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« Cultures épistémiques » : différence entre les versions

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== Deux modes de publications différents ==
== Deux modes de publications différents ==
...différents dans les deux domaines, tels que décrits par Biagioli = morceau numéro 5 Ilonabsd
...différents dans les deux domaines, tels que décrits par Biagioli = morceau numéro 5 Ilonabsd

La physique des hautes énergies ainsi que la biologie moléculaire en tant que disciplines et en tant que cultures épistémiques sont diamétralement opposées selon Karin Knorr-Cetina.

Elles le sont également lorsqu'il s'agit des modes de publications et des droits d'auteurs comme le décrit Biagioli.

En effet, les articles scientifiques sur la physique des hautes énergies exposent les avancées scientifiques dans cette discipline. Prenons cet article de physique en tant qu'exemple "Measurements of fiducial and differential cross-sections of tt̄ production with additional heavy-flavour jets in proton–proton collisions at√s = 13 TeV with the ATLAS detector"<ref>{{Article|nom1=ATLAS Collaboration|titre=Measurements of fiducial and differential cross-sections of $t\bar{t}$ production with additional heavy-flavour jets in proton-proton collisions at $\sqrt{s}$ = 13 TeV with the ATLAS detector|périodique=arXiv:1811.12113 [hep-ex]|date=2018-11-29|lire en ligne=http://arxiv.org/abs/1811.12113|consulté le=2018-12-04T21:08:56Z}}</ref>, on remarque une liste ahurissante de collaborateurs. Ces collaborateurs ayant tous une part de responsabilité, car la physique des hautes énergies se sert de son "''épistèmè"'' pour exposer ses découvertes futures, ont donc des rôles précis et appartiennent à des institutions officielles reconnues. Il ne s'agit pas d'une expression personnelle mais de l'expression d'une théorie établie sur des bases, sur des connaissances pré-existantes.

La biologie moléculaire, quant à elle, soulève un problème de l'attribution des articles scientifiques, qui sont élaborés par de nombreux chercheurs. Prenons le cas de "Chemmodlab: a cheminformatics modeling laboratory R package for fitting and assessing machine learning models"<ref>{{Article|prénom1=Jeremy R.|nom1=Ash|prénom2=Jacqueline M.|nom2=Hughes-Oliver|titre=chemmodlab: a cheminformatics modeling laboratory R package for fitting and assessing machine learning models|périodique=Journal of Cheminformatics|volume=10|numéro=1|date=2018-11-28|issn=1758-2946|doi=10.1186/s13321-018-0309-4|lire en ligne=https://doi.org/10.1186/s13321-018-0309-4|consulté le=2018-12-04T20:46:53Z|pages=57}}</ref>, un article scientifique, celui-ci révèle plus de 45 références et contributeurs. On ne peut donc pas définir un auteur, un contributeur ou un chercheur précis responsable d'un article scientifique, "l'expression personnelle d'un scientifique se fait par une déclaration non subjective sur la nature"<ref name=":1">{{Ouvrage|langue=Anglais|auteur1=Mario Biagioli and Peter Galison|titre=Rights or Rewards ? Changing Frameworks of
Scientific Authorship. In Scientific Authorship: Credit and Intellectual Property in Science.|passage=253–279|lieu=New York, NY: Routledge|éditeur=|date=2002|pages totales=|isbn=|lire en ligne=http://alexandrehocquet.perso.univ-lorraine.fr/RightsorRewards.pdf}}</ref>. Biagioli décrit ce phénomène par le fait que "La paternité scientifique ne concerne pas les droits de propriété mais les véritables revendications de la nature"<ref name=":1" />, une distinction essentielle à faire en fonction des disciplines étudiées.

Les attributions des droits d'auteurs doivent être totalement analysées avant d'être redistribuées à des personnes particulières qui seraient donc responsables d'un ouvrage, d'un article... Dans le monde scientifique, cela reste une énigme à résoudre puisque "la responsabilité scientifique n'est pas une catégorie juridique, mais un ensemble de relations entre collègues"<ref name=":1" />.

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== Références ==
== Références ==

Version du 4 décembre 2018 à 23:30

Les cultures épistémiques, façonnées par affinité, nécessité et coïncidence historique, déterminent comment nous savons ce que nous savons. Dans son livre Epistemic Cultures, how the sciences make knowledge[1], Karin Knorr Cetina définit le concept des cultures épistémiques comme base de la société du savoir afin de caractériser les différences entre les méthodes scientifiques comme le monisme et le pluralisme scientifique[2].

Le travail anthropologique de KKC : une comparaison de deux disciplines

Deux mondes scientifiques différents étudiés par une anthropologue = morceau numéro 2 Alexane Iwoc

Les cultures épistémiques[3] nous permettent de déterminer comment nous savons ce que nous savons. Dans son livre Epistemic Cultures, how the sciences make knowledge, Karin Knorr Cetina compare deux des plus importantes cultures épistémiques de notre époque[4], celles de la physique des hautes énergies et de la biologie moléculaire. Le travail qu'il fournit explicite la diversité de ces cultures du savoir et, en représentant leurs différences remet en question la vision acceptée d'une science unifiée. Les sociétés occidentales contemporaines deviennent petit à petit des "sociétés du savoir", qui se basent sur des processus et systèmes influencés fortement par les sciences, structurant ainsi les principaux aspects de la vie sociale. En mettant en parallèle deux cultures épistémiques, ce livre remet en question ces divers processus et leurs fonctionnements, et amène des questions sur les principes et procédures qui forment leurs orientations, tout en se demandant si leurs structures et organisations pourraient être étendues à d'autres ordres sociaux. Ce livre nous permet d'appréhender les cultures épistémiques comme les bases de nos sociétés dites "sociétés du savoir".

La physique des hautes énergies

La physique des hautes énergies est un domaine scientifique caractéristique de ce qu'on appelle la "Big Science". Héritière du projet Manhattan, elle a toujours nécéssité des investissements colossaux (qui se chiffrent en millards de dollars) en termes d'infrastructures d'accélération des particules. A tel point, que la globalité de la communauté mondiale se retrouve quasiment en un seul endroit du monde, au CERN ou au Fermilab. Le contexte scientifique concerne uniquement les physiciens qui sont à la poursuite d'une description cohérente (et si possible unificatrice) de la composition de l'atome et des forces qui lient ses composants. Les projets expérimentaux sont non seulment coûteux mais existent sur des temporalités de plusieurs dizaines d'années. Paradoxalement, les retombées techniques les plus spectaculaires de ce domaine en sont plutôt à l'origine (la bome atomique et l'énergie nucléiare)que dans la promesse de réalisations futures.

La biologie moléculaire

Par contraste, la biologie moléculaire est typique de l' "entrepreneurship science", typique de l'époque où les instituts de recherche ont été sommés de trouver des sources de financement aillerus que dans le mécénat des états, et en particulier à fonder des "startups". A l'opposé de l'autre exemple, les laboratoires en biologie moléculaire sont donc des petites entités, flexibles, modulables et en compétition. Cette organisation proche d'un marché est liée à un régime de "promesse techno-scientifique" où le moteur des financements est la perspective de retombées pour la société ou l'industrie (particulièrement pharmaceutique ou médicale), ce qui lui donne parfois une image d'apprenti sorcier sujette aux controverses de société (comme dans le cas des OGMs). L'approche épistémique de la biologie moléculaire est d'un côté réductionniste, puisqu'elle essaye de traduire des phénomènes biologiques en un langage physico-chimique, mais en étant pragmatiquement ouvert à de nombreuses théories différentes et même à leur mélange, que ce soit à l'échelle de la molécule, du gène, de l'indicidu, de la population ou du milieu. Ce faisant, elle reconstitue la nature en la reconfigurant à l'intérieur du laboratoire (des boîtes de Pétri aux champs témoins en pasant par la drosophile) et en faisant appel à de nombreuses et diverses techniques statistiques, spectroscopiques, enzymatiques...

Deux cultures épistémiques différentes

...dans ces deux domaines, telles que décrites par KKC.

La physique des hautes énergies

La physique des hautes énergies est, du point de vue de la sociologue Karin Knorr-Cetina, un domaine très fermé sur lui même qu'elle aime à appeler "épistèmè récursive"[5]. Pour bien comprendre ses enjeux, il est possible de faire l'analogie entre cette spécialité et le fonctionnement du cerveau et du mécanisme de la perception. En effet, lorsque nos yeux captent de la lumière, le signal électrique transmit par le nerf optique arrive au cerveau. Pour comprendre la nature de ces signaux, le cerveau use de ses propres connaissances internes. Il définit le monde extérieur en fonction de son état interne. Il en va de même pour la physique des hautes énergies, qui, du fait de son extrême complexité, ne peut se servir que de ses propres acquis pour expliquer ses découvertes futures. Elle opère dans un système fermé d'informations[5].

Il est également possible d'aborder le coté "irréel" ou "fantasmatiques" des objets étudiés dans cette discipline. En effet, les particules atomiques et subatomiques étudiés sont très difficilement observables car jamais isolées et dont la présence d'autre éléments masque la présence. Aussi, elles n'ont souvent qu'une durée de vie très éphémères et sont par conséquent majoritairement observables seulement par les traces qu'elles laissent[5]. Il est ici assez simple de se rendre compte de la ressemblance qu'il peut y avoir entre cette discipline et d'autre tendant vers la métaphysique (on parle ici d'étude et de recherches d'entités dont l'existence n'est traduite que par des supposés traces, donnons l'exemple du Monstre du Loch Ness).

La biologie moléculaire

technologies de l'intervention, tâtonnement,... = morceau numéro 4 BumbleKala

La biologie moléculaire, à l'inverse de la physique expérimentale des hautes énergies, se constitue comme système ouvert sur les objets naturels et quasi naturels. En d'autres termes, celle-ci est fondée sur un contact aussi important que possible avec le monde empirique[6].

De plus, la biologie moléculaire entretient avec les objets qu'elle étudie un rapport bien particulier. Celle-ci se caractérise notamment par un contact étroit ainsi qu'une grande proximité entre les objets observés et les scientifiques observants (ce qui n'est pas du tout le cas de la physique des hautes énergies !).

Karin Knorr-Cetina, dans son ouvrage, a également caractérisé la biologie moléculaire comme une "technologie de l'intervention".

En effet, cette discipline, située aux frontières du vivant, ne manipule pas des signes mathématiques mais des organismes, des substances et des objets sur lesquels les scientifiques ont une possibilité d’interférer. Ils découpent, dissèquent, réduisent, mélangent, chauffent, modifient, altèrent, injectent, pèsent, contrôlent et analysent tous ces objets au sein des laboratoires. Cette discipline qu'est la biologie moléculaire n'est alors pas une "technologie de la représentation" comme serait la physique ou les mathématiques mais une "technologie de l'intervention", une méthode active impactant directement la matière observée.

Mais ce n'est pas tout, Karin Knorr-Cetina décrit également cette science comme fonctionnant par "tâtonnements".

En effet, cette science est sujette aux aléas de la nature, aléas représentés par la "sélection naturelle" selon Knorr-Cetina. Par exemple, le matériel génétique peut être soumis à un ensemble de mutations qui seront par la suite sélectionnés par les conditions du milieux et de l'environnement. Cette variable naturelle ajoute une difficulté au travail de recherche en biologie moléculaire qui, à l'inverse de la physique, ne sera pas étudiée afin d'en découvrir les causes. Les scientifiques vont alors progresser par le biais "d'essais par tâtonnements" en introduisant des variations de différentes sortes et en se fiant aux résultats qu'elles produiront, c'est à dire des résultats tangibles et utilisables.

Deux modes de publications différents

...différents dans les deux domaines, tels que décrits par Biagioli = morceau numéro 5 Ilonabsd

La physique des hautes énergies ainsi que la biologie moléculaire en tant que disciplines et en tant que cultures épistémiques sont diamétralement opposées selon Karin Knorr-Cetina.

Elles le sont également lorsqu'il s'agit des modes de publications et des droits d'auteurs comme le décrit Biagioli.

En effet, les articles scientifiques sur la physique des hautes énergies exposent les avancées scientifiques dans cette discipline. Prenons cet article de physique en tant qu'exemple "Measurements of fiducial and differential cross-sections of tt̄ production with additional heavy-flavour jets in proton–proton collisions at√s = 13 TeV with the ATLAS detector"[7], on remarque une liste ahurissante de collaborateurs. Ces collaborateurs ayant tous une part de responsabilité, car la physique des hautes énergies se sert de son "épistèmè" pour exposer ses découvertes futures, ont donc des rôles précis et appartiennent à des institutions officielles reconnues. Il ne s'agit pas d'une expression personnelle mais de l'expression d'une théorie établie sur des bases, sur des connaissances pré-existantes.

La biologie moléculaire, quant à elle, soulève un problème de l'attribution des articles scientifiques, qui sont élaborés par de nombreux chercheurs. Prenons le cas de "Chemmodlab: a cheminformatics modeling laboratory R package for fitting and assessing machine learning models"[8], un article scientifique, celui-ci révèle plus de 45 références et contributeurs. On ne peut donc pas définir un auteur, un contributeur ou un chercheur précis responsable d'un article scientifique, "l'expression personnelle d'un scientifique se fait par une déclaration non subjective sur la nature"[9]. Biagioli décrit ce phénomène par le fait que "La paternité scientifique ne concerne pas les droits de propriété mais les véritables revendications de la nature"[9], une distinction essentielle à faire en fonction des disciplines étudiées.

Les attributions des droits d'auteurs doivent être totalement analysées avant d'être redistribuées à des personnes particulières qui seraient donc responsables d'un ouvrage, d'un article... Dans le monde scientifique, cela reste une énigme à résoudre puisque "la responsabilité scientifique n'est pas une catégorie juridique, mais un ensemble de relations entre collègues"[9].


Références

  1. (en) Karin Knorr Cetina, Epistemic Cultures How the Sciences Make Knowledge, , 352 pages (ISBN 9780674258945, lire en ligne)
  2. « Méthode scientifique », dans Wikipédia, (lire en ligne)
  3. « épistémique — Wiktionnaire », sur fr.wiktionary.org (consulté le Date invalide (2018-12-04t19:33:15z))
  4. (en) « Epistemic Cultures — Karin Knorr Cetina | Harvard University Press », sur www.hup.harvard.edu (consulté le Date invalide (2018-12-04t19:32:18z))
  5. a b et c Karin Knorr-Cetina, « Le «souci de soi» ou les «tâtonnements» : ethnographie de l'empirie dans deux disciplines scientifiques », Sociologie du travail, vol. 38, no 3,‎ , p. 312–313 (ISSN 0038-0296, DOI 10.3406/sotra.1996.2256, lire en ligne, consulté le )
  6. « Empirisme », dans Wikipédia, (lire en ligne)
  7. ATLAS Collaboration, « Measurements of fiducial and differential cross-sections of $t\bar{t}$ production with additional heavy-flavour jets in proton-proton collisions at $\sqrt{s}$ = 13 TeV with the ATLAS detector », arXiv:1811.12113 [hep-ex],‎ (lire en ligne, consulté le Date invalide (2018-12-04t21:08:56z))
  8. Jeremy R. Ash et Jacqueline M. Hughes-Oliver, « chemmodlab: a cheminformatics modeling laboratory R package for fitting and assessing machine learning models », Journal of Cheminformatics, vol. 10, no 1,‎ , p. 57 (ISSN 1758-2946, DOI 10.1186/s13321-018-0309-4, lire en ligne, consulté le Date invalide (2018-12-04t20:46:53z))
  9. a b et c (en) Mario Biagioli and Peter Galison, Rights or Rewards ? Changing Frameworks of Scientific Authorship. In Scientific Authorship: Credit and Intellectual Property in Science., New York, NY: Routledge, (lire en ligne), p. 253–279

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