vitesse prévue de {{unité|25|nœuds}}, mais {{unité|27-28|nœuds}} furent atteints aux essais et en croisière d'endurance{{sfn|Breyer|1973|pp=269-270}}.

Les croiseurs de bataille mis ensuite en service, avant la Première Guerre mondiale, dans la Royal Navy aussi bien que dans la Marine impériale allemande, furent, pour chaque classe, un peu plus puissants, mieux armés et plus rapides, que la classe précédente, mais en respectant le concept initial de chaque marine.
[[Fichier:HMS Indefatigable (1909).jpg|vignette|Le croiseur de bataille HMS ''Indefatigable''.]]

Par rapport à la {{classe|Invincible|croiseur}}, la {{classe|Indefatigable}} avait {{unité|7|mètres}} de plus en longueur, {{unité|1500|tonnes}} de déplacement supplémentaires, une puissance installée supérieure de {{unité|10000|ch}}, ce qui leur permit de filer {{unité|1|nœud}} de plus{{sfn|Breyer|1973|pp=122-124}}. La {{classe|Lion|croiseur de bataille}}, mise en service en 1912, a marqué une évolution plus importante. Le calibre de l'artillerie principale a été porté à [[Canon de marine de 13,5 pouces BL Mk V|13,5 pouces]] ({{unité|343|mm}}), comme sur les « super-dreadnoughts » de la {{classe|Orion}}, la cuirasse a été portée de {{unité|6-7|pouces}} à {{unité|9|pouces}} ({{unité|229|mm}}), aussi bien pour la ceinture que pour les tourelles, la coque est plus longue de plus de {{unité|40|m}}, atteignant {{unité|213|m}}, et la puissance installée a été portée à {{Unité|70000|ch}}, pour atteindre {{unité|28|nœuds}}{{sfn|Breyer|1973|pp=126-128}}.

Du côté allemand, la {{classe|Moltke}} et le {{SMS|Seydlitz}} diffèrent du SMS ''Von der Tann'' par un déplacement plus important (respectivement {{unité|23000|tonnes}} et {{unité|25000|tonnes}}, au lieu de {{formatnum:20000}}), des dimensions de coque un peu supérieures ({{unité|186|m}} et {{unité|200|m}}, au lieu de 172), une puissance installée un peu plus élevée ({{unité|52000|et=63000|ch}}, au lieu de {{formatnum:43000}}), mais surtout par une artillerie non pas de quatre mais de cinq tourelles de [[canon de 28 cm SK L/50|{{unité|280|mm}}]], et un blindage renforcé passant de {{unité|250|mm}} à {{unité|280|mm}} sur la classe Moltke, et {{unité|300|mm}} sur le SMS ''Seydlitz''{{sfn|Breyer|1973|pp=270-272}}.

Les deux marines sont restées fidèles à leur conception d'origine, pour le concept du croiseur de bataille : les croiseurs de bataille britanniques ont été dotés d'un blindage de ceinture d'une épaisseur égale à 50 % du calibre de leur artillerie principale pour la {{classe|Invincible|croiseur}}, et à 67 % sur la classe Lion, moins que sur les cuirassés dreadnoughts sur lesquels on trouve 92 % pour le HMS ''Dreadnought'' et 88 % pour la {{classe|Orion}}. Pour les grands croiseurs allemands le ratio correspondant est 89 % pour le {{SMS|Von der Tann}} et 107 % pour le {{SMS|Seydlitz}}, très proche de ce qu'il était sur les cuirassés, soit 107 % pour la {{classe|Nassau}} et 98 % pour la {{classe|Helgoland}}.
[[Fichier:Japanese battleship Kongo.jpg|vignette|Le croiseur de bataille japonais ''Kongō'' a été construit par Vickers à Barrow-in-Furness.]]

Les Japonais, avec la mise en service en 1913 de la première unité de la {{Classe|Kongō|croiseur}}, adoptent également le concept du croiseur de bataille, sur le modèle britannique. Construit chez Vickers, à Barrow-in-Furness, déplaçant près de {{unité|30000|tonnes}}, le ''Kongō'' est armé de quatre tourelles doubles de {{Lien|langue=en|trad=Vickers 14 inch/45 naval gun|fr=canon de 14 pouces/45 calibres Vickers|texte=356mm}}, calibre inégalé à l'époque (les premiers cuirassés à porter ce calibre ne sont mis en service qu'en 1914, dans l'U.S. Navy), mais son blindage de ceinture est seulement de {{unité|203|mm}}. Ses machines développent {{unité|65000|ch}} pour une vitesse de {{unité|27.5|nœuds}}. Trois unités identiques sont construites au Japon, sur ce modèle, jusqu'en 1915{{sfn|Breyer|1973|pp=333-340}}.

Il est réputé avoir influencé la conception de la quatrième unité qu'on peut rattacher à la {{classe|Lion|croiseur de bataille}}, le {{HMS|Tiger|1913|6}}, dans la mesure où celui-ci porte quatre tourelles doubles, superposées deux à deux à l'avant et à l'arrière, comme le ''Kongō'', et non cinq tourelles doubles, dont une tourelle axiale centrale dont le champ de battement est limité par les superstructures avant et arrière, comme le reste de la classe Lion.

Le {{HMS|Tiger|1913|6}} n'est mis en service qu'au tout début octobre 1914. C'est le dernier des croiseurs de bataille britanniques conçus avant la Première Guerre mondiale. Il déplace près de {{unité|29000|tonnes}}, soit {{unité|2000|tonnes}} de plus que le {{HMS|Queen Mary}}, déjà plus lourd de {{unité|1000|tonnes}} que les deux premières unités de la classe Lion. Le calibre de son artillerie principale de [[canon de marine de 13,5 pouces BL Mk V|13,5 pouces]] ({{unité|343|mm}}), et son blindage sont ceux du {{HMS|Lion|1910|6}}. Mais avec une puissance installée de {{unité|85000|ch}}, il est le premier navire de la ''Royal Navy'' à développer plus de {{unité|100000|ch}}, à feux poussés, atteignant ainsi 29 nœuds. Il aura été également le dernier à avoir une chauffe au charbon{{sfn|Breyer|1973|pp=135-136}}.

Le {{SMS|Derfflinger}}, entré en service le {{date-|1 septembre 1914}}, a donné son nom à la dernière classe de grands croiseurs allemands. Il constitue par rapport au SMS ''Seydlitz'' une évolution assez comparable à celle du HMS ''Lion'', dans la Royal Navy, puisqu'il est armé de quatre tourelles doubles axiales, mais superposées deux à deux à l'avant et à l'arrière, portant des canons de [[Canon de 30,5 cm SK L/50|{{unité|305|mm}}]] du modèle installé sur les « super-dreadnoughts » allemands depuis la {{classe|Helgoland}}. Mais fidèle aux conceptions allemandes, l'épaisseur de sa cuirasse de ceinture atteint {{unité|300|mm}} et celle de la face de ses tourelles {{unité|270|mm}}. Ses machines développant {{unité|63000|ch}}, il atteignait la vitesse de {{nombre|26 nœuds}}. Les autres unités de cette classe furent mises en service en août 1915 pour le {{SMS|Lützow}} et en 1917 pour le {{SMS|Hindenburg}}{{sfn|Breyer|1973|pp=278-280}}.

== Pendant la Première Guerre mondiale ==
Les croiseurs de bataille ont joué un rôle primordial dans la plupart des engagements de grands navires de surface entre le début du conflit et la [[bataille du Jutland]], le {{date|31 mai 1916}}. Ils ont obtenu des résultats remarquables lorsqu'ils ont été employés contre des croiseurs cuirassés, à la [[bataille des Falklands]] ou à la [[bataille du Dogger Bank (1915)|bataille du Dogger Bank]] mais ces résultats ont été plus mitigés, voire catastrophiques, lorsqu'ils ont été engagés, parfois de façon inconsidérée, contre de vrais cuirassés, sans tenir compte de la faiblesse relative de leur blindage, en particulier au [[bataille du Jutland|Jutland]], où les premiers cuirassés rapides se sont montrés au moins aussi efficaces et plus résistants.

=== L'épreuve du feu ===
==== L'échappée du ''Goeben'' et du ''Breslau''{{sfn|Preston, Croiseurs|1981|p=36}} ====
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 134-B0032, Großer Kreuzer Goeben.jpg|vignette|gauche|Le SMS ''Goeben'' était le ''sister-ship'' du SMS ''Moltke'']]
Fin {{date|juillet 1914}}, dès la déclaration de guerre de l'Autriche-Hongrie à la Serbie, le contre-amiral [[Wilhelm Souchon]] commandant de la division de la Méditerranée (''Mittelmeerdivision'') de la Marine impériale allemande fit rapidement appareiller de [[Pula|Pola]], alors le principal port de guerre de Hongrie, son navire-amiral, le {{SMS|Goeben}} pour éviter d'être bloqué dans l'Adriatique. Rejoint par le croiseur léger {{SMS|Breslau}}, il charbonna à Messine{{sfn|Wilson|1928|p=320}}, puis passa en Méditerranée, ses instructions étant d'attaquer les convois de troupes entre l'Algérie et la France. Le {{date|4 août}}, à l'aube, il bombardait [[Annaba|Bône]] et [[Skikda|Philippeville]]{{sfn|Wilson|1928|pp=327-328}}, puis mettait le cap à l'est ayant reçu ordre de gagner Istanbul, à la suite d'un accord conclu avec les autorités turques.

Cela plaçait en position difficile le vice-amiral [[Auguste Boué de Lapeyrère|Boué de Lapeyrère]], commandant de l'Armée navale française, responsable de la sécurité de ces convois : certes il disposait, en Méditerranée, d'un « dreadnought » de la {{classe|Courbet}}, et d'une dizaine de pré-dreadnoughts de la {{classe|Danton}} ou de la {{classe|Liberté}} dont l'artillerie de {{unité|305|mm}} permettait d'engager le {{SMS|Goeben}}, mais dont le déficit de vitesse ne permettait pas de lui donner chasse. Persuadé que l'escadre allemande faisait route vers l'Atlantique, il ne se porta pas à sa rencontre, mais annula le départ des convois de troupes{{sfn|Wilson|1928|p=324}}.
[[Fichier:HMS Indomitable.jpg|vignette|Le HMS ''Indomitable'', un des trois croiseurs de bataille de la flotte britannique de Méditerranée, en août 1914]]
La [[Mediterranean Fleet|flotte britannique de Méditerranée]], quant à elle, était composée notamment de trois croiseurs de bataille ({{HMS|Inflexible|1907|6}}, {{HMS|Indefatigable|1909|2}} et {{HMS|Indomitable|1907|2}}), aux ordres de l'amiral [[Archibald Berkeley Milne|Milne]], qui avait, depuis le 30 juillet, des ordres de l'Amirauté britannique de contribuer à la couverture des convois de troupes français, mais de ne pas engager, sans le soutien de cuirassés, des forces supérieures, ce qui, selon le Premier Lord de l'Amirauté, Winston Churchill, sous-entendait les dreadnoughts des Puissances alliées de l'Empire allemand dans la [[Triplice]], Autriche-Hongrie et Italie{{sfn|Wilson|1928|p=322}}.

Le {{date|4 août}} dans la matinée, l'escadre allemande fut repérée par les navires britanniques, sans conséquences, car à ce moment, la guerre n'était pas déclarée entre le Royaume-Uni et l'Empire allemand{{sfn|Wilson|1928|p=329}}. L'escadre allemande, le 5 au matin, relâchait à Messine pour y charbonner. La guerre entre le Royaume-Uni et l'Empire allemand étant alors déclarée, à la suite de l'attaque de la Belgique par l'Allemagne, l'amiral Milne reçut ordre de ne pas approcher à moins de {{nb|6 milles}} des côtes d'Italie demeurée neutre{{sfn|Wilson|1928|p=330}}. Persuadé que l'amiral Souchon comptait retourner en Méditerranée occidentale, l'amiral Milne plaça deux croiseurs de bataille au débouché nord du détroit de Messine, renvoya le troisième croiseur de bataille charbonner à Bizerte et laissa le croiseur léger {{HMS|Gloucester|1909|6}}, surveiller le débouché sud{{sfn|Wilson|1928|p=331}}.

Informé que l'Empire ottoman demeurait neutre, ce qui annulait ses instructions précédentes de gagner Istanbul, l'amiral Souchon, estima que, s'il mettait le cap à l'ouest, il pouvait se trouver contraint à un combat aléatoire contre deux croiseurs de batailles anglais, et s'il se réfugiait en Adriatique, il prenait le risque d'y être bloqué pour la durée de la guerre. Il décida de poursuivre vers Istanbul, dans le but d'amener l'Empire ottoman, ''volens nolens'', à étendre la guerre en Mer Noire contre la Russie{{sfn|Wilson|1928|p=332}}.
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 134-B0025, Stenia, Bosporus, Kreuzer Goeben im Hafen.jpg|vignette|gauche|L'ex-''Goeben'' arrivé à bon port dans le Bosphore]]
Lorsque l'escadre allemande fut repérée par le HMS ''Gloucester'', le {{date|6 août}} au soir, faisant route vers l'est, l'amiral Milne pensait que l'escadre de l'amiral [[Ernest Troubridge|Troubridge]] se trouvait en position de l'intercepter. Cette force de quatre croiseurs cuirassés et de huit destroyers, l'amiral Milne l'avait envoyée afin de surveiller le débouché de l'Adriatique, dans l'hypothèse d'une jonction du {{SMS|Goeben}} et de la flotte austro-hongroise. Mais les quatre croiseurs cuirassés de la {{1re}} escadre de croiseurs, {{HMS|Defence|1907|6}}, de [[classe Minotaur (1906)|classe Minotaur]], et {{HMS|Black Prince|1904|6}}, {{HMS|Warrior|1905|2}}, {{Lien|langue=en|trad=HMS Duke of Edinburgh|fr=HMS Duke of Edinburgh|texte=''Duke of Edinburgh''}}, de {{classe|Duke of Edinburgh}}, armés de canons de [[Canon de 9,2 pouces BL Mk X|{{unité|234|mm}}]] et filant {{nb|24 nœuds}}, étaient largement surclassés par le {{SMS|Goeben}}. L'amiral Troubridge, estimant que mener une attaque où il n'aurait ni l'avantage de la portée, ni celui de la vitesse, contre un bâtiment dont l'épaisseur de la cuirasse était supérieure au calibre des obus qu'il recevrait, le placerait dans la situation d'engager une force supérieure, ce que les instructions de l'Amirauté excluaient, résolut donc de rester en arrière afin de prévenir une jonction de l'escadre allemande avec la flotte austro-hongroise{{sfn|Wilson|1928|p=333}}.

Le HMS ''Gloucester'' continuant d'appuyer chasse, après un bref engagement, sans résultat, avec le SMS ''Breslau''{{sfn|Wilson|1928|p=333}}, l'amiral Milne le rappela, alors que l'escadre allemande avait passé le [[cap Ténare|cap Matapan]] et resta à surveiller le débouché de la Mer Egée, après avoir reçu l'annonce, erronée, de l'ouverture imminente des hostilités entre le Royaume-Uni et l'Autriche-Hongrie. L'amiral Souchon, après avoir charbonné auprès d'un navire allemand avec lequel il avait rendez-vous dans les Cyclades, à proximité de Naxos{{sfn|Wilson|1928|p=334}}, se présentait, le 10 août, devant les Dardanelles. Pour respecter les [[Convention de Londres (1841)|obligations]] de la Turquie, puissance neutre, interdisant le passage des Détroits aux navires de guerre, il fut décidé de transférer les deux navires conservant leurs équipages allemands, à la Marine turque{{sfn|Wilson|1928|p=334}}, dont Wilhelm Souchon reçut de surcroît le commandement-en-chef. Le {{date|27 septembre}}, les Détroits sont {{Lien|langue=en|trad=Naval operations in the Dardanelles Campaign#Closure of the Dardanelles|fr=Opérations navales dans la campagne des Dardanelles#Fermture des Dardanelles|texte=fermés}} à tout trafic maritime : la Russie se trouve alors privée de sa seule liaison maritime avec ses alliés praticable toute l'année. Les masques tombent, le {{date|1 novembre 1914}}, lorsque l'Empire ottoman entre officiellement en guerre du côté de l'Allemagne. Dès le {{date|3 novembre}}, les croiseurs de bataille {{HMS|Indomitable|1907|6}} et {{HMS|Indefatigable|1909|2}}, vont commencer le bombardement des forts turcs qui défendent les Dardanelles, avec le concours des pré-dreadnoughts français [[Suffren (cuirassé)|''Suffren'']] et [[Classe Liberté|''Vérité'']]{{sfn|Wilson|1928|p=337}}

Cette première « rencontre » entre un croiseur de bataille allemand et des croiseurs cuirassés britanniques se conclut indubitablement par une victoire allemande, aux grandes conséquences stratégiques, sans qu'il y ait eu combat. L'Amirauté britannique ne s'y trompa pas : auditionné par une commission d'enquête, l'amiral Troubridge fut traduit en cour martiale, début {{date|novembre 1914}}. Bien qu'il eût été acquitté, en raison de l'imprécision des instructions sur l'engagement contre une force supérieure, il ne reçut plus de commandement à la mer, et l'amiral Milne non plus. Quant aux croiseurs cuirassés de la {{1re|escadre}} de croiseurs, on observera que leur heure n'était pas venue au début d'{{date|août 1914}} : trois d'entre eux seront coulés au Jutland, dont le navire-amiral d'Ernest Troubridge, le {{HMS|Defence|1907|6}}{{sfn|Wilson|1928|p=333}}, portant cette fois la marque de l'amiral [[Robert Arbuthnot|Arbuthnot]]{{sfn|Wilson|1928|p=196}}.

==== La croisière sans retour de l'amiral Comte von Spee ====
[[Fichier:SMS Scharnhorst by Arthur Renard.jpg|vignette|gauche|Le ''SMS Scharnhorst'', 1907]]
Encore plus prudent que le contre-amiral Souchon, le vice-amiral [[Maximilian von Spee|Comte von Spee]] commandant l'[[Escadre d'Extrême-Orient (Empire allemand)|escadre allemande d'Extrême-Orient]], (''{{lang|de|Ostasiengeschwader}}'') n'avait pas attendu le début d'août 1914 pour quitter sa base de [[Qingdao|Tsingtao]]. Les forces qu'il avait sous son commandement étaient loin d'être négligeables, avec notamment deux croiseurs cuirassés, {{SMS|Scharnhorst}} et {{SMS|Gneisenau|1906|2}}, récents (mis en service en 1907-1908) et aux équipages expérimentés, s'étant illustrés dans des compétitions de tir de la Marine impériale allemande, et trois croiseurs légers, {{SMS|Nürnberg|1906|6}}, {{SMS|Leipzig|1905|2}}, et {{SMS|Emden|1908|2}}. Il était évident cependant, et l'amiral Spee en était très conscient, que ses navires n'étaient pas en mesure de résister au croiseur de bataille {{HMAS|Australia|1911|6}}, de la {{classe|Indefatigable}}, qui était alors basé dans le Pacifique, et dont il affectait de dire qu'il surclassait à lui seul toute son escadre, sans compter sur le renfort de la Marine impériale japonaise, dans le cadre du [[Alliance anglo-japonaise|traité d'alliance entre le Royaume-Uni et le Japon]] de 1905.

===== La traversée du Pacifique =====
[[Fichier:Escadre allemande d'Extrême-Orient 1914 1915-fr.svg|vignette|gauche|Carte du parcours de l'escadre du Comte von Spee dans le Pacifique, (juin-décembre 1914)]]
Ayant appareillé de Tsingtao, avec le {{SMS|Scharnhorst}}, courant juin 1914, pour la croisière annuelle d'été, le vice-amiral Comte von Spee retrouva le [[SMS Gneisenau (1906)|SMS ''Gneisenau'']], à [[Nagasaki]], où les deux navires firent le plein de charbon. Ils mirent alors le cap au sud, en direction de [[Îles Truk|Truk]], dans les [[îles Carolines]], alors possession allemande, depuis 1899, où ils complétèrent leur approvisionnement de combustible{{sfn|Brézet|2002|p=51}}.

Ayant appris en route l'assassinat de l'[[François-Ferdinand d'Autriche|archiduc François-Ferdinand]] à [[Sarajevo]], il mit le cap sur [[Pohnpei (île)|Ponape]], alors possession allemande dans les Carolines occidentales, où il arriva le 17 juillet{{sfn|Brézet|2002|p=51}}. Grâce au réseau radiotélégraphique allemand, il put y suivre le développement de la crise européenne. Le 31 juillet, à l'expiration de l'ultimatum allemand à la Russie d'arrêter sa mobilisation, il mit ses navires en tenue de combat{{sfn|Brézet|2002|p=52-54}}. Le croiseur SMS ''Nürnberg'' l'y rejoignit le {{date|6 août}}{{sfn|Brézet|2002|p=57}}. Il fixa alors, à tous les croiseurs de son escadre et à son train d'escadre, comme point de ralliement l'[[île Pagan]], dans les [[Îles Mariannes du Nord|Mariannes du Nord]], au nord de [[Saipan|Saïpan]], territoires également acquis par l'Empire allemand à l'Espagne par le [[traité germano-espagnol|traité germano-espagnol de 1899]], avec l'idée de pouvoir retourner à Tsingtao, ou d’aller opérer dans l'océan Indien. Il y parvint le 11 août{{sfn|Brézet|2002|p=77}}. Il y trouva le croiseur SMS ''Emden'', parti de Tsingtao dès le {{date|31 juillet}}, dans la crainte d'une attaque surprise japonaise, et arrivé le {{date|8 août}}. Il y fut rejoint le 12 par le croiseur auxiliaire ''[[Prinz Eitel Friedrich]]''. Il détacha ces deux unités pour courir sus aux navires de commerce britanniques, respectivement dans l'océan Indien et dans le Sud de l'océan Pacifique{{sfn|Brézet|2002|p=79}}. Mais, ayant appris l'imminence d'une entrée en guerre du Japon contre l'Allemagne, il décida de mettre le cap à l'est et appareilla le {{date|14 août}} pour l'atoll d'[[Eniwetok]], colonie allemande depuis 1885. Il y parvint le {{date|20 août}}, et y charbonna{{sfn|Brézet|2002|p=82-84}}.

Le {{SMS|Nürnberg|1906|6}} étant habituellement le stationnaire de l'escadre devant les côtes mexicaines, en alternance avec le SMS ''Leipzig'', l'amiral von Spee lui demanda d'aller à Honolulu, dans les îles Hawaï{{sfn|Brézet|2002|p=86}},
territoire des États-Unis donc neutre, où il y aurait plus de facilités pour établir le contact avec l'{{Lien|langue=de|trad=Admiralstab|fr=Admiralstab|texte=''Admiralstab''}} (État-Major de la Marine impériale allemande), sans pour autant donner trop d'indications sur la position du gros de l'escadre. En naviguant entre possessions allemandes, celle-ci avait réussi à conserver sa position secrète. La mission du SMS ''Nürnberg'' était aussi d'organiser le ravitaillement en charbon de l'escadre pour la suite de la campagne dans le Pacifique. Il apprend alors que la colonie des [[Samoa allemandes]] a été {{Lien|langue=en|trad=Occupation of German Samoa|fr=Occupation des Samoa allemandes|texte=occupée}} par les Néo-Zélandais fin août{{sfn|Brézet|2002|p=89}}. Il rallie l'escadre le {{date|6 septembre}}, et est envoyé couper le câble télégraphique britannique, sur l'[[Tabuaeran|Île Fanning]]{{sfn|Brézet|2002|p=89-90}}.

L'amiral von Spee va alors rompre le secret sur sa position, en se présentant le {{date|14 septembre}}, devant [[Apia]], capitale des Samoa allemandes, où il constate que les forces navales qui ont permis l'occupation sont reparties depuis trois jours, mais sans qu'il puisse y rétablir durablement l'autorité allemande sur les îles, dont le gouverneur a été emmené prisonnier, ce qu'il trouve indigne{{sfn|Brézet|2002|p=90-92}}. Il décide alors de s'en prendre à la [[Polynésie française]], où se trouve, dans l'île de [[Tahiti]], à [[Papeete]], un stock de {{unité|5000|tonnes}} de charbon de bonne qualité. Mais le commandant de la canonnière ''La Zélée'' s'est efforcé de mettre le port en état de défense. Lorsque les croiseurs cuirassés allemands se présentent, le {{date|22 septembre}}, ils sont accueillis par quelques coups de canon, mais ils ont vite fait d'envoyer ''La Zélée'' par le fond. Cependant, après avoir tiré sur la ville, comme il craint que des mines aient été mouillées, et le dépôt de charbon ayant été incendié par les Français, l'amiral von Spee renonce à forcer l'entrée du port et s'éloigne{{sfn|Brézet|2002|p=92-96}} mettant le cap sur les îles Marquises et l'[[île de Pâques]]{{sfn|Brézet|2002|p=96}}.
[[Fichier:HMS Good Hope.jpg|vignette|Le HMS ''Good Hope'' dont on voit bien la batterie secondaire en casemates sur deux ponts, le pont inférieur étant très bas sur l'eau]]
Du côté britanniques, au début des hostilités, sur les côtes américaines de l'Atlantique, la priorité avait été la recherche des croiseurs corsaires allemands, [[SMS Karlsruhe (croiseur, 1912)|SMS ''Karlsruhe'']] et {{SMS|Dresden|1907|6}} dans les eaux des Caraïbes et des côtes brésiliennes et la sécurité du débouché du Canal de Panama, récemment ouvert. Pour ce faire le commandant du secteur Atlantique Sud et Indes Occidentales, le contre-amiral [[Christopher Cradock|Cradock]] dut, à la fin août, mettre sa marque sur le croiseur cuirassé {{HMS|Good Hope|1901|6}}, plus rapide que les autres croiseurs dont il disposait alors{{sfn|Patfield|1975|p=61}}. Début septembre, pour lui permettre de faire face à un passage éventuel de l'escadre du l'amiral Comte von Spee par le détroit de Magellan, l'Amirauté britannique décida de lui détacher de l'escadre de Méditerranée le croiseur cuirassé {{HMS|Defence|1907|6}}, et de la Station des Canaries et du cap Vert, le croiseur cuirassé {{HMS|Monmouth|1901|6}}, et le croiseur léger {{HMS|Glasgow|1909|6}}. Mais le raid de l'escadre de l'amiral Comte von Spee sur les Samoa et Tahiti fit penser que la menace allemande d'un passage de l'escadre d'Extrême-Orient dans l'Atlantique n'était pas imminente, et le détachement du HMS ''Defence'' fut annulé{{sfn|Patfield|1975|p=62-65}}, tandis que la recherche de l'escadre de l'amiral von Spee était réorientée vers le Pacifique ouest, pour en empêcher le passage vers l'océan indien où le trafic commercial allié était important. L'amiral Cradock effectua cependant des reconnaissances, à partir des Falklands, vers le détroit de Magellan et envoya le {{HMS|Glasgow|1909|6}} remonter les côtes chiliennes, en direction de Valparaiso. Le {{date|28 septembre}}, à Punta Arenas, il acquit la conviction que le {{SMS|Dresden|1907|6}} était passé dans le Pacifique. Avertie vers le 5 octobre par l'interception d'une communication de T.S.F. que l'amiral von Spee faisait route à l'est entre les îles Marquises et l'île de Pâques, l'Amirauté ordonna à l'amiral Cradock d'être prêt à le rencontrer{{sfn|Patfield|1975|p=66}}. Mais les principaux bâtiments de son escadre étaient inférieurs aux croiseurs cuirassés allemands. Le croiseur cuirassé {{HMS|Good Hope|1901|6}} de la {{classe|Drake|croiseur}} était armé de deux tourelles simples de [[Canon de 9,2 pouces BL Mk X|{{conversion|9.2|in|mm|0}}]] et de dix canons de {{conversion|6|in|mm|0}}, tandis que l'autre grosse unité de l'escadre, le {{HMS|Monmouth|1901|6}} portait quatorze canons de {{Lien|langue=en|trad=BL 6-inch Mk VII naval gun|fr=canon de 6 pouces Mk VII|texte={{conversion|6|in|mm|0}}}}. Le principal défaut de ces deux unités, plus anciennes de cinq ans que les croiseurs cuirassés de la {{classe|Scharnhorst|croiseur}}, était que leurs batteries secondaires de {{unité|152|mm}} était installée en casemates sur deux ponts, le pont inférieur étant si bas sur l'eau que le tir y était à peu près impossible si la mer était un tant soit peu formée. Quant aux équipages, majoritairement composés de réservistes, ils étaient loin d'avoir l'efficacité des équipages allemands{{sfn|Patfield|1975|p=71}}. Mais au lieu du {{HMS|Defence|1907|6}}, dont on n'avait pas annoncé à l'amiral Cradock qu'il ne l'aurait pas en renfort, l'Amirauté lui a envoyé un cuirassé pré-dreadnought de 1897, le {{HMS|Canopus|1897|6}}, dont les machines étaient en très mauvais état. Quittant, le 8 octobre, l'[[archipel des Abrolhos]], au large du Brésil, dont il était chargé de protéger le dépôt de charbon, le cuirassé rallia [[Stanley (îles Malouines)|Port Stanley]], dans les Îles Falklands, le 18{{sfn|Patfield|1975|p=68}}.

Dans le même temps, l'escadre allemande fut rejointe par le {{SMS|Dresden|1907|6}}, le premier croiseur de la Marine impériale allemande à être équipé de turbines. Stationnaire aux Caraïbes, il avait fait la chasse au commerce britannique jusqu'au large du [[Río de la Plata|Rio de la Plata]], puis avait, à la mi-septembre, reçu de l'Admiralstab l'ordre « d'opérer avec le SMS ''Leipzig''» et se trouvait depuis la fin septembre au large de Coronel{{sfn|Brézet|2002|p=99-103}}. Ayant atteint, le 12 octobre, l'île de Pâques, possession chilienne, où la nouvelle de la guerre n'était pas encore parvenue, l'escadre allemande fut ralliée, le 14 octobre, par le [[SMS Leipzig (1905)|SMS ''Leipzig'']], qui, depuis le mois de septembre, faisait la guerre au commerce entre la côte occidentale du Mexique et les îles péruviennes des Galapagos{{sfn|Brézet|2002|p=103-110}}.

===== La bataille de Coronel =====
{{Article détaillé|Bataille de Coronel}}
Comme on lui avait indiqué que le {{HMS|Canopus|1897|6}} ne pouvait dépasser {{nb|12 nœuds}}, l'amiral Cradock demanda quand le HMS ''Defence'' le rallierait, et indiqua qu'il comptait passer dans le Pacifique, suggérant également qu'une force fût prête à s'opposer à la progression dans l'Atlantique de l'escadre allemande, le long des côtes d'Amérique du Sud, si elle parvenait à y déboucher, après ou sans combat{{sfn|Patfield|1975|p=66}}. Mais le Premier Lord de la Mer, l'amiral [[Louis de Battenberg|Prince de Battenberg]], dont l'idée était d'utiliser le HMS ''Canopus'' « comme une citadelle, auprès de laquelle les croiseurs pourraient trouver une absolue sécurité », considérait que le HMS ''Canopus'' était « un renforcement suffisant ». L'Amirauté signala donc à l'amiral Cradock que le HMS ''Defence'' rallierait les navires chargés, aux ordres du contre-amiral Stoddart, d'assurer la sécurité des côtes sud-américaines, au large du Rio de la Plata{{sfn|Patfield|1975|p=69}}. L'amiral Cradock appareilla le {{date|22 octobre}} pour passer le Cap Horn, avec ses deux croiseurs cuirassés, le croiseur léger {{HMS|Glasgow|1909|6}}, et le croiseur auxiliaire {{HMS|Otranto}}, confiant au HMS ''Canopus'' la garde de ses charbonniers ravitailleurs. Il laissait une lettre à remettre, si son escadre venait à disparaitre, et lui aussi, à l'amiral [[Hedworth Meux|sir Hedworth Meux]], [[Commander-in-Chief, Portsmouth|commandant-en-chef à Portsmouth]], héros de la guerre contre les [[Seconde guerre des Boers|Boers]], lorsqu'il commandait le croiseur protégé {{HMS|Powerful|1895|6}}. Persuadé qu'il ne pourrait face à l'escadre du Comte von Spee sans le renfort d'un navire rapide et puissant, et comme l'Amirauté lui avait indiqué qu'il aurait à faire sans, il se disait décidé à refuser de subir le sort de l'amiral Troubridge qui allait passer début novembre en cour martiale pour avoir refusé d'affronter l'escadre de l'amiral Souchon, en Méditerranée en août{{sfn|Patfield|1975|p=68-69}}.
[[Fichier:HMSMonmouth.jpg|vignette|Le croiseur cuirassé HMS ''Monmouth'' n'avait pas de canons d'un calibre supérieur à {{unité|6|pouces}} ({{unité|152|mm}})]]

Le {{date|26 octobre}}, l'escadre allemande se trouvait devant l'île chilienne de [[Île Alejandro Selkirk|Mas a Fuera]], en route pour [[Coronel (Chili)|Coronel]] où avait été signalé le HMS ''Glasgow''. Le 27, le Prince de Battenberg dut remettre sa démission de Premier Lord de la Mer, parce que l'opinion britannique supportait mal que le plus haut responsable de la Royal Navy soit un prince allemand. Le lendemain, le {{HMS|Defence|1907|6}} reçut l'ordre d'appareiller en renfort de l'escadre de l'amiral Cradock, à qui il était enjoint de ne pas affronter l'escadre allemande sans le soutien du HMS ''Canopus'', instruction réitérée après que le consul du Royaume-Uni à Valparaiso a signalé, le {{date|1 novembre}}, la présence, au large, de l'escadre du comte von Spee. Mais Winston Churchill a noté :« Nous étions déjà en train de parler dans le vide »{{sfn|Patfield|1975|p=70}}.

Le 31 octobre, la présence du {{HMS|Glasgow|1909|6}} dans le port de Coronel a été signalée à l'amiral von Spee, dont l'escadre se rapproche cap au sud. Comme l'écoute des communications de ce qu'il pense être le SMS ''Leipzig'' a conduit le commandant du croiseur britannique à penser que l'ennemi est proche, il quitte Coronel le {{1er}} novembre au matin, et rejoint à midi l'escadre de l'amiral Cradock qui arrive cap au nord, pour rechercher le SMS ''Leipzig'', mais ne sachant quel adversaire il y a en face, l'escadre allemande au complet, ou seulement des croiseurs légers, les croiseurs cuirassés faisant route vers Panama{{sfn|Patfield|1975|pp=72-73}}.

Vers {{heure|16|30}}, l'escadre allemande aperçoit les navires britanniques et met à {{nb|20 nœuds}}, tandis que l'escadre britannique se replie. Ce faisant, il est clair que le croiseur auxiliaire {{HMS|Otranto}}, qui ne peut dépasser {{nb|16 nœuds}} et ne porte que des canons de {{Lien|langue=en|trad=QF 4.7-inch Gun Mk I–IV|fr=canon de 4,7 pouces MK I-IV|texte=120 mm}}, va se trouver en très mauvaise position. Peu après {{heure|17}}, l'amiral Cradock décide de faire front avec ses croiseurs cuirassés, pour permettre au croiseur léger HMS ''Glasgow'' et au croiseur auxiliaire {{HMS|Otranto}} de s'échapper. L'escadre allemande va alors s'efforcer de garder ses distances, jusqu'au coucher du soleil, moment où les bâtiments anglais, à l'ouest, se détacheront sur le soleil couchant, tandis que les navires allemands, à l'est, seront dans la pénombre. Les croiseurs cuirassés allemands ouvrent le feu vers {{heure|18|50}}, leur tir est précis, la tourelle avant de {{unité|234|mm}} du {{HMS|Good Hope|1901|6}} est mise très vite hors de combat. En s'efforçant de rester hors de portée des canons de {{unité|152|mm}} des croiseurs cuirassés britanniques, dont la batterie basse est très gênée par la mer fort agitée, et dont les efforts pour réduire la distance ne font que rendre le tir allemand plus précis, ils accablent le {{HMS|Monmouth|1901|6}} et le réduisent au silence. Peu avant {{heure|20}}, le HMS ''Good Hope'', sans doute déchiré par des explosions de soutes, disparait avec tout son équipage et l'amiral Cradock. Le HMS ''Glasgow'', qui n'a subi que des dégâts légers, est pris sous le feu du [[SMS Gneisenau (1906)|SMS ''Gneisenau'']], et constatant qu'il n'y a plus rien à faire pour le HMS ''Monmouth'', abandonne le champ de bataille et met cap au sud. Le HMS ''Monmouth'' disparait à son tour, corps et biens vers {{heure|21|30}}. L'escadre allemande recherche alors, sans résultat, le HMS ''Glasgow'', qui était encore capable de filer {{nb|24 nœuds}}. À {{heure|22|15}}, l'amiral von Spee, qui pense qu'un cuirassé britannique, qu'il croit de la classe {{HMS|Queen|1902|2}}, est à proximité, arrête la poursuite et met cap au nord vers [[Valparaíso]].

La '''[[bataille de Coronel]]''' est une écrasante victoire allemande, les pertes humaines britanniques (plus de {{nombre|1600|hommes}}) sont considérables, pour {{nb|3 blessés}} allemands. Mais, pour venir à bout de deux navires qui leur étaient inférieurs, les croiseurs cuirassés allemands, malgré la précision de leur tir, ont utilisé 43 % de leurs munitions, sans espoir de réapprovisionnement, alors qu'ils vont avoir à affronter des forces bien plus impressionnantes encore.

===== La bataille des Falklands =====
{{Article détaillé|Bataille des Falklands}}
[[Fichier:Ostasiengeschwader Graf Spee in Chile.jpg|vignette|gauche|Les SMS ''Scharnhorst'' et ''Gneisenau'' quittent Valparaiso le 3 novembre, avec au premier plan, des croiseurs chiliens]]
Le {{date|3 novembre}}, l'amiral comte von Spee, sur le {{SMS|Scharnhorst}}, avec le [[SMS Gneisenau (1906)|SMS ''Gneisenau'']], et le {{SMS|Nürnberg|1906|6}}, est accueilli à Valparaiso, par une importante communauté allemande en liesse, mais il se montre pessimiste sur son avenir. L'escadre allemande regagne alors l'île Mas a Fuera, et les nouvelles qui lui parviennent sont mauvaises. La concession allemande de Tsingtao, [[Siège de Tsingtao|assiègée]] depuis le {{date|23 août}}, s'est rendue aux Japonais le {{date|7 novembre}}, et le [[SMS Emden (1908)|SMS ''Emden'']], qui a arraisonné {{nb|30 navires}} de commerce, bombardé les réservoirs de pétrole de [[Chennai|Madras]], le jour où l'escadre de Von Spee attaquait Tahiti, réussi brillamment un [[Combat de Penang|raid sur Penang]], le {{date|28 octobre}}, a été détruit, par le {{Lien|langue=en|trad=HMAS Sydney (1912)|fr=HMAS Sydney (1912)|texte=HMAS ''Sydney''}} lors d'une [[Combat des îles Cocos|attaque des îles Cocos]], le {{date|9 novembre}}. L'escadre allemande reprend sa route au sud, le long de la côte chilienne du Pacifique, elle relâche à Bahia San Quintin pour une cérémonie de remise de {{nb|300 Croix de Fer}}, puis continue vers le Cap Horn, sans encombre, car il n'y a plus aucune force britannique dans les eaux du Pacifique au large du Chili.
[[Fichier:HMSInflexibleQ 039249.jpg|vignette|Le HMS ''Inflexible'' était l'un des deux croiseurs de bataille envoyés affronter l'escadre de l'amiral Comte von Spee]]
En effet, le HMS ''Glasgow'' a rallié le [[Classe Canopus|HMS ''Canopus'']], qui se trouvait à {{nb|300 nautiques}} au sud du champ de [[bataille de Coronel]] et se traine à {{nb|9 nœuds}}. Ils parviendront à Port Stanley, le {{date|6 novembre}}, où, compte tenu de l'état de ses machines, le HMS ''Canopus'' sera échoué dans le port, pour l'utiliser en batterie côtière. Mais sitôt connu le résultat de la bataille, l'Amirauté britannique ordonne à tous les navires se trouvant dans l'Atlantique Sud de rallier les récifs Abrolhos. L'amiral Cradock avait en effet laissé les croiseurs cuirassés {{HMS|Cornwall|1902|6}}, [[Classe Devonshire|''Carnarvon'']] et {{HMS|Kent|1901|2}} et le croiseur léger {{HMS|Bristol|1910|6}} aux ordres du contre-amiral Stoddart pour intercepter l'escadre de l'amiral von Spee, s'il réussissait à déboucher dans l'Atlantique. Quant au {{HMS|Defence|1907|6}}, il n'est pas allé au-delà de [[Montevideo]], où il est arrivé le {{date|3 novembre}}, pour y apprendre la défaite de Coronel. Tous devront attendre les deux croiseurs de bataille, {{HMS|Invincible|1907|6}} et son sister-ship, [[Classe Invincible (croiseur)|HMS ''Inflexible'']] que l'amiral Fisher, rappelé comme Premier Lord de la Mer, a décidé d'envoyer dans l'Atlantique Sud, aux ordres du vice-amiral [[Doveton Sturdee|Sturdee]], qui a été désigné comme {{Lien|langue=en|trad=South Atlantic Station|fr=Commandement Atlantique Sud de la Royal Navy|texte=commandant-en-chef pour l'Atlantique Sud et le Pacifique}}.
[[Fichier:HMS Canopus news mimic.jpg|vignette|Le cuirassé pré-dreadnought HMS ''Canopus'' a joué le rôle d'une batterie côtière lors de la bataille des Falklands]]
Les deux croiseurs de bataille, après une semaine de préparatifs à [[Portsmouth]], appareillent le {{date|11 novembre}}, et se dirigent, à {{nb|10 nœuds}}, car il faut économiser le combustible pour cette longue traversée transatlantique, vers le point de ralliement des Récifs Abrolhos, où ils arrivent le {{date|26 novembre}}. Ils en repartent, le 28, vers les îles Falkland. Ils y arrivent le {{date|7 décembre}}. Pendant ce temps, l'escadre allemande a franchi le cap Horn le {{date|26 novembre}}, puis relâché devant l'[[île Picton]], où elle fait le plein de charbon, depuis un charbonnier britannique qui a été arraisonné. L'amiral von Spee, qui a reçu (ou à qui les services secrets britanniques auraient fait transmettre) un renseignement selon lequel il n'y a pas de navire de guerre britannique en rade de Port Stanley, ce qui est vrai au moins pour une bonne partie du mois de {{date|novembre 1914}}, décide de faire un raid sur les îles Falkland, pour y détruire la station radio et le stock de charbon, et sans doute aussi y faire prisonnier le gouverneur, en représailles de ce qu'a subi le gouverneur des Samoa allemandes. Il impose ce point de vue à certains de ses commandants de grandes unités, comme le capitaine Maerker du [[SMS Gneisenau (1906)|SMS ''Gneisenau'']], qui préfèreraient essayer de se perdre sans délai dans l'immensité de l'océan Atlantique.
[[Fichier:HMS Infexible Falklandy.jpg|vignette|gauche|Des croiseurs coulés aux batailles de Coronel et des Falklands, seuls réchapperont 200 marins du SMS ''Gneisenau'' qu'on voit ci-dessus recueillis par le HMS ''Inflexible'']]
Lorsque le [[SMS Gneisenau (1906)|SMS ''Gneisenau'']] et le {{SMS|Nürnberg|1906|6}} se présentent, le {{date|8 décembre}} au matin devant [[Stanley (îles Malouines)|Port Stanley]], ils repèrent les mats tripodes caractéristiques des croiseurs de bataille, qui sont en train de charbonner auprès du célèbre SS ''[[Great Britain]]'', qui après avoir été le premier navire en fer et à hélice et le plus long paquebot du monde dans les années 1843-1854, achève sa carrière comme dépôt de charbon, tandis que certains croiseurs ont commencé des réparations de leurs machines. Mais les navires allemands essuient le feu des canons de {{unité|305|mm}} du HMS ''Canopus'', échoué et camouflé, et dont le tir est réglé par des vigies installées à terre. N'ayant pas conscience qu'il a surpris l'ennemi, l'amiral Von Spee met aussitôt le cap sur le large, sachant que les croiseurs de bataille le surpassent en armement et en vitesse. L'escadre britannique quitte son mouillage une heure plus tard, avec 15 nautiques de retard.

Après trois heures de poursuite par beau temps clair, les croiseurs de bataille britanniques parviennent à portée des navires allemands, et un scénario analogue à celui de la bataille de Coronel se reproduit : vers {{heure|13|20}}, l'amiral allemand qui se sait surclassé, fait front avec ses navires les plus puissants, les deux croiseurs cuirassés de la {{classe|Scharnhorst|croiseur}} pour permettre à ses croiseurs légers d'essayer de s'échapper. Il essaie de réduire la distance avec ses adversaires pour les avoir à portée de ses canons, mais le tir, fût-il précis, des canons de {{unité|210|mm}} est de peu d'effet sur des ceintures cuirassées de {{unité|152|mm}}. L'amiral anglais essaie au contraire de rester hors de portée des canons de {{unité|210|mm}}, en profitant de l'allonge de ses canons de {{unité|305|mm}}.

Après quinze impacts d'obus de {{unité|305|mm}}, le {{SMS|Scharnhorst}}, en feu, gite fortement puis chavire, vers 16h20. Il disparaît avec tout son équipage et l'amiral Comte von Spee, dont les derniers messages au [[SMS Gneisenau (1906)|SMS ''Gneisenau'']] sont « Vous aviez raison », au sujet de l'opportunité du raid sur les îles Falkland, et « Essayez de vous échapper si vos machines sont encore intactes ». Mais les chaudières du SMS ''Gneisenau'' ont été touchées, sa vitesse ne peut dépasser {{nb|16 nœuds}}. Peu avant {{heure|18}}, en feu et immobilisé, ses munitions épuisées, le croiseur cuirassé allemand baisse pavillon et son équipage le saborde. {{nb|200 hommes}} réchappent au naufrage. Il ne reste plus, pour les croiseurs britanniques qu'à régler le sort des croiseurs légers. Le {{SMS|Nürnberg|1906|6}} est coulé par le {{HMS|Kent|1901|6}}, vers {{heure|19|30}}, le SMS ''Leipzig'' par le {{HMS|Cornwall|1902|6}}, et le {{HMS|Glasgow|1909|6}}, vers {{heure|21|30}}. Seul le {{SMS|Dresden|1907|6}} réussit à prendre le large, mais il ne va pas tenter de regagner l'Allemagne, et restera dans les eaux chiliennes. Ses machines en panne, il sera coulé par le {{HMS|Kent|1901|6}} et le {{HMS|Glasgow|1909|6}}, au large de [[île Robinson Crusoe|Mas a Tierra]], en {{date|mars 1915}}.

La victoire britannique des Falklands est encore plus complète que la victoire allemande de Coronel, l'honneur et l'orgueil de la Royal Navy sont saufs, et la réputation des croiseurs de bataille est faite.

==== Les chevauchées fantastiques de Sir David Beatty ====
[[Fichier:HMS Lion (Lion-class battlecruiser).jpg|vignette|Le croiseur de bataille HMS ''Lion'' a été le navire amiral du vice-amiral Beatty, tant qu'il a commandé les croiseurs de bataille britanniques]]
Au début de la guerre de 1914, au sein de la Grande Flotte (''[[Grand Fleet]]'') britannique, les croiseurs de bataille les plus récents, de la {{classe|Lion|croiseur de bataille}}, constituent la {{1re}} escadre de croiseurs de bataille, aux ordres du vice-amiral Sir [[David Beatty]], ceux de la {{classe|Indefatigable}}, la {{2e|escadre}} de croiseurs de bataille, et ceux de la {{classe|Invincible|croiseur}}, la {{3e|escadre}} de croiseurs de bataille. Du côté allemand, tous les « grands croiseurs », à l'exception du {{SMS|Goeben}}, intégré dans la Marine turque, constituent le [[I. Aufklärungsgruppe|{{1er}} groupe de reconnaissance]] de la flotte de haute mer (''[[Hochseeflotte]]''), aux ordres du vice-amiral [[Franz von Hipper|Hipper]]. Ces deux forces vont avoir l'occasion de s'affronter plusieurs fois en mer du Nord.

===== La bataille de la baie d'Héligoland =====
{{Article détaillé|Bataille de Heligoland (1914)}}

La première rencontre, avortée, la [[Bataille de Heligoland (1914)|'''bataille de Héligoland''']], eut lieu fin {{date|août 1914}}, près de cette île autrefois danoise, occupée après 1808 par le Royaume-Uni, que l'Empire allemand avait acquise, par un [[traité Heligoland-Zanzibar|traité]] de 1890, en compensation de concessions faites au Royaume-Uni en Afrique Orientale.
[[Fichier:HMS Arethusa (1913).jpg|vignette|Dans la baie de Héligoland, le commodore Tyrwhitt sur le HMS ''Arethusa'' (ci-dessus) se retrouve en difficulté face aux croiseurs légers allemands]]
Le [[Commodore (Royal Navy)|commodore]] [[Reginald Tyrwhitt|Tyrwhitt]], commandant la [[Force de Harwich]] et le commodore [[Roger John Brownlow Keyes|Keyes]], commandant de la flottille de sous-marins de Harwich, ont convaincu l'Amirauté de surprendre, le 28 août à l'aube, la patrouille quotidienne de destroyers allemands, et ses croiseurs d'escorte. L'attaque britannique initiale de la Force de Harwich menée par le très récent croiseur {{HMS|Arethusa|1913|6}}, fut contrée par les croiseurs légers allemands, {{SMS|Frauenlob|1902|6}} et [[SMS Stettin|''Stettin'']], envoyés en renfort par le vice-amiral Hipper, dont les grands bâtiments sont immobilisés en [[baie de Jade]] par la marée basse. Mais il y a eu de la confusion dans la détermination des forces britanniques de couverture, l'amiral Jellicoe, ayant détaché de la ''Grand Fleet'', aux ordres du vice-amiral Beatty, cinq croiseurs de bataille et les six croiseurs légers de la {{1re}} escadre de croiseurs légers du commodore [[William Goodenough|Goodenough]], sans que le commodore Tyrwhitt ait pu en être prévenu, ce qui va le conduire à prendre pour ennemis les renforts qui lui sont dépêchés. Dans la mêlée confuse qui s'ensuit, le {{SMS|Mainz}} est torpillé et coulé, mais le commodore Tyrwhitt, qui se trouve en difficulté face aux croiseurs {{SMS|Strassburg}}, [[SMS Cöln (1909)|''Cöln'']] et [[SMS Ariadne (1900)|''Ariadne'']] demande des renforts. Sans hésiter, sans crainte des mines, ni des grands bâtiments du vice-amiral Hipper, dont la marée montante va rendre possible l'appareillage, le vice-amiral Beatty accourt, avec ses cinq croiseurs de bataille, qu'un participant a comparés à « des éléphants marchant au milieu d'une meute de chiens ». Le {{SMS|Cöln|1909|2}}, où l'amiral [[Leberecht Maass]] avait sa marque, est envoyé par le fond ainsi que l'[[SMS Ariadne (1900)|''Ariadne'']]. L'amiral Beatty a le mot de la fin : « Les bateaux allemands sont au fond, nous sommes les vainqueurs ».
[[Fichier:SMS Coeln.jpg|vignette|gauche|L'intervention des croiseurs de bataille britanniques envoie par le fond les SMS ''Cöln'' (ci-dessus) et ''Ariadne''.]]
Cette bataille est caractéristique de la fougue, si ce n'est de la témérité, de l'amiral Beatty dans la conduite des croiseurs de bataille, mais elle a aussi pour conséquence de porter un coup au moral de la flotte allemande dont trois croiseurs ont été coulés à proximité immédiate de sa principale base, et à renforcer l'ascendant moral de la Royal Navy. Elle contribue aussi à « museler », selon la formule de Winston Churchill, la Marine impériale allemande, qui se voit contrainte d'avoir l'assentiment de l'empereur, avant toute action décisive. Pour autant, du côté britannique, on ne prend pas la mesure des déficiences, dans la conception des actions, ni dans leur conduite, notamment en matière de communications.

Mais la Royal Navy ayant fait le choix d'un blocus éloigné, en concentrant ses forces dans ses bases du nord de l'Écosse, la stratégie de la Marine impériale allemande ne sera pas de rechercher un choc décisif de la ''Hochseeflotte'' avec la ''Grand Fleet'', choc où la première courrait le plus grand risque d'être dominée, sinon annihilée par la seconde. L'idée de manœuvre allemande, pendant le temps où l'amiral [[Friedrich von Ingenohl|von Ingenohl]] est à la tête de la ''Hochseeflotte'', est plutôt d'essayer d'attirer les unités britanniques les plus rapides dans une sorte de guet-apens, où les « grands croiseurs » allemands du [[I. Aufklärungsgruppe|{{1er}} groupe de reconnaissance]] joueraient le rôle d'appas, pour amener les croiseurs de bataille britanniques à portée des cuirassés de la ''Hochseeflotte'', tout en restant hors de portée des cuirassés de la ''Grand Fleet''.

===== La bataille du Dogger Bank =====
{{Article détaillé|Bataille de Dogger Bank}}
L'amiral Hipper va donc conduire, au cours du mois de {{date|décembre 1914}}, deux raids pour bombarder des villes de la côte est de l'Angleterre sur {{Lien|langue=en|trad=Raid on Yarmouth|fr=Raid sur Yarmouth|texte=Yarmouth}} le {{date|3 décembre}}, sur {{Lien|langue=en|trad=Raid on Scarborough, Hartlepool and Whitby|fr=Raid sur Scarborough, Hartlepool et Whitby|texte=Scarborough, Hartlepool et Whitby}} le {{date|16 décembre}}, qui n'aboutissent pas à des rencontres entre grands bâtiments, mais il y a eu, lors du second raid, plus de {{nombre|130|civils}} tués et près de {{nombre|600|blessés}}, et l'opinion britannique est profondément irritée contre les Allemands, ce qui vaut à l'amiral Hipper le surnom de « tueur de bébés », et contre l'inefficacité de la {{lang|en|Royal Navy}} jugée incapable de protéger les populations civiles.
[[Fichier:German battlecruiser SMS Seydlitz in port c1913.jpg|vignette|gauche|Au début de 1915, l'amiral Hipper avait sa marque sur le SMS ''Seydlitz''. À la bataille du Dogger Bank, il eut les deux tourelles arrière détruites et échappa de peu à la destruction totale.]]
Pourtant, le {{date|16 décembre}}, on est passé très près d'un engagement majeur. La ''Hochseeflotte'' était à la mer, en appui de ses « grands croiseurs », l'Amirauté britannique était au courant du raid projeté, car les codes de la Marine impériale allemande lui étaient [[SMS Magdeburg|connus]], quatre croiseurs de bataille anglais et six cuirassés avaient été dépêchés pour intervenir, et les croiseurs britanniques ont repéré la ''Hochseeflotte'', au petit matin. Mais l'amiral von Ingenohl, qui la commandait, avait omis de demander l'accord de l'empereur, il a craint de s'être engagé inconsidérément, et a préféré reprendre le chemin de ses bases, avec ses {{nombre|22|cuirassés}}. Les navires de l'amiral Hipper, qui ont effectué, à l'heure prévue, leur mission de bombardement, et ont essuyé le feu de batteries côtières alertées (le {{SMS|Blücher|1908|6}}, qui a été intégré au [[I. Aufklärungsgruppe|{{1er|groupe}} de reconnaissance]], a été touché), se sont alors rendu compte qu'ils n'avaient plus de couverture. Mais le mauvais temps et les erreurs de transmission entre les bâtiments britanniques ont permis à l'escadre de l'amiral Hipper de réussir à passer, de peu, au travers des mailles du filet et à regagner sa base sans autres dommages.

[[Fichier:TigerSP1674.png|vignette|Le HMS ''{{lang|en|Tiger}}'', qui venait de rallier la {{1re|escadre}} de croiseurs de bataille, a eu, au Dogger Bank, un tir très imprécis.]]
Un mois plus tard, le {{SMS|Von der Tann}} étant en cale sèche pour maintenance, le {{1er|groupe de reconnaissance}}, constitué des {{SMS|Seydlitz}}, navire amiral du vice-amiral Hipper, {{SMS|Moltke|1910|2}}, {{SMS|Derfflinger||2}} et {{SMS|Blücher|1908|2}}, accompagné du [[II. Aufklärungsgruppe|{{2e|groupe}} de reconnaissance]] ({{nombre|4|croiseurs}} légers) et de deux flottilles de torpilleurs, appareille le {{date|23 janvier 1915-}} pour un raid contre les bateaux de pêche britanniques du [[Dogger Bank]], que les Allemands soupçonnent d'espionner leurs mouvements de navires. Mais, l'[[Room 40|Amirauté britannique]] qui a cassé les codes allemands, a détaché pour les intercepter la {{1re|escadre}} de croiseurs de bataille du vice-amiral Beatty, (les {{HMS|Lion|1910|6}}, {{HMS|Tiger|1913|2}} et {{HMS|Princess Royal|1911|2}}), la {{2e|escadre}} ({{HMS|New Zealand|1911|6}} et {{HMS|Indomitable|1907|6}}), la {{2e|escadre}} de Croiseurs Légers et la Force de Harwich, ainsi que {{nombre|35|destroyers}}.
[[Fichier:SMS Blücher.PNG|vignette|gauche|Le croiseur cuirassé SMS ''Blücher'' dans l'escadre de « grands croiseurs » de l'amiral Hipper.]]
À {{heure|7|30}} du matin le {{date|24 janvier}}, par un temps d'une visibilité exceptionnelle, alors que les croiseurs légers [[SMS Kolberg|SMS ''Kolberg'']] et {{HMS|Aurora|1913|6}} sont au contact, les fumées de plusieurs grands bâtiments sont repérées dans le nord-ouest par le {{SMS|Stralsund}}. Le vice-amiral Hipper met aussitôt cap au sud-est, vers les bases de la [[Baie Allemande|Baie allemande]]. Le vice-amiral Beatty, dont les forces sont supérieures, appuie chasse à {{nombre|27|nœuds}} et il gagne sur les Allemands, dont la vitesse de {{nombre|23|nœuds}} est dictée par celle du SMS ''Blücher''. Peu avant {{heure|9}}, le {{HMS|Lion|1910|6}} ouvre le feu, à une distance de {{nombre|18000|mètres}}, les autres navires suivent, dès qu'ils sont à portée, car la {{2e|escadre}} de Croiseurs de Bataille s'est trouvée un peu distancée. Les Allemands ripostent vers {{heure|9|10}}, quand la distance s'est réduite, car ils ont une portée un peu inférieure. Le feu des navires britanniques se concentre, par suite d'une erreur dans la désignation des cibles, sur le {{SMS|Seydlitz}} en tête de la formation allemande, depuis les {{HMS|Lion|1910|6}} et {{HMS|Tiger|1913|2}}, et depuis la {{2e|escadre}} de croiseurs de bataille sur le SMS ''Blücher'', en queue, dans ce cas en exécution des ordres du vice-amiral Beatty. Très vite, Le {{HMS|Lion|1910|6}} et le {{SMS|Seydlitz}} sont touchés, sans conséquences, et le SMS ''Blücher'' est encadré.
[[Fichier:Indomitable.jpg|vignette|Sur le HMS ''Indomitable'' (ci-dessus), un signal du vice-amiral Beatty mal interprété aboutit à laisser échapper les plus gros navires allemands, et à s'acharner sur le SMS ''Blücher'' déjà endommagé.]]
À {{heure|9|40}}, un obus du {{HMS|Lion|1910|6}} perce la barbette de la tourelle arrière du {{SMS|Seydlitz}} enflammant les gargousses qui étaient en train d'être chargées. L'explosion détruit la tourelle et se communique, par une porte qui aurait dû être fermée, à la tourelle voisine, qui est aussi détruite. {{nombre|150|servants}} de ces tourelles sont tués. L'ordre de noyer les soutes, exécuté par un officier marinier qui mourra de ses blessures, sauve le navire d'une perte totale. La ''[[Kriegsmarine]]'' donnera son nom ''{{Lien|langue=en|trad=Wilhelm Heidkamp|fr=Wilhelm Heidkamp}}'' à un destroyer.
[[Fichier:Bluecher sinkend.jpg|vignette|gauche|Plus des deux tiers de l'équipage du SMS ''Blücher'' disparait avec le croiseur cuirassé allemand.]]
Bientôt les coups pleuvent sur le {{HMS|Lion|1910|6}}, qui sera touché {{nombre|14|fois}}, et sur le SMS ''Blücher''. À {{heure|10|20}}, touché dans ses machines par plusieurs obus de {{unité|305|mm}} du {{SMS|Derfflinger||6}}, le {{HMS|Lion|1910|6}} commence à se trouver à la traine. À {{heure|10|30}}, le SMS ''Blücher'', aussi touché dans ses machines, par un obus du {{HMS|Princess Royal|1911|6}}, voit sa vitesse réduite à {{nombre|17|nœuds}}, et se trouve distancé par les autres grands bâtiments allemands. À {{heure|10|40}}, la tourelle avant du {{HMS|Lion|1910|6}} est détruite, mais le feu est rapidement circonscrit. Encore touché dans ses machines, la moitié des moteurs en panne, le navire-amiral britannique ne peut bientôt plus dépasser {{nombre|15|nœuds}}. Le vice-amiral Beatty signale au HMS ''Indomitable'', le moins rapide de ses croiseurs de bataille d'intercepter le SMS ''Blücher''. Peu après, pour éviter un sous-marin qu'on croit avoir repéré à tribord, le vice-amiral Beatty ordonne une abattée de 90° sur la gauche. Alors que les générateurs électriques sont tous en panne et empêchent d'utiliser la radio, l'amiral fait signaler par drapeaux « Course NE » puis immédiatement après « Engagez l'ennemi par l'arrière », pensant désigner ainsi les navires, endommagés que l'amiral Hipper s'efforce de sauver, après s'être résigné à abandonner le SMS ''Blücher'' à son sort. Mais l'amiral commandant la {{2e|escadre}} de croiseurs de bataille, sur le {{HMS|New Zealand|1911|6}}, et qui assure momentanément le commandement des forces britanniques car l'amiral Beatty en est empêché sur son navire immobilisé et distancé, croit comprendre que c'est le SMS ''Blücher'', qui se trouve au Nord-est, qu'il faut engager, et arrête la poursuite des navires de l'amiral Hipper.

Le SMS ''Blücher'' devient alors la cible de tous les navires britanniques. Lorsque l'amiral Beatty, qui a quitté le {{HMS|Lion|1910|6}} réussit à rejoindre le {{HMS|Princess Royal|1911|6}}, à {{heure|12|20}}, il est trop tard, les navires de l'amiral Hipper ne peuvent plus être rejoints. Le SMS ''Blücher'' résistera jusque que vers {{heure|13|30}}, et le sauvetage de son équipage (il y eut près de 70 % de pertes) sera perturbé par l'attaque d'un Zeppelin et d'un avion qui croient que les navires britanniques sont en train de secourir un des leurs. Le {{HMS|Lion|1910|6}} rentra au port en deux jours, en remorque du HMS ''Indomitable'', pour quatre mois de réparations.

La bataille du Dogger Bank fut incontestablement une défaite allemande, l'empereur allemand ne s'y trompa pas, qui remplaça, le {{date|2 février 1915-}} l'amiral von Ingenohl, par l'amiral [[Hugo von Pohl|von Pohl]] à la tête de la ''Hochseeflotte''. Les Allemands ont compris que la {{lang|en|Royal Navy}} était avertie des sorties des grands navires allemands, et l'imputèrent à des espions, sans penser que leurs codes avaient pu être cassés. Ils ont en revanche pris conscience des insuffisances de la sécurité dans la manipulation des munitions, qui avaient failli causer la perte du {{SMS|Seydlitz}}, et adopté des mesures et règles d'emploi pour y remédier.

La {{lang|en|Royal Navy}} ne se livra pas à un tel examen, à la suite de la destruction de la tourelle avant du {{HMS|Lion|1910|6}}, car l'incident fut bien moins grave : il n'y eut qu'un seul tué. On continuera donc à privilégier la cadence de tir des pièces lourdes (jusqu'à trois coups par minute), au détriment de la sécurité dans la manipulation et le stockage des munitions, et de la précision du tir (à la bataille du Dogger Bank, le {{HMS|Lion|1910|6}} a mis au but 0,7 % des obus qu'il a tirés). Elle en paiera le prix fort au Jutland. Mais ces défauts étaient en quelque sorte consubstantiels au commandement de l'amiral Beatty. Or, après le Dogger Bank, celui-ci avait le vent en poupe. En {{date|février 1915}}, la place des croiseurs de bataille est modifiée dans l'ordre de bataille : les trois escadres de croiseurs de bataille sont rassemblées dans une flotte des croiseurs de bataille (''{{lang|en|Battlecuiser Fleet}}''), dont le commandement lui est attribué. Le commodore {{Lien|langue=en|trad=Osmond Brock|fr=Osmond Brock|texte=Osmond de Beauvoir Brock}} prend le commandement de la {{1re|escadre}}. Dans sa nouvelle position, le vice-amiral Beatty a une plus grande autonomie par rapport au commandant de la ''{{lang|en|Grand Fleet}}'', l'amiral Jellicoe, spécialiste de l'artillerie navale, et chaud partisan d'un entrainement intensif au tir.

Les erreurs dans la transmission des signaux, au cours des sorties de {{date|décembre 1914}} et {{date|janvier 1915}}, auraient dû être aussi un objet de préoccupation, mais ce serait par un choix personnel de l'amiral Beatty que le lieutenant Ralph Seymour se trouve officier de transmissions sur le {{HMS|Lion|1910|6}}, plus pour ses relations mondaines que pour ses compétences. {{citation|Il m'a coûté trois batailles}} concédera Sir David Beatty.

Enfin, des deux côtés, on ne prit pas la mesure du fait que l'emploi de certains grands bâtiments demandait quelques précautions : du côté de la {{lang|en|Royal Navy}}, les croiseurs de bataille qui avaient une force de frappe considérable, n'avaient pas une capacité d'encaisse suffisante. Ainsi, la ceinture cuirassée de {{conversion|9|in|mm|0}} d'épaisseur du {{HMS|Lion|1910|6}} fut percée à plusieurs reprises par des obus de 280 ou {{unité|305|mm}}, inondant des compartiments sensibles, ce qui finit par immobiliser le bâtiment. Du côté de la Marine impériale allemande, le SMS ''Blücher'' n'aurait jamais dû être intégré dans la ligne de bataille du {{1er|groupe de reconnaissance}}, mais il aurait eu toute sa place, en soutien des croiseurs légers du {{2e|groupe de reconnaissance}}. Mais la leçon ne portera pas : avant la bataille du Jutland, l'amiral Scheer accordera à l'amiral Mauve d'aligner dans la ''Hochseeflotte'' les six pré-dreadnoughts de la {{2e|escadre}} de bataille, qui n'avaient pas plus leur place dans la ligne de bataille, face à des dreadnoughts.

===== La bataille du Jutland =====
{{Article détaillé|Bataille du Jutland}}
[[Fichier:HMS Queen Elizabeth Lemnos 1915 AWM H12931 clipped.jpeg|vignette|Le cuirassé HMS ''Queen Elizabeth'', ici en 1915 en Mer Egée, avait été présenté comme une esquisse de cuirassé rapide]]
On a vu qu'en novembre 1914, les croiseurs de bataille de la flotte britannique de Méditerranée ont bombardé les forts turcs des Dardanelles. Lorsque la tentative de {{Lien|langue=en|trad=Naval operations in the Dardanelles Campaign#The Battle of March 18|fr=Opérations navales dans la campagne des Dardanelles#la bataille du 18 mars|texte=forcement des Dardanelles}} se précise, à la suite d'une demande d'assistance de la Russie, ce sont le cuirassé [[classe Queen Elizabeth (cuirassé)|HMS ''Queen Elizabeth'']] et le croiseur de bataille {{HMS|Inflexible|1907|6}} qui sont en première ligne, le 18 mars 1915. Ce jour-là, trois cuirassés pré-dreadnoughts (dont le français [[Bouvet (cuirassé)|''Bouvet'']]) sautent sur des mines et coulent, le HMS ''Inflexible'' est touché à plusieurs reprises par le tir des batteries turques, puis il saute également sur une mine, embarque {{unité|1600|tonnes}} d'eau et on ne le sauve d'une perte totale qu'en l'échouant. Il est en réparations à Malte jusque début juin, et rejoint ensuite la {{3e}} escadre de croiseurs de bataille. En mai, le cuirassé HMS ''Queen Elizabeth'' a été retiré des Dardanelles, pour rejoindre la {{5e}} escadre de bataille de la ''Grand Fleet'', à [[Scapa Flow]], après qu'un autre pré-dreadnought britannique, le {{HMS|Goliath|1898|6}}, eut été coulé par un torpilleur turc. On peut s'interroger sur l'engagement « à contre-emploi » de bâtiments qui sont les plus rapides de la Royal Navy, pour procéder à des bombardements côtiers, dans des eaux abondamment minées, à proximité des bases de sous-marins ennemis.

La mise en service progressive de {{date|janvier 1915}} à {{date|février 1916}} des cinq cuirassés de la {{classe|Queen Elizabeth|cuirassé}} représente toutefois une avancée importante pour la Royal Navy. Avec huit canons de [[Canon de marine de 15 pouces BL Mark I|{{unité|381|mm}}]], ils surclassent tous les cuirassés existants. Ils ont également une chauffe intégralement au mazout, ceci a été décidé après que le Royaume-Uni eut sécurisé son approvisionnement en pétrole avec la création de l'Anglo-Persian Oil Company en 1909. Outre l'amélioration des conditions de travail des chauffeurs et la facilité apportée aux ravitaillements de combustible, qui peuvent désormais s'effectuer à la mer, le plus grand pouvoir calorifique du pétrole par rapport au charbon entraine une augmentation de la performance des machines qui permet d'escompter un gain de vitesse de {{nb|4 nœuds}} par rapport à la {{classe|Iron Duke}}, dont la dernière unité a été mise en service en novembre 1914.

À l'époque, le Premier Lord de l'Amirauté, Winston Churchill, dans son discours sur le budget de 1912, avait laissé entendre que les cuirassés de cette nouvelle classe induisait le rapprochement des cuirassés et des croiseurs de bataille{{sfn|Breyer|1973|p=60}}. Mais c'était un point de vue loin d'être partagé par tous les amiraux de l'époque. L'amiral Jellicoe notamment considérait que leur vitesse réelle, qu'il estimait à {{nb|23 nœuds}}, n'était pas suffisante pour les intégrer dans une force de croiseurs de bataille, et que leur puissance de feu serait plus utile au sein d'une force de cuirassés, plutôt que dans des forces de reconnaissance. L'amirauté britannique lui donna raison et ils ne furent pas rattachés à la flotte de croiseurs de bataille.
[[Fichier:SMS Luetzow.jpg|vignette|gauche|Le SMS ''Lützow'' a porté, au Jutland, la marque de l'amiral Hipper. Ayant été très endommagé, les Allemands ont dû renoncer à le ramener, et il a été sabordé dans la nuit du 31 mai au {{1er}} juin]]
L'amiral von Pohl, nommé début février à la tête de la ''Hochseeflotte'', est un partisan de la guerre sous-marine au commerce. Sitôt nommé, il décide la guerre sous-marine illimitée contre les Alliés : le {{date|15 mai 1915}}, le [[RMS Lusitania|RMS ''Lusitania'']], prestigieux paquebot transatlantique, est torpillé au sud de l'Irlande, entrainant un nombre de victimes considérable. Devant l'émotion provoquée, en particulier aux États-Unis (il y aurait eu {{nb|120 victimes}} américaines), et après le torpillage du [[SS Arabic (1902)|SS ''Arabic'']], en {{date|août 1915}}, les autorités allemandes vont devoir poser des restrictions à l'attaque des sous-marins contre les navires de passagers.

Pendant ce temps, la ''Hochseeflotte'' ne sort que pour des opérations qui restent très proches de ses bases. La première fois, fin mars, la flotte s'avança jusqu'au nord de [[Terschelling]]. À la mi-avril, les croiseurs légers du {{2e|groupe de reconnaissance}}) couvrirent une opération de mouillage de mines, puis le 21-22 avril, la flotte s'avança jusqu'au Dogger Bank. Fin mai, la flotte s'avança jusqu'à [[Schiermonnikoog]], mais dut faire demi-tour en raison du mauvais temps. Le {{date|10 août}}, la flotte alla au nord de Héligoland pour couvrir, en vain, le retour du [[croiseur auxiliaire]] [[SMS Meteor (1903)|SMS ''Meteor'']]. En septembre, elle couvrit une opération de mouillage de mines sur le Schwart Bank, au large de [[Kingston upon Hull|Hull]]. Fin octobre, elle sortit jusqu'au Horns Reef, dans tous les cas sans susciter de réaction britannique.

L'amiral von Pohl est atteint d'une maladie incurable et doit céder sa place le {{date|18 janvier 1916}} au vice-amiral [[Reinhard Scheer|Scheer]]. Celui-ci dans un mémorandum à l'empereur, expose les grandes lignes de l'action qu'il préconise : reprise du harcèlement de la ''Grand Fleet'' britannique, avec le bombardement de villes côtières par les « grands croiseurs », que le [[Classe Derfflinger|SMS ''Lützow'']] a rejoints en août, pour amener les grandes unités britanniques à prendre la mer, et les attaquer, en se mettant en position de supériorité numérique locale, avec l'appui des sous-marins et des dirigeables.

L'empereur allemand approuve le mémorandum, le {{date|23 février}}, et décide l'arrêt de la guerre sous-marine sans restriction, le {{date|24 avril}}, rendant les sous-marins disponibles pour des opérations avec les forces de surface. Le jour même, le contre-amiral
{{Lien|langue=en|trad=Friedrich Bödicker|fr=Friedrich Bödicker|texte=Bödicker}}, en remplacement du vice-amiral Hipper, malade, emmène les « grands croiseurs » [[Bombardement de Yarmouth et de Lowestoft|bombarder Yarmouth et Lowestoft]]. La ''Grand Fleet'', à [[Scapa Flow]], les croiseurs de bataille, à [[Rosyth]], la Force de Harwich du commodore Tyrwhitt sont en alerte, et appareillent dans la soirée du 24. Un contact entre la Force de Harwich et des croiseurs légers allemands a lieu en fin de nuit, mais le Commodore Tyrwhitt préfère ne pas s'engager contre des forces supérieures. À l'aube les bombardements ont lieu, mais la ''Grand Fleet'', cap au sud, peine dans le mauvais temps, et les grands bâtiments allemands rentrent au port, sans avoir été interceptés.

Aussitôt, le vice-amiral Scheer décide une nouvelle opération, pour le mois de mai. La ''Hochseeflotte'' appareille aux premières heures du 31 mai pour un raid le long des côtes danoises du [[Jutland]], jusqu'au [[Skagerrak]], précédée par les cinq « grands croiseurs » du vice-amiral Hipper, qui a retrouvé son poste, et leurs forces de reconnaissance. La direction du Renseignement de l'Amirauté, connue comme le Bureau 40 (''[[Room 40]]'') a, dès le {{date|28 mai}}, prévenu le commandant de la ''Grand Fleet'', l'amiral Jellicoe, qui, avant même que la ''Hochseeflotte'' ait elle-même quitté ses bases, fait appareiller la flotte, dans laquelle ont été intégrées les trois premières unités de la {{classe|Revenge}}. La flotte de croiseurs de bataille quitte également son mouillage de [[Rosyth]], l'idée étant d'intercepter les croiseurs de bataille allemands, qui ont jusqu'ici toujours réussi à s'échapper sans trop de dégâts. La flotte de Croiseurs de Bataille doit se trouver le {{date|31 mai}} vers {{heure|14}}, à {{unité|230|nautiques}} à l'est des côtes britanniques, à hauteur du Skagerrak, et ensuite rallier la ''Grand Fleet'' qui se trouvera à proximité au nord. Mais par suite des relations compliquées entre la direction du renseignement de l'Amirauté et le commandant-en-chef de la flotte (''Room 40'' déchiffre mais n'interprète pas, ce dernier point étant de la responsabilité du commandant-en-chef), celui-ci sait qu'une force allemande est à la mer, mais croit que la ''Hochseflotte'' est restée au port.
[[Fichier:HMS Malaya.jpg|vignette|Le HMS ''Malaya'' faisait partie de la {{5e}}escadre de bataille qui, au Jutland, a peiné à suivre les croiseurs de bataille du vice-amiral Beatty]]
Par ailleurs, la flotte de croiseurs de bataille est sortie avec seulement les {{1re}} et {{2e|escadres}} de croiseurs de Bataille, la {{3e|escadre}}, aux ordres de l'amiral [[Horace Hood|Hood]] ayant été momentanément rattachée à la ''Grand Fleet'', car elle se trouvait à Scapa Flow, pour une école à feu. Tout aussi momentanément, la {{5e|escadre}} de bataille (c'est-à-dire quatre cuirassés de la {{classe|Queen Elizabeth|cuirassé}}, le [[classe Queen Elizabeth (cuirassé)|HMS ''Queen Elizabeth'']] étant en cale sèche pour maintenance) la remplace à Rosyth, mais le contact de son commandant, le contre-amiral [[Hugh Evan-Thomas|Evan-Thomas]], avec le vice-amiral Beatty a été des plus succincts.
[[Fichier:HMS Indefatigable sinking.jpg|vignette|gauche|Le HMS ''Indefatigable'' succombe sous les obus du SMS ''Von der Tann'']]
Le {{date|31 mai}}, au point prévu et à l'heure dite, le vice-amiral Beatty, se trouve, cap à l'est, les deux escadres de croiseurs de bataille en route parallèle et la {{5e|escadre}} de bataille, à {{unité|8|km}} au nord-ouest. N'ayant rien en vue, il vient de mettre cap au nord, quand, à l'extrême-est de son dispositif de reconnaissance, qui est allé reconnaître un vapeur neutre, sont repérés deux torpilleurs allemands, occupés à la même tâche. Tandis que les premiers coups de canon sont échangés entre croiseurs légers, le vice-amiral Beatty met cap à l'est, augmente sa vitesse puis vient au sud-est pour se placer entre les navires allemands et leurs bases. Mais le contre-amiral Evan-Thomas sur le {{HMS|Barham|04|6}} n'a pas pu lire les signaux par drapeaux du vice-amiral Beatty en raison de la distance, il a continué à l'est et lorsqu'il met au sud-est, il a {{unité|16|km}} de retard, et est hors de portée pour soutenir les croiseurs de bataille.
[[Fichier:HMS Queen Mary Jutland.jpg|vignette|gauche|Les coups reçus des SMS ''Seydlitz'' et ''Derfflinger'' font exploser le HMS'' Queen Mary'']]
Vers {{heure|15|20}}, le vice-amiral Hipper, qui marche au nord-ouest, a vu les croiseurs de bataille britanniques, il met alors cap au sud-est pour les attirer vers la ''Hochseeflotte'' qui se trouve à {{unité|75|km}} dans cette direction. À {{heure|15|48}}, il ouvre le feu, et les croiseurs de bataille britanniques ripostent. Le vice-amiral Beatty a six croiseurs de bataille contre cinq, avec une artillerie plus puissante de 305 ou {{unité|343|mm}}, contre 280 ou {{unité|305|mm}}. Les navires allemands lui ont déjà échappé, notamment au Dogger Bank. Il n'entend pas perdre de temps à attendre la {{5e|escadre}} de bataille. C'est le début de la « course au sud ».

Le tir allemand est plus précis et les Allemands portent les premiers coups, le tir britannique est plus rapide mais moins précis. À {{heure|16}}, le SMS ''Lutzow'' détruit la tourelle centrale (tourelle Q) du HMS ''Lion'', dont un témoin oculaire observe que le toit est ouvert comme celui d'une boite de sardine{{sfn|Bennett|1974|p=165}} mais le [[Francis Harvey|responsable]] de la tourelle fait noyer la soute à munitions ce qui évite une explosion catastrophique. Quelques minutes plus tard, deux salves successives du {{SMS|Von der Tann}} vont venir à bout du {{HMS|Indefatigable|1909|6}}, qui disparait dans une explosion de ses soutes{{sfn|Wilson|1928|p=182}}. Mais à 16h10, la {{5e}} escadre de bataille est revenue à portée et le {{HMS|Barham|04|6}}, qui la mène, ouvre le feu. Son tir est redoutablement précis, moins d'une minute plus tard, il touche le SMS ''Von der Tann''{{sfn|id=Brézet1992|Brézet, Jutland|1992|p=46}}. Au sein de la {{1re}} escadre de croiseurs de bataille, le {{HMS|Queen Mary}} tire à une cadence extrêmement rapide, par salves pleines des huit canons, trois fois par minute{{sfn|Wilson|1928|p=184}}. Mais à {{heure|16|26}}, sous les coups des {{SMS|Derfflinger||6}} et {{SMS|Seydlitz||2}}, ses soutes à munitions avant explosent et le navire disparait dans une gigantesque explosion{{sfn|Bennett|1974|p=166}}. Sir David Beatty profère alors ce monument d'[[Litote|understatement]] : « Il semble y avoir quelque chose qui ne va pas avec nos fichus navires, aujourd'hui » (''There seems to be something wrong with our bloody ships today''). Puis il aurait ajouté : « Tournez de deux points sur bâbord », ce qui, à cet instant, équivalait au « Rapprochez-vous de l'ennemi » nelsonien.

À {{heure|16|30}}, les cuirassés en tête de colonne de la ''Hochseeflotte'' ont aperçu le combat des croiseurs de bataille, puis le {{Lien|langue=en|trad=HMS Southampton (1912)|fr=HMS Southampton (1912)|texte=HMS ''Southampton''}}, sur lequel le Commodore Goodenough, commandant de la {{2e|escadre}} de croiseurs légers a sa marque, signale l'approche des cuirassés allemands. Ayant aperçu lui-même le gros de la flotte allemande, à {{heure|16|40}}, le vice-amiral Beatty fait aussitôt demi-tour et entreprend la « course au nord », pour attirer les navires allemands vers la ''Grand Fleet''. Ce cap aurait dû intriguer les amiraux allemands, car les bases britanniques étaient à l'ouest et au nord-ouest et non au nord. Pendant cette première phase de la bataille, les « grands croiseurs » du vice-amiral Hipper ont mis {{nb|42 coups}} au but, et n'ont encaissé que {{nb|11 coups}} des croiseurs de bataille du vice-amiral Beatty.
[[Fichier:HMS Warspite and HMS Malaya during the battle of Jutland.jpg|vignette|Les cuirassés de la {{5e}} escadre de bataille ici les HMS ''Warspite'' et ''Malaya ''vont se montrer aussi puissants que résistants]]
Encore une fois, la {{5e|escadre}} de bataille n'a pas pu voir le signal du demi-tour du vice-amiral Beatty, et ne va inverser sa course, vers {{heure|16|55}}, qu'après avoir vu passer à contre-bord les quatre croiseurs de bataille restant des {{1re}} et {{2e|escadres}} de croiseurs de bataille. Elle se trouve alors soumise au feu de l'escadre du vice-amiral Hipper, et de la {{3e|escadre}} de bataille allemande, composée des cuirassés les plus puissants et les plus récents de la ''Hochseeflotte'', des classes [[classe König|König]] et [[classe Kaiser (1911)|Kaiser]]. Tandis que le vice-amiral Beatty, vers {{heure|17|10}}, met ses croiseurs de bataille hors de portée des grands bâtiments allemands, l'escadre du contre-amiral Evan-Thomas va, pendant les trois quarts d'heure suivants, encaisser {{nb|13 coups}}, mais va en infliger 18. Le {{SMS|Seydlitz}} va encaisser alors plusieurs obus du HMS ''Valiant'' ou du HMS ''Barham'' qui vont lui détruire deux tourelles. Mais les cuirassés de la {{classe|Queen Elizabeth|cuirassé}} vont montrer une capacité à encaisser très supérieure à celle des croiseurs de bataille britanniques, leur cuirasse de ceinture à une épaisseur égale à presque 100 % du calibre des plus gros obus qu'ils encaissent, contre 75 % pour la {{classe|Lion|croiseur de bataille}} et 50 % pour les classes précédentes.
[[Fichier:HMS Minotaur USNHC NH 60086.jpg|vignette|gauche| Le croiseur cuirassé HMS ''Defence'' de la classe Minotaur explose sous les obus des croiseurs de bataille allemands]]
De {{heure|17|30}} à {{heure|18}}, les deux commandants-en-chef savent que leurs flottes cuirassées se rapprochent mais ne les voient pas dans les bouchons de brume et la fumée des combats tandis que les forces de reconnaissance des deux côtés (croiseurs de bataille du vice-amiral Beatty à l'ouest, mais aussi la {{3e|escadre}} du contre-amiral Hood à l'est, croiseurs cuirassés de la {{Lien|langue=en|trad=1st Cruiser Squadron|fr=1re escadre de croiseurs|texte={{1re}} escadre de croiseurs}} du contre-amiral Arbuthnot, et croiseurs légers des deux camps) se canonnent dès qu'elles se voient, tandis que les destroyers torpillent tout ce qui leur passe à portée. Le croiseur léger {{Lien|langue=en|trad=HMS Chester (1915)|fr=HMS Chester (1915)|texte=HMS ''Chester''}} est ainsi mis à mal par le {{2e|groupe de reconnaissance}} allemand du contre-amiral Bödicker, dont le [[SMS Wiesbaden|SMS ''Wiesbaden'']] tombe sous le feu du {{HMS|Invincible|1907|6}} du contre-amiral Hood, et se trouve immobilisé. Il est alors attaqué par un destroyer, [[Classe Admiralty M|HMS ''Onslow'']], lui-même endommagé, que commande un capitaine de corvette (''lieutnant commander'') de {{nb|31 ans}}, qui fera parler de lui, [[John Tovey]]. Les croiseurs de bataille allemands pulvérisent alors le {{HMS|Defence|1907|6}}, et laissent désemparés les {{HMS|Warrior|1905|6}} et {{HMS|Black Prince|1904|2}}, qui s'approchaient pour achever le SMS ''Wiesbaden'', avant de diriger leurs tirs sur le {{HMS|Warspite|03|6}} qui, à la suite d'une avarie de barre tourne en rond, dans ce qui a été appelé le « coin venteux ». Il y recevra {{nb|13 impacts}}, sa vitesse sera réduite mais il réussira à rentrer à sa base, pour poursuivre une longue et glorieuse carrière{{sfn|Massie|2007|p=614-617}}.

Vers {{heure|18|20}}, alors que les escadres des amiraux Beatty et Hood se sont rejointes, en position d'aile marchante, à l'est du dispositif britannique, le combat reprend entre croiseurs de bataille. Cette fois ce sont les navires allemands, SMS ''Derfflinger'' et ''Seydlitz'' qui encaissent. Le SMS ''Lützow'' est touché deux fois à l'avant, sous la ligne de flottaison, par le HMS ''Invincible'', ce qui provoque la voie d'eau qui causera la perte du navire sur lequel le vice-amiral Hipper a sa marque. Mais la riposte allemande est fulgurante, à {{heure|18|30}}, c'est un troisième croiseur de bataille, le {{HMS|Invincible|1907|6}} sur lequel le contre-amiral Hood a sa marque, qui explose et coule, ne laissant que six survivants.
[[Fichier:Seydlitz badly damaged.jpg|vignette|gauche|Le SMS ''Seydlitz'' a eu beaucoup de difficultés à rentrer à sa base]]
À ce moment, le déploiement des {{nb|24 dreadnoughts}} de l'amiral Jellicoe est achevé, il barre la route, au nord et à l'est, de la ''Hochseefotte'', cap au nord-est, en ligne de file, qui se trouve sous le feu concentré des super-dreadnoughts britanniques. Le vice-amiral Scheer, pour sortir de cette situation intenable n'a plus qu'à ordonner le « demi-tour tous à la fois » (''Gefechtskehrtwendung''), manœuvre risquée, à laquelle les Allemands sont entrainés, et qui sera superbement exécutée. Mais, alors qu'il fait encore jour, un combat en retraite en situation d'infériorité numérique eût été très périlleux, en raison de la présence des six pré-dreadnoughts de la {{2e|escadre}} de bataille du contre-amiral Mauve, dont la vitesse inférieure aurait constitué un handicap certain . Le commandant-en-chef allemand, qui pense ne pas avoir en face de lui la totalité de la ''Grand Fleet'', remet alors le cap à l'est pour se frayer un chemin vers ses bases. Mais la ''Grand Fleet'', qui a mis le cap au sud, est en position de lui « barrer le T » encore une fois.

Le vice-amiral Scheer se voit contraint d'ordonner de nouveau un « demi-tour tous à la fois », mais en le faisant couvrir par une attaque massive de ses torpilleurs et par une charge des croiseurs de bataille. Au signal du commandant-en-chef « Schlachtkreuzer ras an den Feind, voll einsetzen !» (''Croiseurs de bataille sus à l'ennemi, s'engager à fond !''){{sfn|id=Brézet1992|Brézet, Jutland|1992|p=82}}, pour les quatre croiseurs de bataille encore en état de combattre (le vice-amiral Hipper a dû quitter le SMS ''Lützow'' dont l'avant s'enfonce à un point tel que ses hélices vont finir par battre l'air), ce sera, de {{heure|19}} à {{heure|19|30}}, leur « marche à la mort », s'approchant jusqu'à {{unité|6500|mètres}} de {{nb|18 cuirassés }}dont le {{Lien|langue=en|trad=HMS Colossus (1910)|fr=HMS Colossus (1910)|texte=HMS ''Colossus''}} que commande le capitaine de vaisseau (''captain'') [[Dudley Pound]]. Les bâtiments allemands vont encaisser {{nb|37 impacts}}, dont 14 sur le seul {{SMS|Derfflinger}} qui mène la charge. Mais l'attaque simultanée des torpilleurs va conduire les navires britanniques à s'éloigner de leurs adversaires (« turn away »), la nuit tombe et la ''Hochseeflotte'' va se fondre dans l'obscurité. Vers minuit, le {{HMS|Black Prince|1904|6}}, immobilisé en feu, va se faire canonner par les cuirassés allemands, et il explose comme le {{HMS|Defence|1907|6}}, le {{HMS|Warrior|1905|6}} doit être abandonné, et dans la nuit le SMS ''Lützow'' est sabordé à l'insu des Britanniques.

Tous les autres croiseurs de bataille allemands rentreront au port, parfois dans des conditions extraordinaires, comme le {{SMS|Seydlitz}} qui finira en marche arrière, le pont du gaillard d'avant au ras de l'eau. Mais dans son compte-rendu d'opération au vice-amiral Scheer, le vice-amiral Hipper sera net : « Le {{1er|groupe de reconnaissance}} n'a plus désormais une quelconque valeur pour un engagement sérieux. »

La bataille du Jutland confirme ce qu'on a vu aux Falklands et au Dogger Bank, la puissance de feu des croiseurs de bataille est mortelle pour tous les autres types de croiseurs, et le {{HMS|Defence|1907|6}}, que le contre-amiral Troubridge n'avait pas voulu engager contre le {{SMS|Goeben}}, est pulvérisé par les sister-ships de ce navire. Elle montre aussi les limites de l'emploi des croiseurs de bataille dans des affrontements, non plus avec des croiseurs, mais avec des navires ayant une puissance de frappe équivalente à la leur. De ce point de vue, la situation est différente selon que les croiseurs de bataille ont des blindages de {{unité|152|mm}} ou {{unité|229|mm}}, comme sur les navires britanniques, ou de 250 à {{unité|300|mm}}, comme sur les bâtiments allemands, mais apparemment cela n'avait pas un caractère d'évidence, du temps de l'amiral Fisher. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les croiseurs de bataille britanniques coulés au Jutland ont eu le surnom de « navires de cinq minutes de Lord Fisher ». Pour le reste, tout, dans les drames du Jutland, n'est pas à imputer à la conception des navires. La manière de les employer, au-delà des missions de reconnaissance, la priorité donnée à la vitesse de tir, au détriment des règles de sécurité dans la manipulation et le stockage des munitions, ou l'entrainement des équipages au tir, expliquent aussi les sorts différents qu'ont connus les croiseurs de bataille britanniques et les « grands croiseurs » allemands, le 31 mai 1916.

=== Dernières mises en service et projets tardifs ===
Les réparations des navires allemands endommagés au Jutland ne s'achevèrent qu'en {{date|octobre 1916}}, pour le SMS ''Seydlitz'', alors qu'elles l'étaient dès {{date|juillet 1916}} pour les navires britanniques, à l'exception des réparations de la tourelle Q du HMS ''Lion'', qui durèrent jusqu'à la fin septembre.
[[Fichier:HMSLiondamagetoQturret1916.jpg|vignette|Les réparations de la tourelle Q du HMS ''Lion'' durèrent quatre mois]]
[[Fichier:SMS Seydlitz damage.jpg|vignette|gauche|Ayant reçu plus de vingt obus de gros calibre, le SMS ''Seydlitz'' fut immobilisé cinq mois]]
[[Fichier:Renown-4.jpg|vignette|Très élégants de ligne, les navires de la {{classe|Renown}} avaient le même blindage sur les flancs que ceux de la {{classe|Invincible|croiseur}}]]
La perte de trois croiseurs de bataille au Jutland fut compensée, au sein de la flotte de croiseurs de bataille britannique, par la mise en service de deux nouveaux bâtiments, en septembre 1916 et janvier 1917, les {{HMS|Renown |1916|6}}<nowiki/>et {{HMS|Repulse|1916|02}}. Quand la guerre avait éclaté, la construction des trois unités de la {{classe|Revenge}} et de la sixième unité de la {{classe|Queen Elizabeth|cuirassé}}, qui faisaient partie du Programme 1914, fut arrêtée (dans la perspective d'une guerre courte, la priorité était donnée aux unités dont la construction était censée être achevée avant la fin de la guerre). Revenu au poste de Premier Lord de la Mer, l'amiral Fisher proposa, après la bataille des Falklands, et obtint dans les derniers jours de 1914, de reprendre la construction de deux unités, sous forme non plus de cuirassé, mais de croiseur de bataille{{sfn|Breyer|1973|p=61}}. Ce fut la {{classe|Renown}} dont les deux unités avaient un déplacement « normal » de {{unité|27600|tonnes}}, soit {{unité|2000|tonnes}} de moins que le {{HMS|Tiger|1913|6}}, mais étaient dotées de six canons de [[Canon de marine de 15 pouces BL Mark I|{{unité|381|mm}}]] en trois tourelles doubles, de machines du même type que celles du HMS ''Tiger'', mais un tiers plus puissantes, développant donc {{unité|120000|ch}} ce qui, avec une longueur de coque supérieure de {{unité|27|mètres}}, d'où un coefficient longueur /largeur de 8,8, leur permettait de filer {{nb|3 nœuds}} de plus, soit {{nb|32 nœuds}}. La contrepartie était un blindage intermédiaire entre celui de la {{classe|Indefatigable}} et celui de la {{classe|Lion|croiseur de bataille}}, soit {{unité|152|mm}} en ceinture, et {{unité|229|mm}} sur les tourelles. Comme ces caractéristiques étaient à peu de chose près, en matière de blindage, celles de navires perdus au Jutland, on entreprit immédiatement d'en renforcer la protection, dès la fin 1916 et le début de 1917. Ils y gagnèrent le surnom de « HMS Refit » et « HMS Repair ». Après une refonte effectuée entre 1920 et 1926, leur cuirasse de ceinture a été portée à l'épaisseur de celle de la classe Lion, soit {{unité|229|mm}}{{sfn|Breyer|1973|pp=155-161}}.
[[Fichier:HMS Courageous WWI.jpg|vignette|La {{classe|Courageous|croiseur}} fut le dernier avatar des croiseurs de bataille construits sous l'impulsion de lord Fisher]]
[[Fichier:Mackensen line color-aaa3.png|vignette|gauche|La {{classe|Mackensen}} devait recevoir des canons de {{unité|350|mm}} au lieu de {{unité|305|mm}} sur la {{classe|Derfflinger}}]]
Entre mars et juin 1915, avaient également été mis sur cale trois bâtiments, qualifiés de « grands croiseurs légers », conçus par [[Eustace Tennyson d'Eyncourt]], qui aura été Directeur de la Construction Navale de 1912 à 1924, pour répondre à une demande de l'amiral Fisher, qui nourrissait l'idée d'un débarquement en mer Baltique, sur les côtes de [[Poméranie]]. Cette désignation de grands croiseurs légers répondait au désir de respecter la décision du Chancelier de l'Échiquier, [[David Lloyd George]], de ne pas construire pendant la guerre de bâtiments plus grands que des croiseurs légers. Il s'agissait cependant de navires déplaçant {{unité|20000|tonnes}}, longs de {{unité|240|mètres}}, développant {{unité|90000|ch}}, pour filer 32 nœuds. Ils étaient armés de quatre canons de [[Canon de marine de 15 pouces BL Mark I|{{unité|381|mm}}]] en deux tourelles doubles pour les {{HMS|Courageous|50|6}} et {{HMS|Glorious||2}}, leur ceinture blindée de {{unité|76|mm}} était effectivement celle d'un croiseur léger, et ils se caractérisaient par un tirant d'eau faible pour leur déplacement, {{unité|7.90|mètres}}, en raison notamment de la [[Mer Baltique|zone]] où l'on comptait les engager{{sfn|Breyer|1973|pp=161-162, et 164}}. La troisième unité, {{HMS|Furious|47|6}}, devait porter deux canons de {{Lien|langue=en|trad=BL 18 inch Mk I naval gun|fr=canon de marine de 18 pouces BL Mark I|texte=457 mm}} en tourelles simples, mais n'en reçut qu'un, ayant été dotée, avant d'être mise en service, d'un pont d'envol sur le gaillard d'avant{{sfn|Breyer|1973|pp=163-165}}. Entrés en service en fin 1916 pour les deux premiers, en 1917 pour le dernier, ces navires ont été l'aboutissement du concept du croiseur de bataille, tel que l'avait conçu Lord Fisher, mais poussé à une telle extrémité qu'ils y gagnèrent le surnom de « Classe Outrageous ».

Pour autant, Lord Fisher avait en tête un projet de croiseur de bataille qui sortait encore plus des sentiers battus, qui n'a même pas atteint la phase des études, le {{Lien|langue=en|trad=HMS Incomparable|fr=HMS Incomparable|texte=HMS ''Incomparable''}}, d'un déplacement de {{unité|48000|tonnes}}, d'une longueur de {{unité|314|mètres}}, développant {{unité|180000|ch}}, filant 35 nœuds, avec un rayon d'action de {{unité|24000|nautiques}}, portant six canons de {{unité|20|pouces}} ({{unité|508|mm}}) en trois tourelles doubles, mais toujours avec un blindage qui n'était pas à la hauteur de ses autres caractéristiques, avec une épaisseur de {{unité|11|pouces}} ({{unité|280|mm}}) en ceinture{{sfn|Breyer|1973|p=172}}.

Du côté allemand, le remplacement du SMS ''Lutzow'' n'intervint qu'avec la mise en service de la troisième unité de la {{classe|Derfflinger}}, le SMS ''Hindenburg'', en 1917. Mais la Marine impériale allemande avait alors en construction quatre croiseurs de bataille, la {{classe|Mackensen}}, qui devaient avoir un déplacement de {{unité|31000|tonnes}}. Leur mise sur cale était intervenue dans le courant de 1915. Les caractéristiques avaient été déterminées en fonction de plusieurs types de contraintes. Comme les « super-dreadnoughts » britanniques et les croiseurs de bataille de la {{classe|Lion|croiseur de bataille}} avaient une artillerie principale d'un calibre de 13 pouces ½ ({{unité|343|mm}}), l'empereur Guillaume II aurait souhaité un calibre de {{unité|38|cm}}, alors que l'amiral von Ingenohl, qui commandait alors la ''Hochseeflotte'', aurait préféré en rester à {{unité|30.5|cm}}. Un compromis fut trouvé avec un canon de {{unité|35|cm}} SK L/45, en deux paires de tourelles doubles superposées à l'avant et à l'arrière. Le blindage restait semblable à celui de la {{classe|Derfflinger}}, atteignant {{unité|300|mm}} en ceinture, et {{unité|320|mm}} sur la face des tourelles. Avec une longueur de {{unité|223|mètres}}, et une propulsion qui aurait développé {{unité|90000|ch}}, ils auraient pu atteindre une vitesse de 28 nœuds{{sfn|Breyer|1973|pp=282-284}}. Les deux premières unités, [[August von Mackensen|''Mackensen'']] et ''Graf Spee'', furent lancées en 1917, mais la priorité étant donnée, à partir de 1917, à la construction de sous-marins, aucune ne fut achevée, la troisième, ''Prinz Eitel Friedrich'', ne fut lancée qu'en 1920 pour libérer la cale de construction, et les travailleurs du chantier l'ont surnommée [[Gustav Noske|''Noske'']], la quatrième, ''Fürst Bismarck'', fut démantelée ''in situ''.

Enfin en 1916, furent passées les commandes de trois navires destinés à remplacer les {{SMS|Yorck}}, {{SMS|Scharnhorst||02}}, et {{SMS|Gneisenau|1906|02}} perdus en 1914. Avec un déplacement de {{unité|33500|tonnes}}, devant filer plus de {{unité|27|nœuds}}, être armés de huit canons de [[38 cm SK L/45|{{unité|380|mm}}]], du modèle retenu pour les cuirassés de la {{classe|Bayern}}, avoir un blindage similaire à la {{classe|Derfflinger}}, pense-t-on, ces navires de la {{Classe|Ersatz Yorck}} n'ont pas atteint la phase de la mise sur cale{{sfn|Breyer|1973|p=284}}.

En 1915, du côté de la Royal Navy, une réflexion fut engagée, après que l'amiral Fisher eut quitté les fonctions de Premier Lord de la Mer, sur le type de navires appelés à succéder à la {{classe|Queen Elizabeth|cuirassé}} et le Directeur de la Construction Navale établit plusieurs projets, d'abord, en novembre 1915, celui de cuirassés de presque {{unité|250|mètres}} de long, pouvant filer {{unité|26.5|nœuds}}, mais qui, en raison de leur longueur, ne pouvaient être accueillis que dans trois bassins de radoub, ensuite des versions raccourcies, de {{unité|190|mètres}} de long, ne filant que {{unité|22|nœuds}}, assez proches de la {{classe|Revenge}} alors en construction, ou filant {{unité|24|nœuds}} comme le HMS ''Queen Elizabeth''. L'amiral Jellicoe, dont on avait sollicité l'avis, début 1916, répondit qu'il ne lui paraissait pas utile d'augmenter encore le nombre des cuirassés, alors que la marge de supériorité par rapport à la Marine impériale allemande était substantielle, que les cuirassés filant quelques nœuds de plus, comme le HMS ''Queen Elizabeth'' ne lui semblait pas avoir réellement d'utilité, et qu'en revanche, il y aurait besoin de croiseurs de bataille capables de contrer les navires allemands en construction (la {{classe|Mackensen}}) que l'on croyait (à tort) armés de canons de {{unité|386|mm}} ({{unité|15.2|pouces}}) et capables de filer {{unité|30|nœuds}}, qui auraient ainsi surclassé tous les croiseurs de bataille britanniques, à flot ou en construction, des [[Classe Renown|classes Renown]] ou [[Classe Courageous (croiseur)|Courageous]]. Quatre unités furent donc commandées, entre avril et juin 1916, d'une classe devant porter le nom d'amiraux fameux de la fin du {{s-|XVIII}}, [[Samuel Hood (1er vicomte Hood)|Hood]], [[George Brydges Rodney|Rodney]], [[Richard Howe|Howe]] et [[George Anson|Anson]]. L'Amirauté retint un type de navire très long ({{unité|262|mètres}}), déplaçant {{unité|35500|tonnes}}, équipé de turbines développant {{unité|160000|ch}}, alimentées par des [[Chaudière à tubes d'eau|chaudières à tubes d'eau]], donc avec un rapport poids/puissance amélioré, permettant une vitesse de {{unité|32|nœuds}}, armé de huit canons de [[Canon de marine de 15 pouces BL Mark I|{{unité|381|mm}}]], avec une artillerie secondaire de seize canons de {{Lien|langue=en|trad=BL 5.5 inch Mark I naval gun|fr=canon de marine de 5,5 pouces BL Mark I|texte=140 mm}}. La mise sur cale fut différée immédiatement après la bataille du Jutland, le temps de déterminer la cause des pertes des croiseurs de bataille (mauvaise manipulation des charges de cordite et dispositifs de sécurité anti explosions insuffisants, ou insuffisant blindage horizontal contre les tirs plongeants) et en incorporer les leçons. Ceci a conduit à des augmentations successives du blindage ({{unité|5000|tonnes}}), y compris pendant la construction, qui amenèrent à une ceinture blindée, inclinée de 12°, atteignant {{unité|305|mm}}, et à un blindage de {{unité|381|mm}} sur la face des tourelles d'artillerie principale, avec en contrepartie une réduction de la batterie de {{unité|140|mm}} à douze pièces, une vitesse maximale prévue réduite à {{unité|31|nœuds}} pour une puissance développée de {{unité|144000|ch}}, et finalement un déplacement accru atteignant {{unité|41800|tonnes}}{{sfn|Breyer|1973|pp=168-172}}{{,}}{{sfn|Lenton, British BB|1972|pp=37-41}}.
[[Fichier:HMS Hood (51) - March 17, 1924.jpg|vignette|D'une ligne conciliant harmonie et puissance, qui porte la marque de Sir Eustace Tennyson d'Eyncourt, le HMS ''Hood'' sera la seule unité construite de la {{classe|Admiral|croiseur}}]]
Mis sur cale le {{date-|1 septembre 1916}}, le premier navire de la série fut lancé le 22 août 1918, et baptisé par la veuve de l'amiral [[Horace Hood]], tué dans l'explosion du HMS ''Invincible'' au Jutland et descendant de l'amiral [[Samuel Hood (1er vicomte Hood)|Samuel Hood]]. Il entra en service en 1920, alors que les autres navires de la {{classe|Admiral|croiseur}} virent leur construction ralentie à partir de 1917, puis annulée en novembre 1918.

Pendant la Première Guerre mondiale, il n'y eut pas de croiseurs de bataille mis en service, dans les marines autres que la Royal Navy et la Marine impériale allemande, sauf les trois croiseurs de bataille de la {{classe|Kongō|croiseur}}, construits au Japon. L'idée de Lord Fisher d'un bâtiment armé comme un cuirassé, plus rapide qu'un croiseur cuirassé et blindé comme un croiseur répondait aux besoins de la marine d'une puissance impériale, qui devait pouvoir opérer une projection de puissance, pour la protection de ses territoires lointains, comme on l'a vu à la bataille des Falklands, et son aboutissement normal était, dans les eaux métropolitaines, une organisation de la flotte en deux forces, l'une rapide et l'autre lente, coordonnées, mais opérant indépendamment, comme on l'a vu au Jutland. La Marine des États-Unis d'Amérique, puissance longtemps isolationniste, qui n'avait pas (encore) ce besoin de projection de puissance, et qui s'était constituée, pendant la guerre, une force homogène et {{Lien|langue=en|trad=Standard-type battleship|fr=cuirassés de type "standard"|texte=standardisée}} de cuirassés filant {{unité|21|nœuds}}, armés de dix ou douze canons de {{unité|14|pouces}} ({{unité|356|mm}}), avec des blindages correspondants, est donc restée réfractaire à la construction de croiseurs de bataille.

La plupart des autres marines dont les flottes ne comportaient pas autant de cuirassés avaient plutôt intérêt, si elles avaient les moyens matériels et financiers de lancer de nouvelles constructions (ce qui n'était pas le cas de la France), à profiter des progrès de la technologie en matière de propulsion navale pour avoir des cuirassés ayant une vitesse un peu supérieure à celle des premiers dreadnoughts. Ainsi, la Marine impériale de Russie, dont les premiers dreadnoughts de la {{classe|Gangut}} filaient déjà {{unité|24|nœuds}}, a mis sur cale, en 1912, quatre croiseurs de bataille, la [[classe Borodino (croiseur)|classe Borodino]]. Il était prévu qu'ils auraient un déplacement de {{unité|33000|tonnes}}, qu'ils seraient armés de quatre tourelles triples de {{unité|356|mm}}, avec un blindage atteignant {{unité|237|mm}} en ceinture et {{unité|300|mm}} sur les tourelles, et ils auraient filé 26,5 nœuds. Les coques furent lancées en 1915-1916, mais la construction prit du retard pendant la guerre, notamment la fabrication des canons lourds, et ils ne furent jamais achevés{{sfn|Breyer|1973|p=399}}. Sans prévoir la construction de croiseurs de bataille, la [[Marine royale (Italie)|Regia Marina]] italienne a montré de l'intérêt pour des cuirassés rapides, avec la {{classe|Francesco Caracciolo}}. Ils auraient été armés de 8 canons de {{Lien|langue=it|trad=OTO/Ansaldo 381/50|fr=Canon de marine de 381 mm/40 Modèle 1914|texte=381 mm}}, leur ceinture cuirassée aurait atteint {{unité|305|mm}}, et auraient filé {{unité|28|nœuds}}, mais leur construction a été suspendue peu après l'entrée en guerre de l'Italie en 1915 et n'a jamais été reprise ensuite{{sfn|Breyer|1973|pp=381-382}}.

== L'entre deux guerres et la Seconde Guerre mondiale ==
À la fin de la Première Guerre mondiale, la flotte de bataille allemande est internée à Scapa Flow, au nord de l'Écosse, où ses équipages la
[[Sabordage de la flotte allemande à Scapa Flow|saborderont]] le 21 juin 1919. Les deux derniers cuirassés de la Marine impériale et royale d'Autriche et de Hongrie ont été saisis par la France et l'Italie et les États issus de l'Autriche-Hongrie n'ont plus d'accès à la mer, sauf le [[royaume des Serbes, Croates et Slovènes]] qui va donner naissance à la Yougoslavie. La Russie et la Turquie connaissent des troubles intérieurs qui mettent les questions relatives aux grands navires de guerre au second plan. La France et l'Italie sont exsangues et incapables de renforcer leurs flottes de cuirassés, d'ailleurs pour la France, la priorité serait plutôt de renouveler les forces navales légères, sorties très éprouvées de la guerre. Le Royaume-Uni dispose de presque trente cuirassés et croiseurs de bataille qui ont entre douze et quatre ans d'âge, et de dix cuirassés et cinq croiseurs de bataille ayant moins de trois ans d'âge, tous armés de canons de {{unité|381|mm}}, le calibre le plus élevé au monde, que la Royal Navy est la seule à mettre en œuvre. Bref, aucun État européen n'a les moyens ou l'intention de se lancer dans un grand programme de constructions de cuirassés et de croiseurs de bataille.

La situation est très différente dans le Pacifique, où l'empire du Japon qui a occupé plusieurs colonies de l'Empire allemand (les [[îles Mariannes]], [[Îles Marshall|Marshall]] et une partie des [[Îles Carolines|Carolines]]), et les États-Unis d'Amérique, qui ont reçu les Philippines et Guam après la [[guerre hispano-américaine]], et ont acquis les îles [[Hawaï#Annexion d'Hawaï (1898–1959)|Hawaï]] et une partie des [[Samoa]], se trouvent en situation de rivalité.

=== Le croiseur de bataille, de 1918 au Traité de Washington de 1922 ===
Dès 1913-1914, la Marine impériale japonaise et la Marine des États-Unis ont étudié la possibilité de doter leurs cuirassés de canons de {{unité|406|mm}}, en ayant conscience que la mise en service d'une telle arme aurait un effet d'entrainement sur les autres marines. Ce fut le cas lorsque l'U.S. Navy mit sur cale, fin avril 1917, l'{{USS|Maryland|BB-46|6}}, premier d'une classe de quatre cuirassés armés de huit canons de {{unité|406|mm}} (16 pouces/45 calibres Mark I), tandis que la Marine impériale japonaise mit sur cale, fin août de la même année, le [[Nagato (cuirassé)|''Nagato'']], premier des deux cuirassés qui doivent succéder aux unités de la {{classe|Ise}}, en étant armé de canons de [[Canon de marine de 41 cm/35 calibres 3e année|406 mm]]<ref name="Watts1971_pp=18-21">{{Harvsp|Watts|1971|pp=18-21}}.</ref>. Si le [[Nagato (cuirassé)|''Nagato'']] et le [[Mutsu (cuirassé)|''Mutsu'']], avec une puissance installée de {{unité|80000|ch}} pouvaient filer plus de 25 nœuds, ce qui permet de les classer comme cuirassés rapides, les unités de la {{classe|Colorado}} n'étaient prévues que pour filer 21 nœuds, conformément au principe de standardisation, qui conduisait à avoir des caractéristiques opérationnelles communes, et notamment la même vitesse, pour la douzaine de cuirassés construits depuis la {{classe|Nevada}}{{sfn|Ireland|2004|p=162}}. En tout cas, leur mise en service n'intervint qu'en novembre 1920 pour le cuirassé japonais et juillet 1921 pour le cuirassé américain. Mais ces premières constructions d'après-guerre ne sont que les prémisses de programmes de constructions gigantesques, puisqu'ils consistent, de chaque côté, en seize navires, dix cuirassés et six croiseurs de bataille du côté américain, huit cuirassés et huit croiseurs de bataille du côté japonais.

[[Fichier:Lexington original configuration edited.jpg|vignette|Première version de la {{classe|Lexington|croiseur}} armée de 10 canons de {{unité|356|mm}}, et avec 7 cheminées.]]
[[Fichier:Lexington class battlecruiser2.jpg|vignette|Dernière version de la {{classe|Lexington|croiseur}} avec 8 canons de {{unité|406|mm}}, et une silhouette ressemblant à celle du HMS ''Hood''.]]
Le programme américain qui découle de la {{Lien|langue=en|trad=Naval Act of 1916|fr=Loi Navale de 1916|texte=Loi Navale de 1916}} comporte les quatre cuirassés de la {{classe|Colorado}} que l'on vient d'évoquer, six cuirassés (la {{classe|South Dakota|1920}}) prévus pour déplacer {{unité|43000|tonnes}}, armés de douze canons de {{Lien|langue=en|trad=16"/50 caliber Mark 2 gun|fr=canon de 16 pouces/50 calibres Mark 2|texte=406 mm}} en quatre tourelles triples et filant 23 nœuds{{sfn|Breyer|1973|pp=232-233}}, et six croiseurs de bataille (la {{classe|Lexington|croiseur}}). Les études sur ce dernier type de navire ont commencé dès avant 1914, car l'U.S. Navy est fort préoccupée de la construction de la {{classe|Kongō|croiseur}}, mais la construction de croiseurs de bataille n'avait jusqu'alors pas été jugée prioritaire pour les raisons que l'on a évoquées précédemment. Les études vont se poursuivre après la bataille du Jutland, pour examiner les leçons à en tirer. Après avoir envisagé, jusqu'en 1916, un armement de dix pièces de {{unité|14|pouces}} ({{unité|356|mm}}), une vitesse de 35 nœuds, et une silhouette très peu classique avec jusqu'à 7 cheminées, dont quatre disposées en groupes de deux, côte à côte, on aboutit à un navire armé de huit canons de {{unité|406|mm}} du même modèle que sur la {{classe|South Dakota|1920}}, en quatre tourelles doubles. Il aurait déplacé plus de {{unité|44000|tonnes}}, d'une longueur de {{unité|266|mètres}}, filant 33,5 nœuds, c'est-à-dire plus long de {{unité|4|mètres}}, et plus rapide que le {{HMS|Hood|51|6}}, avec une silhouette très proche, mais avec une protection beaucoup plus légère, 127 à {{unité|178|mm}} en ceinture (au lieu de {{unité|305|mm}}) et {{unité|280|mm}} sur la face avant des tourelles (au lieu de {{unité|381|mm}}). La mise sur cale des six unités intervint entre août 1920 et juin 1921{{sfn|Ireland|2004|p=165}}.

L'idée qu'il faille que la Marine impériale japonaise compte [[Flotte huit-huit|huit cuirassés et huit croiseurs]], pour faire face à la flotte américaine du Pacifique, a été défendue, dès 1907, par un certain nombre d'experts japonais en stratégie navale, au premier rang desquels figure [[Satō Tetsutarō]], à une époque où la Marine impériale, on l'aura noté, a équipé ses croiseurs cuirassés de canons de {{unité|305|mm}}, sur les {{classe|Tsukuba}} et {{classe|Ibuki|croiseur cuirassé|0}}, qui seront reclassés croiseurs de bataille avant 1914. Mais en raison de son coût très élevé, la Diète japonaise n'a jamais entériné ce premier « Programme 8-8 », tout au plus parvint-on en 1913, à un « Programme 4-4 », soit les quatre cuirassés des [[classe Fusō|classes Fusō]] et [[Classe Ise|Ise]], et les quatre croiseurs de bataille de la classe Kongō. Mais le programme de construction américain qu'on a évoqué ci-dessus, conduit les autorités japonaises à définir un nouveau « Programme 8-8 »{{sfn|Ireland|2004|p=78}}, constitué de navires dotés d'un armement principal d'un calibre au moins égal à {{unité|406|mm}}, et dont la classe Nagato sera le premier élément, suivi des [[classe Tosa|classes Tosa]], [[Classe Amagi|Amagi]], [[Classe Kii|Owari]], et [[Classe N° 13 (japon)|N° 13]]{{sfn|Breyer|1973|pp=63}}.

[[Fichier:Model of battleship Kaga port view - cleaned up.jpg|vignette|gauche|Maquette du cuirassé ''Kaga'', de la {{classe|Tosa}}, prévu pour pouvoir filer 26,5 nds.]]
La {{classe|Tosa}} ou Kaga devait être constituée de deux cuirassés déplaçant {{unité|39000|tonnes}}, portant dix et non plus huit canons de [[Canon de marine de 41 cm/35 calibres 3e année|406 mm]] en cinq tourelles doubles, et filant 26,5 nœuds, grâce à une puissance installée de {{unité|90000|ch}}, mais avec un nombre de chaudières réduit de 21 à 12. Le blindage aurait été, en ce qui concerne la ceinture blindée, un peu moins épais ({{unité|280|mm}} au lieu de {{unité|305|mm}}), mais avec une inclinaison de 15°, ce qui lui donnait une efficacité équivalente. La silhouette aurait différé de celle du [[Nagato (cuirassé)|''Nagato'']] , avec une seule cheminée (ceci résultant du nombre réduit de chaudières) installée très près du mat avant, mais légèrement inclinée. Mis sur cale en février et juillet 1920, les deux navires seront lancés fin 1921, avec un achèvement escompté en fin 1922-début 1923{{sfn|Breyer|1973|pp=350-353}}.

La {{classe|Amagi}}{{sfn|Watts|1971|p=25}} était prévue pour compter quatre croiseurs de bataille de plus de {{unité|41000|tonnes}}, armés des dix mêmes canons de {{unité|406|mm}} que la {{classe|Tosa}}, mais avec une puissance installée de {{unité|130000|ch}}, leur permettant une vitesse de 30 nœuds, et un blindage de ceinture de {{unité|254|mm}}, un pont blindé de {{unité|98|mm}}, et {{unité|280|mm}} sur les tourelles d'artillerie principale. Avec une longueur de plus de {{unité|250|mètres}} et leurs deux cheminées, ils auraient semblé très proches du {{HMS|Hood|51|6}}, mais nettement plus puissamment armés et un peu moins protégés. Le début de la construction des différentes unités s'échelonna de la fin de 1920, jusqu'à la fin de 1921, avec un achèvement escompté de fin 1923 à fin 1924{{sfn|Breyer|1973|p=353-355}}.

[[Fichier:JapaneseAircraftCarrierAkagi3Deck cropped.jpg|vignette|gauche|La coque du croiseur de bataille ''Akagi'' a finalement été utilisée pour construire un des porte-avions présents à l'attaque de Pearl Harbor et coulés à Midway.]]
Les quatre navires de la classe suivante, la [[classe Kii]]<ref name="Watts 1971_p=27">{{Harvsp|Watts|1971|p=27}}.</ref>, dont seuls les deux premiers ont reçu un nom, [[classe Kii|''Kii'']] et [[classe Kii|''Owari'']], les deux derniers étant désignés par leur numéro au sein de « Programme 8-8 », [[classe Kii|''{{n°|11}}'']] et [[classe Kii|''{{n°|12}}'']], étaient qualifiés de « cuirassés rapides ». D'un déplacement de {{unité|42600|tonnes}}, ils étaient très proches de la {{classe|Amagi}}, avec dix canons de {{unité|406|mm}}, la même puissance motrice installée, des dimensions de coque très proches, une vitesse réduite de 0,25 nœud (29,75 nœuds au lieu de 30) et un blindage un peu plus épais pour la ceinture blindée, {{unité|292|mm}} au lieu de {{unité|254|mm}}, et le pont blindé, {{unité|120|mm}} au lieu de {{unité|98|mm}}. Commandés en octobre 1921, leur mise en service devait intervenir à partir de la fin de 1923{{sfn|Breyer|1973|pp=353, 356}}.

Les quatre derniers cuirassés du « Programme 8-8 », la classe [[Classe N° 13 (japon)|N° 13]]<ref name="Watts 1971_p=27"/>, car ces navires n'ont pas reçu de nom et sont seulement désignés par leur numéro, de {{n°|13}} à {{n°|16}} dans le « Programme 8-8 », auraient déplacé {{unité|47000|tonnes}}, auraient été armés de quatre tourelles doubles de {{unité|457|mm}}, le blindage de ceinture atteignant {{unité|330|mm}}. Ils auraient filé 30 nœuds, avec une puissance installée de {{unité|150000|ch}} et une coque de {{unité|274|mètres}} ({{unité|4|mètres}} de plus que la {{classe|Iowa}}){{sfn|Breyer|1973|pp=356-357}}. On se trouve devant un modèle achevé de cuirassé rapide, avec vingt ans d'avance.

Ces programmes de construction qui surclassent les navires de la Royal Navy, en déplacement, en calibre de l'armement principal et en vitesse, ne peuvent qu'inquiéter le Royaume-Uni, pour plusieurs raisons, par rapport à la tendance hégémonique japonaise dans le Pacifique, car les intérêts britanniques dans les Indes Orientales et en Extrême-Orient sont importants, et par rapport aux États-Unis, qui affichent que leur Marine ne doit être « à nulle autre seconde ». Aussi malgré les difficultés financières, sont étudiées plusieurs modèles de navires de ligne, armés de canons de {{unité|16|pouces}} ({{unité|406|mm}}), voire de {{unité|18|pouces}} ({{unité|457|mm}}), en tourelles doubles ou triples, avec des vitesses allant de 21 à 32 nœuds{{sfn|Ireland|2004|p=126}}.

Dans le courant de 1921, c'est le modèle [[Classe G3|G3]] qui est retenu<ref name="Ireland 2004_p=127">{{Harvsp|Ireland|2004|p=127}}.</ref>. Ces navires sont intéressants en ce qu'ils comportaient des caractéristiques nouvelles qui ont inspiré les architectes navals britanniques pour la {{classe|Nelson|cuirassé}}, puis indirectement, les Français, pour la {{classe|Dunkerque}}, et la {{classe|Richelieu}}. D'un déplacement de plus de {{unité|48000|tonnes}}, ils auraient été armés de trois tourelles triples de [[Canon de marine de 16 pouces BL Mk I|16 pouces]] ({{unité|406|mm}}), deux superposés à l'avant, et la troisième située entre une tour massive et les deux cheminées, pour réduire la longueur de la citadelle à protéger en appliquant le système de protection dit du « tout ou rien ». Les machines auraient été décalées vers l'arrière de la coque pour réduire la longueur des arbres porte-hélice. L'artillerie secondaire de [[canon de marine de 6 pouces BL Mk XXII|152 mm]] aurait été installée en huit tourelles doubles latérales, en quatre groupes de deux, de chaque bord, à l'avant et à l'arrière de la superstructure, le blindage aurait atteint {{unité|14|pouces}} ({{unité|356|mm}}) sur la ceinture cuirassée, {{unité|17|pouces}} ({{unité|432|mm}}) sur les tourelles, {{unité|8|pouces}} ({{unité|203|mm}}) sur le pont blindé, les machines développant {{unité|160000|ch}} permettant une vitesse de 31,5 nœuds{{sfn|Lenton, British BB|1972|pp=43-45}}. Bien qu'on y fasse référence comme des croiseurs de bataille, ils auraient été de très beaux cuirassés rapides.

Le Parlement vote les crédits pour quatre unités en juillet 1921, la commande est passée, fin octobre, mais la construction est presque aussitôt suspendue, une semaine après l'ouverture de la conférence sur le désarmement naval de [[Traité naval de Washington|Washington]]. En effet, inquiètes du programme japonais et de la volonté manifeste de le mener à bien coûte que coûte (il absorbe un tiers du budget de l'Empire), très conscientes aussi du caractère dispendieux de ces programmes de construction de navires, dont le type n'a pas spécialement prouvé son efficacité pendant la guerre, si on les compare aux sous-marins et en tenant compte de la menace croissante que représente l'aviation, les autorités britanniques et américaines se sont concertées au cours de l'été 1921, [[George Curzon (1er marquis Curzon de Kedleston)|Lord Curzon]], alors en poste à la tête du [[Bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth|Foreign Office]], a rencontré l'ambassadeur des États-Unis début juillet 1921, et en août, le président des États-Unis a lancé officiellement une invitation à une conférence sur le désarmement naval qui s'est ouverte le 12 novembre 1921{{sfn|Breyer|1973|p=64}}.

On ne détaillera pas le contenu des stipulations du [[traité naval de Washington|traité naval de Washington de 1922]]<ref name="Ireland 2004_p=127"/>{{,}}{{sfn|Lenton, British BB|1972|p=42}}, mais on en retiendra qu'elles ont contribué à bloquer la construction de croiseurs de bataille, d'abord en ne reconnaissant pas ce type particulier de navires, avec une distinction très nette entre les croiseurs, dont le déplacement dont être inférieur ou égal à {{unité|10000|tonnes}} et le calibre de l'artillerie principale être inférieur à {{unité|203|mm}}, et les navires portant des canons d'un calibre supérieur, ou d'un déplacement supérieur, qui sont répertoriés comme cuirassés, et donc soumis à des règles strictes, de déplacement maximal, {{unité|35000|tonnes}} anglaises de {{unité|1016|kg}}, de nombre et de tonnage global par pays, avec une limite d'âge minimale de 20 ans pour leur remplacement. Aucun des croiseurs de bataille mis en construction après 1918 n'étant achevé à la date d'ouverture de la conférence, la règle voulait qu'ils fussent détruits si la construction avait commencé, ou leur commande annulée s'ils n'avaient pas encore été mis sur cale, et ce fut effectivement le cas, sauf à être sous certaines conditions transformés en porte-avions{{sfn|Ireland|Grove|1997|p=125}}.

[[Fichier:HMS Nelson off Spithead for the Fleet Review.jpg|vignette|La classe Nelson reprenait plusieurs caractéristiques de la classe de « croiseurs de bataille » G3, mais en différait essentiellement par une vitesse de 23 nœuds seulement.]]
La Marine des États-Unis et la Marine impériale japonaise ayant obtenu de conserver quelques cuirassés qui viennent d'être achevés ou sont en voie de l'être, soit, respectivement, trois des quatre cuirassés de la {{classe |Colorado}} et les deux cuirassés [[Nagato (cuirassé)|''Nagato'']] et [[Mutsu (cuirassé)|''Mutsu'']], alors que la Royal Navy s'était vue contrainte d'abandonner la construction de ses seuls navires à devoir être armés de canons de {{unité|406|mm}}, les cuirassés rapides [[classe G3|''G3'']], celle-ci obtint, par dérogation au principe de l'interdiction de la construction de cuirassés pendant dix ans, le droit de construire deux cuirassés, en remplacement de quatre cuirassés anciens, et pourvu que soient respectées les limites posées par le traité, un déplacement limité à {{unité|35000|tonnes}}, et un calibre de l'artillerie principale au plus égal à {{unité|406|mm}}. Il fut alors décidé de retenir certaines caractéristiques de la {{classe|G3}}, l'artillerie principale de [[Canon de marine de 16 pouces BL Mk I|16 pouces]] ({{unité|406|mm}}) en trois tourelles triples, mais en les concentrant sur l'avant de la tour, l'artillerie secondaire de [[canon de marine de 6 pouces BL Mk XXII|152 mm]] réduite à six tourelles doubles, concentrées à l'arrière de la superstructure, le blindage inchangé, {{unité|356|mm}} pour la ceinture blindée, limitée à la protection des soutes de l'artillerie principale et des machines, et {{unité|381|mm}} sur les tourelles. Mais, pour rester dans la limite du tonnage de {{unité|35000|tonnes}}, la coque ne pouvait pas dépasser {{unité|201|mètres}} à la ligne de flottaison, ce qui, avec un maitre-bau de {{unité|32|mètres}}, nécessaire pour installer les tourelles triples, entrainait un ratio longueur /largeur de 6,1 au lieu de 8,8 sur la {{classe|G3}}, et ne permit d'installer qu'une puissance de {{unité|45000|ch}}, ce qui limita la vitesse à 23 nœuds, soit seulement 2 nœuds de plus que les premiers dreadnoughts. Telles furent les caractéristiques des cuirassés de la {{classe|Nelson|cuirassé}}<ref name="Lenton1972_pp=46-50">{{Harvsp|Lenton, British BB|1972|p=46-50}}.</ref>.

Avec les technologies des années 1920 (ainsi le rapport poids/puissance des machines de la {{classe|Nelson|cuirassé}} était de {{unité|45|kg}}/ch, ce qui était alors considéré comme bon, il n'était plus que de {{unité|20|kg}}/ch, quinze ans plus tard, sur la {{classe|Dunkerque}}), il était très difficile de construire un cuirassé rapide en respectant la limite de déplacement de {{unité|35000|tonnes}}. On observera cependant que la Marine impériale japonaise, sur le [[Nagato (cuirassé)|''Nagato'']], qui avait un déplacement identique au {{HMS|Nelson|28|6}}, et dans une coque de même longueur, avait réussi à installer une artillerie principale un peu plus lourde, et un peu moins puissante (quatre tourelles doubles de {{unité|1205|tonnes}}, soit {{unité|4820|tonnes}}, au lieu de trois tourelles triples de {{unité|1568|tonnes}}, soit {{unité|4704|tonnes}}), mais avec un maitre-bau de {{unité|29|mètres}}, le rapport longueur/largeur atteignant 6,9 et une puissance installée de {{unité|80000|ch}} (malgré un rapport poids/puissance un peu moins bon de {{unité|46|kg}}/ch), la vitesse dépassait 25 nœuds, au prix d'une protection plus faible, le blindage de ceinture n'étant que de {{unité|300|mm}}, au lieu de {{unité|356|mm}}, celui des tourelles de {{unité|356|mm}}, au lieu de {{unité|381|mm}}, et le pont blindé de {{unité|76|mm}}, au lieu de {{unité|159|mm}}, au-dessus des soutes à munitions<ref name="Lenton1972_pp=46-50"/>{{,}}<ref name="Watts1971_pp=18-21"/>. Les caractéristiques de la classe Nelson résultaient donc de la volonté d'avoir les cuirassés les plus puissamment armés du monde (ils le resteront jusqu'à la mise en service de la {{classe|Yamato}}), et protégés en conséquence, fût-ce au détriment de la vitesse.

On a coutume de dire que pendant la période d'application du traité de Washington, il n'y eut à flot que trois croiseurs de bataille, construits antérieurement au traité, le {{HMS|Hood|51|6}} et les deux unités de la {{classe|Renown}}. C'est oublier les quatre unités de la {{classe|Kongō|croiseur}}, et le {{HMS|Tiger|1913|6}}, qui ne fut démoli qu'en 1932, en application du [[traité naval de Londres]] de 1930, qui a réduit à quinze le nombre des cuirassés de la Royal Navy.

=== Les conversions en porte - avions ===
Durant toute la période des années 1920 et 30 marquée par les restrictions du traité de Washington, et dans les états-majors des marines de premier plan se développe une « querelle des anciens et des modernes » autour du rôle que l'on commence à pressentir, de l'[[Aéronautique navale|aviation navale]] embarquée.

Aux États-Unis une polémique retentissante et largement relayée par la presse américaine oppose le bouillant aviateur [[Billy Mitchell]] aux amiraux plus traditionalistes de l'[[United States Navy|US Navy]] : Mitchell est convaincu que ses bombardiers (alors des biplans en bois entoilé) ont la capacité de couler des navires de guerre, même blindés . Il en fera la démonstration en exercice, en bombardant le cuirassé allemand ''[[SMS Ostfriesland]]'' un ''Dreadnought'' allemand capturé, fortement blindé qui sera bel et bien envoyé par le fond le 21 juillet 1920 dans des conditions très controversées (navire à l'ancre et sans DCA , non respect des procédures d'exercice prévues) , une polémique enflammée qui vaudra au général Mitchell d'être cassé de son grade.

Les amiraux américains viennent ainsi de retarder le développement de l'aviation navale américaine de plusieurs années, mais les observateurs japonais (le Japon était l'allié des puissances de la triple entente et des États-Unis durant la {{1re}} GM) en tirent des conséquences diamétralement opposées et se mettent en devoir de se doter de porte-avions, tant l'arme nouvelle leur paraît adaptée, à la fois à leur budget limité et aux immensités marines de l'océan Pacifique.

Les croiseurs de bataille [[Akagi (porte-avions)|''Akagi'']] et [[Kaga (porte-avions)|Kaga]] alors en achèvement et dont la construction est désormais problématique en raison des restrictions du traité de Washington sont convertis sur cale en porte-avions alors même que l''<nowiki/>'Amagi'' (un autre croiseur de bataille, en cours de conversion est détruit sur sa cale de lancement par le grand tremblement de terre de Kanto) et sera remplacé par [[Amagi (porte-avions)|un porte-avion]] conçu ''ab initio'' pour ce rôle.

Les plateformes des croiseurs de bataille sont en effet idéales pour une conversion en porte-avions, en attendant la construction de navires spécialement conçus comme tels : La vitesse, importante, est cruciale pour lancer en l'air les avions de l'époque, le vent relatif de la vitesse (30 nœuds), allié éventuellement au vent atmosphérique (De 10 à 25-30 nœuds) est suffisant pour créer une grosse partie de la [[Portance (aérodynamique)|portance aérodynamique]] et lancer sans l'aide de [[Catapulte (aéronautique)|catapultes]] les avions de l'époque. De plus ces coques de plus de 200 M de long permettent d'aménager une piste d'envol de dimensions relativement « confortables » pour les aviateurs.
Dès lors il ne reste plus aux Américains et aux Anglais qu'à leur emboîter le pas : les croiseurs de bataille {{USS|Saratoga|CV-3|2}} et {{USS|Lexington|CV-2|2}} alors en achèvement seront reconvertis sur cale et la marine américaine saura en faire bon usage durant les premiers stades de la [[guerre du Pacifique]].

Les Anglais suivent la même tendance : après les tests sur des navires marchands reconvertis (le {{HMS|Argus|I49|6}}) plusieurs croiseurs de bataille, à flot ou inachevés, subiront une conversion en porte-avions, comme les {{HMS|Courageous|50|6}}, HMS ''Furious'' et {{HMS|Glorious|77|6}}.

Les porte-avions anglais issus de cette conversion diffèrent nettement de leurs homologues américains en ce sens qu'ils disposent d'un pont d'envol blindé, qui fait défaut aux porte-avions américains. Revers de la médaille, l'espace dans les hangars sous le pont est limité.

A contrario la Marine Nationale n'a pas ce genre de possibilités, faute de croiseurs de bataille... elle doit se rabattre sur le ''Dreadnought'' ''[[Béarn (porte-avions)|Béarn]] ,'' inachevé, et beaucoup moins adapté : sa machinerie, entraînant quatre hélices ne comporte que deux turbines et deux des arbres d'hélice sont attelés à d'antédiluviennes [[Machine à vapeur|machines alternatives à pistons]], une disposition assez semblable, à une hélice près, à la machinerie du ''[[Titanic]]'' bien plus lent (21 nœuds) que les ''[[RMS Mauretania (1906)|Maurétania]]'' et ''[[RMS Lusitania|Lusitania]]'' (26 nœuds), les lévriers des mers de la [[Cunard Line]], dont l'appareil propulsif est quasi identique à celui des grands croiseurs de bataille anglais. Le ''Béarn'' dont la longueur au pont est de plus limitée (183 M) restera un médiocre porte-avions rendant toutefois de signalés services comme transport d'avions durant sa longue carrière.

L'Allemagne, dont les croiseurs de bataille ont été livrés aux Anglais, internés à [[Scapa Flow]] en Écosse, puis sabordés par leurs équipages, devra construire ab initio un porte-avions dédié (le ''[[Graf Zeppelin (porte-avions)|Graf Zeppelin]]'') de conception moderne, avec une catapulte, mais qui ne sera jamais achevé en raison de la Seconde Guerre mondiale.

Les Italiens, étrillés par l'aviation navale britannique lors de l'[[Bataille de Tarente (1940)|attaque de nuit sur leur base navale de Tarente]] (trois cuirassés coulés et d'autres endommagés) se lancera tardivement dans la reconversion de deux paquebots transatlantiques, d'abord le ''SS Roma'' devenu le porte-avions ''[[Aquila (porte-avions)|Aquila]] (''conversion très ingénieuse impliquant une très lourde refonte dont le changement de tout l’appareil propulsif il ne verra jamais le combat, bien qu'achevé à 90% au moment de l'Armistice de Cassibile en 1943) puis le ''SS Augustus'' devenu le ''[[Sparviero (porte-avions)|Sparviero]] ,'' nettement moins performant vu la conservation des machines d'origine.

=== Croiseurs de bataille ou « petits cuirassés », les classes ''Dunkerque'' et ''Scharnhorst'' ===
Les trois principales puissances navales, une fois leur flotte de cuirassés réduite conformément au traité de Washington, ne pouvaient procéder à des remplacements que pour les unités atteignant 20 ans d'âge, alors que leurs cuirassés les plus anciens avaient été mis en service vers 1914. Ceci reportait donc la mise en service de nouveaux cuirassés vers 1934, donc au-delà de la limite d'application du Traité de Washington. La France et l'Italie dont les cuirassés les plus récents avaient été mis en service vers 1915, obtinrent le droit de construire à partir de 1927, {{unité|70000|tonnes}} chacune, en remplacement de leurs cuirassés les plus anciens. L'Allemagne, quant à elle, n'était pas partie au Traité de Washington, n'ayant pas été conviée à la conférence, car elle était soumise aux stipulations du [[traité de Versailles]] qui lui interdisait de construire des sous-marins, des croiseurs de plus de {{unité|6000|tonnes}} métriques, et tout navire de plus de {{unité|10000|tonnes}}, avec l'idée qu'elle devrait en matière de cuirassés se contenter de bâtiments du type pré-dreadnought, dont elle avait été autorisée à conserver quelques unités de la {{classe |Deutschland|cuirassé}}.

Si donc il devait y avoir des innovations en matière de construction de cuirassé, ou de croiseur de bataille, elles ne pouvaient venir que de ces trois puissances, et ce fut effectivement le cas.

La France et l'Italie, qui savaient ne pas pouvoir rivaliser avec les trois autres puissances, n'ayant même pas les moyens de reprendre la construction des navires mis sur cale avant 1914, les [[classe Normandie|classes ''Normandie'']] et [[classe Francesco Caracciolo|''Francesco Caracciolo'']] avaient obtenu que le montant de {{unité|70000|tonnes}} de construction, à intervenir à partir de 1927, puisse être réparti sur trois, voire quatre unités, et pas seulement sur deux cuirassés de {{unité|35000|tonnes}}. Mais la priorité française dans l'immédiat après-guerre fut de reconstruire la flotte de croiseurs, ce qu'elle avait entrepris, avec trois croiseurs légers, dits « de {{unité|8000|tonnes}} », la [[Classe Duguay-Trouin]], conçus dès avant le traité de Washington de 1922. Le calibre de leur artillerie principale de {{unité|155|mm}}, développé à partir d'un canon de l'Armée de Terre française, fut retenu pour fixer le calibre maximal des croiseurs de {{2e|classe}}, dans le [[traité naval de Londres]] de 1930. Ensuite dès 1924, la construction de croiseurs, utilisant au maximum les stipulations du Traité de Washington de 1922, d'un déplacement de {{unité|10000|tonnes}} [[Traité naval de Washington|« Washington »]], armés de canons de {{unité|203|mm}}, fut entreprise, avec le lancement de la première unité de la {{classe|Duquesne|croiseur}}. Du côté de l'Italie, les croiseurs de ce type parurent très bien adaptés pour la défense des longues côtes de la péninsule, de Trieste à Tarente et de Messine à Gênes. Armée de quatre tourelles doubles, très rapide ({{unité|35|nœuds}} aux essais) et peu blindée, la première unité de la [[classe Trento]], est mise sur cale en 1925, et entre en service en 1928, suivie du {{navire|Trieste|croiseur}} en 1929.

==== Les projets français inaboutis des années 1920 ====
Mais l'Amirauté française, qui estime que la Marine Nationale doit pouvoir faire face aux deux marines italienne et allemande considère que ces croiseurs de la Regia Marina italienne peuvent constituer un danger pour les relations maritimes entre la France et l'Afrique du Nord, en Méditerranée occidentale. Aussi le vice-amiral [[Henri Salaün|Salaün]], [[Chef d'état-major de la Marine (France)|chef d'état-major général de la Marine]] entreprend de faire étudier, en 1926, un projet de navires « tueurs de croiseurs », définis comme des navires de ligne d'un tonnage égal à la moitié du tonnage maximum que le traité de Washington a fixé, pour construire des cuirassés, soit {{unité|17500|tonnes}}{{sfn|Dumas, Dunkerque|2001|p=13-15}}. Pour l'artillerie principale, on envisage deux tourelles quadruples de {{unité|305|mm}}, à l'avant, combinant ainsi le choix des tourelles quadruples cher aux ingénieurs français pour la [[classe Normandie]]{{sfn|Labayle Couhat|1974|p=37-38}} et le choix du tout à l'avant des Britanniques pour la {{classe|Nelson|cuirassé}}, la protection doit permettre de résister aux obus de {{unité|203|mm}}, et la vitesse doit atteindre 34 à 35 nœuds. Ces navires, très proches, par le tonnage et l'artillerie principale, des premiers croiseurs de bataille anglais, {{HMS|Invincible|1907|6}} et {{HMS|Inflexible|1907|6}}, dont on a vu l'efficacité contre les croiseurs cuirassés allemands armés de pièces de {{unité|210|mm}}, aux batailles des [[Bataille des Falklands|Îles Falklands]], ou du [[Bataille du Dogger Bank (1915)|Dogger Bank]], ont une protection insuffisante pour figurer dans la ligne de bataille, face à des cuirassés armés de canons de {{unité|305|mm}}, comme les cuirassés italiens, la démonstration en a été faite au [[Bataille du Jutland|Jutland]]{{sfn|Jordan|Dumas|2009|p=17-19}}.

En 1927-28 le vice-amiral Violette, nouveau Chef d'État-Major général de la Marine, oriente les études vers des navires d'un déplacement supérieur, définis comme des « croiseurs de bataille de {{unité|37000|tonneaux}} ». Il s'agit en fait de réfléchir à la construction de cuirassés de {{unité|35000|tonnes}}, un [[Déplacement (navire)|déplacement]] « normal » de {{unité|37000|tx}}, correspondant à un déplacement « standard », tel que défini par le [[Traité naval de Washington|Traité de Washington]], de {{unité|32000|tonnes}} à {{unité|33000|tonnes}}<ref name="Jordan & Dumas_p=20-22">{{Harvsp|Jordan|Dumas|2009|p=20-22}}.</ref>. Les plans retrouvés montrent des navires ayant une silhouette inspirée des croiseurs de la [[Classe Suffren (croiseur)|classe Suffren]], avec deux cheminées inclinées et portant trois tourelles d'artillerie principale, deux superposées à l'avant, une à l'arrière, une artillerie secondaire de {{unité|130|mm}} en tourelles quadruples et une artillerie anti-aérienne constituée d'affûts simples de {{unité|90|mm}}, vraisemblablement le Modèle 1926 qui a été mis en place sur les croiseurs [[Colbert (1928)|''Colbert'']] et [[Foch (croiseur)|''Foch'']]{{sfn|Le Masson|1969|p=95}}.

Deux types de navires ont été dessinés, le premier qui date de 1927-28, aurait eu une artillerie principale de douze canons de {{unité|305|mm}} en tourelles quadruples, une artillerie secondaire anti-navires de douze canons de {{unité|130|mm}} en trois tourelles. La protection aurait comporté une ceinture blindée verticale de 220 à {{unité|280|mm}}, un pont blindé principal de {{unité|75|mm}}. La propulsion, en deux groupes associant turbines et chaudières, entrainant chacun deux lignes d'arbres, développant ainsi {{unité|180000|ch}}, aurait permis d'obtenir une vitesse de {{unité|33|nœuds}}, grâce à une coque de {{unité|254|m}} de long pour {{unité|30.5|m}} de large. Le second type, datant de 1928, aurait été un cuirassé rapide plutôt qu'un croiseur de bataille, avec trois tourelles doubles de {{unité|406|mm}} et quatre tourelles quadruples de {{unité|130|mm}}. L'autre différence importante résidait dans la propulsion, moins puissante sans doute d'un tiers, une coque un peu plus courte ({{unité|235|m}}) et plus large ({{unité|31|m}}), d'où une vitesse de {{unité|27|nœuds}}, le gain de poids sur les machines et la coque plus courte permettant un meilleur blindage<ref name="Jordan & Dumas_p=20-22"/>.

Mais la construction de bâtiments de cette taille, avec une coque de {{unité|235|m}} ou plus, aurait excédé les capacités techniques des chantiers de construction navale français, dont la plus grande forme de construction dans un arsenal était le bassin du Salou à Brest, qui est long de {{unité|200|m}}. Le plus grand navire français de l'époque était le paquebot {{navire|Île-de-France|paquebot}} mis en service en 1927, de {{unité|245|m}}. La réalisation de telles infrastructures, doublant le coût de la construction proprement dite, aurait déséquilibré complètement le budget de la Marine Nationale, et compromis le programme de construction des autres types de navires, croiseurs, destroyers, et sous-marins prévus par le Statut Naval.

Dans le même temps, des négociations ont lieu, depuis 1926, à Genève, devant le Comité Préparatoire pour le Désarmement de la Société des Nations. On se dirige vers une prolongation jusqu'en 1936 des « vacances navales », en ce qui concerne la construction de cuirassés. Le Gouvernement du Royaume-Uni pousse néanmoins fortement à un nouvel abaissement du déplacement maximal et du calibre maximum de l'artillerie principale des cuirassés à {{unité|25000|tonnes}} et {{unité|305|mm}}. Or, le Gouvernement français ne veut pas être celui qui fera échouer cette politique de réduction des armements. L'Amirauté française en revient à des navires plus petits, avec un déplacement de l'ordre de {{unité|23333|tonnes}}, soit le tiers arithmétique du déplacement global de {{unité|70000|tonnes}} dont la construction est autorisée par le traité de Washington. Un « croiseur protégé » de {{unité|23690|t}} est étudié en 1929{{sfn|Jordan|Dumas|2009|pp=26-27}}. Son artillerie principale se présente comme celle du croiseur de bataille de {{unité|37000|tx}}, en trois tourelles de {{unité|305|mm}}, une triple et une quadruple, à l'avant, et une triple à l'arrière. L'artillerie secondaire est constituée de huit canons de {{unité|138.6|mm}}. L'artillerie anti-aérienne comporte huit tourelles doubles de {{unité|100|mm}}, nouveau calibre qu'on retrouvera sur le croiseur [[Algérie (croiseur)|''Algérie'']]. Les machines sont constituées de trois salles pour les chaudières entourées de deux salles pour les turbines, ce qui permet l'évacuation des fumées par une cheminée unique, en développant {{unité|100000|ch}} pour une vitesse de {{unité|29|nœuds}}. Toutefois, le blindage se serait limité à une protection contre les obus de {{unité|203|mm}} des croiseurs lourds italiens. La silhouette ne comporte plus de mât tripode à l'avant, mais une tour, proche de ce qui sera fait sur le croiseur [[Algérie (croiseur)|''Algérie'']] et préfigurant la silhouette du ''Dunkerque''.

==== Le ''Dunkerque'', riposte au « cuirassé de poche » allemand ====
Mais depuis 1924, en grand secret, la [[Reichswehr#La Reichsmarine|Reichsmarine]] s'est engagée, sous l'impulsion de son nouveau chef, l'amiral [[Hans Zenker|Zenker]], dans des études pour définir un bâtiment plus puissamment armé que les croiseurs lourds portant des canons de {{unité|203|mm}} du Traité de Washington, et plus rapide que la plupart des cuirassés de l'époque, filant entre 21 et 24 nœuds. En février 1929, la première unité de la nouvelle [[Classe Deutschland (croiseur lourd)|classe Deutschland]] est mise sur cale, en grande pompe, en présence du président [[Paul von Hindenburg|Hindenburg]]. Il s'agit d'un navire défini comme « ''Panzerschiff'' », c'est-à-dire « navire blindé ».
[[Fichier:Panzerschiff Deutschland in 1936.jpg|vignette|Le « Panzerschiffe » ''Deutschland'' mis sur cale en 1929, communément désigné comme un « cuirassé de poche »]]

Son déplacement, officiellement de {{unité|10000|tonnes}}, respecte la limite que l'article 190 du [[traité de Versailles]] a fixé au déplacement maximum des navires de guerre allemands. Il doit porter deux tourelles triples de {{unité|280|mm}}, l'une à l'avant, l'autre à l'arrière, et être doté de moteurs diesel développant {{unité|56000|ch}}, lui assurant un long rayon d'action et une vitesse maximale de {{unité|26|nœuds}}{{sfn|Macintyre|Bathe|1971|p=191}}. C'est une réussite technique remarquable pour la construction navale allemande, le recours à la [[Soudage|soudure]] plutôt qu'au [[rivetage]] permet d'économiser du poids, même si le déplacement réel est supérieur de 25 % au déplacement annoncé, ce qu'on ne sait pas à l'époque. Capable de distancer tous les cuirassés à flot dans les eaux européennes, à l'exception des croiseurs de bataille britanniques, notamment les {{HMS|Hood|51|6}}, {{HMS|Renown|1916|6}} et {{HMS|Repulse|1916|6}}, plus puissamment armé que tous les croiseurs respectant le traité de Washington, c'est une très sérieuse menace pour les routes maritimes commerciales{{sfn|Breyer|1973|p=286}}. Ce type de navire fut communément qualifié par la presse britannique de « cuirassé de poche », alors qu'il s'agissait en réalité, comme l'indiquait sa dénomination allemande, d'un « croiseur-cuirassé»{{sfn|Lenton, German vessels|1966|p=8}}.

Après le ''[[Deutschland (1933)|Deutschland]]'', furent mis sur cale deux unités supplémentaires, ''[[Admiral Scheer]]'', en juin 1931, et ''[[Admiral Graf Spee]]'', en octobre 1932{{sfn|Breyer|1973|p=287}}.

Le [[Traité naval de Londres]] de [[1930]] a maintenu les droits de la France et de l'Italie au remplacement, avant le 31 décembre 1936, de cuirassés anciens, dans la limite de {{unité|70000|tonnes}}, qui leur avaient été octroyés par le traité de Washington de 1922 et qu'elles n'avaient toujours pas utilisés. Mais le Gouvernement du Royaume-Uni maintient la pression en vue de l'accroissement des restrictions qualitatives sur les caractéristiques des cuirassés à construire, dans la perspective de la fin des « vacances navales », qui a été reportée au {{date|31 décembre 1936}}. L'Amirauté française, pour des raisons politiques, financières et militaires se rallie à la solution du bâtiment de {{unité|23333|tonnes}}, le bâtiment de {{unité|17500|tonnes}} n'ayant pas une protection suffisante et celui de {{unité|35000|tonnes}} outrepassant les capacités techniques et financières du moment de la Marine nationale{{sfn|Jordan|Dumas|2009|p=28-29}}.
[[Fichier:Dunkerque-3.jpg|vignette|gauche|Le ''Dunkerque'' avant sa mise en service (Il a été doté d'un capot de cheminée plus volumineux entre mars et mai 1938)]]
Dans les deux premiers mois de 1931, une négociation avec l'Italie aboutit à des « bases d'accord », le {{date|1 mars 1931}}, pour permettre la construction de deux cuirassés de {{unité|23333|tonnes}} avant le {{date|31 décembre 1936}}, mais l'arrangement définitif ne peut avoir lieu{{sfn|Dumas, Dunkerque|2001|p=15}}. La ''[[Marine royale (Italie)|Regia Marina]]'' n'est en effet pas satisfaite du projet d'un cuirassé de {{unité|23333|t}}<ref name="Giorgerini & Nani_p=31">{{Harvsp|Giorgerini|Nani|1973|p=31}}.</ref> portant six canons de {{unité|381|mm}}, en trois tourelles doubles avec une silhouette fortement inspirée du croiseur lourd [[Pola (croiseur)|''Pola'']], alors en construction{{sfn|Breyer|1973|pp=381-383}}, et elle préfère voir venir, en préparant une très profonde refonte des cuirassés de la [[classe Conte di Cavour]] qui ont été désarmés et mis en réserve en 1928, dont on changera, à partir de 1933, l'artillerie et les machines{{sfn|Giorgerini|Nani|1973|pp=295-302}}, et en poursuivant les études sur un cuirassé de {{unité|35000|tW}}.

Toutefois, pour la Marine nationale, l'objectif n'est plus désormais de construire un « tueur de croiseurs », mais de surclasser, en armement, en blindage et en vitesse, les « cuirassés de poche » allemands. Une vitesse de l'ordre de {{unité|30|nœuds}}, (et non plus {{unité|34-35|nœuds}}), deux tourelles quadruples à l'avant de plus de {{unité|305|mm}}, un blindage résistant aux obus de {{unité|280|mm}}, apparaissent compatibles avec un déplacement compris entre {{unité|23333|tonnes}} et {{unité|28000|tonnes}}. C'est ce qu'entérine le nouveau Chef d'état-major général de la marine, le vice-amiral [[Chef d'état-major de la Marine (France)|Durand-Viel]]. Ce choix est âprement discuté. Les parlementaires ne comprennent pas ce choix d'un déplacement de {{unité|25000|tonnes}} intermédiaire entre celui annoncé pour le ''Deutschland'' et le plafond de {{unité|35000|tonnes}} du traité de Washington{{sfn|Masson, Marine|1983|p=334}}, au point que dans la Tranche 1931 du Statut Naval, ne sont votés, pour un cuirassé, que des crédits d'études. Mais il apparaît aussi qu'un calibre de [[Canon de 330 mm/50 modèle 1931|{{unité|330|mm}}]] permettrait de surclasser les cuirassés italiens anciens, le recours à une artillerie secondaire à la fois anti-navire et anti-aérienne étant compatible avec un déplacement de {{unité|26500|tonnes}}, qui rendrait possible la protection contre les obus de {{unité|305|mm}} de ces mêmes cuirassés italiens<ref name="Jordan & Dumas_p=31">{{Harvsp|Jordan|Dumas|2009|p=31}}.</ref>. C'est la proposition du Chef d'État-Major Général de la Marine au Ministre, qui est étudiée par les commissions parlementaires au début de 1932. Le Ministre de la Défense nationale, [[François Piétri]], obtient son inscription au budget de 1932, la commande du ''Dunkerque'' est passée le 26 octobre, et la mise sur cale a lieu le 24 décembre 1932<ref name="Dumas, Dunkerque_p=14-16">{{Harvsp|Dumas, Dunkerque|2001|p=14-16}}.</ref>.

==== La classe Scharnhorst et l'annonce des cuirassés de {{unité|35000|tonnes}} italiens ====
Initialement, le nombre des unités de la {{classe|Deutschland|croiseur lourd}} devait être de six, mais la construction du [[Dunkerque (navire de ligne)|''Dunkerque'']], qui surclasse les [[Deutschland (1933)|''Deutschland'']] amena la marine allemande à mettre en construction une version améliorée, inspirée du projet des [[Classe Ersatz Yorck|Ersatz Yorck]]{{sfn|Breyer|1973|p=294}} de 1915. Les deux navires dont la construction est décidée, le {{date|14 février 1934}}, et qui deviendront le [[Scharnhorst (1936)|''Scharnhorst'']] et le [[Gneisenau (1938)|''Gneisenau'']], sont d'abord présentés comme devant être du type ''Panzerschiffe'' de {{unité|10000|tonnes}}, d'abord parce que l'Allemagne est alors encore tenue par les limitations du Traité de Versailles, que le [[Troisième Reich]] n'a pas encore dénoncé, et parce que la discussion est âpre en Allemagne sur leurs caractéristiques définitives. Ils ne seront mis sur cale que plus d'un an après.

[[Fichier:Scharnhorst1.jpg|vignette|droite|Le croiseur de bataille ''Scharnhorst'', avant d'être doté, au printemps 1939, d'une proue de « clipper » et d'avoir le mât avant placé plus de {{unité|27|m}} en arrière.]]

Finalement, ce sera la seule classe de bâtiments nouveaux, avec celle des [[Classe Dunkerque|Dunkerque]], qui se situera dans la zone intermédiaire entre les cuirassés lourds et lents caractéristiques des années 1920, et les croiseurs de bataille, encore que pour les bâtiments allemands, on ait privilégié la protection par rapport à l'armement, alors que sur les bâtiments français, c'est le choix inverse qui a été fait<ref name="Breyer1973_p79">{{Harvsp|Breyer|1973|p=79}}.</ref>. Aussi rapides, mais plus lourds, avec un déplacement de {{unité|31800|tonnes}}, et beaucoup plus fortement blindés que le [[Dunkerque (navire de ligne)|''Dunkerque'']], avec une ceinture blindée de {{unité|350|mm}}, ils ne recevront comme artillerie principale que trois tourelles triples au calibre de {{unité|280|mm}} seulement. La ''[[Kriegsmarine]]'' aurait préféré un calibre plus important, [[Adolf Hitler]] y était aussi favorable, parce que le ''Dunkerque'' portait des canons de {{unité|330|mm}}. Mais au moment où le choix final devait être fait, l'Allemagne était en train de négocier le [[Traité naval germano-britannique]] de [[1935]], or les Britanniques étaient très attachés à une nouvelle limitation du calibre de l'artillerie principale des cuirassés. Ceci conduisit les Allemands à choisir, à regret, un canon amélioré du même calibre que celui des ''Deutschland'', le modèle [[canon de 28 cm SK C/34|{{unité|28|cm}} SK C/34]] au lieu du modèle [[canon de 28 cm SK C/28|{{unité|28|cm}} SK C/28]]<ref name="Breyer1973_p79"/>{{,}}{{sfn|Breyer|1973|pp=293-299}}. Comme les concepteurs du ''Dunkerque'' estimaient qu'il était capable de résister aux obus de {{unité|280|mm}}, il n'y avait aucune raison, pour les Français, de concevoir une classe de cuirassés plus puissants.

[[Fichier:Bundesarchiv Bild 183-S54286, Italien, Schlachtschiff "Littorio".jpg|vignette|Le cuirassé ''Littorio'' en essais de vitesse en 1939-40, sans artillerie anti-aérienne, sans télépointeurs, ni installations d'aviation.]]

Mais, du côté italien, alors qu'avait commencé en [[1933]] la refonte des cuirassés anciens [[Conte di Cavour (cuirassé)|''Conte di Cavour'']] et [[Giulio Cesare (cuirassé)|''Giulio Cesare'']], on considéra que les nouveaux cuirassés français rompaient l'équilibre en Méditerranée entre les flottes cuirassées française et italienne, et qu'il fallait une réponse qui permît de tenir tête aussi aux cuirassés britanniques de la ''Mediterranean Fleet''<ref name="Giorgerini & Nani_p=320">{{Harvsp|Giorgerini|Nani|1973|p=320}}.</ref>. Le 24 mai 1934, le ''Duce'' [[Benito Mussolini]] annonça au Parlement italien la décision d'utiliser la totalité des droits à construire des cuirassés, que l'Italie détenait conformément aux stipulations du [[traité naval de Washington|traité de Washington]], et l'agence de presse Stefani précisait, le 11 juin, qu'il s'agissait de deux cuirassés de {{unité|35000|tonnes}}{{sfn|Dumas, Dunkerque|2001|pp=16-17}}, armés de canons de {{Lien|langue=en|trad=381mm / 50 Model 1934 naval gun|fr=canon de marine de 381 mm/50 Modèle 1934|texte=381 mm}}<ref name="Jordan & Dumas_p=31"/> qui recevront le 10 octobre 1935, les noms de [[Vittorio Veneto (cuirassé)|''Vittorio Veneto'']] et ''[[Littorio]]''<ref name="Giorgerini & Nani_p=320"/>.
[[Fichier:Strasbourg-1.jpg|vignette|gauche| Apparemment très semblable au ''Dunkerque'', le ''Strasbourg'' avait une ceinture blindée plus épaisse de {{unité|50|mm}}]]
Le temps était donc arrivé où la construction de cuirassés de la même taille devait être entreprise par la France. Mais le temps pressait, la définition d'un nouveau type de navire allait prendre du temps, le choix de nouveaux matériels, la passation de marchés différents, également, alors que les crédits pour la construction d'une seconde unité du [[Classe Dunkerque|type Dunkerque]] étaient inscrits à la « Tranche 1934 du statut naval ». Le Conseil supérieur de la Marine (CSM), le 25 juin 1934, recommanda à l'unanimité de ne pas modifier la Tranche 1934, et de lancer la construction d'une seconde unité du type Dunkerque, en en améliorant la protection verticale. Le 16 juillet 1934, la mise en chantier du [[Strasbourg (navire de ligne)|''Strasbourg'']] est signée. Ce sera le dernier navire de ligne français d'un déplacement inférieur à {{unité|35000|tonnes}}{{sfn|Dumas, Dunkerque|2001|p=17}}.

Ni la Marine Nationale française, pour ce qui concerne la {{classe|Dunkerque}}, ni la Kriegsmarine allemande, pour la {{classe|Scharnhorst|cuirassé}} n'ont répertorié ces bâtiments comme des croiseurs de bataille. Du côté français, ils ont constitué, de l'entrée en service du ''Strasbourg'' aux lendemains de [[Attaque de Mers el-Kébir|Mers el-Kébir]], la {{1re}} division de ligne. Et pourtant, le terme de croiseur de bataille est employé par nombre d'historiens maritimes, même parmi les plus connus. Ainsi [[Henri Le Masson]] a écrit : « ''En dépit de leur classification officielle dans la liste de la Marine, le ''Dunkerque'' et le ''Strasbourg'' qui avaient été conçus en réponse aux premiers navires blindés allemands, ceux de la classe Deutschland, relevaient plus d'un type de croiseur de bataille que réellement de cuirassés'' »<ref name="lmp17">{{Harvsp|Le Masson|1969|p=17}}.</ref>. On observera que l'année même où était mis sur cale le ''Dunkerque'', le Royaume-Uni était contraint de démolir, en application du traité naval de Londres de 1930, un bâtiment de {{unité|28500|tonnes}}, long de {{unité|214|m}}, large de {{unité|27.6|m}}, armé de huit canons de {{unité|343|mm}}, en quatre tourelles doubles, protégé par une ceinture blindée de {{unité|230|mm}}, développant {{unité|85000|ch}}, et marchant à 28 nœuds, donc aux caractéristiques proches du [[Dunkerque (navire de ligne)|''Dunkerque'']], le {{HMS|Tiger|1913|6}}, le dernier vétéran de la bataille du Jutland, très proche également des croiseurs de bataille japonais, de la {{classe|Kongō|croiseur}}. On comprend dès lors l'opinion d'Henri Le Masson.

Par comparaison avec le HMS ''Tiger'', le recours, sur le ''Dunkerque'', à une disposition d'artillerie principale différente, en deux tourelles quadruples, au lieu de quatre tourelles doubles permettait d'avoir une puissance de feu presque équivalente, avec un gain de poids sensible, donc la possibilité de tourelles mieux protégées ({{unité|330|mm}} au lieu de 200 à {{unité|230|mm}}), et une citadelle blindée plus concentrée, grâce à la disposition d'artillerie plus ramassée, mais d'une égale épaisseur, {{unité|229|mm}} ({{unité|9|pouces}}). Si le maitre-bau devait être un peu supérieur ({{unité|31|m}} au lieu de {{unité|27.6|m}}), pour loger les barbettes de tourelles quadruples, qui donne un ratio longueur/largeur un peu plus faible, des chaudières plus modernes, donc plus performantes en termes de rapport poids/puissance des machines donnaient la possibilité d'avoir une vitesse supérieure de 2 nœuds. Mais ce qui fait la caractéristique d'un cuirassé, c'est l'importance de sa cuirasse dans son devis de poids. Or pour le ''Dunkerque'', le devis de poids{{sfn|Dumas, Dunkerque|2001|p=21}} était le suivant :

{| class="wikitable"
! Parties constitutives du navire !! Coque !! Installations<br /> de navigation !! Artillerie !! Protection<br /> de l'artillerie !! Protection<br /> du flotteur !! Machines !! Combustible !!'''Total'''''
|-
|Poids || {{unité|7011|t}} || {{unité|2767|t}} || {{unité|4858|t}} || {{unité|2676|t}} ||{{unité|8364|t}} || {{unité|2214|t}} || {{unité|2860|t}} || {{unité|30750|t}}
|-
|Pourcentage || 22,8 % || 9 % || 15,8 % || 8,7 % || 27,2 % || 7,2 % || 9,3 % || 100 %
|}
[[Fichier:Italian battleship Andrea Doria.jpg|vignette|Après leur reconstruction, les cuirassés italiens, marchant à 27 nœuds, avaient une silhouette ressemblant à celle de la classe ''Littorio'', mais le calibre de l'artillerie principale n'était que de {{unité|320|mm}}]]
[[Fichier:Haruna 1934.jpg|vignette|gauche|Après leur seconde reconstruction, la classe Kongō japonaise (ici le ''Haruna'' en 1934) pouvaient filer 30 nœuds, mais la ceinture cuirassée ne dépassait pas {{unité|203|mm}} d'épaisseur]]
Dès lors, il n'est pas inintéressant de comparer le pourcentage de la protection du ''Dunkerque'', 35,9 %, avec ceux du HMS ''Tiger'', 26 %{{sfn|Breyer|1973|p=135}}, des cuirassés de la {{classe|Revenge}}, 32 %{{sfn|Breyer|1973|p=150}}, de la {{classe|King George V|1939}}, 34,8 %<ref name="lenton 55">{{Harvsp|Lenton, British BB|1972|p=55}}.</ref>, et du {{HMS|Hood|51|6}}, 36,3 %{{sfn|Breyer|1973|p=172}}. On voit que, sous ce rapport, le ''Dunkerque'', comme d'ailleurs le HMS ''Hood'', était plus un cuirassé rapide qu'un croiseur de bataille. Il reste, et Henri Le Masson le relève également<ref name="lmp17" /> qu'à Mers el-Kébir la ceinture blindée du ''Dunkerque'', d'une épaisseur de {{unité|229|mm}}, fut percée par les obus [[Canon de marine de 15 pouces BL Mark I|{{unité|381|mm}}]] des cuirassés anglais, ce qui n'a rien de surprenant, mais ceci ne tient pas au fait qu'il aurait été conçu, dans un esprit de système comme un croiseur de bataille. Le ''Dunkerque'' avait été conçu pour faire face à ce qu'on pensait être la principale menace, c'est-à-dire aux navires allemands ou italiens armés de canons de [[canon de 28 cm SK C/34|{{unité|280|mm}}]], voire de {{unité|305|mm}}/46 calibres italiens conçus par Armstrong-Vickers, mais non aux cuirassés de la Royal Navy armés de canons de [[Canon de marine de 15 pouces BL Mark I|{{unité|381|mm}}]], car les Français avaient considéré que leurs cuirassés rapides opéreraient comme aile marchante de la flotte de bataille britannique. D'ailleurs, dès qu'il s'avéra qu'il allait falloir affronter des navires italiens armés de canons de {{Lien|langue=en|trad=381mm/50 Model 1934 naval gun|fr=canon de marine de 381 mm/50 Modèle 1934|texte=381 mm}}, l'épaisseur de la ceinture cuirassée de la seconde unité, le [[Strasbourg (navire de ligne)|''Strasbourg'']], fut portée à {{unité|283|mm}}. On observera de surcroît que si la cuirasse de ceinture du ''Dunkerque'' était de la même épaisseur que celle du HMS ''Tiger'', ou du HMS ''Lion'', le blindage du toit des tourelles était double, {{unité|150|mm}} au lieu de 64 à {{unité|83|mm}}, de sorte que le premier obus de {{unité|381|mm}} qui a touché le ''Dunkerque'' à Mers el-Kébir a rebondi sur le toit de la tourelle II, sans y pénétrer{{sfn|Dumas, Dunkerque|2001|pp=77-79}}. D'ailleurs, la canonnade du 3 juillet 1940 qui a endommagé le ''Dunkerque'' a eu des conséquences moins graves que l'attaque aérienne du 6 juillet, en faisant exploser des grenades sous-marines qui se trouvaient sur un patrouilleur accosté au cuirassé, explosion qu'on a considérée comme équivalant à celle de huit torpilles{{sfn|Jordan|Dumas|2009|p=86}}.
[[Fichier:HMS Renown at anchor A7322.jpg|vignette|Des trois croiseurs de bataille britanniques encore en service en 1939, seul le HMS ''Renown'' avait été refondu]]
[[Fichier:HMS Warspite, Indian Ocean 1942.jpg|vignette|gauche|La refonte de trois cuirassés de la classe Queen Elizabeth (ici le HMS ''Warspite'') n'avait pas entrainé une augmentation de leur vitesse]]
De son côté, Siegfried Breyer traite de la {{classe|Dunkerque}}, ainsi que de la {{classe|Scharnhorst|cuirassé}}, comme de « petits cuirassés »<ref name="Breyer1973_p79"/> estimant, en ce qui concerne la seconde, que la force de frappe y avait été sacrifiée à la capacité d'encaisser et à la vitesse, pour des raisons que l'on pourrait qualifier de diplomatiques, comme on l'a vu plus haut. Or les dimensions de coque étaient identiques, à deux mètres près pour la longueur, à celles de la {{classe|Ersatz Yorck}}, qui était prévue pour porter des canons de [[38 cm SK L/45|{{unité|380|mm}}]], et il n'est pas clairement établi si la taille des barbettes de l'artillerie principale a été prévue dès l'origine pour pouvoir y installer des tourelles doubles de [[canon de 38 cm SK C/34|{{unité|380|mm}}]], ou si la possibilité de cette transformation n'a été sérieusement envisagée, sur le [[Gneisenau (1938)|''Gneisenau'']], qu'au moment de ses grosses réparations de 1942-1943.

Le [[Traité naval de Londres]] de 1930 ayant reporté au 31 décembre 1936 la date de fin du moratoire de la construction des cuirassés, imposé par le traité de Washington de 1922, de vastes programmes de reconstructions sont donc menés pendant les années 1930. La Regia Marina italienne transforme ainsi ses cuirassés anciens des classes [[classe Conte di Cavour|Conte di Cavour]] et [[classe Andrea Doria (cuirassé)|Andrea Doria]] en cuirassés rapides de {{unité|29000|tonnes}}, en les dotant de nouvelles machines pour filer {{unité|26-27|nœuds}} et en accroissant de {{unité|305|mm}} à {{unité|320|mm}} le calibre de leur artillerie{{sfn|Breyer|1973|pp=374-380}}. La Marine impériale japonaise transforme les croiseurs de bataille de la {{classe|Kongō|croiseur}} en cuirassés rapides de {{unité|32000|tonnes}}, en changeant notamment leurs machines pour pouvoir filer 30 nœuds{{sfn|Ireland|2004|pp=70-71}}.

Tous ces bâtiments se retrouvent, avec un déplacement de l'ordre de {{unité|30000|tonnes}}, une vitesse de 27 à 30 nœuds, un blindage de ceinture de {{unité|203|mm}} (sur les cuirassés japonais de la classe Kongō) à {{unité|350|mm}} (sur la {{classe|Scharnhorst|cuirassé}}), et une artillerie principale au calibre de {{unité|280|mm}} à {{unité|356|mm}}, dans cette catégorie intermédiaire des cuirassés qu'on ne sait trop comment qualifier, et qui n'a finalement pas été une spécificité des marines française et allemande. On pourrait aussi inclure les {{Lien|langue=en|trad=Design 1047 battlecruiser|fr=Croiseurs de bataille néerlandais|texte=projets néerlandais}} de 1939-1940{{sfn|Breyer|1973|p=454}}, les projets allemands ({{Lien|langue=en|trad=O-class battlecruiser|fr=classe O (croiseur)|texte=classe O}}){{sfn|Lenton, German vessels|1966|pp=50-51}} du Plan Z, les projets japonais dits {{Lien|langue=en|fr=Design B-65 cruiser|texte=BB 64/65}}{{sfn|Breyer|1973|pp=367}}{{,}}{{sfn|Ireland|2004|p=82}}, sans oublier, dans le passé, la {{classe|Mackensen}}, et à l'avenir, la {{classe|Alaska}}.

En revanche, la Royal Navy procède à la refonte du {{HMS|Renown|1916|6}}{{sfn|Breyer|1973|p=75}} et de trois cuirassés de la {{classe|Queen Elizabeth|cuirassé}}{{sfn|Breyer|1973|p=76}}, en améliorant leur protection et en modernisant leurs machines, mais sans accroître leur vitesse. Les deux autres cuirassés de la {{classe|Queen Elizabeth|cuirassé}}, les cuirassés de la {{classe|Revenge}} et les deux autres croiseurs de bataille, les {{HMS|Hood|51|6}} et {{HMS|Repulse|1916|2}} n'en bénéficieront pas. S'éloignant avec précaution des théories de Lord Fisher, la Royal Navy n'entend pas suivre l'engouement pour la vitesse au détriment de l'armement et/ou de la protection, comme on l'a déjà vu sur la {{classe|Nelson|cuirassé}}.

=== Après 1937, apogée et chant du cygne des cuirassés rapides ===
Une nouvelle vague de construction de cuirassés va débuter en 1934, après la décision de l'Italie de construire deux cuirassés de {{unité|35000|tonnes}}{{sfn|Ireland|Grove|1997|p=141}}, respectant il est vrai les stipulations des traités de 1922 et 1930, applicables à l'Italie et à la France. Les cuirassés de cette taille vont devenir la norme. On a déjà observé ce phénomène, pour les croiseurs de {{unité|10000|tonnes}} du Traité de Washington, la limite supérieure du déplacement des cuirassés devient la norme, pour toutes les marines, mais pas celle du calibre de l'artillerie principale.

==== Le cuirassé rapide devient la norme ====
Lorsqu'en 1935, le [[traité naval germano-britannique]] « légalise » la construction de la {{classe|Scharnhorst|cuirassé}} et va permettre à la Kriegsmarine de mettre sur cale son premier « {{unité|35000|tonnes}} », le [[Bismarck (cuirassé)|''Bismarck'']]{{sfn|Ireland|Grove|1997|p=141}}, la France met sur cale le [[Richelieu (cuirassé de 1939)|''Richelieu'']] de {{unité|35000|tonnes}} également, en réponse à la construction des cuirassés italiens. Ce faisant, elle outrepasse ses droits de construire {{unité|70000|tonnes}} de cuirassés, avant le 31 décembre 1936, mais elle estime que l'accord germano-britannique l'a mise devant le fait accompli, en ce qu'il annule, sans son assentiment, les clauses navales du traité de Versailles{{sfn|Ireland|Grove|1997|p=141}}. Suivront, en 1936, le [[Tirpitz (cuirassé)|''Tirpitz'']] et le [[Jean Bart (cuirassé, 1940)|''Jean Bart'']]. À l'expiration des traités, le {{date-|1 janvier 1937}}, le Royaume-Uni lance un programme de construction de cinq cuirassés, la {{classe |King George V|1939}}{{sfn|Ireland|Grove|1997|p=141}}, et les États-Unis, celui des deux cuirassés de la {{classe|North Carolina}}{{sfn|Ireland|Grove|1997|p=141}}, puis à partir de 1939, des quatre cuirassés de la {{classe|South Dakota|1939}}.

Chacune de ses classes a des caractéristiques différentes. L'artillerie principale varie de dix canons de [[Canon de 14 pouces BL Mk VII|{{unité|356 mm}}]], sur les cuirassés britanniques, à neuf canons de {{Lien|langue=en|trad=16"/45 caliber Mark 6 gun|fr=canon de 16 pouces/45 calibres Mark 6|texte=406 mm}} sur les cuirassés américains, en passant par huit canons de [[Canon de 380 mm/45 modèle 1935|{{unité|380|mm}}]] sur les cuirassés français ou de [[canon de 38 cm SK C/34|{{unité|38|cm}} (SK C/34)]] sur les cuirassés allemands et neuf canons de {{Lien|langue=en|trad=381mm / 50 Model 1934 naval gun|fr=canon de marine de 381 mm/50 Modèle 1934|texte=381 mm}} sur les cuirassés italiens.

Les Allemands restent les seuls à recourir à des tourelles doubles de {{unité|380|mm}}, alors que les classes précédentes avaient été dotées de tourelles triples de {{unité|280|mm}}, mais les barbettes des tourelles triples de {{unité|280|mm}} des ''Scharnhorst'' auraient pu accueillir des tourelles doubles de {{unité|380|mm}}. Les Américains et les Italiens, restant traditionnellement attachés aux tourelles triples, sont rejoints par les Japonais, dont tous les cuirassés précédents portaient des tourelles doubles. Les Français, pionniers des tourelles quadruples sont rejoints sur ce point par les Britanniques. On observera que le poids des tourelles quadruples de {{unité|330|mm}} des ''Dunkerque''{{sfn|Jordan|Dumas|2009|p=37}}, de {{unité|356|mm}} des ''King George V''{{sfn|Breyer|1973|pp=106}}, des tourelles triples de {{unité|381|mm}} des ''Littorio''{{sfn|Breyer|1973|pp=369}}, est approximativement le même, soit respectivement, {{formatnum:1497}}, {{unité|1550|et=1600|tonnes}}, et que les Américains ont conçu les ''North Carolina'' pour pouvoir les équiper de tourelles quadruples de {{unité|356|mm}} ou triples de {{unité|406|mm}}, puisque tel était le débat, au moment où ils allaient être mis sur cale.

L'artillerie secondaire est à double usage, antiaérienne et antinavires, de [[canon à tir rapide de 133,35 mm Mark I|133,35 mm]] sur les cuirassés britanniques et de [[Canon de 5 pouces/38 calibres|{{unité|127|mm}}]] sur les cuirassés américains. Sur les cuirassés italiens, français ou allemands, on trouve des batteries de neuf à douze canons de [[Canon de 15 cm SK C/28|150 mm]] ou {{unité|152|mm}}, anti-navires, et des batteries anti-aériennes de douze à seize canons de {{unité|90|mm}}, {{unité|100|mm}}, ou de [[Canon de 10,5 cm FlaK 38|105 mm]].

Le blindage de ceinture est plus épais sur les cuirassés britanniques ou italiens ({{unité|373|mm}} ou {{unité|350|mm}}) que sur les cuirassés français et allemands (avec la même épaisseur, {{unité|325|mm}}, mais avec des différences, telles que l'inclinaison (ou non) des blindages intérieurs, avec des parties couvertes plus ou moins étendues) ou américains ({{unité|305|mm}} ou {{unité|310|mm}}). La protection des faces des tourelles est plus importante sur les cuirassés français ({{unité|432|mm}}) ou américains ({{unité|406|mm}} ou {{unité|457|mm}}), que sur les cuirassés britanniques ({{unité|324|mm}}), italiens ({{unité|350|mm}}) ou allemands ({{unité|356|mm}}).

Au total, bien peu de ces cuirassés auront respecté la limite du déplacement de {{unité|35000|tonnes}}, parfois ils la dépasseront de peu, parfois nettement et délibérément, notamment sur les cuirassés italiens et allemands.

Mais tous les cuirassés nouveaux de {{unité|35000|tonnes}}, ainsi que les cuirassés japonais de la {{classe|Yamato}}, ont une vitesse supérieure à 27 nœuds, atteignant pour certains 30 nœuds, voire 32 nœuds. Bref, ce sont tous des cuirassés rapides. Les longueurs de coque vont de 210 à {{unité|256|mètres}}, et la puissance installée varie de {{unité|120000|ch}} sur la {{classe|North Carolina}}<ref name="Breyer 1973_p=241">{{Harvsp|Breyer|1973|p=241}}.</ref>, et la {{classe |King George V|1939}}{{sfn|Breyer|1973|p=184}}, autour de {{unité|130000|ch}} sur la {{classe|South Dakota|1939}}<ref name="Breyer 1973_p=241" />, {{unité|140000|ch}} sur la {{classe|Littorio}}<ref name="Breyer 1973_p=386">{{Harvsp|Breyer|1973|p=386}}.</ref>, et jusqu'à {{unité|150000|ch}} sur le [[Bismarck (cuirassé)|''Bismarck'']]<ref name="Breyer 1973_p=300">{{Harvsp|Breyer|1973|p=300}}.</ref>, le [[Richelieu (cuirassé de 1939)|''Richelieu'']]{{sfn|Dumas, Richelieu|2001|p=23}}, et la classe Yamato{{sfn|Breyer|1973|p=361}}. Cette puissance est évidemment fonction de la vitesse maximale recherchée, et du ratio longueur/largeur, qui est largement tributaire du maitre-bau, qui dépend du nombre et du calibre des canons sur les tourelles.

L'évolution des technologies en matière de propulsion a été importante au cours des années 1920-1930. Ainsi, lors de la refonte du HMS ''Renown'', en 1936-39, la puissance installée passe de {{unité|120000|à=130000|ch}}, alors que le poids des machines est réduit de {{unité|5890|à=3200|tonnes}}{{sfn|Breyer|1973|pp=157, 159}}. Cela se marque dans l'évolution des rapports poids/puissance en quinze à vingt ans, qui passent de plus de {{unité|45|kg}}/ch au milieu des années 1920, pour la {{classe|Nelson|cuirassé}}{{sfn|Breyer|1973|p=177}}, à {{unité|20|kg}}/chau milieu des années 1930, sur la {{classe|Dunkerque}}{{sfn|Dumas, Dunkerque|2001|pp=21-23}}, un peu au-dessus de {{unité|18|kg}}/ch pour les classes Richelieu{{sfn|Dumas, Richelieu|2001|pp=10-11 }}, Bismarck<ref name="Breyer 1973_p=300"/>, Littorio<ref name="Breyer 1973_p=386"/>, {{unité|15|kg}}/ch au début des années 1940, sur la {{classe|North Carolina}}<ref name="Breyer 1973_p=241"/>, et {{unité|12.5|kg}}/ch sur la {{classe|Iowa}} en 1943{{sfn|Breyer|1973|p=250}}.

Dans tous les cas, il s'agit de machines à vapeur, c'est-à-dire de chaudières à petits tubes, plus ou moins sophistiquées, à ultra haute pression<ref name="Breyer1973_p79"/>, sur la {{classe|Scharnhorst|cuirassé}}, « suralimentées » sur la classe Richelieu{{sfn|Jordan|Dumas|2009|p=111 }}, qui alimentent des turbines à engrenages{{sfn|Macintyre|Bathe|1971|pp=142-145}} fabriquées par [[Parsons Marine Steam Turbine Company|Parsons]], pour les cuirassés britanniques (et sous licence pour les cuirassés français), [[General Electric]] ou [[Westinghouse Electric Company|Westinghouse]] pour les cuirassés américains, [[Brown, Boveri & Cie|Brown-Boveri]] pour les cuirassés allemands{{sfn|Lenton, German vessels|1966|pp=43, 47}}. Les Américains avaient été les seuls à utiliser la {{Lien|langue=en|trad=Turbo-electric transmission|fr=Transmission turbo-électrique|texte=transmission électrique}} entre les turbines et les hélices, pour les cuirassés mis en service à la fin de Première Guerre Mondiale et autour des années 1920, jusqu'aux croiseurs de bataille de la {{classe|Lexington|croiseur}}. D'ailleurs les porte-avions {{USS|Lexington|CV-2|6}} et {{USS|Saratoga|CV-3|6}}, ainsi que l'{{USS|Langley|CV-1|6}}, qui a servi de prototype, en resteront équipés. Mais les turbines à engrenages seront adoptées, pour les cuirassés qui sont construits pour l'U.S. Navy, à partir de 1937. Les Allemands ont installé des moteurs diesel M.A.N. sur la {{classe|Deutschland|croiseur lourd}}, de {{unité|56000|ch}}, permettant un très grand rayon d'action{{sfn|Lenton, German vessels|1966|p=37}}, Ils y renoncent sur la {{classe|Scharnhorst|cuirassé}}, parce qu'à l'époque, il n'y a pas encore d'expérience pour des moteurs diesel assurant des puissances de l'ordre de {{unité|160000|ch}}<ref name="Breyer1973_p79"/>. Mais il était prévu d'y recourir à nouveau au moins partiellement, sur les cuirassés de la [[Classe H (cuirassé)|classe H]] et les croiseurs de bataille de la classe O du [[Plan Z (Allemagne)|Plan Z]]{{sfn|Lenton, German vessels|1966|pp=49, 51}}, après la {{classe|Bismarck|1939}}.

Cependant, les systèmes les plus sophistiques connaissent parfois des mécomptes, ce fut le cas pour les unités de la {{classe|Scharnhorst|cuirassé}}, dont les ennuis de machines ont été un sujet constant de préoccupation<ref name="Breyer1973_p79"/>, ou pour le ''Richelieu'', dont les émissions de fumée noire étaient jugées intempestives{{sfn|Jordan|Dumas|2009|pp=192, 200}}.

Pour autant, marcher à 30 nœuds, avec des coques dont le franc-bord est très inférieur à celui des grands transatlantiques qui, à l'époque, se disputent le « Ruban Bleu » à des vitesses comparables, ne va pas sans inconvénients, ces navires pouvant se révéler très « humides ». C'était déjà le cas pour le HMS ''Hood'' dont la plage avant et la plage arrière, un pont plus bas, étaient, à grande vitesse, si souvent noyées par les vagues qu'il avait le sobriquet de « plus grand sous-marin de la Royal Navy ». Plus sérieusement les quartiers de l'équipage, humides et mal ventilés, ont entrainé un nombre exceptionnel de cas de tuberculose{{sfn|Taylor|2008|p=123}}. Mais la {{classe|Dunkerque}} avait, de son côté, été qualifiée de « bateaux pour le « bassin des carènes » par un amiral qui y avait eu sa marque{{sfn|Dumas, Dunkerque|2001|p=90}}. Pendant une tempête subie dans l'Atlantique nord, en novembre-décembre 1939, la vitesse du ''Dunkerque'' avait dû être réduite à 10 nœuds, et il avait fallu lui faire passer une semaine à l'arsenal pour effectuer la réparation des dommages subis{{sfn|Dumas, Dunkerque|2001|p=68}}. Il avait ensuite été équipé de braies de cuir sur les embrasures des tourelles d'artillerie principale, pour empêcher l'eau d'y pénétrer, et les pièces anti-aériennes de {{unité|37|mm}} avaient été déplacées, pour les installer un pont plus haut{{sfn|Dumas, Dunkerque|2001|p=60}}. La {{classe|Scharnhorst|cuirassé}} n'avait pas été épargnée par la même tempête, malgré sa proue « atlantique », qu'il avait fallu renforcer, et même ainsi, au cours de la rencontre avec le HMS ''Renown'' au début avril 1940, le ''Gneisenau'' a eu des difficultés à utiliser les télémètres de sa tourelle avant, qui étaient aveuglés par les embruns{{sfn|Ireland|2004|pp=47}}. Quant à la {{classe|King George V|1939}}, pour laquelle on avait spécifié que la tourelle avant devait pouvoir tirer sur l'avant à l'élévation zéro<ref name="lenton 55" />, on rencontrait les mêmes difficultés pour l'emploi des télémètres de la tourelle quadruple avant. D'ailleurs cette spécification a été supprimée pour le {{HMS|Vanguard|23|6}}{{sfn|Lenton, British BB|1972|p=64}}.
[[Fichier:British Battlecruiser HMS Hood circa 1932.jpg|vignette|gauche|De 1929 à 1932, le HMS ''Hood'' a eu une catapulte d'aviation sur la plage arrière]]
[[Fichier:Dunkerque-4.jpg|vignette|Sur le ''Dunkerque'', les hydravions embarqués étaient abrités dans un hangar installé sur la plage arrière.]]
Le positionnement des installations d'aviation s'avérait problématique. Traditionnellement sur la plupart des cuirassés des années 1920, la catapulte était installée sur le toit d'une tourelle ou au milieu de la superstructure centrale, mais sur les nouveaux cuirassés, elle interfère avec les installations d'artillerie anti-antiaérienne qui se multiplient. Repousser les installations d'aviation sur l'arrière les place dans le champ de tir des tourelles arrière d'artillerie principale et les soumet à des effets de souffle redoutables, et aux oscillations de la coque par gros temps. La catapulte installée en 1929 sur l'arrière du HMS ''Hood'' avait ainsi été enlevée en 1932<ref name="Jordan & Dumas 2009_p=51">{{Harvsp|Jordan|Dumas|2009|p=51}}.</ref>. Les Français, sur la {{classe|Dunkerque}} et sur le ''Richelieu'', dont l'artillerie principale était concentrée à l'avant, ont résolu de mettre les catapultes à l'arrière, mais ont installé un hangar pour abriter les hydravions<ref name="Jordan & Dumas 2009_p=51" />. Les Allemands ont installé les installations d'aviation au milieu de la superstructure, avec les catapultes dans l'axe derrière la cheminée, sur la {{classe|Scharnhorst|cuirassé}}, et perpendiculairement à la coque, sur le [[Bismarck (cuirassé)|''Bismarck'']]. Les Britanniques ont également retenu cette dernière disposition, sur les cuirassés modernisés de la {{classe|Queen Elizabeth|cuirassé}}, sur le HMS ''Renown'' après sa refonte de la fin des années 1930, et sur la {{classe|King George V|1939}}{{sfn|Lenton, British BB|1972|p=53}}, tandis que les Italiens et les Américains ont préféré maintenir les installations d'aviation à l'arrière, sans prévoir de protection particulière sur les navires italiens{{sfn|Breyer|1980|p=298}}.

À partir de 1943, trois des quatre unités de la {{classe|Iowa}} ont été mises en service, suivies de l'{{USS|Missouri|BB-63|6}} en juin 1944. Prévus pour déplacer {{unité|45000|tonnes}}, ce furent les plus rapides des cuirassés construits, avec une coque de {{unité|270|mètres}} de long, et une puissance installée de {{unité|212000|ch}}. Ils pouvaient filer {{conversion|33|knot|km:h|0|lk=1}}, et donc naviguer de conserve avec les porte-avions de la {{classe|Essex}} à la vitesse maximale. Mis à part un renforcement de l'artillerie principale avec neuf canons de [[Canon de 406 mm/50 calibres Mark 7|{{unité|406|mm}}]], tirant des obus plus lourds que les classes précédentes, leurs caractéristiques étaient très proches de la {{classe|South Dakota|1939}}, qui les précédait, et certains ont pu estimer que l'accroissement de déplacement de {{unité|10000|tonnes}} était cher payé pour un gain de vitesse de 5 nœuds{{sfn|Ireland|2004|p=182-183}}.

Entre juin et septembre 1944, deux bâtiments de la {{classe|Alaska}} furent mis en service. D'un déplacement de plus de {{unité|30000|tonnes}}, armés de neuf canons de {{Lien|langue=en|trad=12"/50 caliber Mark 8 gun|fr=canon de 305 mm/50 calibres Mark 8|texte=305 mm}}, avec une puissance installée de {{unité|150000|ch}}, ils pouvaient filer 33 nœuds. On les a parfois considérés comme des croiseurs de bataille, avec un blindage de {{unité|229|mm}} en ceinture, et de {{unité|330|mm}} sur les tourelles, mais ils étaient en fait une extrapolation des croiseurs lourds de la {{classe|Baltimore}}. Leur protection anti-torpilles était loin d'équivaloir celle des [[Dunkerque (navire de ligne)|''Dunkerque'']] et [[Scharnhorst (1936)|''Scharnhorst'']], mais l'amiral [[Ernest King|King]], commandant-en-chef de la Flotte des États-Unis, les avait considérés comme devant être très performants dans l'escorte des porte-avions rapides{{sfn|Ireland|2004|p=185}}.

==== Croiseurs de bataille et cuirassés rapides au combat ====
La mise en service de quelque vingt cuirassés nouveaux s'étalera entre l'été 1940, pour les premiers cuirassés italiens et le ''Bismarck'', fin 1940 pour les Britanniques, le début de 1941 pour les Américains, et l'été 1941 pour les Japonais et le [[Tirpitz (cuirassé)|''Tirpitz'']], jusqu'à l'automne 1943, pour le [[Richelieu (cuirassé de 1939)|''Richelieu'']], après sa refonte aux États-Unis.

===== Dans l'Atlantique et en Méditerranée de 1939 à 1941 =====
Au début de la guerre, compte tenu des croiseurs de bataille britanniques datant de la fin de la Première Mondiale et de la {{classe|Dunkerque}}, les Alliés disposent de cinq bâtiments rapides plus puissants que les cinq bâtiments allemands des classes Deutschland et Scharnhorst.

Au cours de l'hiver 1939-1940, des escadres combinées franco-britanniques ont recherché, en vain, les raiders allemands, au large des côtes d'Afrique et dans l'Atlantique nord, notamment après que l'escadre ''Scharnhorst''-''Gneisenau'' a coulé le croiseur auxiliaire {{HMS|Rawalpindi}}, le 23 novembre{{sfn|Macintyre|1975|p=100}}.

C'est une petite escadre, un petit croiseur lourd et deux croiseurs légers, qui va finalement repérer, le 13 décembre 1939, le « cuirassé de poche » ''[[Admiral Graf Spee]]'', au large du [[Bataille du Rio de la Plata|Rio de la Plata]]{{sfn|Warner, Bennett ''et alii''|1976|p=85}}. Avec un croiseur armé de six canons de {{unité|203|mm}}, et deux croiseurs légers avec huit canons de {{unité|152|mm}} chacun, face à un navire armé de six canons de {{unité|280|mm}} et une batterie secondaire de huit canons de {{unité|150|mm}}, le commodore [[Henry Harwood|Harwood]] n'hésite pas à attaquer, bien que dans une situation semblant assez proche de celle de l'amiral Troubridge avec ses quatre croiseurs cuirassés face au {{SMS |Goeben}}, en août 1914. Mais il a l'avantage de la vitesse, car le bâtiment allemand ne file au maximum que 26 nœuds, il peut donc placer ses trois navires de manière à diviser le tir des deux tourelles du ''Graf Spee''. Une fois son principal navire, le {{HMS|Exeter|68|6}}, sérieusement endommagé, il pourra se dégager et continuer à surveiller à distance le navire allemand, qui se réfugiera à Montevideo, où il sera sabordé, son commandant étant persuadé qu'il n'a aucune chance contre une puissante escadre d'un croiseur de bataille et d'un porte-avions qu'il croit, à tort, à proximité{{sfn|Ireland|Grove|1997|p=150}}{{,}}{{sfn|Preston, Porte-avions|1980|p=126}}.
[[Fichier:Gneisenau und Scharnhorst.jpg|vignette|gauche|Le ''Gneisenau'' (en haut) et le ''Scharnhorst'' (en bas) ont le plus souvent opéré de concert dans l'Atlantique jusqu'en février 1942]]
Au matin du 9 avril 1940, le croiseur de bataille ''Renown'', qui porte la marque du vice-amiral Withworth, commandant l'escadre de croiseurs de bataille, rencontre fortuitement l'escadre ''Scharnhorst''-''Gneisenau'' qui assure la couverture éloignée du débarquement allemand en Norvège. Le ''Gneisenau'' ayant encaissé plusieurs impacts, le vice-amiral [[Günther Lütjens|Lütjens]], chef de la flotte par intérim, réussit à se dérober dans la tempête{{sfn|Mordal|1960|p=119}}. Pour aller, cinq jours plus tard, écraser, à coups de canons de {{unité|381|mm}}, les destroyers qui ont débarqué les chasseurs de montagne allemands au fond du fjord de [[Bataille de Narvik|Narvik]], l'amiral Withworth transfère sa marque sur le HMS ''Warspite'', le 13 avril{{sfn|Macintyre|1975|pp=77-78}}, pour ne pas risquer un navire aussi rare que le HMS ''Renown''{{sfn|Mordal|1960|p=135-142}} dans des eaux resserrées et aussi peu sûres que celles qui ont vu la perte du croiseur [[Blücher (1937)|''Blücher'']] devant la forteresse d'[[forteresse d'Oscarsborg|Oscarborg]], dans le fjord d'Oslo, quatre jours plus tôt{{sfn|Mordal|1960|pp=107-108}}.

Début juin, l'escadre [[Scharnhorst (1936)|''Scharnhorst'']]-[[Gneisenau (1938)|''Gneisenau'']] réussit à surprendre le porte-avions britannique HMS ''Glorious'', qui naviguait sans patrouille aérienne, tandis que les navires que l'escadre allemande avait précédemment attaqués avaient vu leurs signaux radio d'alerte brouillés. Le ''Scharnhorst'' réussit un coup au but à {{unité|24000|mètres}}. Dans le combat qui vit la perte du porte-avions et de ses deux destroyers d'escorte{{sfn|Macintyre|1975|pp=102-104}}, le ''Scharnhorst'' fut endommagé par une torpille du {{HMS|Acasta|H09|6}}. Le ''Gneisenau'' reçut, quelques jours plus tard, un impact de torpille du sous-marin britannique HMS ''Clyde'', au large des côtes de Norvège centrale<ref name="Ireland 48">{{Harvsp|Ireland|2004|p=48}}.</ref>, en couvrant le retour du ''Scharnhorst'' à Kiel.
[[Fichier:Croiseur de bataille Strasbourg 03-07-1940.jpg|vignette|Le ''Strasbourg'' essuie le feu des cuirassés britanniques, le 3 juillet 1940, à Mers-el Kébir]]
Fin juin, la France ayant signé l'armistice avec l'Allemagne, le Royaume-Uni n'a plus que trois croiseurs de bataille à opposer aux deux cuirassés de la {{classe|Scharnhorst|cuirassé}} et aux deux unités restantes de la {{classe|Deutschland|croiseur lourd}}, avec une forte incertitude, aux yeux du Cabinet britannique, sur l'attitude future des deux unités de la {{classe|Dunkerque}}, repliées à Oran, et du ''Richelieu'', à Dakar. C'est dans ce climat que [[Winston Churchill]] impose à ses amiraux, parfois très réticents{{sfn|Ireland|Grove|1997|p=189}}, d'exécuter l'[[opération Catapult]]{{sfn|Le Masson|1969|pp=37-43}}. Les cuirassés français sont attaqués à [[Attaque de Mers el-Kébir|Mers el-Kébir]]{{sfn|Jordan|Dumas|2009|p=73-82}} au canon le 3 juillet{{sfn|Dumas, Dunkerque|2001|p=69-73}}, puis par avion, le 6 juillet<ref name="Macintyre1975_p=119">{{Harvsp|Macintyre|1975|p=119}}.</ref>. Pour les deux cuirassés anciens attaqués, l'un explose et chavire, avec des pertes humaines considérables, l'autre est très sérieusement endommagé, mais surtout, le ''Dunkerque'' est mis hors de combat, pour le reste de la guerre{{sfn|Jordan|Dumas|2009|p=84-86}}. Seul le ''Strasbourg'', qui a réussi à quitter son mouillage, échappe à la poursuite du HMS ''Hood'' et aux avions du HMS ''Ark Royal''<ref name="Macintyre1975_p=119"/>, et rallie Toulon{{sfn|Dumas, Dunkerque|2001|p=84-87}}. À Dakar le 8 juillet, le ''Richelieu'' est torpillé par les avions du {{HMS|Hermes|95|6}}{{sfn|Macintyre|1975|p=121}}{{,}}{{sfn|Jordan|Dumas|2009|p=125-128}}. Il y restera immobilisé pendant près de deux ans{{sfn|Lepotier|1967|p=84}}{{,}}{{sfn|Jordan|Dumas|2009|pp=147-150}}. L'effet de surprise, qui a forcé les bâtiments français à combattre dans les conditions les plus défavorables{{sfn|Lepotier|1967|pp=10-24}}, a presque parfaitement réussi, en privant les unités les plus rapides de leur supériorité en matière de vitesse, mais l'échappée du ''Strasbourg'', pour chanceuse qu'elle fût, a montré que la vitesse en haute mer pouvait assurer une certaine sécurité, même si l'amiral [[James Fownes Somerville|Somerville]] n'a pas mis à le poursuivre ce jour-là, une pugnacité digne de l'amiral Beatty au Jutland. Le ''Richelieu'' étant réduit à l'état de batterie flottante, l'amiral [[John Cunningham (militaire)|John Cunningham]] pouvait ne disposer que de deux cuirassés anciens et du porte-avions {{HMS|Ark Royal|91|2}} pour attaquer [[Bataille de Dakar|Dakar]] à la fin septembre{{sfn|Lepotier|1967|pp=79-83}}{{,}}{{sfn|Jordan|Dumas|2009|pp=139-147}}.
[[Fichier:HMS Ark Royal h85716.jpg|vignette|Les porte-avions britanniques, ici le HMS ''Ark Royal'' avec ses [[Fairey Swordfish|Swordfish]], ont aidé la Royal Navy à compenser le nombre insuffisant de ses cuirassés rapides, en Atlantique et en Méditerranée, de 1939 à 1942]]
Le HMS ''Hood'' et le HMS ''Repulse'' étant affectés à la Home Fleet, et le HMS ''Renown'' à la Force H à Gibraltar, la flotte de Méditerranée ne peut opposer que des cuirassés anciens modernisés aux cuirassés modernisés italiens, comme c'est le cas à la [[bataille de Punta Stilo]], début juillet 1940, où l'amiral Campioni se replie après que le HMS ''Warspite'' a mis un coup au but sur le ''Guilio Cesare''. Mais la mise en service dans le courant de l'été 1940 des deux cuirassés rapides de la {{classe|Littorio}} va changer les choses. Aussi, l'amiral [[Andrew Cunningham]] décide de mener, avec une vingtaine d'avions du porte-avions {{HMS|Illustrious|R87|6}}, une attaque surprise de nuit, le 11 novembre 1940, contre les cuirassés italiens mouillés à Tarente{{sfn|Warner, Bennett ''et alii''|1976|p=104}}{{,}}{{sfn|Lepotier|1967|pp=95-101}}. Sur les quatre cuirassés modernisés, deux sont endommagés dont un, le [[Conte di Cavour (cuirassé)|''Conte di Cavour'']] si gravement qu'il ne retournera pas en service de toute la durée de la guerre{{sfn|Breyer|1980|p=280, 282-283}}, et le cuirassé ''Littorio'' qui vient d'entrer en service, échappe à une perte totale parce que sa coque touche le fond des eaux peu profondes du port{{sfn|Breyer|1980|p=296}}. Fin novembre, à la [[bataille du cap Teulada]], c'est cette fois la présence du {{HMS|Ark Royal|91|6}} qui conduit l'amiral Campioni à ne pas rechercher le contact avec les cuirassés anciens de l'amiral Somerville, bien qu'il ait le ''Vittorio Veneto'' avec lui{{sfn|Macintyre|1975|p=122}}. La Royal Navy qui pallie avec ses porte-avions récents, {{HMS|Ark Royal|91|6}}, ''Illustrious ''et [[Classe Illustrious|''Formidable'']] son manque de cuirassés rapides, montre l'efficacité de cette nouvelle arme, et les Allemands ne s'y tromperont pas qui feront du porte-avions HMS ''Illustrious'' la cible principale du ''X. Fliegerkorps'', quand ils interviendront sur le théâtre méditerranéen{{sfn|Macintyre|1975|p=80}}{{,}}{{sfn|Macintyre|1975|p=124}}, pour assurer le passage de l'[[Deutsches Afrikakorps|Afrika Korps]] en Libye.

Fin janvier-début février 1941,la Kriegsmarine a lancé ses grands bâtiments de surface dans une nouvelle campagne de « guerre de course » contre les convois alliés{{sfn|Ireland|2004|p=45}}. L'escadre ''Scharnhorst''-''Gneisenau'' réussit à passer par le détroit de Danemark, entre Islande et Groenland, pour attaquer les convois alliés dans l'Atlantique, mais les plus importants d'entre eux étaient escortés par des cuirassés lents{{sfn|Ireland|Grove|1997|p=141}}. L'amiral Lütjens put, grâce à la vitesse de ses bâtiments, se dérober par trois fois, devant les cuirassés ''Ramillies'', ''Malaya'' et ''Rodney''{{sfn|Ireland|2004|p=136}}, car les cuirassés allemands tiraient des obus d'un poids de {{unité|315|kg}}, égal à un peu plus du tiers de celui des obus des cuirassés britanniques ({{unité|875|kg}} pour le {{unité|381|mm}}, et {{unité|907|kg}}, pour le {{unité|406|mm}}){{sfn|Breyer|1973|p=106 & p. 257}}, et affronter ceux-ci eût été prendre un risque inconsidéré. Au cours d'une croisière de deux mois, l'[[Opération Berlin (Atlantique)|opération Berlin]]{{sfn|Macintyre|1975|pp=104-106}}, qui le conduisit jusque dans l'Atlantique central, au large de l'Afrique de l'Ouest{{sfn|Breyer|1980|p=116}}, l'amiral Lütjens réussit à couler 22 navires, totalisant {{unité|116000|tonnes}}, mais principalement des navires rentrant d'Europe à vide, après que leurs convois s'étaient dispersés, au large des côtes canadiennes<ref name="Ireland 48" />. Mais il avait ainsi touché les limites de l'emploi de ses bâtiments dans l'attaque des convois. Le 22 mars, l'escadre allemande entrait à Brest{{sfn|Macintyre|1975|p=106}}, où presque immédiatement, les Britanniques commencèrent à la bombarder.

Une semaine après l'arrivée des navires de l'amiral Lütjens à Brest, la ''[[Supermarina]]'', le commandement supérieur de la Regia Marina, fit appareiller, à la demande pressante du Haut Commandement allemand, trois escadres comprenant le cuirassé [[Vittorio Veneto (cuirassé)|''Vittorio Veneto'']], huit croiseurs et leurs escortes, pour intercepter des convois de troupes britanniques évacuant la Grèce, sous la pression de la [[Wehrmacht]]. Averti, l'amiral Andrew Cunningham fit rappeler les convois et appareilla d'Alexandrie avec trois cuirassés anciens, dont deux modernisés, et le porte-avions HMS ''Formidable''{{sfn|Macintyre|1975|p=85}}. Le ''Vittorio Veneto'' ayant pris sous son feu l'escadre de croiseurs de l'amiral [[Henry Pridham-Wippell|Pridham-Wipple]], au sud de la Crète (engagement de Gavdo), des attaques aériennes furent lancées depuis le HMS ''Formidable'', qui permirent aux croiseurs de se dégager, endommagèrent le cuirassé italien en le ralentissant, et immobilisèrent un croiseur lourd{{sfn|Ireland|Grove|1997|p=174}}. Les cuirassés anglais, qui se trouvaient alors à une centaine de kilomètres, ne parvinrent pas à portée de canon du ''Vittorio Veneto'', mais dans un combat de nuit, le 29 mars 1941, au large du [[Bataille du cap Matapan|cap Matapan]], ils ont surpris et coulé trois croiseurs lourds{{sfn|Ireland|2004|p=132}}. Cette bataille est caractéristique de la tactique britannique d'emploi du porte-avions contre le cuirassé à l'époque : il s'agit de l'atteindre lorsqu'il est hors de portée de l'artillerie lourde, pour le ralentir et permettre le combat décisif, au canon. Mais l'amiral Cunningham ne disposait pas de cuirassés rapides pour que le succès fût complet. Le ''Duce'' Mussolini, quant à lui, en conclut qu'il fallait doter la Regia Marina de porte-avions, le « porte-avions Italie » s'avérant insuffisant{{sfn|Lepotier|1967|p=106}}{{,}}{{sfn|Giorgerini|Nani|1973|p=340}}.

Début avril, à Brest, le ''Gneisenau'' fut avarié pour six mois par une torpille lancée, malgré une [[flak]] intense, par un [[Bristol Beaufort]], dont le pilote [[Kenneth Campbell (aviateur)|Kenneth Campbell]] reçut la [[Croix de Victoria|Victoria Cross]] à titre posthume{{sfn|Macintyre|1975|p=106}}. Début mai, l'amiral Lütjens, chef de la flotte, met sa marque sur le ''Bismarck'' à [[Gdynia|Gotenhafen]]. Armé de huit canons de {{unité|380|mm}}, pouvant filer 30 nœuds, ce cuirassé peut affronter les plus puissants navires britanniques{{sfn|Ireland|2004|p=135}}. Assurant la couverture des bâtiments plus légers qui attaqueront les navires des convois, il peut constituer une redoutable menace pour les convois alliés{{sfn|Ireland|Grove|1997|p=150}}. Accompagné du croiseur lourd [[Prinz Eugen (1938)|''Prinz Eugen'']], le ''Bismarck'' appareille, le 19 mai, dans la nuit. Le chef de la flotte aurait préféré opérer en liaison avec d'autres grands bâtiments, mais le ''Scharnhorst ''et le ''Gneisenau'' n'en finissent pas de réparer à Brest les dégâts que leur causent les avions britanniques, et il n'a pas réussi à convaincre le grand-amiral [[Erich Raeder|Raeder]] de différer la sortie du ''Bismarck'' jusqu'à l'entrée en service du ''Tirpitz'', prévue pour l'été{{sfn|Kennedy|1975|pp=20-21}}.
[[Fichier:060529 Hood explosion sketch.jpg|vignette|L'explosion du HMS ''Hood'' vue par le commandant du HMS ''Prince of Wales'']]
L'escadre allemande mouille le 20 mai dans un fjord près de Bergen, où elle est repérée par un [[Supermarine Spitfire|Spitfire]] de reconnaissance aérienne{{sfn|Patfield|1975|p=275}}. L'amiral Tovey, commandant la Home Fleet, lorsqu'il apprend que le cuirassé allemand a quitté son mouillage norvégien, détache pour l'intercepter, le HMS ''Hood'', et le cuirassé rapide HMS ''Prince of Wales'', aux ordres du vice-amiral [[Lancelot Holland]], commandant en second de la Home Fleet et commandant de l'escadre de croiseurs de bataille{{sfn|Patfield|1975|p=276}}. L'amiral allemand compte passer à nouveau par le détroit de Danemark, route qui lui a été bénéfique en janvier pour déboucher dans l'Atlantique, mais il est repéré au radar par deux croiseurs lourds. Dans la nuit du 23 au 24 mai, les deux escadres se rapprochent, à leur vitesse maximale, l'escadre britannique, marchant à 28 nœuds, cap un peu au nord de l'ouest, et l'escadre allemande, à 30 nœuds, cap au sud-ouest. L'amiral Holland est alors en position de couper, à la fin de la nuit, la route de son adversaire, en le recevant avec toute son artillerie battante par le travers tribord. Mais le contact radar est perdu dans la nuit, l'amiral Holland ralentit à 25 nœuds, met cap au sud, et lance ses destroyers d'escorte{{sfn|Ireland|2004|p=52}} rechercher l'escadre allemande au nord, au cas où elle aurait momentanément rebroussé chemin vers l'Allemagne, comme l'amiral Marschall l'avait fait, en novembre 1939, et l'amiral Lütjens en janvier 1941. Quand le contact radar est rétabli, quelques heures plus tard, il s'avère que l'escadre allemande n'a changé ni de cap, ni de vitesse, mais maintenant c'est elle qui est en position de barrer la route à l'escadre britannique, avec toute son artillerie battante sur l'avant de son travers bâbord. C'est dans cette disposition que le combat s'engage peu avant {{heure|6}}, le matin du 24 mai, à une distance où le tir plongeant du ''Bismarck'' est réputé être dangereux pour le HMS ''Hood''{{sfn|Patfield|1975|p=277}}. Les cuirassés britanniques n'ont que dix pièces battantes sur dix-huit, face aux huit pièces du ''Bismarck''. Et c'est au moment où les navires britanniques manœuvrent pour rendre battantes leurs tourelles arrière, qu'à la cinquième salve du ''Bismarck'', le HMS ''Hood'' est touché, entre les cheminées et le mât arrière, et explose<ref name="Ireland 2004_p=134">{{Harvsp|Ireland|2004|p=134}}.</ref>. La mémoire collective associe dès lors la fin du HMS ''Hood'' à celle des croiseurs de bataille anglais au Jutland, même si d'autres cuirassés, plus blindés que lui, ont disparu dans des explosions similaires, causées il est vrai par des torpilles sous-marines pour le {{HMS|Barham|04|6}}, ou par des bombes planantes radio-guidées, pour le cuirassé italien [[Roma (cuirassé, 1940)|''Roma'']].

Pour la suite de la poursuite et de la mise à mort du ''Bismarck''{{sfn|Breyer|1980|p=121}}, le rayon d'action s'est avéré aussi important que la vitesse. L'amiral Tovey qui a sa marque sur le cuirassé HMS ''King George V'' a quitté Scapa Flow avec le croiseur de bataille HMS ''Repulse'' et le porte-avions HMS ''Victorious''. Il va être obligé de les laisser rentrer se ravitailler, après qu'une attaque d'avions-torpilleurs a mis, grâce à la pugnacité des pilotes, deux torpilles au but, mais sans provoquer de dommages. Le ''Bismarck'' qui a une soute endommagée par un obus du HMS ''Prince of Wales'', perd du mazout et se dirige vers Brest à 20 nœuds, ce qui va laisser le temps à la Force H de l'amiral Somerville, partie de Gibraltar, d'être en position pour mener deux attaques d'avions-torpilleurs du HMS ''Ark Royal'', dont la dernière va rendre le cuirassé allemand ingouvernable{{sfn|Macintyre|1975|p=128-129}}. Le 27 mai au matin, l'amiral Tovey n'aura à ses côtés que le cuirassé HMS ''Rodney'', qui a abandonné l'escorte d'un transport de troupes, et qui peine à donner 22 nœuds, pour écraser le cuirassé allemand sous les obus de 356 et {{unité|406|mm}}{{sfn|Ireland|Grove|1997|p=189}}. Puis, à court de carburant, il devra lui aussi quitter le champ de bataille alors que le ''Bismarck'' est encore à flot, laissant le croiseur {{HMS|Dorsetshire|40|6}} l'achever à la torpille{{sfn|Ireland|2004|p=52}}, à moins que ce soit son équipage qui l'ait finalement sabordé.

Pour le reste de 1941, le ''Scharnhorst ''et le ''Gneisenau'' sont toujours à Brest, sous les bombes d'avions{{sfn|Macintyre|1975|p=107}}. Les cuirassés italiens sortent pour protéger les convois de Libye, que bombardent les avions de Malte, dont l'aviation est renforcée par les avions convoyés par les porte-avions britanniques, escortés par des cuirassés lents (le HMS ''Nelson'' a remplacé le HMS ''Renown ''dans la Force H) et épisodiquement pour l'[[opération Halberd]], par le cuirassé rapide HMS ''Prince of Wales'', après qu'il a transporté le Premier ministre Churchill en Amérique, pour signer la [[Charte de l'Atlantique]].

Mais la tension monte en Asie, il faut, pour impressionner les Japonais, envoyer le HMS ''Prince of Wales'' et le HMS ''Repulse'', à Singapour, d'urgence, sans attendre qu'ils soient accompagnés d'un porte-avions. Trois jours après l'attaque de Pearl Harbour, en essayant d'empêcher un débarquement japonais sur la côte de Malaisie, sans couverture aérienne, ils sont surpris et envoyés par le fond, au large de Kuantan, par des avions qui ont décollé d'aérodromes d'Indochine française, où les Japonais ont imposé la présence de leurs troupes, après l'armistice signé par la France en 1940. Ce sont les premiers cuirassés rapides coulés en haute mer, à la suite d'attaques uniquement aériennes.

Au total, l'année 1941 aura été particulièrement funeste pour les cuirassés rapides des marines européennes, avec l'immobilisation des ''Scharnhorst''-''Gneisenau'', la perte du ''Bismarck'', du ''Prince of Wales'' et du ''Repulse''. Il faut la mise en service du ''Duke of York'' en novembre, pour que la Royal Navy compte, au {{date-|1 janvier 1942}}, autant de cuirassés rapides qu'en septembre 1939, tandis que pour les opérations aériennes à la mer, Allemands et Italiens ressentent durement l'absence de porte-avions.

===== Dans l'océan Arctique et en Méditerranée, en 1942 et 1943 =====
Le ''[[Führer]]'' Adolf Hitler craignant un débarquement britannique en Norvège, la Kriegsmarine reçoit l'ordre, au début de 1942, de faire rentrer en Allemagne l'escadre ''Scharnhorst''-''Gneisenau'' et le croiseur lourd ''[[Prinz Eugen (1938)|Prinz Eugen]]''. En faisant le choix de passer directement par le Pas de Calais, l'[[opération Cerberus]]{{sfn|Breyer|1980|p=117}} est risquée, apparemment suicidaire{{sfn|Macintyre|1975|p=107}}, elle table sur la surprise et la vitesse{{sfn|Ireland|2004|p=49}}. L'escadre, escortée de vingt destroyers et torpilleurs, bénéficiant d'une couverture aérienne qui mobilisera plus de 30 bombardiers et de 250 chasseurs, appareille de Brest le 11 février<ref name="Warner140">{{Harvsp|Warner, Bennett ''et alii''|1976|p=140}}.</ref>, à la nuit faite, et le lendemain matin en Manche, surprend totalement les Britanniques, dont la réaction sur mer et dans les airs est tardive et désordonnée{{sfn|Macintyre|1975|p=108}}, malgré la témérité des pilotes de six [[Fairey Swordfish]] de la [[Fleet Air Arm]], menés par le capitaine de corvette (''lieutenant commander'') [[Eugene Esmond]], qui y perdra la vie{{sfn|Macintyre|1975|p=109}}, le lendemain du jour où lui ont été remis les insignes du [[Ordre du Service distingué|''Distinguished Service Order'']], pour son attaque contre le ''Bismarck'' depuis le {{HMS|Victorious|R38|6}}, le 24 mai 1941. Les cuirassés allemands arriveront le 13 février, à Wilhelmshaven, en n'ayant subi que des dégâts, au demeurant assez sérieux, provoqués par des mines au large des côtes hollandaises{{sfn|Macintyre|1975|pp=109-110}}. Mais le forcément du Pas-de-Calais marque aussi la fin de la présence des grands bâtiments allemands dans l'Atlantique.

Le ''[[Tirpitz (cuirassé)|Tirpitz]]'' a déjà rallié la Norvège, et le ''[[Deutschland (1933)|Lützow]]'' (ex-''Deutschland'') y arrive en mai. Cela va immobiliser les cuirassés rapides de la Home Fleet, qui assurent la couverture éloignée des premiers convois de Russie{{sfn|Ireland|2004|p=133}}{{,}}{{sfn|Warner, Bennett ''et alii''|1976|p=113}}, avec le concours de l'U.S. Navy, qui détache, jusqu'à l'été 1942, un des premiers cuirassés rapides qu'elle met en service, l'{{USS|Washington|BB-56|6}}{{sfn|Macintyre|1975|p=91}}. Mais la pénurie de carburant contraint les navires allemands à ne sortir que rarement. À titre préventif, cependant, la Royal Navy fait détruire, à la fin mars, à Saint-Nazaire, par une attaque de commandos, la porte-écluse du seul bassin de radoub susceptible d'accueillir un aussi grand cuirassé sur les côtes atlantiques françaises{{sfn|Warner, Bennett ''et alii''|1976|p=119}}.

En Méditerranée, en 1942, les convois alliés vers Malte ne bénéficient toujours pas de la couverture de cuirassés rapides, et l'attaque des forces de l'Axe est surtout le fait de l'aviation basée à terre et des sous-marins{{sfn|Ireland|Grove|1997|p=176}}, en raison de la pénurie de carburant qui frappe encore plus la Regia Marina. En mars 1942, l'amiral [[Philip Vian|Vian]] a même réussi à faire passer un convoi, malgré l'intervention du ''[[Littorio]]'', lors de la [[seconde bataille de Syrte|seconde bataille du Golfe de Syrte]]<ref name="Ireland 2004_p=137"/>.

Cependant, la position de « flotte ''in being'' » convient plutôt bien aux cuirassés allemands et italiens, les plus grands succès de la Kriegsmarine et de la Regia Marina sont obtenus par la crainte des cuirassés qui ne sont pas finalement pas engagés, comme l'échec du convoi d'Égypte et de Palestine vers Malte en juin 1942 ([[opération Vigorous]]){{sfn|Bragadin|1957|p=174}} et surtout l'attaque du convoi [[Convoi PQ 17|de Russie PQ 17]]{{sfn|Warner, Bennett ''et alii''|1976|p=115}}, lorsque le retrait prématuré de la couverture éloignée de cuirassés, face à une sortie du''Tirpitz'' qui n'a finalement pas lieu, occasionne une hécatombe de navires marchands, sous les coups des sous-marins et de la Luftwaffe<ref name="Ireland 2004_p=137">{{Harvsp|Ireland|2004|p=137}}.</ref>.

Mais la situation en Méditerranée se retourne à l'été. En août 1942, le passage d'un convoi de Gibraltar à Malte, (l'[[opération Pedestal]]){{sfn|Warner, Bennett ''et alii''|1976|p=130-131}}, à la protection duquel participe deux cuirassés, {{HMS|Nelson|28|6}} et {{HMS|Rodney|29|6}}, quatre porte-avions et 7 croiseurs, s'est effectué malgré des pertes importantes, notamment celles du porte-avions {{HMS|Eagle|1918|6}}, des croiseurs {{HMS|Cairo|D87|6}} et {{HMS|Manchester|15|2}}, et de neuf des quatorze navires marchands du convoi. Cela constitue néanmoins un succès stratégique décisif, pour les Alliés, en ce qu'il va permettre à l'aviation de Malte de continuer à contrarier le ravitaillement des forces du maréchal [[Erwin Rommel|Rommel]] en Égypte{{sfn|Warner, Bennett ''et alii''|1976|p=132-133}}, et contribuer à la victoire d'[[El-Alamein|El Alamein]]. Début novembre, l'[[Opération Torch|opération ''Torch'']] de débarquement anglo-américain en Algérie et au Maroc voit les derniers combats des Alliés avec les Français. À [[Opération Torch|Casablanca]], du 8 au 10 novembre, le cuirassé inachevé ''Jean Bart'', immobile à quai, reçoit le feu du cuirassé USS ''Massachusetts'' et les bombes du porte-avions USS ''Ranger''{{sfn|Jordan|Dumas|2009|p=156-161}}.

Dans l'océan Arctique, le 26 décembre, à la [[bataille de la mer de Barents]]{{sfn|Warner, Bennett ''et alii''|1976|p=118}}, des forces allemandes importantes, centrées sur les croiseurs lourds ''Lützow'' (ex-''Deutschland'') et ''Admiral Hipper'', aux ordres de l'amiral [[Oskar Kummetz|Kummetz]] sont repoussées par l'escorte immédiate du convoi JW 51B, aux ordres du commandant [[Robert St Vincent Sherbrooke|St Vincent Sherbrooke]], et par l'escadre de croiseurs légers du contre-amiral [[Robert Burnett|Burnett]]. Cet échec entraine la mise à l'écart du grand-amiral Raeder et son remplacement par l'amiral [[Karl Dönitz|Dönitz]], et le ''Fuhrer'', exaspéré, décide d'envoyer tous les cuirassés à la casse{{sfn|Ireland|Grove|1997|p=150}}.

En 1943, les cuirassés ne sont plus au cœur de la guerre navale, en Atlantique et en Méditerranée, l'enjeu principal est l'issue de la bataille qui se livre contre les sous-marins, dans l’Atlantique. Dans le Grand-Nord, les cuirassés allemands restent dans les fjords, à la suite des atermoiements sur l'emploi des cuirassés, l'amiral Dönitz s'employant à faire revenir Hitler sur sa décision, tandis que le ''Scharnhorst'' ne rejoint la Norvège qu'en mars, que le ''Gneisenau'' voit sa refonte à [[Gdynia|Gotenhafen]], abandonnée et ses tourelles d'artillerie principale enlevées, pour être installées en batteries côtières{{sfn|Breyer|1980|p=118}}. Une sortie rapide du ''Tirpitz'' et du ''Scharnhorst'' a lieu en juillet, contre la station météo norvégienne du Spitzberg{{sfn|Macintyre|1975|p=110}}.

En Méditerranée, la déroute des forces de l'Axe, au printemps en Afrique du Nord, maintient les cuirassés italiens, dans leurs ports d'attache, à court de carburant. La Royal Navy peut se permettre alors d'envoyer des cuirassés rapides, HMS ''King George V'' et ''Howe'', renforcer les cuirassés anciens HMS ''Valiant'' et ''Warspite'' pour participer à des bombardements côtiers et couvrir les débarquements en Sicile<ref name="Ireland 2004_p=138">{{Harvsp|Ireland|2004|p=138}}.</ref>. Fin juillet, le ''Duce'' Mussolini est renversé, et quelques jours plus tard, le cuirassé ''Littorio'' est rebaptisé ''Italia'' pour marquer la rupture avec le fascisme{{sfn|Breyer|1980|p=290}}.

À la veille des débarquements en Italie continentale, début septembre, un armistice est signé par le gouvernement italien, avec les Alliés. La flotte italienne, aux ordres de l'amiral [[Carlo Bergamini|Bergamini]], appareille de ses ports, principalement de [[La Spezia]], pour se mettre à l'abri des Allemands{{sfn|Bragadin|1957|p=315-318}}. Le 9 septembre au matin, au nord-ouest de la Sardaigne, la Luftwaffe passe à l'attaque. Ses avions venus du sud de la France, armés de bombes planantes radioguidées [[Fx 1400 Fritz X|FX 1400]]{{sfn|Ireland|Grove|1997|pp=190-191}}, touchent par deux fois le navire amiral, le très récent cuirassé [[Roma (cuirassé, 1940)|''Roma'']], qui explose et coule{{sfn|Breyer|1980|p=301}}. La flotte se réfugie à Malte et ses deux plus puissants cuirassés sont internés en Égypte{{sfn|Breyer|1980|p=304}}.

Pendant ce temps les cuirassés britanniques participent aux débarquements de Reggio Calabria, Tarante et Salerne<ref name="Ireland 2004_p=138"/>, où le cuirassé ''Warspite'', dont l'artillerie contribue à arrêter les attaques des blindés allemands en direction des plages, est lui aussi gravement endommagé par les bombes radioguidées allemandes, le 16 septembre{{sfn|Macintyre|1975|p=88}}.

Les Allemands occupent, au cours de la [[campagne du Dodécanèse]] (septembre-novembre 1943), les [[Dodécanèse italien|possessions italiennes de la mer Égée]]. L'amiral [[Inigo Campioni|Campioni]], ancien commandant de la flotte, qui a été nommé gouverneur des îles du Dodécanèse, à Rhodes, est fait prisonnier par les Allemands, qui le livrent aux fascistes de la [[République sociale italienne|république de Salo]]. Comme il refuse de reconnaître leur légitimité, il est fusillé, en mai 1944{{sfn|Bragadin|1957|p=339}}.

En Norvège, la Royal Navy réussit à immobiliser le ''Tirpitz'' pour huit mois, par une attaque de sous-marins nains de la [[classe X (sous-marin britannique)|classe X]], dans le Kaafjord{{sfn|Breyer|1980|p=122}}. Comme les convois de Russie ont repris, que la campagne d'attaques sous-marines de 1943 a été enrayée, et qu'il n'est pas possible de laisser renforcer l'armée russe, en gardant les grands navires au mouillage, l'amiral Dönitz se résout à faire sortir le ''Scharnhorst'', escorté de cinq destroyers, à la fin décembre, pour intercepter le convoi JW 55B{{sfn|Macintyre|1975|p=111}}. Dans la tempête, le 26 décembre au matin<ref name="Warner140" />, il est repéré au radar par l'escadre de croiseurs lourds du vice-amiral [[Robert Burnett|Burnett]] qui l'intercepte, et endommage sa direction de tir, mais sa vitesse lui permet de se dérober par deux fois à 28 nœuds{{sfn|Macintyre|1975|p=112-113}}. Ayant perdu le contact de son escorte, dans l'après-midi, il est pris sous le feu du cuirassé {{HMS|Duke of York|17|6}}, qui porte la marque de l'amiral [[Bruce Fraser]], commandant-en-chef de la Home Fleet. Touché à la tourelle avant, le ''Scharnhorst'' est près de réussir encore à se dérober. Mais touché dans sa chaudière avant, sa vitesse tombe. Attaqué par quatre destroyers que son artillerie secondaire endommage, il encaisse plusieurs torpilles. Il est alors écrasé par le feu des canons de {{unité|356|mm}} du cuirassé, et torpillé encore de nombreuses fois, finit par couler{{sfn|Macintyre|1975|p=114-115}}.

Le ''Tirpitz'' reste seul, les deux dernières unités de la {{classe|Deutschland|croiseur lourd}} allant terminer la guerre en mer Baltique. Il est d'abord attaqué, en avril 1944, par une quarantaine de bombardiers en piqué [[Fairey Barracuda]]s de la Fleet Air Arm, armés de bombes perforantes de {{unité|730|kg}} ([[opération Tungsten]]), sans grands résultats . Il succombe à une attaque de 32 bombardiers quadrimoteurs du Bomber Command de la RAF qui ont décollé d'aérodromes d'Union soviétique. Armés de bombes [[Tallboy|Tall Boy]] de {{unité|5.5|tonnes}}, ils réussissent à le faire chavirer, le 12 novembre 1944{{sfn|Ireland|2004|p=53}}.

===== Dans le Pacifique de 1941 à 1945 =====
De 1939 à 1941, la guerre navale entre le Royaume-Uni et les puissances de l'Axe, lorsqu'elle n'était pas dirigée sur la menace sous-marine contre le commerce, donnait une place centrale au combat des grands bâtiments de surface armés de canons, avec cette caractéristique qu'un seul des deux camps disposait de porte-avions. Dans le Pacifique, à partir de 1941, la situation était totalement différente, puisque l'un des deux camps, pendant près d'un an, n'a pas eu de cuirassé opérationnel, alors que les deux camps disposaient de porte-avions.

====== De Pearl Harbor à Midway, une guerre navale sans cuirassé ======
En effet, dans les trois premiers jours du conflit, les États-Unis d'Amérique et le Royaume-Uni ont perdu neuf cuirassés, sept lents et deux rapides, dans deux batailles, à [[Attaque de Pearl Harbor|Pearl Harbor]], dans les Îles Hawaï{{sfn|Warner, Bennett ''et alii''|1976|p=148}}, le 7 décembre, et au large de la Malaisie, devant Kuantan{{sfn|Warner, Bennett ''et alii''|1976|p=152}}, le 10 décembre. Ces résultats ont été obtenus uniquement par l'attaque de forces aériennes, mais utilisées en masse. À Pearl Harbor, l'amiral [[Chūichi Nagumo|Nagumo]] a engagé cent-trente-deux chasseurs [[Mitsubishi A6M|''Zero'']], cent-vingt-neuf bombardiers en piqué [[Aichi D3A|''Val'']] et cent-quarante-trois bombardiers-torpilleurs [[Nakajima B5N|''Kate'']], venant de six porte-avions d'attaque, le ''[[Kaga (porte-avions)|Kaga]]'' et l{{'}} ''[[Akagi (porte-avions)|Akagi]]'' ({{1re}} division de porte-avions), le ''[[Hiryū]]'' et le ''[[Sōryū|Sôryû]]'' ({{2e}} division), le ''[[Shōkaku]]'' et le ''[[Zuikaku]]'' ({{5e}} division){{sfn|Preston, Porte-avions|1980|p=99}}. On est loin de la vingtaine de [[Fairey Swordfish|Swordfish]] qui, partant du seul {{HMS|Illustrious|R87|6}}, avaient attaqué la flotte italienne à Tarente. Quant au cuirassé {{HMS|Prince of Wales|53|6}} et au croiseur de bataille {{HMS|Repulse|1916|6}}, ils ont subi l'attaque de quelque cinquante bombardiers [[Mitsubishi G4M|''Betty'']] et trente-quatre avions torpilleurs [[Mitsubishi G3M|''Nell'']] de la [[11e flotte aérienne (Marine impériale japonaise)|{{11e}} flotte aérienne]], mise à la disposition de l'amiral [[Nobutake Kondō|Kondō]].

Un but indirect de l'attaque de Pearl Harbor était de frapper l'opinion américaine, alors que le président des États-Unis avait une attitude intransigeante face à la politique de l'empire du Japon en Extrême-Orient, en exigeant que le Japon retire ses troupes d'Indochine et de Chine. Il s'agissait de montrer que l'histoire pouvait se répéter, et que les États-Unis pouvaient connaitre un sort analogue à celui qu'avait connu l'Empire russe, près de quarante ans auparavant, s'ils s'engageaient dans des opérations militaires aussi loin de leurs bases{{sfn|Preston, Porte-avions|1980|p=97}}. Ce but ne fut pas atteint. La réponse du président Roosevelt, dans son « discours de l'infamie », devant le Congrès, dès le 8 décembre, montrait, au travers de la volonté de riposte qu'il exprimait, que l'attaque du 7 décembre lui permettait d'entrainer un peuple uni dans la guerre, allant au-delà de la politique qu'il avait suivie depuis près de dix-huit mois, c'est-à-dire du « soutien aux démocraties, sans aller jusqu'à la guerre », avec l'abrogation du [[Lois des années 1930 sur la neutralité|Neutrality Act]] en passant de la loi « ''[[Cash and carry (Seconde Guerre mondiale)|cash and carry]]'' » au « [[Prêt-bail|Prêt-Bail]] »{{sfn|Kershaw|2007|pp=272-354, 429-472}}, et par l'aide subreptice apportée au Royaume-Uni dans la lutte contre les sous-marins allemands, dans le début de la [[bataille de l'Atlantique (1939-1945)|bataille de l'Atlantique]]{{sfn|Peillard|1974|pp=200-204}}{{,}}{{sfn|Ireland|2004|p=176-177}}.

En revanche, le but direct des opérations du 7 décembre 1941 était l'anéantissement, sinon l'affaiblissement de la puissance navale des États-Unis dans le Pacifique, pour faciliter l'invasion de la Malaisie, qui avait débuté quelques heures avant l'attaque de Pearl Harbor, des Philippines, et bientôt des Indes néerlandaises, ainsi que de Bornéo et des Célèbes, sans compter nombre d'îles et d'atolls (à [[Wake (atoll)|Wake]], [[Guam]] dans les [[îles Mariannes]] ou les [[îles Gilbert]]), susceptibles de renforcer la ceinture de protection contre les forces navales occidentales, que constituent les îles du Pacifique du sud-ouest sous mandat japonais ([[îles Carolines]], [[Palaos]], [[îles Mariannes]] du nord et [[îles Marshall]]). Le succès, dans ce domaine, était presque total. En matière de grands bâtiments de combat, il ne restait que trois porte-avions de l'US Navy, les USS {{USS|Lexington|CV-2|2}}, {{USS|Saratoga|CV-3|2}} et {{USS|Enterprise|CV-6|2}} qui, par chance ne s'étaient pas trouvés le 7 décembre dans les eaux d'Hawaï.

Le [[Attaque du Prince of Wales et du Repulse|naufrage du ''Prince of Wales'' et du ''Repulse'']] ne résultait pas d'une opération conçue ''a priori'' par la Marine impériale japonaise. Il était intervenu, à la suite d'une rencontre due à la faiblesse de leur éclairage, avant que les cuirassés britanniques n'arrivent jusqu'aux plages des débarquements japonais, à proximité de la frontière de la Malaisie avec la Thaïlande, alors que l'amiral [[Tom Phillips (militaire)|Phillips]] recherchait, sans couverture ni capacité d'exploration aérienne, une force de débarquement, au demeurant, inexistante, plus au sud, sur la côte est de la Malaisie{{sfn|Ireland|2004|p=120}}{{,}}{{sfn|Patfield|1975|pp=280-282}}. L'attaque japonaise avait été le fait d'appareils de la {{11e}} flotte aérienne, basés sur des aérodromes proches de [[Hô Chi Minh-Ville|Saïgon]], car les Japonais avaient imposé [[Invasion japonaise de l'Indochine|par la force]] aux Français la présence de leurs troupes en Indochine, en 1941. Ces appareils avaient été détournés de leur mission initiale, qui était d'appuyer les débarquements qui s'effectuaient depuis le 8 décembre au nord de [[Campagne de Malaisie|Khota Baru]].

Qu'il n'y ait, dans les mois qui ont suivi Pearl Harbor, aucune intervention de cuirassés américains ne résultait pas seulement de cette attaque. L'U.S. Navy renforça la flotte du Pacifique avec des porte-avions, l'{{USS|Yorktown|CV-5|6}}, dès le début janvier, puis l'{{USS|Hornet|CV-8|6}}{{sfn|Warner, Bennett ''et alii''|1976|p=155}}{{,}}{{sfn|Preston, Porte-avions|1980|p=105}}, mais aussi avec les cuirassés de la {{classe|New Mexico}}, la plus puissante qui lui restait. Or, si quelques tentatives de réactions, timides ou balbutiantes, eurent lieu, à Wake, fin décembre, sur les îles Gilbert ou les îles Marshall, fin janvier, ce furent les porte-avions qui en ont été chargés. Les plans établis avant-guerre aux États-Unis ([[Plan orange]]{{sfn|Ireland|2004|p=176}} et {{Lien|langue=en|trad=Plan Dog memo|fr=Plan Dog|texte=Plan Dog}}) prévoyaient qu'en cas d'attaque japonaise dans le Pacifique, la priorité devait être donnée au maintien de la liaison maritime avec l'Australie, plutôt qu'à la défense des Philippines ou de l'Insulinde{{sfn|Ireland|2004|p=169}}, ce qui explique la relative passivité de l'U.S. Navy, jusqu'aux attaques japonaises sur Port-Moresby.

Quand, à partir de mars, la Royal Navy renforça l'Eastern Fleet, avec des cuirassés anciens de la {{classe|Revenge}} ainsi que le [[Classe Queen Elizabeth (cuirassé)|''Warspite'']], cuirassé ancien mais modernisé, et deux porte-avions modernes, son nouveau commandant, le vice-amiral Somerville, conscient de la terrible dangerosité des porte-avions japonais, préféra abandonner les bases cinghalaises de Colombo et de [[Trinquemalay|Trincomalee]], pour un mouillage plus discret dans l'[[addu (Maldives)|atoll d'Addu]], dans les [[Maldives|îles Maldives]], et même pour les ports de la côte orientale d'Afrique, notamment Kilindini{{sfn|Ireland|2004|p=140}} d'où il pouvait protéger les lignes de ravitaillement de la {{VIIIe}} Armée en Égypte, qui empruntait la voie du Cap à Alexandrie via le canal de Suez{{sfn|Warner, Bennett ''et alii''|1976|p=154-155}}{{,}}{{sfn|Preston, Porte-avions|1980|p=104-105}}. Enfin, les Américains ayant appris, à leurs dépens, la capacité des porte-avions de porter des coups très rudes à très longue distance, ils choisirent d'embarquer seize bombardiers bimoteurs [[North American B-25 Mitchell|B-25]], des [[United States Army Air Forces|U.S. Army Air Forces]], sur le porte-avions USS ''Hornet'' pour un [[Raid de Doolittle|raid sur Tokyō]], à caractère fortement symbolique, à la mi-avril 1942{{sfn|Preston, Porte-avions|1980|p=106-107}}.

Du côté japonais, le conflit avec la Chine avait permis à la Marine impériale d'acquérir la maîtrise de l'emploi des porte-avions et des opérations amphibies, mais la doctrine navale sur l'emploi des cuirassés restait très marquée par les idées de [[Alfred Mahan|Mahan]] sur la « bataille décisive ». C'est sans doute ce qui explique que pendant toute la période de l'invasion de la Malaisie, des Philippines, des Indes Orientales néerlandaises, et de la Birmanie, seuls les cuirassés rapides de la {{classe|Kongo|croiseur}} accompagnent les porte-avions de l'amiral Nagumo, sans doute aussi parce qu'ils sont les seuls à pouvoir naviguer de concert avec des porte-avions marchant à pleine vitesse.

Début mai 1942, les Japonais décident de lancer un raid sur Port Moresby, sur la côte sud-orientale de la Nouvelle-Guinée et d'occuper l'île de Tulagi, au nord de Guadalcanal dans la partie orientale de l'archipel des îles Salomon, menaçant directement la route entre les Hawaï et l'Australie. Les deux porte-avions de la {{5e}} division de porte-avions, le ''[[Shōkaku]]'' et le ''[[Zuikaku]]'' partent de Truk, le {{1er}} mai, aux ordres du contr-amiral [[Chūichi Hara|Hara]], pour couvrir l'opération. Puissants, ils déplacent {{unité|32000|tonnes}} à pleine charge, embarquent plus de 70 avions, et filent 34,5 nœuds. Récents, ils sont du même programme de construction que le cuirassé ''[[Yamato (cuirassé)|Yamato]]'' et ont été mis en service en juillet 1941. Renseignés par le déchiffrage des messages radio japonais, les porte-avions {{USS|Yorktown|CV-5|6}} de la Task Force (TF) 17, avec le contre-amiral [[Frank J. Fletcher|Fletcher]], et le porte-avions {{USS|Lexington|CV-2|6}} (TF 11 avec le contre-amiral Fitch) sont envoyés dans la Mer de Corail, qui baigne l'extrémité orientale de la Nouvelle Guinée et le nord-est de l'Australie{{sfn|Preston, Porte-avions|1980|p=110}} Le 4 mai, le convoi de débarquement à Tulagi est bombardé par les avions des deux porte-avions américains. Le porte-avions léger ''[[Shōhō]]'' qui assure, à 350 nautiques plus à l'est, la couverture rapprochée du groupe d'invasion de Port Moresby parti de Rabaul, est repéré, le 6. Il est pris pour un porte-avion lourd, attaqué et coulé le 7 en fin de matinée, tandis que les Japonais coulent un pétrolier et son escorteur qu'ils ont confondu avec la principale force américaine. Mais, les avions de l'{{USS|Yorktown|CV-5|6}} et de l'{{USS|Lexington|CV-2|6}} endommagent bientôt le ''[[Shōkaku]]'', qui, en feu, ne peut plus récupérer ses avions. Les Japonais, ayant enfin repéré les porte-avions américains, les attaquent avec cinquante et un bombardiers, escortés de dix-huit chasseurs, et les endommagent tous les deux gravement, au point que {{USS|Lexington|CV-2|6}} doit finalement être abandonné, dans la soirée du 7 mai{{sfn|Preston, Porte-avions|1980|p=108-113}}.
Victoire stratégique américaine, car le groupe d'invasion de Port Moresby a dû se retirer, ce qui écarte, pour un temps, le danger sur la liaison avec l'Australie, la [[bataille de la mer de Corail]] a vu la perte d'un des deux plus grands porte-avions américains, mais les réparations du ''[[Shōkaku]]'' et la reconstitution du groupe des pilotes du ''[[Zuikaku]]'' vont les empêcher de participer à la bataille de Midway, début juin. Elle aura été le dernier succès tactique de l'aéronautique navale japonaise{{sfn|Preston, Porte-avions|1980|p=113}}. Mais c'est aussi le premier engagement de l'histoire, qui a eu lieu en haute mer, dans lequel les protagonistes se sont continuellement trouvés « au-delà de l'horizon » de leur adversaire, et donc hors de portée du canon le plus puissant. De ce jour, le cuirassé a cessé d'être le « capital ship » des flottes de combat.

Mais le commandant-en-chef de la flotte combinée, l'amiral [[Isoroku Yamamoto|Yamamoto]], est plus inquiet des raids des porte-avions américains, à la fin du mois de janvier 1942, contre les positions japonaises, et du raid sur Tokyō que de la bataille de la mer de Corail qui contrarie seulement les plans de l'Armée de Terre pour la conquête de la Nouvelle-Guinée et la progression vers l'Australie. Il échafaude donc un plan d'attaque de l'île de Midway, au cœur du dispositif américain de protection des Hawaï, à {{unité|1500|nautiques}} seulement plus à l'est, estimant que son occupation entraînera une réaction de la flotte du Pacifique pour la reconquérir, donnant ainsi l'occasion de livrer la « bataille décisive » qu'il appelle de ses vœux{{sfn|Patfield|1975|p=283}}. Significativement, si on trouve à l'avant-garde de son dispositif, les quatre porte-avions de l'amiral Nagumo disponibles début juin 1942, les {{1re}} et {{2e}} divisions de porte-avions, {{navire|Akagi|porte-avions}}, {{navire|Kaga|porte-avions}}, ''[[Sōryū]]'', et ''[[Hiryū]]'', avec deux cuirassés rapides ''[[Haruna (croiseur de bataille)|Haruna]]'' et {{navire|Kirishima}}, on trouve derrière, le commandant-en-chef en personne, ayant sa marque sur le dernier-né de la flotte cuirassé, le gigantesque ''[[Yamato (cuirassé)|Yamato]]'', et les deux cuirassés de la classe ''[[Nagato (cuirassé)|Nagato]]'', tandis que la {{2e}} flotte qui constitue l'escadre de couverture du débarquement de Midway comporte les deux cuirassés rapides [[Kongō (1911)|''Kongō'']] et ''[[Hiei (cuirassé)|Hiei]]''. Les quatre derniers cuirassés des classes ''[[Fusō (cuirassé)|Fusō]]'' et ''[[Hyūga (cuirassé)|Hyuga]]'' protègent les forces chargées d'une attaque des îles Aléoutiennes. Bref, tous les cuirassés de la flotte japonaise sont à la mer, début juin. Mais la bataille va se jouer à l'avant-garde, où les porte-avions de l'amiral Nagumo vont être tous coulés par les TF 17 du contre-amiral Fletcher sur l'{{USS|Yorktown|CV-5|6}}, et TF 16 (autour des {{USS|Enterprise|CV-6|6}} et {{USS|Hornet|CV-8|2}}) où le contre-amiral [[Raymond Spruance|Spruance]] remplaçait le vice-amiral [[William F. Halsey|Halsey]], malade. L'U.S. Navy n'y perdra que l'USS {{USS|Yorktown|CV-5|6}}{{sfn|Preston, Porte-avions|1980|p=114-125}}. Mais les cuirassés japonais ne prirent aucune part à la bataille, mal disposés pour couvrir les porte-avions de leur artillerie anti-aérienne, en ce qui concerne les cuirassés rapides, et à 300 nautiques en retrait pour les cuirassés de la {{1re}} flotte de l'amiral Yamamoto, peut-être parce que celui-ci pensait que les cuirassés n'auraient à intervenir qu'une fois Midway occupée, pour la « bataille décisive »{{sfn|Masson, Batailles|1980|pp=157-160}}.

Pour compenser les pertes en porte-avions subies à Midway, la Marine impériale japonaise va engager un ambitieux programme de conversions en porte-avions, qui affectera notamment les deux cuirassés de la {{classe|Ise}}. Un pont d'envol et un hangar pour 22 avions seront installés à la place des deux tourelles arrière de {{unité|356|mm}}. Cette conversion achevée fin 1943, ces deux cuirassés ne participeront dans ce rôle de bâtiments hybrides, au demeurant dépourvus d'avions et de pilotes, qu'à la [[bataille du golfe de Leyte|bataille du Cap Engaño]], fin octobre 1944.

====== De Guadalcanal au Japon, les cuirassés rapides au second rang ======
Au début de mai, les Japonais ont débarqué sur l'île de Guadalcanal et entrepris d'y construire un aérodrome qui permette de menacer la liaison avec l'Australie. En août, les ''Marines'' américains débarquent sur Tulagi et sur Guadalcanal, et va commencer une longue série de combats, sur terre, sur mer et dans les airs, pour le renforcement des troupes américaines qui s'efforcent de défendre l'aérodrome rebaptisé Henderson Field (du nom de [[Lofton R. Henderson]], un officier aviateur des ''Marines'' {{référence nécessaire|qui a précipité son appareil sur le porte-avions ''[[Hiryū]]''}}), et des troupes japonaises qui l'attaquent. Ce furent les batailles de [[Bataille de l'île de Savo|l'île de Savo]], le 9 août, des [[Bataille des Salomon orientales|Salomon orientales]], du 24 au 25 août, du [[Bataille du cap Espérance|cap Esperance]] dans la nuit du 11 au 12 octobre, de [[Bataille des îles Santa Cruz|Santa Cruz]], les 26 et 27 octobre, les deux [[Bataille navale de Guadalcanal|batailles navales de Guadalcanal]], dans les nuits du 12 au 13 novembre et du 14 au 15 novembre, et la bataille de [[Bataille de Tassafaronga|Tassafaronga]], le 30 novembre-{{1er}} décembre{{sfn|Warner, Bennett ''et alii''|1976|pp=163-169, 174}}.

Toutes ces batailles ont une même caractéristique, elles se livrent au canon quand elles ont lieu de nuit, et quand elles ont lieu de jour, il y a intervention de l'aviation, basée à terre, depuis Henderson Field du côté américain, ou de l'aviation embarquée, le plus souvent les porte-avions ''[[Shōkaku|Shokaku]]'', ''[[Zuikaku]]'', et dans une moindre mesure ''[[Ryūjō]]'' et ''[[Jun'yō]]'' du côté japonais, les {{USS|Enterprise|CV-6|6}}, {{USS|Hornet|CV-8|2}}, {{USS|Saratoga|CV-3|2}} et {{USS|Wasp|CV-7|2}} du côté américain. Mais surtout, on voit réapparaitre les cuirassés rapides de la {{classe|Kongō|croiseur}} uniquement, du côté japonais et du côté américain, d'abord les cuirassés modernes de la {{classe|North Carolina}}, puis le {{USS|South Dakota|BB-57|2}}. Les cuirassés ne sont plus en première ligne dans les combats de jour, ils assurent la protection anti-aérienne des porte-avions. L'{{USS|North Carolina|BB-55|6}} participe ainsi à la couverture du débarquement sur Guadalcanal, début août{{sfn|Macintyre|1975|p=144-145}}, puis auprès de l'{{USS|Enterprise|CV-6|6}}, du {{USS|Saratoga|CV-3|2}} et du {{USS|Hornet|CV-8|2}}, à la bataille des Salomon orientales, où son artillerie anti-aérienne abat 24 avions{{sfn|Ireland|2004|pp=180-181}}{{,}}{{sfn|Macintyre|1975|p=146-147}}. L'{{USS|Washington|BB-56|6}} rallie le théâtre d'opérations du Pacifique peu après que l'{{USS|North Carolina|BB-55|6}} a dû en être retiré après avoir reçu une torpille. À la bataille de Santa Cruz, l'{{USS|South Dakota|BB-57|6}} contribue à éviter à l'{{USS|Enterprise|CV-6|6}}, la destruction à laquelle n'échappe pas l'{{USS|Hornet|CV-8|6}}<ref name="Macintyre 1975_p=93">{{Harvsp|Macintyre|1975|p=93}}.</ref>{{,}}{{sfn|Ireland|2004|p=180}}. Initialement constituée en Task Force autonome, la TF 64, aux ordres du contre-amiral [[Willis Augustus Lee|“Ching” Lee]], centrée sur les cuirassés {{USS|Washington|BB-56|6}} et {{USS|South Dakota|BB-57|2}} est alors formellement intégrée à la Task Force 16 du contre-amiral [[Thomas C. Kinkaid|Kinkaid]], constituée autour de l'{{USS|Enterprise|CV-6|6}}<ref name="Macintyre 1975_p=93"/>.

Après la bataille du Cap Esperance, où les croiseurs du contre-amiral [[Norman Scott|Scott]] ont repoussé un convoi protégé par les croiseurs du contre-amiral [[Aritomo Gotō|Gotō]], qui y est mortellement blessé, la Marine impériale japonaise engage des cuirassés rapides de la {{classe|Kongō|croiseur}}, pour soutenir l'escorte ds convois de renforcement de leurs troupes à Guadalcanal et surtout bombarder Henderson Field{{sfn|Warner, Bennett ''et alii''|1976|p=165}}. Au cours d'une mêlée confuse, dans la nuit du 12 novembre, dans « le détroit au fond d'acier »{{sfn|Ireland|2004|p=71}} entre les îles de Savo et de Guadalcanal, les croiseurs lourds de l'escadre du contre-amiral [[Daniel J. Callaghan|Callaghan]] sont sérieusement endommagés, et deux croiseurs légers sont coulés, par les cuirassés rapides du vice-amiral [[Hiroaki Abe|Abe]]. Les deux amiraux américains, Callaghan et Scott, sont tués, mais le cuirassé rapide ''[[Hiei (cuirassé)|Hiei]]'' se retrouve désemparé. Attaqué le lendemain par l'aviation embarquée de l'USS ''Enterprise'', il doit être achevé par ses destroyers d'escorte{{sfn|Ireland|2004|p=174}}{{,}}{{sfn|Macintyre|1975|pp=94-96}}. Le surlendemain, les Japonais reviennent avec le cuirassé rapide ''Kirishima'', mais la Task Force 64 du contre-amiral Lee a été envoyée de Nouméa en renfort et dans la mêlée confuse du combat de nuit qui s'ensuit, si l'USS ''South Dakota'' est sérieusement malmené par les Japonais qui ont un grand entrainement au combat de nuit{{sfn|Ireland|2004|pp=175}}, l'{{USS|Washington|BB-56|6}}, sur lequel flotte la marque du contre-amiral Lee qui est un spécialiste du radar, surprend le ''[[Kirishima (croiseur de bataille)|Kirishima]]'' et le coule de neuf obus de {{unité|406|mm}}{{sfn|Macintyre|1975|pp=96-98}}. Ce fut le seul combat au canon entre cuirassés rapides, durant la guerre du Pacifique, mais dans lequel la vitesse n'a eu aucune influence, à la différence de la détection de la cible.

Les cuirassés rapides USS ''Washington'', ''North Carolina'', ''South Dakota'', {{USS|Alabama|BB-60|2}} et {{USS|Indiana|BB-58|2}}, ainsi que les {{USS|Iowa|BB-61|6}} et {{USS|New Jersey|BB-62|2}} ont fait partie des Task Forces de porte-avions auxquelles ils ont contribué à fournir une protection contre-avions, pendant toutes les opérations de reconquête, depuis les îles Salomon, la Nouvelle-Guinée, les îles [[campagne des îles Gilbert et Marshall|Gilbert et Marshall]], les Mariannes, les Philippines, les îles Bonins (Iwo-Jima), et [[Bataille d'Okinawa|Okinawa]]{{sfn|Macintyre|1975|p=99}}. Mais ce ne sont pas les cuirassés rapides qui ont effectué les bombardements au canon préparatoires aux débarquements, qui mettent en œuvre des techniques de combat différentes<ref name="Ireland2004_pp=170-171">{{Harvsp|Ireland|2004|pp=170-171}}.</ref>. Ces bombardements ont été le fait des cuirassés lents anciens, tels que ceux qui ont été présents, aux ordres du contre-amiral (puis vice-amiral) [[Jesse B. Oldendorf|Oldendorf]], en 1944, aux débarquements sur les îles Gilbert et Marshall, Palau et en particulier [[Bataille de Peleliu|Peleliu]], puis [[Bataille de Saipan|Saipan]], [[Bataille de Guam (1944)|Guam]] et [[Bataille de Tinian|Tinian]] dans les îles Mariannes, et après la [[Bataille du golfe de Leyte#La défense du détroit de Surigao|bataille du détroit de Surigao]]{{sfn|Ireland|2004|p=73}}, en 1945, aux débarquements de [[Invasion du golfe de Lingayen|Lingayen]] aux Philippines, et [[Bataille d'Okinawa|Okinawa]].

Dans la Royal Navy, en 1944, les cuirassés anciens modernisés {{HMS|Queen Elizabeth|1913|2}} et {{HMS|Valiant|1914|2}}, le croiseur de bataille {{HMS|Renown|1916|6}} et le cuirassé français [[Richelieu (cuirassé de 1939)|''Richelieu'']] avaient été affectés à la flotte d'Orient (''[[Eastern Fleet]]'') qui devint, en 1945, la flotte de Indes Orientales (''[[Eastern Fleet|Eastern Indies Fleet]]''). Basés à Tricomalee, ils ont assuré la couverture de porte-avions ({{HMS|Illustrious|R87|6}} en 1944 et 1945, {{USS|Saratoga|CV-3|6}} en 1944, {{HMS|Victorious|R38|6}}, en 1945) effectuant des opérations de bombardement sur Sumatra (à [[Opération Cockpit|Sabang]] et à Padang) et Java (à [[Opération Transom|Sourabaya]]), les [[îles Andaman]] et les [[îles Nicobar]], voire effectuant eux-mêmes des bombardements au canon sur certains de ces objectifs{{sfn|Jordan|Dumas|2009|pp=193-199}}. Lorsque fut constituée fin 1944, la nouvelle flotte britannique du Pacifique (''[[British Pacific Fleet]]''), commandée depuis Sydney par l'amiral [[Bruce Fraser]], qui avait auparavant commandé la ''[[Home Fleet]]'', les cuirassés rapides de la {{classe|King George V|1939}} furent affectés auprès de porte-avions des classes [[classe Illustrious|Illustrious]], [[Classe Implacable|Implacable]] et [[Classe Colossus (porte-avions)|Colossus]] que commandait le contre-amiral (puis vice-amiral) [[Philip Vian|Vian]], pour des missions analogues à celles des cuirassés rapides américains. Toutefois, les objectifs qui ont été confiés à la flotte britannique du Pacifique furent d'abord des bombardements d'installations industrielles stratégiques, comme les raffineries de pétrole de [[Opération Meridian|Palembang]], puis la couverture dans le secteur des [[Archipel Sakishima|îles Sakishima]] de l'attaque contre [[Bataille d'Okinawa#Forces en présence|Okinawa]]{{sfn|Ireland|2004|pp=140-141}}. Mais l'U.S. Navy a voulu réserver aux porte-avions américains le bombardement des ports où étaient réfugiés les derniers grands bâtiments de la Marine impériale japonaise.

Les cuirassés rapides américains cités plus haut, auxquels se sont joints, selon les circonstances, les {{USS|Massachusetts|BB-59|6}}, {{USS|Wisconsin|BB-64|2}} et le {{HMS|King George V |41|6}}, ont terminé la guerre en [[Bombardements navals alliés sur le Japon|bombardant]] au canon, du 14 juillet au 9 août 1945, des installations industrielles ayant un intérêt militaire{{sfn|Warner, Bennett ''et alii''|1976|p=201}}, telles que les aciéries de [[Kamaishi]], au nord de la grande île de [[Honshū]], ou celles de la {{Lien|langue=en|trad=Japan Steel Works|fr=Japan Steel Works|texte=Japan Steel Works}}, à [[Muroran]], dans l'île d'[[Hokkaidō]], qui se trouvaient hors de portée des bombardiers B-29, mais également à [[Hitachi]], à {{unité|130|km}} au nord-est de Tokyo, ou à [[Hamamatsu]], contre l'usine d'instruments de musique de [[Yamaha]] qui, pendant la guerre, fabriquait des hélices d'avions et contre une usine de fabrication de locomotives. Plusieurs de ces attaques ont eu lieu en présence de l'amiral Halsey, à bord de l'{{USS|New Jersey|BB-62|6}}.

== Épilogue ==
[[Fichier:Russian Battle Cruiser Pyotr Velikiy.jpg|vignette|Croiseur russe ''[[Pierre le Grand (croiseur)|Pierre le Grand]]'' de la {{classe|Kirov|1977}}.]]
La vitesse a été au cœur du concept de croiseur de bataille, pour rattraper l'ennemi et le reconnaitre, choisir la distance à laquelle on veut combattre, pouvoir en cas de combat en lignes parallèles, jouer le rôle d'aile marchante et essayer de coiffer la tête de la ligne de bataille adverse. De 1914 à 1916, l'épreuve du feu a montré la justesse du concept, pourvu que la protection ne soit pas exagérément sacrifiée, ce que les bâtiments allemands ont assez bien montré. Comme les navires de la ''Hochseeflotte'' ont été sabordés à Scapa Flow, on ne saura jamais ce qu'il serait advenu des [[SMS Derfflinger|SMS ''Derfflinger'']] et [[SMS Hindenburg|''Hindenburg'']], et s'ils auraient occupé, dans les flottes de guerre, une place équivalente à celle des grands paquebots transatlantiques de la [[Hamburg America Line|HAPAG]] ([[Imperator (paquebot)|SS ''Imperator'']], et [[Majestic (paquebot de 1922)|SS ''Bismarck'']]), voulus par [[Albert Ballin]], qui eurent des carrières brillantes sous pavillon britannique, pendant l'entre-deux-guerres.

Vingt ans plus tard, alors que le concept de cuirassé rapide s'était imposé, l'épreuve du feu a montré que la vitesse demeurait un élément déterminant. On l'a vu à la [[bataille du Rio de la Plata]] quand le ''[[Admiral Graf Spee|Graf Spee]]'' n'a pas réussi à décrocher les croiseurs anglais, à la bataille de Matapan où les cuirassés britanniques ont vu le ''[[Vittorio Veneto (cuirassé)|Vittorio Veneto]]'' leur échapper bien qu'il ait été ralenti, dans le forcément du Pas-de-Calais, qui reposait en grande partie sur la vitesse des cuirassés rapides allemands, à la bataille du cap Nord, où le ''Scharnhorst'' a été perdu dès qu'il n'a plus été plus rapide que son adversaire. Enfin, chaque fois qu'ils l'ont pu, les attaquants se sont efforcés de neutraliser le facteur vitesse en attaquant leur ennemi au mouillage, à Mers el-Kébir, à Dakar, à Tarente, à Pearl Harbor.

Mais des innovations techniques ont aussi réduit l'importance de la vitesse, comme élément déterminant de l'efficacité des cuirassés. Les techniques du début de la Seconde Guerre mondiale, veille optique et direction de tir par télémétrie, ont été bouleversées pour l'acquisition d'objectif, avec le développement du radar de veille lointaine, qui a été décisif dans la découverte et la poursuite du ''Bismarck'' ou du ''Scharnhorst'', tandis que le radar de conduite de tir bouleversait les techniques du combat au canon, la nuit, ou par temps de brume, on l'a vu de Casablanca à Guadalcanal, au Cap Nord, ou dans le détroit de Surigao. Parce qu'au cours de sa refonte aux États-Unis, l'U.S. Navy avait refusé de doter le ''Richelieu'' d'un radar de direction de tir, le cuirassé rapide français, incorporé à la Home Fleet, et présent à Scapa Flow, fin décembre 1943, n'a pas pu participer à la bataille du Cap Nord{{sfn|Jordan|Dumas|2009|p=190}}.

La vitesse est cependant restée un atout, pour les cuirassés rapides, après qu'ils eurent perdu leur statut de « capital ships », en ce qu'elle permit de leur confier le rôle d'escorte anti-aérienne des porte-avions pour lesquels la vitesse était nécessaire pour lancer leurs avions, alors qu'ils n'avaient plus d'autre utilité opérationnelle en haute mer. On observera cependant que l'importance de la très grande vitesse, au-delà de 30 nœuds, a pu être surestimée, quand on pense aux prouesses qu'avaient dû faire les concepteurs des derniers navires porte-gros canons de {{unité|35000|tonnes}} pour qu'ils dépassent 30 nœuds et que l'on sait que la seule fois où le ''Richelieu'' a poussé ses machines au maximum au combat, pour essayer d'intercepter le croiseur lourd japonais ''[[Haguro (navire)|Haguro]]'' ([[Bataille du détroit de Malacca|opération Dukedom]]), il n'a pas pu dépasser 28 nœuds, en raison des salissures de sa coque{{sfn|Jordan|Dumas|2009|p=200}}.

Pour ce qui est de la perte du statut de capital ship, c'est indubitablement l'évidence de la supériorité de l'emploi massif des avions par rapport aux gros canons pour porter des coups décisifs à longue distance qui en est la cause. Cette évidence, l'action des porte-avions britanniques l'avait laissé entrevoir, dans leurs actions contre les cuirassés français, italiens et allemands de 1940 à 1942, et elle s'était affirmée dans les batailles aéro-navales américano-japonaises du printemps et de l'été 1942. Elle signait non seulement le déclassement des cuirassés, mais leur disparition à terme, alors qu'en mai 1940, l'Amirauté française faisait encore le choix de faire construire le premier cuirassé de {{unité|40000|tonnes}} qui devait succéder à la {{classe|Richelieu}} sur la première cale de construction disponible, alors qu'elle avait été prévue auparavant pour le second porte-avions de la {{classe|Joffre}}{{sfn|Jordan|Dumas|2009|p=180}}.

Trois ans plus tard, au moment du débarquement américain dans le Golfe de Leyte, aux Philippines, la guerre était d'ores et déjà perdue pour l'aéronautique navale japonaise, et l'amiral [[Soemu Toyoda|Toyoda]], devait se résigner à utiliser ses porte-avions lourds comme appâts, pour permettre à ses cuirassés, soigneusement restés au port depuis plus d'un an, en attente de la « bataille décisive », d'essayer de surprendre la flotte de débarquement américaine au large de l'île de Samar{{sfn|Warner, Bennett ''et alii''|1976|p=185}}. Ce plan fut bien près de réussir. L'amiral Halsey, commandant la {{3e}} flotte U.S., dont les porte-avions lourds avaient coulé le cuirassé géant ''[[Musashi (cuirassé)|Musashi]]'', et, lui semblait-il, contraint la « Force centrale » rassemblant les plus puissants cuirassés japonais à rebrousser chemin, partit donc à l'attaque, sitôt qu'il l'eut détectée, de la flotte mobile de l'amiral [[Jisaburō Ozawa|Ozawa]], qui comptait encore en son sein le dernier porte-avions qui y avait été présent à Pearl Harbor, le ''[[Zuikaku]]'', et il emmena avec lui les cuirassés rapides en couverture{{sfn|Warner, Bennett ''et alii''|1976|pp=185-186}}. Quand la Force Centrale de l'amiral Kurita déboucha du détroit de San Bernadino pour attaquer la flotte de débarquement, protégée seulement par des porte-avions d'escorte qui contre-attaquèrent avec pugnacité{{sfn|Warner, Bennett ''et alii''|1976|p=189}}, l'amiral Halsey tarda à détacher ses deux cuirassés les plus rapides, {{USS|Iowa|BB-61|6}} et {{USS|New Jersey|BB-16|2}} (TG 34.5) qui ne réussirent pas à intercepter les cuirassés de l'amiral Kurita, car celui-ci s'était replié, croyant avoir en face de lui les porte-avions lourds de la {{3e}} flotte{{sfn|Warner, Bennett ''et alii''|1976|pp=191-192}}. S'il n'y eut donc pas le choc cataclysmique des plus rapides cuirassés américains avec les plus puissants cuirassés japonais, cela tient à ce que dans l'esprit des amiraux des deux camps, le danger le plus grand était celui des porte-avions lourds. Or l'amiral japonais n'avait face à lui que des porte avions d'escorte, et l'amiral américain s'obstinait à vouloir intercepter des porte-avions qui n'avaient pratiquement plus ni pilotes ni avions, et répugnait à diviser ses forces, pensant que la place des cuirassés rapides était d'abord d'escorter les porte-avions lourds. Tout ceci montre bien l'évolution des esprits, plaçant définitivement les cuirassés au second rang des forces d'attaque.

La perte du ''[[Yamato (cuirassé)|Yamato]]'' devant Okinawa, en avril 1945, a confirmé que des attaques massives de l'aviation embarquée pouvait avoir raison des plus puissants cuirassés. Et pourtant, la Royal Navy achevait en 1946, la construction du cuirassé rapide {{HMS|Vanguard|23|6}}. La Marine Nationale française, quant à elle, avait décidé en septembre 1945, de terminer le cuirassé inachevé ''Jean Bart'' en « un second ''Richelieu'' », ce qui inspira à un amiral français ce commentaire désabusé : « Il fut assez surprenant de voir en 1945 l'État-Major de la Marine soutenir, par doctrine, la solution du cuirassé intégral. Ce fait (...) montre à quel point, en dépit des enseignements de la guerre, le mythe suranné du gros canon continue de dominer notre doctrine navale. »<ref>Extrait du compte-rendu {{n°|858}}/EMG/DN adjt du 24-09-1945 du contre-amiral Barjot.</ref>. Après avoir servi à tester de nouveaux canons anti-aériens (en particulier le canon de 57 mm/60 Modèle 1951<ref>[http://www.navweaps.com/Weapons/WNFR_57-60_m1951.htm. Navweaps France 57mm/60 mod.51]</ref>) et les nouveaux radars de construction française, et achevé en 1955, le ''[[Jean Bart (cuirassé, 1940)|Jean Bart]]'' a été retiré du service actif au bout de deux ans, et le nom de la troisième unité prévue de la {{classe|Richelieu}}, ''Clemenceau'', a été donné au premier porte-avions moderne français, de construction nationale, inspiré des porte-avions américains de la {{classe|Essex}}.
[[File:New Jersey Shoots.jpg|thumb|Cuirassé USS New Jersey de la classe Iowa]]
La totalité des cuirassés rapides fut définitivement retirée du service actif peu de temps après la fin de la guerre, à l'exception de l'{{USS|Missouri|BB-63|6}} de la {{classe|Iowa}}, dont la cinquième unité, le {{USS|Kentucky|BB-66|2}} demeurait inachevée. Pour effectuer des bombardements côtiers en Corée, en 1950-51, on remit les trois autres unités en service, et elles subirent même des aménagements pour pouvoir tirer des obus à tête nucléaire. On pensa ensuite à faire de la {{classe|Iowa}} des cuirassés lance-missiles balistiques, mais on préféra installer ce système d'armes sur des sous-marins, ou en faire des cuirassés lance-missiles anti-aériens, mais on jugea plus économique de transformer des croiseurs lourds, voire les utiliser, en les aménageant, comme bâtiments d'assaut porte-commandos{{sfn|Breyer|1980|p=190}} Après 1968, l'{{USS|New Jersey|BB-16|6}} effectua des bombardements côtiers au Viêt Nam, puis au Liban. La mise en service par la Marine de l'Union soviétique de bâtiments déplaçant {{unité|25000|tonnes}}, avec une propulsion partiellement nucléaire, et transportant un redoutable arsenal de missiles anti-navires, anti-aériens et anti-sous-marins, la {{classe|Kirov|croiseur de bataille}}, fit penser à certains qu'on était en présence d'une résurgence du concept de croiseur de bataille, et cela ne contribua pas peu au maintien en réserve des cuirassés de la {{classe|Iowa}}, malgré leur âge avancé. Après la désintégration de l'Union soviétique, qui entraina une régression de la puissance navale russe, l'aggravation des tensions au Moyen-Orient permit de voir les {{USS|Missouri|BB-63|6}} et {{USS|Wisconsin|BB-64|2}}, dotés de systèmes de défense anti-aériens [[Phalanx CIWS|Vulcan-Phalanx]], et équipés de missiles [[AGM-84 Harpoon|Harpoon]] et [[BGM-109 Tomahawk|Tomahawk]], participer à la guerre du Golfe au moment de l'occupation du Koweït par l'Irak, bombardant Bagdad, en 1991{{sfn|Ireland|2004|pp=190-191}}. Avec quelque cinquante ans de service actif, avant d'être transformés en musées, les quatre cuirassés de la {{classe|Iowa}} sont les cuirassés qui ont connu la plus longue carrière, plus que les trente-huit ans de service (1912-1950) qu'a connus le croiseur de bataille {{SMS|Goeben}}, sous le pavillon de l'Empire allemand, puis sous celui de la Turquie, bien qu'il ait été démoli soixante-et-un ans (1912-1973) après sa mise en service.

== Science-fiction ==
La [[science-fiction]], dans ses [[space-opera]], met fréquemment en œuvre des flottes de combat « galactiques » directement décalquées des grandes flottes du début du {{s-|XX}}. La notion de croiseur de bataille y trouve un nouvel éclairage.

== Notes et références ==
{{Références|colonnes=4}}

== Voir aussi ==
{{autres projets| wiktionary = croiseur de bataille}}
=== Bibliographie ===
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=E.H.H.|nom1=Archibald|titre=The Metal Fighting Ship in the Royal Navy 1860-1970|éditeur=Blandford Press Ltd|lieu=Londres|année=1971|isbn=978-0-7137-0551-5}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Geoffrey|nom1=Bennett|titre=Naval Battles of the First World War|éditeur=Pan Books Ltd|lieu=Londres|année=1974|isbn=0-330-23862-0}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=François-Emmanuel|nom1=Brézet|titre=Le Jutland (1916)|éditeur=Economica|lieu=Paris|année=1992|pages totales=164|isbn=2-7178-2223-2}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=François-Emmanuel|nom1=Brézet|titre=La Bataille des Falklands|éditeur=Marine Éditions|lieu=Nantes|année=2002|pages totales=288|isbn=2-909675-87-4}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Siegfried|nom1=Breyer|titre=Battleships and battle cruisers 1905-1970|éditeur=Macdonald and Jane's|année=1973|pages totales=480|isbn=0-356-04191-3}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Siegfried|nom1=Breyer|titre=Battleships of the World 1905–1970|éditeur=Conways Maritime Press|lieu=Londres|année=1980|isbn=0-85177-181-5}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Commander Marc'Antonio|nom1=Bragadin|titre=The Italian Navy in World War II|éditeur=The United States Naval Institute|lieu=Annapolis, Maryland|année=1957}}
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Robert|nom1=Dumas|titre=Les cuirassés « Dunkerque » et « Strasbourg »|éditeur=Marine Éditions|lieu=Paris|année=2001|pages totales=125|isbn=2-909675-75-0|id=Dumas,_Dunkerque2001}}
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Robert|nom1=Dumas|titre=Le cuirassé « Richelieu » 1935-1968|éditeur=Marine Éditions|lieu=Paris|année=2001|pages totales=125|isbn=2-909675-75-0|id=Dumas,_Richelieu2001}}
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Robert|nom1=Dumas|titre=Le cuirassé « Jean Bart » 1939-1970|éditeur=Marine Éditions|lieu=Rennes|année=2001|pages totales=125|isbn=2-909675-75-0|id=Dumas,_Jean_Bart2001}}
* {{Conways|1906-1921}}
* {{Ouvrage|langue=it|prénom1=Giorgio|nom1=Giorgerini|prénom2=Antonio|nom2=Nani|titre=Le Navi di Linea Italiane 1861-1969|éditeur=Ufficio Storico della Marina Militare|année=1973|isbn=|id=GiorgeriniNani1973}}
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Léon|nom1=Haffner|titre=Cent ans de marine de guerre|éditeur=Éditions du gerfaut|année=2002|pages totales=279|isbn=2-914622-07-4|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=pGYX1ZjbzuAC&printsec=frontcover}}
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Bernard|nom1=Ireland|titre=Cuirassés du {{S-|XX}}|éditeur=Éditions Airelles|lieu=St-Sulpice (Suisse)|année=2004|isbn=2-88468-038-1}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Bernard|nom1=Ireland|prénom2=Eric|nom2=Grove|titre=Jane's War at sea 1897-1997|sous-titre=100 Years of Jane's Fighting Ships|éditeur=Harpers Collins Publishers|lieu=New York|année=1997|pages totales=256|isbn=0-00-472065-2|id=IrelandGrove1997}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=John|nom1=Jordan|prénom2=Robert|nom2=Dumas|titre=French battleships 1922-1956|éditeur=Seaforth Punblishing|année=2009|pages totales=224|isbn=978-1-84832-034-5|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=YnS9AwAAQBAJ&printsec=frontcover|id=JordanDumas2009}}
* {{Ouvrage|langue=fr|langue originale=en|prénom1=Ludovic|nom1=Kennedy|titre=La poursuite et la mise à mort du Bismarck|éditeur=Fayard|lieu=Paris|année=1975|pages totales=296|isbn=2-213-00300-9}}
* {{Ouvrage|langue=en|langue originale=en|auteur1=[[Ian Kershaw]]|titre=Choix fatidiques Dix décisions qui ont changé le monde 1940-1941|éditeur=Éditions du Seuil|lieu=Paris|année=2007|pages totales=812|isbn=978-2-02-080325-0}}
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* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Henri|nom1=Le Masson|titre=Navies of the Second World War The French Navy Volume 1|éditeur=Macdonald&Co Publishers Ltd|lieu=Londres|année=1969|isbn=0-356-02384-2}}
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* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Henry Trevor|nom1=Lenton|titre=Navies of the Second World War American battleships, carriers and cruisers|éditeur=Macdonald & Co Publishers Ltd|lieu=Londres|année=1968|isbn=0-356-01511-4}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Henry Trevor|nom1=Lenton|titre=Navies of the Second World War British battleships and aircraft carriers|éditeur=Macdonald & Co Publishers Ltd|lieu=Londres|année=1972|isbn=0-356-03869-6|id=Lenton,_British_BB1972}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur=[[Adolphe-Auguste Lepotier]]|titre=Les Derniers Cuirassés|éditeur=Éditions France-Empire|lieu=Paris|année=1967}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Donald|nom1=Macintyre|titre=Famous fighting ships|éditeur=Hamlyn|lieu=London New York|année=1975|pages totales=160|isbn=978-0-600-35486-4|oclc=941404025}}
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Donald G.F.W|nom1=Macintyre|prénom2=Basil|nom2=W. Bathe|titre=Les navires de combat à travers les âges|éditeur=Stock|lieu=Paris|année=1971|isbn=|id=MacintyreBathe1971}}
* {{Castles of Steel}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Philippe Masson]]|titre=Histoire de la Marine. Tome 2|sous-titre=De la vapeur à l'atome|éditeur=Charles Lavauzelle|lieu=Paris-Limoges|année=1983|pages totales=582|isbn=2-7025-0036-6|id=Masson,_Marine1983}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Philippe Masson|lien auteur1=Philippe Masson|titre=Histoire des batailles navales|sous-titre=de la voile aux missiles|éditeur=Éditions Atlas|lieu=Paris|année=1983|pages totales=224|isbn=2-7312-0136-3|id=Masson,_Batailles1980}}
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Jacques|nom1=Mordal|titre=Narvik|éditeur=Les Presses de la Cité|lieu=Paris|année=1960}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Peter|nom1=Patfield|titre=The Battleship Era|éditeur=Pan Books Ltd|lieu=Londres|année=1975|isbn=0-330-23862-0}}
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Léonce|nom1=Peillard|titre=La bataille de l'Atlantique|sous-titre=1939-1945|éditeur=Éditions Robert Laffont|lieu=Paris|année=1974|pages totales=573|isbn=2-221-05344-3}}
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Antony|nom1=Preston|titre=Histoire des Porte-Avions|éditeur=Fernand Nathan Éditeurs|lieu=Paris|année=1980|isbn=978-2-09-292040-4|id=Preston,_Porte-avions1980}}
* {{Ouvrage|langue=fr|langue originale=en|prénom1=Antony|nom1=Preston|titre=Histoire des Croiseurs|éditeur=Fernand Nathan Éditeurs|lieu=Paris|année=1981|pages totales=191|isbn=2-09-292027-8|id=Preston,_Croiseurs1981}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Shuppen Kyodo|nom1=Sha|titre=Navies of the Second World War Japanese battleships and cruisers|éditeur=Macdonald & Co Publishers Ltd.|année=1968|isbn=978-0-356-01475-3}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Bruce|nom1=Taylor|titre=The Battlecruiser HMS Hood|sous-titre=An Illustrated Biography, 1916–1941|éditeur=Naval Institute Press|lieu=Annapolis, MD|année=2008|pages totales=256|isbn=978-1-86176-216-0}}
* {{Ouvrage|langue=fr|langue originale=en|prénom1=Oliver|nom1=Warner|prénom2=Geoffrey|nom2=Bennett|prénom3=Donald G.F.W.|nom3=Macintyre|prénom4=Franck|nom4=Uehling|prénom5=Desmond|nom5=Wettern|prénom6=Antony|nom6=Preston|prénom7=Jacques|nom7=Mordal|titre=Histoire de la guerre sur mer|sous-titre=des premiers cuirassés aux sous-marins nucléaires|éditeur=Elsevier Sequoia|lieu=Bruxelles|année=1976|isbn=2-8003-0148-1|id=Warner,_Bennett_''et_alii''1976}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Anthony|nom1=Watts|titre=Japanese Warships of World War II|éditeur=Ian Allen Ltd|lieu=Londres|année=1971|pages totales=400|isbn=0-7110-0215-0}}
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=H. W.|nom1=Wilson|titre=Les Flottes de Guerre au combat Tome 2 La Grande Guerre 1914-1918|éditeur=Payot|lieu=Paris|année=1928}}

=== Articles connexes ===
* [[Navire de ligne]]
* [[Cuirassé]]
* [[Croiseur]]

=== Liens externes ===
* {{en}} [http://www.hmshood.com/ Le croiseur de bataille HMS Hood]

{{Palette|Navires de guerre}}
{{Portail|histoire militaire|maritime}}

[[Catégorie:Croiseur de bataille| ]]
[[Catégorie:Type de bateaux]]
[[Catégorie:Bateau de guerre par type]]