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Utilisateur:Simolife

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Ahmed el amrani ami de simo qui habite a bettana li daiere full contacte est un tres grand chercheur et philosophe et tres bon infographiste est :

À l'âge de quinze ans, alors qu'il étudie la philosophie et les problèmes de la pensée arabe et musulmane, sur les conseils de son professeur Al-Abuli, l'attention d'Ibn Khaldoun est attirée par l'arrivée de nouveaux professeurs et spécialistes de théologie et de littérature17. Mais c'est aux alentours de cette même période que l'épidémie de peste noire, qui se répand depuis l'Asie jusqu'à l'Europe, frappe la région de Tunis en 134822 et lui ravit une partie de sa famille17. Sa mère est la première touchée et elle meurt le corps couvert de pétéchies dans d'atroces douleurs17. Après ce drame, Ibn Khaldoun s'enferme dans sa salle d'étude pendant plusieurs jours et refuse d'en sortir17. Puis, au début de l'année 1349, son père décède à son tour dans les mêmes souffrances que sa femme. Plus tard, Ibn Khaldoun évoque à plusieurs reprises ces événements tragiques, notamment dans la Muqaddima23 : « Une peste terrible vint fondre sur les peuples de l'Orient et de l'Occident ; elle maltraita cruellement les nations, emporta une grande partie de cette génération, entraîna et détruisit les plus beaux résultats de la civilisation. Elle se montra lorsque les empires étaient dans une époque de décadence et approchaient du terme de leur existence ; elle brisa leurs forces, amortit leur vigueur, affaiblit leur puissance, au point qu'ils étaient menacés d'une destruction complète. La culture des terres s'arrêta, faute d'hommes ; les villes furent dépeuplées, les édifices tombèrent en ruine, les chemins s'effacèrent, les monuments disparurent ; les maisons, les villages, restèrent sans habitants ; les nations et les tribus perdirent leurs forces, et tout le pays cultivé changea d'aspect24. » Ibn Khaldoun a également perdu d'autres membres de sa famille, la plupart de ses amis22 et certains de ses professeurs3 ; beaucoup d'intellectuels mérinides sont aussi morts25. Parmi ces derniers figurent notamment Al Ansari, spécialiste des lectures du Coran, Al Hassayri, grammairien, Ibn Bahr, spécialiste en langue et littérature, Al Jayani, grand juriste, Al Najar, mathématicien, et d'autres médecins, philosophes, astronomes et astrologues25. Son professeur Al-Abuli, qui réside dans la maison des Banu Khaldoun, est le seul à avoir survécu alors que les autres s'en vont à Fès qui est alors la capitale intellectuelle et culturelle du Maghreb25. En outre, à la peste s'ajoute une famine désastreuse22. Projet de départ pour Fès[modifier] Tunis connaît alors une période de marasme intellectuel. Ibn Khaldoun songe à quitter la cité pour aller vivre à Fès afin d'assouvir sa soif de connaissance et de rejoindre son professeur Al-Abuli, même si son frère aîné tente vainement de l'en dissuader25. Néanmoins, son rêve de partir pour Fès ne peut se réaliser tout de suite25. En effet, suivant la tradition familiale26, Ibn Khaldoun aspire à une carrière politique. Dans le contexte nord-africain d'une répartition des pouvoirs et de souverains toujours changeants, cela signifie réussir un jeu d'équilibre, savoir former des alliances et revenir sur ses loyautés au bon moment afin de ne pas être emporté par le déclin de règnes parfois très brefs. Dans un premier temps, il entretient en 1347 de bonnes relations avec la cour mérinide, lors de l'occupation de Tunis par Abu al-Hasan ben Uthman. Au début des années 1350, sa réputation va grandissante et parvient jusqu'au palais royal25. C'est pourquoi il commence véritablement sa carrière politique en 13503, à l'âge de 18 ans, en tant que garde du sceau du sultan mérinide (« écrivain de l'alama »22) auprès du puissant chambellan Ibn Tafragin ou Ibn Tafraguin25, qui est lui-même au service du sultan Abû Ishâq Ibrâhîm. Sans renoncer à son idée de départ pour Fès, Ibn Khaldoun accepte le poste qui lui est confié, pensant qu'il ne l'occuperait pas longtemps25. Son métier consiste alors à se rendre tous les jours au palais, s'asseoir près du sultan et « chaque fois que le souverain désirait envoyer une lettre officielle ou édictait une ordonnance, [Ibn Khaldoun] prenait une grande feuille de vélin. Il écrivait au haut de la page en gros caractères calligraphié : « Louange et Grâce à Dieu ». Quelquefois, à la demande expresse du sultan, il écrivait aussi la formule consacrée : « Au nom de Dieu, le Clément, Miséricordieux », ou encore les titres du souverain »27. Ceci lui permet entre autres d'observer toutes les manœuvres, les intrigues et les réputations qui se font et se défont à la cour25. Avec l'invasion de l'Ifriqiya en 1352 par le sultan berbère de Constantine Abou Yazid, il peut enfin quitter Tunis en prenant pour prétexte la défaite de son maître25 : « J'étais bien décidé à […] quitter [Tunis] aussitôt que j'en trouverais l'occasion, tant j'éprouvais d'ennui d'être séparé de mes professeurs et mis dans l'impossibilité de poursuivre mes études »28. Il se réfugie d'abord à Ebba, puis Tébessa, Gafsa et enfin Biskra où il passe l'hiver avec ses amis de la tribu des Beni Musni29, en attendant que la situation politique se clarifie30. En 1353, il entreprend un séjour à Bougie où il est invité à la résidence du chambellan mérinide et propose ses services au souverain Abu Inan Faris26. Mais en 1354, suivant les conseils de son frère aîné, il retourne à Tunis où il se marie avec la fille de Mohammed Al Hakim, général à la retraite, ancien ministre de la Guerre et personnalité fortunée et respectée à la cour hafside26. Pourtant, il a toujours pour objectif d'aller à Fès, réalisant une nouvelle fois, à travers les soubresauts de la vie politique à Tunis, que le royaume est en phase de déclin26 alors que Fès est alors à son apogée31. Premières années[modifier] Fès[modifier] Le sultan de Fès Abu Inan Faris lui envoie, à la fin de l'année 1354, une lettre pour l'inviter à participer au Conseil des savants, une réunion littéraire qu'il préside26,31. Dans le but de poursuivre ses études, Ibn Khaldoun fait le voyage l'année suivante pour Fès selon Smaïl Goumeziane26, alors qu'Yves Lacoste pense pour sa part qu'il est arrivé dans cette ville au début de l'année 135431. En arrivant d'une colline qui surplombe la ville, Ibn Khaldoun raconte ainsi le lieu qu'il découvre26 : « Fès s'étendait à nos pieds dans la lumière dorée du couchant. Une armée de minarets ocre et or dominait ses toits plats. Une couronne de collines couvertes de maisons de pierre la ceinturait. Des cyprès, austères et orgueilleux, détachaient leur vert sombre sur l'émeraude de la campagne avoisinante. Au loin, un vaste ciel mauve dévorait l'horizon »32. Il est rapidement introduit à la cour du sultan33 et retrouve son professeur Al-Abuli dans le cercle de savants qui l'accompagnent33. Il participe aux discussions philosophies et scientifiques34 puis accepte, sans grand enthousiasme, de devenir secrétaire particulier du souverain, ce qui correspond à un poste de scribe chargé des proclamations royales, même si cette situation n'est pas réellement à la hauteur de sa tradition familiale33. Il profite néanmoins des faveurs dont il bénéficie et qui provoquent jalousies et calomnies, qu'il favorise en fréquentant plutôt assidument un prince hafside de Bougie, Abû `Abd Allâh34. Cependant, sa soif de connaissance l'emporte largement sur son intérêt pour la politique, comme il l'écrit lui-même : « Je mis à profit ces moments pour réfléchir et étudier, et pour m'asseoir aux pieds des grands professeurs, ceux du Maghreb comme ceux d'Espagne qui résidaient provisoirement à Fès, et je bénéficiai grandement de leur enseignement »33. À cette époque, il vit et travaille à proximité de la médersa Bou 'Inania, l'un des exemples les plus reconnus d'architecture marocaine. Il fréquente en particulier les grands maîtres de l'université Al Quaraouiyine et y complète sa formation scientifique3. Il écrit plus tard : « De cette manière, je parvins à un degré d'instruction qui répondait à mes désirs »35. En 1357, Abu Inan Faris l'accuse — « vraisemblablement à juste titre » selon Yves Lacoste34 — de participer à un complot contre lui visant à réinstaller Abû `Abd Allâh sur le trône de Bougie33. Ibn Khaldoun l'explique par une intrigue de cour causée par la jalousie et menée par certains courtisans de Fès[style à revoir]33. Abû `Abd Allâh est arrêté mais, pour des raisons politiques, rapidement libéré et placé en liberté surveillée33. Ibn Khaldoun est quant à lui arrêté, maltraité puis envoyé en prison ; il y reste presque deux ans et n'est libéré qu'à la mort d'Abu Inan Faris survenue le 27 novembre 135833,34. Lors des luttes dynastiques qui suivent le décès du monarque, Ibn Khaldoun devient secrétaire d'État du nouveau sultan36 puis il soutient Abû Salîm Ibrâhîm (Abou Salim) qui lui promet d'importantes récompenses et fonctions en échange de son aide pour accéder au trône36. Une fois arrivé au pouvoir, Abû Salîm Ibrâhîm entre à Fès, Ibn Khaldoun chevauchant à ses côtés36. Le nouveau souverain lui offre en juillet 1359 une fonction de secrétaire d'État, puis de chef de la chancellerie et enfin de « secrétaire des commandements » en charge d'une haute cour de justice37,38, premières situations correspondant à ses attentes. Il est également nommé poète de cour38. Il se lie alors d'amitié avec Ibn Zarzar, grand médecin et astrologue juif, qui habite au Ribat Al Yahoud, le faubourg des Juifs résidant à Fès38. Au bout de deux ans, en 1361, il quitte son poste de secrétaire de la chancellerie pour devenir cadi malékite de Fès38,note 1. Mais, rapidement, de nouvelles turbulences politiques apparaissent et Abû Salîm Ibrâhîm est renversé par un autre prétendant au trône, ami d'Ibn Khaldoun, et à qui ce dernier s'est rallié à temps38. Mais Ibn Khaldoun n'obtient cette fois aucune fonction importante de la part du nouveau souverain38. Il fait savoir son mécontentement autour de lui et se crée de nouveaux ennemis38. Alors qu'il ressent que le climat avec les hommes au pouvoir est hostile, il obtient l'autorisation de quitter la cour de Fès39. Toutefois, on l'empêche de partir pour Tlemcen ou Tunis ; on ne connaît que trop bien ses capacités politiques et on craint qu'il ne fomente une affaire pour le compte de prétendants mérinides exilés39. Grenade[modifier] En décembre 1362 ou en 1363, il reçoit l'autorisation du souverain de se rendre en Andalousie, dans le royaume nasride de Grenade qui est la dernière enclave musulmane dans la péninsule Ibérique38,39. Il est certain d'y recevoir un accueil des plus chaleureux après avoir grandement aidé le sultan nasride Mohammed V al-Ghani et son vizir Ibn al-Khatib à reprendre le pouvoir en avril 1362, lors de son exil à Fès38 ; Ibn Khaldoun, alors ministre, a en effet pris soin de la famille du sultan et s'est montré très disponible38. De plus, entre les deux, une solide amitié s'est nouée, renforcée par leur intérêt commun pour la poésie38. Ibn Khaldoun raconte ainsi l'accueil qui a été le sien à Grenade : « Le sultan qui s'était empressé de faire tapisser et meubler un de ses pavillons pour ma réception, envoya au-devant de moi une cavalcade d'honneur, composée des principaux officiers de sa cour. Quand j'arrivai en sa présence, il m'accueillit d'une manière qui montrait combien il reconnaissait mes services et me revêtit d'une robe d'honneur40. » On connaît mal les fonctions qui ont été les siennes à la cour de Mohammed V al-Ghani41. Toutefois, à la fin de l'année 1364 ou dans le courant de l'année 1363 selon les sources, le sultan, appréciant l'habileté d'Ibn Khaldoun, lui confie une mission diplomatique délicate et importante auprès de Pierre Ier de Castille afin de conclure un traité de paix entre le royaume de Castille et les princes musulmans38,42. Ibn Khaldoun est somptueusement reçu dans la salle des Ambassadeurs de l'Alcazar de Séville42. Il remet, selon la tradition diplomatique, les présents habituels, soit : des étoffes de soie, des chevaux de race et leur harnachement brodé d'or42. Ibn Khaldoun accomplit sa tâche avec succès en rétablissant la paix avec la Castille43. Lors de son séjour à Séville, dans l'une des antichambres de Pierre Ier, il rencontre Ibn Zarzar qu'il avait connu à Fès et qui était devenu le médecin et le conseiller du roi44. Grâce aux documents d'archives que lui avaient légués ses parents, Ibn Khaldoun retrouve les anciennes possessions espagnoles de sa famille dont il observe « le fleuve […], la plaine, les champs de blé et de céréales, les maisons et les fermes proprettes, aux murs recouverts de clématites et de lierre, avec une lueur de mélancolie dans les yeux »45. Pierre Ier, satisfait des bons offices d'Ibn Khaldoun, lui propose alors la restitution de ces terres en échange de quoi il reste à son service à sa cour44. Pierre Ier pense qu'en ayant Ibn Khaldoun comme diplomate, cela faciliterait sa politique avec l'Occident musulman46. Toutefois, avec les remerciements et les ménagements que mérite une telle offre, Ibn Khaldoun la refuse pour deux raisons, selon Yves Lacoste46. Tout d'abord, il est probable qu'il ait deviné la fragilité du pouvoir de Pierre Ier, une révolte le renversant deux ans plus tard46. La deuxième raison est d'ordre moral : dans de nombreux passages de son œuvre, il se montre très dur avec ceux qu'il dénomme les « traîtres » qui ont autrefois toléré la présence des chrétiens au lieu de préférer l'exil comme sa famille46. Il est donc fort possible qu'il ait refusé d'entrer au service d'un gouvernement chrétien, même de manière provisoire46. Mais ce séjour en Andalousie est surtout l'occasion pour Ibn Khaldoun de se rendre compte que partout en Europe, que ce soit en Espagne, en Italie, en France ou en Grande-Bretagne, existent des affrontements impliquant les familles au pouvoir, les vassaux et les courtisans44. Des conflits de dynastie et les prises de pouvoir par assassinat se succèdent de la même manière qu'au Maghreb44. En outre, il se rend compte que la peste noire a causé encore plus de morts en Europe qu'au Maghreb44, à quoi s'ajoutent les famines. Ibn Khaldoun en vient à la conclusion, comme l'affirme Smaïl Goumeziane, qu'« en ce XIVe siècle, partout, en islam comme dans la chrétienté, l'ordre médiéval et monarchique connai[t] une crise profonde »44. De retour à Grenade, Ibn Khaldoun satisfait également le sultan Mohammed V al-Ghani qui lui offre le village d'Elvira, situé dans la plaine de Grenade43, et les terres qui l'entourent dans la Vega de Granada46. Grenade est alors à son apogée46. Ibn Khaldoun devient confident du souverain et brille par la qualité des poèmes qu'il récite dans les réunions littéraires46. Il entre d'ailleurs en concurrence avec l'écrivain Ibn al-Khatib, le vizir de Mohammed V al-Ghani observant d'un œil méfiant ses relations étroites avec le sultan46. Les terres qui lui ont été offertes lui permettent de mener une vie fastueuse dans une belle demeure avec des jardins luxuriants, située dans les quartiers aristocratiques47. Songeant à s'installer définitivement, il fait venir sa famille, femme et enfants, installés alors à Constantine et qui l'attendaient47. Il débat également de longues heures avec Mohammed V al-Ghani de problèmes de philosophie, d'histoire et de politique47. Toutefois, Ibn Khaldoun se lasse de sa vie fastueuse à Grenade, capitale d'un petit État vassal, qui ne correspond pas à ses ambitions47. De plus, Ibn al-Khatib, de plus en plus jaloux, intrigue et calomnie, ce qui, semble-t-il, a beaucoup peiné Ibn Khaldoun47. Retournements d'alliances[modifier] Chambellan d'Abû `Abd Allâh[modifier] Ibn Khaldoun reçoit par la suite une invitation du souverain hafside de Bougie, Abû `Abd Allâh. Celui-ci lui propose de devenir son chambellan43 en remerciement de ses services, puisqu'il lui a été d'une aide importante pour redevenir souverain de Bougie alors qu'Ibn Khaldoun était au service d'Abû Salîm Ibrâhîm à Fès48. De plus, leur commun emprisonnement à Fès les avait déjà rapprochés48. Ibn Khaldoun souhaite accepter mais doit cependant attendre l'accord de Mohammed V al-Ghani qui ne lui donne qu'à regrets49. Ibn Khaldoun se rend alors à Tlemcen où il est reçu avec tous les honneurs43. Après avoir obtenu l'approbation de Mohammed V al-Ghani, il quitte Grenade en mars 1365 et s'embarque à Almería49. Jean Mohsen Fahmy explique qu'à Bougie « le sultan Abou Abdallah [Abû `Abd Allâh] […] avait organisé un accueil exceptionnel à son ami et nouveau Premier ministre : à Bab Al Bonoudnote 2, la Porte des Étendards, toute la cour était présente, en habits de cérémonie. La garde du sultan lui fit une haie d'honneur. Tout le peuple était rassemblé des deux côtés du chemin, applaudissant, criant des vivats. Des gens se précipitaient pour toucher [son] cheval, pour embrasser sa main ou le pan de sa jubba »50. Bougie est alors une cité prospère qui est restée l'une des villes les plus importantes de l'Afrique du Nord51. Son plus jeune frère Yahya Ibn Khaldoun est, lui, nommé vizir. Ibn Khaldoun s'attelle donc à la tâche en recevant vizirs, dignitaires, chefs de tribus, ambassadeurs et autres envoyés spéciaux43. Il donne également de son temps au peuple qui vient lui porter des requêtes ou se plaindre des percepteurs des impôts ou des commerçants malhonnêtes52. Il écoute également les réclamations des simples soldats et des fonctionnaires civils ou religieux53. En plus, le sultan le nomme prédicateur à la grande mosquée de la Qaçba15 où il enseigne également la jurisprudence53,54. Il exerce alors une influence considérable sur les milieux intellectuels et religieux, dans une ville où les étudiants sont nombreux54. Alors qu'Ibn Khaldoun exerce, semble-t-il, ses « fonctions à la satisfaction générale »55, et bien que son véritable rôle soit difficile à discerner, la tension est grande entre le sultan et la population56. Pendant cette période, Ibn Khaldoun est chargé de lever des impôts auprès de tribus berbères locales57. Chambellan d'Abou Hammou Moussa II[modifier] Après la mort d'Abû `Abd Allâh en 1366, assassiné au combat par son cousin Abû al-`Abbâs, souverain hafside de Constantine, la ville de Bougie tombe entre les mains de ce dernier53. Ibn Khaldoun, sachant que Bougie n'était pas en mesure de faire face à l'offensive d'Abû al-`Abbâs, se rend et lui donne les clés de la ville pour éviter des « morts inutiles »53. Il entre momentanément au service du sultan mais sent la méfiance d'Abû al-`Abbâs à son égard et se sent même surveillé, voire menacé58. Comme le montre sa correspondance régulière avec Ibn al-Khatib53, il exprime son inquiétude devant l'instabilité chronique dont souffre le Maghreb58. Sur le point de se faire arrêter, Ibn Khaldoun prend la fuite à temps et se réfugie chez la tribu des Dhawawidas, avec qui il était déjà entré en contact lorsqu'il était chambellan de Bougie59. Abû al-`Abbâs, en représailles, fait arrêter et maltraiter son frère Yahya et met sa famille sous surveillance53,59. Les biens dont dispose la famille d'Ibn Khaldoun à Constantine et Bougie sont confisqués59. En secret, le sultan zianide de Tlemcen, Abou Hammou Moussa II, dont le pouvoir est affaibli, le charge de recruter des soldats mercenaires auprès des tribus hilaliennes60,61. En mars 1368, Ibn Khaldoun reçoit une lettre de ce sultan dans laquelle il lui propose un poste de chambellan53. Alors que ses amis lui manifestent leur surprise, Ibn Khaldoun leur répond : « Bien évidemment, ce n'est pas par amitié qu'il me fait cette offre. Abou Hammou sait à quel point mes relations avec les tribus du désert sont bonnes. Il connaît la confiance que me font les principaux cheikhs des Arabes Dawawida [Dhawawidas] »62. Or Abou Hammou Moussa II veut justement recruter des soldats mercenaires parmi les tribus arabes des Dhawawidas60. Mais Ibn Khaldoun refuse « diplomatiquement » cette offre tout en proposant son frère Yahya, qui vient de s'évader, à sa place53,63. La raison invoquée par Ibn Khaldoun est qu'il s'est trop impliqué dans les affaires politiques et qu'il désire maintenant se consacrer aux études et aux recherches53. Il s'y consacre effectivement pendant quelques mois53. Il se rend près de Biskra, dans la tribu amie des Beni Musni53. Ibn Khaldoun reçoit alors des émissaires et parvient à reconstituer un groupe de tribus suffisamment important pour venir en aide au souverain61. Ce dernier lui propose une nouvelle fois le poste de chambellan qu'Ibn Khaldoun, prudent, refuse à nouveau, préférant devenir l'intermédiaire entre les princes et les tribus qu'ils veulent enrôler, principalement celle des Dhawawidas61. Devenu condottiere, son pouvoir est peut-être encore plus grand que lorsqu'il était ministre61. Pendant quatre ans, de 1366 à 1370, il verse les subsides royaux, négocie des alliances, mène les cavaliers au combat ; sa vie, certes mouvementée parmi les cavaliers des tribus, ne l'est pas autant qu'à la cour, avec toutes ses intrigues61. En 1370, son intérêt pour la politique reprend le dessus alors qu'une alliance entre les souverains de Tunis et de Tlemcen s'est constituée contre Abû al-`Abbâs60. Il conduit alors une délégation de chefs de tribus qui se rend à Tlemcen61 et soutient cette alliance60. Il assume alors les fonctions de chambellan d'Abou Hammou Moussa II61. Changement de camp[modifier] Une guerre éclate finalement entre Tlemcen et Fès60 : Tlemcen est défaite et Abou Hammou Moussa II fuit en abandonnant sa capitale. Ibn Khaldoun se sent alors lui aussi obligé de fuir, pressentant le danger60. Il souhaite se rendre à Biskra où il pourrait être en sécurité mais les routes sont coupées61. Il se rend alors à Honaine, le port le plus proche de Tlemcen, d'où il souhaite embarquer pour l'Espagne61. Seulement, il ne trouve aucun navire pour le transporter et sa localisation est rapidement connue des espions mérinides qui en informent le sultan, qui donne l'ordre à sa cavalerie de l'arrêter61. Le sultan souhaite en effet avoir à sa disposition un tel personnage politiquement important, mais Ibn Khaldoun est également soupçonné d'être porteur d'un dépôt précieux, confié par le souverain de Tlemcen64. Fait prisonnier à Tlemcen, le sultan lui reproche violemment d'avoir trahi les Marocains depuis son départ de Fès65. Ibn Khaldoun explique qu'il a été contraint de quitter Fès à cause des menaces que le grand vizir faisait peser sur sa vie65. Or, ce même grand vizir a tenté d'assassiner son sultan, idée qui constitue un argument de poids. Ibn Khaldoun explique en outre qu'en se rendant à Biskra, il peut recruter des combattants pour le compte des Mérinides alors que ceux-ci, dans leur élan, songent à conquérir l'ensemble du Maghreb65,60. Enfin, il fournit des renseignements importants sur la situation politique au Maghreb central et montre au sultan la possibilité de s'emparer de Bougie, avant de songer à Tunis65. Ceci lui permet d'être remis en liberté. Il reçoit par la suite même de nombreux présents65. Cette situation cause certaines incompréhensions, même parmi ses amis de la tribu des Beni Musni chez qui il réside lors de son séjour à Biskra60. Il entreprend alors une retraite dans la zaouïa d'Abou Madyane, près de Tlemcen, prétendant vouloir renoncer au monde65. Il est cependant rapidement chargé par le sultan de partir vers les territoires occupés par les tribus restées fidèles à Abou Hammou Moussa II pour les rallier aux Marocains65. Muni des pleins pouvoirs et d'importants subsides, il réussit sa mission avec habileté65. Il rejoint en effet la tribu où est réfugié Abou Hammou Moussa II et rappelle aux chefs qui se sont rassemblés les dangers qu'ils courent en restant les adversaires des Mérinides65. Il obtient le ralliement de la plupart des tribus et réussit à identifier l'endroit où se cache Abou Hammou Moussa II ; il en informe les chefs mérinides66. Ces derniers envoient des soldats à sa poursuite et celui-ci est obligé de s'enfuir jusqu'aux oasis de Gourara, démuni de tout67. Par la suite, Ibn Khaldoun participe aux fructueuses razzias réalisées parmi les tribus encore ennemies67. En novembre 1371, il est accueilli par le sultan avec la plus haute distinction67. Il participe par la suite à quelques opérations militaires importantes avant de retourner à Biskra67. Il est alors l'hôte d'Ibn Mozni, le seigneur qui gouverne alors la région67. En septembre 1372, appelé par la cour de Fès, Ibn Khaldoun quitte Biskra pour s'y rendre67. Il arrive à Miliana avec une faible escorte et prend la route pour Tlemcen67. C'est alors que le sultan mérinide meurt brusquement67. Abou Hammou Moussa II, qui s'apprête à fuir au Soudan, apprend la nouvelle et reconquiert le pouvoir à Tlemcen puis lance des soldats à la recherche d'Ibn Khaldoun dont il veut se venger, ne lui pardonnant pas d'avoir participé à sa chute60. Ibn Khaldoun vient à ce moment d'arriver à Tlemcen et écrit plus tard que « ce fut là, en réalité, un événement bien extraordinaire »68 et qui s'est déroulé très rapidement67. Ibn Khaldoun fuit alors vers Fès mais, arrivé près de Sebdou, son escorte est attaquée par la troupe envoyée à sa recherche69. Il parvient à leur échapper sans cheval et marche pendant deux jours jusqu'à ce qu'il puisse se réfugier chez une tribu favorable aux Mérinides69. À la fin du mois de novembre 1372, il rejoint finalement Fès69, où la situation est restée confuse depuis la mort d'Abu Inan Faris avec des conflits entre vizirs60. Ibn Khaldoun reçoit alors un accueil amical, reprend rapidement ses activités d'enseignement et se lance dans des recherches historiques69. Une place importante au conseil du gouvernement lui est également attribuée69. À Fès, il retrouve également son ami Ibn al-Khatib, qui avait quitté Grenade60. Mais peu de temps après, la justice du sultan de Fès, agissant à la demande de celui du Grenade, inquiète Ibn al-Khatib, le sultan de Grenade soupçonnant ce dernier de complots, « voire de vénalité et d'amour démesuré pour l'argent et la richesse »70. Malgré sa demande d'extradition pour être jugé à Grenade, le sultan de Fès décide d'un procès sur place71. Il fait l'objet d'une réprimande publique, se voit torturé en prison avant d'être assassiné par strangulation, malgré les démarches entreprises par Ibn Khaldoun pour le sauver71. Ces dernières vont être à l'origine de son arrestation72 et lui valent également l'inimitié du sultan de Grenade71. Toutefois, Ibn Khaldoun ne reste pas longtemps en prison grâce à l'intervention de son ami, le prince de Marrakech1. Pourtant, il ne s'agit là que d'un sursis et Ibn Khaldoun se place rapidement sous la protection de son ami, Wanzammar, grand chef arabe72. Ce dernier a une influence importante sur la cour mérinide et obtient pour Ibn Khaldoun l'autorisation de partir pour Grenade72. En septembre 137472, Ibn Khaldoun se rend à Grenade pour y porter une fatwa que lui ont commandée les soufis de cette ville71. Mohammed V al-Ghani lui réserve un accueil des plus froids72. Il est ensuite éconduit par la garde royale et escorté jusqu'à son bateau pour revenir sur ses pas jusqu'au port de Honaine où il est déporté au début de l'année 137571 ; Mohammed V al-Ghani a ainsi pour objectif de le livrer à Abou Hammou Moussa II71. Toutefois, Wanzammar, nouvel allié de ce dernier, intervient en faveur d'Ibn Khaldoun73. Abou Hammou Moussa II, après une première fureur, saisi l'intérêt qu'il a à satisfaire Wanzammar : Ibn Khaldoun est alors gracié73. Ibn Khaldoun se retire alors près de Tlemcen, au village d'El Eubad, où est enterré le saint Abou Madyane71. Quelques mois plus tard, le souverain de Tlemcen Abou Hammou Moussa II le convoque au palais pour une nouvelle mission à Biskra, afin d'y recruter des mercenaires des tribus des Dhawawidas et des Riah71,73. Mais il craint un nouveau conflit avec la ville voisine de Fès. Il est aussi fatigué par la politique et les changements de camp constants, s'étant déjà par deux fois retiré73. Ibn Khaldoun fait alors semblant d'accepter mais, en chemin, il se réfugie chez la tribu berbère des Aouled Arif où il vit pendant trois ans sous leur protection dans la forteresse des Beni Salama (ou d'Ibn Salama), la Qalaa Ibn Salama, forteresse appartenant à Wanzammar, près de Taghazout (aux environs de Frenda et de Tiaret dans l'actuelle Algérie)3,71,1,73. Ce refus peut également s'expliquer par sa situation personnelle délicate, car Wanzammar peut rompre l'alliance qui le lie au souverain de Tlemcen73. Ibn Khaldoun se retrouverait alors sans protecteur, Abou Hammou Moussa II n'aurait plus de raison de le ménager tandis qu'à Fès, Grenade et Tunis, les souverains lui sont hostiles73. En outre, il cherche à se consacrer plus longuement à la réflexion et ne cherche plus à avoir un rôle diplomatique ou militaire74. Écritures de la Muqaddima et du Livre des exemples[modifier] Retraite à la forteresse des Beni Salama[modifier] Des analystes jugent que cette capacité d'Ibn Khaldoun à changer de camp est représentative de l'époque où il vit, marquée par les incertitudes et l'instabilité75. Yves Lacoste estime que cette capacité est naturelle : pour Ibn Khaldoun, les oppositions entre le souverain de Fès et celui de Tlemcen ne remettent pas en cause le fort sentiment de solidarité maghrébine65. Toujours selon Lacoste, Ibn Khaldoun choisit, en tant que condottiere, de « servir la cause qui au moment donné présente pour lui le maximum d'intérêt. L'on doit seulement constater qu'il fait consciencieusement le travail pour lequel il est payé »65. De plus, certains historiens estiment qu'en se mêlant au recrutement des mercenaires, Ibn Khaldoun a pour ambition de « favoriser l'émergence d'un pouvoir suffisamment solide pour stabiliser le Maghreb et éviter sa régression »75. Mais aucun vainqueur définitif ne pouvait émerger étant donné que toutes les victoires restaient éphémères et cette ambition semblait donc vaine75. Par conséquent, Smaïl Goumeziane s'interroge : « Dès lors, ce que la pratique politique n'avait pu obtenir, la connaissance théorique allait-elle le favoriser en éclairant les souverains sur les causes du déclin et les moyens de conjurer la catastrophe ? »75. C'est pourquoi, pendant cette période de retraite à la forteresse des Beni Salama, de 1374 à 1377, Ibn Khaldoun rédige la Muqaddima, introduction de son Kitab al-Ibar, traduit en français par Le Livre des exemples3. En effet, il y trouve le calme nécessaire à ses travaux et Smaïl Goumeziane juge cet épisode comme « incontestablement l'étape décisive de sa vie »76. Il n'a d'autre documentation que son expérience et sa mémoire76, ce qui est déjà considérable étant donné qu'il s'est rendu dans les grandes bibliothèques de Tunis, de Fès, d'Espagne, de Tlemcen et de Bougie77. Par ailleurs, il a été témoin voire acteur d'événements importants aux côtés de rois, de vizirs et de chefs militaires77. Il écrit : « J'ai fait avec moi-même un excellent marché en me décidant à composer un ouvrage »78. Il commence dès le début de sa retraite à élaborer son plan d'écriture pour la Muqaddima, et plus largement pour la première version de son Livre des exemples76. Selon lui, il aurait terminé la première version de sa Muqaddima en cinq mois79, de juillet à novembre 137780. Parfois, lorsqu'il s'accorde une pause, il discute de son travail avec le chef de la tribu. Il aurait pu lui dire : « Les ignorants qui se targuent d'être historiens se contentent de transmettre des faits bruts, mais c'est à la critique de trier le bon grain de l'ivraie… Et même lorsqu'ils parlent d'une dynastie particulière, ces ignorants racontent son histoire telle qu'elle leur a été transmise. Ils ne se soucient pas de savoir si elle est vraie ou fausse. Ils ne se demandent pas pourquoi telle famille a pu accéder au pouvoir. Ils ne se disent pas pourquoi, après avoir brillé pendant quelques générations, telle dynastie finit par s'éteindre. Ils ne clarifient rien, et le lecteur doit par lui-même chercher une explication convaincante à la marche de l'histoire et aux changements du temps »81. Retour à Tunis[modifier] Cependant, bien qu'il soit d'une mémoire impressionnante, il lui manque la littérature nécessaire à l'achèvement de son œuvre76. Il souhaite donc retourner à Tunis et écrit au sultan Abû al-`Abbâs, qui a entre-temps conquis Tunis et qui lui répond favorablement76. En novembre 1378, Ibn Khaldoun quitte sa forteresse et, après un séjour de quelques semaines à Constantine et une escale à Sousse, rentre à Tunis afin de compléter la première version de son Livre des exemples82. Abû al-`Abbâs reprend Ibn Khaldoun à son service et ce dernier obtient des faveurs du souverain83. Mais leur relation reste tendue. En effet, Abû al-`Abbâs doute de la loyauté d'Ibn Khaldoun, bien que celui-ci lui ait offert un exemplaire du Livre des exemples qu'il a achevé83. Il y a cependant omis l'habituel panégyrique du souverain. Ibn Khaldoun part alors enseigner à l'université Zitouna où ses cours rencontrent un grand succès, ce qui n'est pas sans éveiller la jalousie de certains de ses condisciples, dont Ibn Arafa3. Celui-ci, devenu son rival15, monte même une cabale contre lui83. Son frère, vizir à Tlemcen, est sordidement assassiné en 137984. Ibn Khaldoun est très touché par tous ces événements83. Un jour qu'il est face à un auditoire d'étudiants, l'un d'entre eux lui pose cette longue question : « Vous avez écrit que, dans l'univers de la Création, le règne minéral, le règne végétal, et le règne animal sont admirablement liés… Vous avez ensuite, je vous cite, ajouté qu'au sommet de cette création le règne animal se développe alors, ses espèces augmentent et, dans le progrès graduel de la Création, il se termine par l'Homme — doué de pensée et de réflexion. Le plan humain est atteint à partir du monde des singes… où se rencontrent sagacité et perception, mais qui n'est pas encore arrivé au stade de la réflexion et de la pensée. À ce point de vue, le premier niveau humain vient après le monde des singes : notre observation s'arrête là… Vous dites donc, maître, que l'Homme est un singe ? Que le Tout-Puissant a créé l'Homme et le singe à partir du même moule ? Que cette possibilité d'évolution réciproque, à chaque niveau de la Création, constitue ce qu'on appelle le continuum des êtres vivants ? Vous avez donc affirmé que le singe est au voisinage de l'Homme. Dieu aurait donc fait du singe… un parent de l'Homme85 ? » À ce long discours, visiblement prémédité, Ibn Khaldoun aurait répondu calmement : « J'ai écrit ce qu'une observation attentive permet de découvrir. Dieu seul, qu'Il soit glorifié, dispose du cours des événements, connaît l'explication des choses cachées »86. Lassé de ces polémiques stériles, il souhaite partir en Égypte87. Sous prétexte de vouloir entreprendre son pèlerinage à La Mecque87, une requête qu'aucun souverain musulman ne peut refuser, Ibn Khaldoun obtient l'autorisation de quitter Tunis. Le 24 octobre 1382, il s'embarque pour Alexandrie où il passe un mois à préparer son départ pour La Mecque87. Mais, par un coup du sort, il ne peut rejoindre la caravane qui part en direction des lieux saints87. Déçu, il poursuit sa route pour Le Caire, dont il écrit plus tard qu'elle est « la métropole de l'univers »88 Dernières années[modifier] Égypte[modifier] En comparaison du Maghreb, Ibn Khaldoun se sent bien en Égypte87. Tandis que toutes les autres régions islamiques sont engagées dans des guerres de frontières et des luttes intestines, l'Égypte, en particulier Le Caire, jouit, sous le règne des mamelouks, d'une période de prospérité économique et culturelle88. Ibn Khaldoun décide d'y passer le reste de sa vie87. En 1384, le sultan Az-Zâhir Sayf ad-Dîn Barquq le reçoit et le nomme professeur de la médersa El Qamhiyya (Kamiah) et grand cadi malékite87. En juge scrupuleux et rigoureux, il décide de s'attaquer à la corruption et au favoritisme89. Tout le monde lui reconnaît alors des qualités d'intégrité et de sévérité90. Mais Jean Mohsen Fahmy écrit ainsi en parlant de lui : « Sa science du fiqh (droit malékite) était grande, son esprit droit, son raisonnement imparable. Il aurait dû jouir de l'admiration et de la considération générale. Or, au bout de quelques semaines, il s'était attiré des rancunes qui dégénéreraient en haine froide »91. Ce qui lui est en partie reproché alors est son caractère parfois hautain90. De plus, certains dénoncent le fait qu'« un étranger de l'ouest » a d'aussi importantes fonctions92. D'autres le désignent comme « ce Maghrébin qui portait en permanence un burnous de couleur foncée »90, alors que la confection des burnous reste une spécialité spécifiquement maghrébine79. Son attitude réformatrice rencontrant donc des oppositions3, il est contraint dès la première année d'abandonner sa fonction de juge. Mis à part ces pressions, le revers de fortune qu'il subit en 1385 peut également avoir joué un rôle dans sa décision de démissionner. En effet, grâce à Az-Zâhir Sayf ad-Dîn Barquq, Tunis autorise que sa famille le rejoigne au Caire92. En juillet, la famille embarque pour Alexandrie mais le navire est pris dans une violente tempête et le bateau s'écrase contre l'un des récifs de la côte d'Alexandrie et coule3,92. Ibn Khaldoun perd sa femme, leurs cinq filles, une suivante proche et quelques esclaves3,92. Ses deux garçons, qui n'ont pas accompagné leur mère, le rejoignent quelques mois plus tard92. Par ailleurs, sa position à la cour du sultan est remise en question car un rival d'Az-Zâhir Sayf ad-Dîn Barquq s'est emparé du pouvoir92. Ce dernier se retire sur ses terres près de l'oasis de Fayoum. Mais le sultan déchu reconquiert son trône et Ibn Khaldoun reprend ses fonctions92. Deux ans plus tard, il est confirmé au poste de professeur de la nouvelle université Al Zahirya92. En 1387, il décide d'entreprendre le pèlerinage vers La Mecque où il passe également quelque temps dans les bibliothèques (ses Prolégomènes relatent la fin de la bibliothèque d'Alexandrie). À son retour du pèlerinage, il est nommé professeur de hadiths à la médersa Sarghatmechiya92. À partir de mai 1388, il se concentre encore plus sur son activité d'enseignement qu'il effectue dans diverses médrasas du Caire et à l'université al-Azhar89. Il tombe momentanément en disgrâce auprès de la cour pour avoir, lors d'une révolte contre Az-Zâhir Sayf ad-Dîn Barquq, rédigé avec d'autres juristes du Caire une fatwa contre le sultan. Par la suite, ses relations avec le sultan se normalisent et il est à nouveau nommé au poste de cadi. Il est en tout, jusqu'en 1406, cinq fois démis de ses fonctions de cadi qu'il ne conserve jamais longtemps pour des raisons très différentes mais les récupère à chaque fois92. Parallèlement à ses activités d'enseignant, il poursuit ses travaux de recherche et écrit notamment sur la asabiyya et son rôle dans l'émergence et la chute des monarchies, s'appuyant pour cela sur l'étude de l'histoire égyptienne depuis l'époque de Saladin92. En 1394, il envoie une copie de son Livre des exemples au sultan mérinide Abu Faris Abd al-Aziz ben Ahmad de Fès90. Il cherche en effet à rapprocher le Proche-Orient du Maghreb90. Ainsi, il suggère souvent aux sultans des deux régions de s'échanger des présents90. En outre, il établit une correspondance avec bon nombre de ses amis, dont le poète Ibn Zamrak90. En 1396, il fait don d'un exemplaire du Livre des exemples à la bibliothèque de Marrakech1. En 1396 commence le règne d'An-Nâsir Faraj ben Barquq, fils et successeur d'Az-Zâhir Sayf ad-Dîn Barquq93. Ibn Khaldoun ne souhaite pas prendre part à ces intrigues politiques et demande à visiter Jérusalem93. Jean Mohsen Fahmy raconte ainsi sa visite de la ville : « Il a admiré la mosquée al-Aqsa, l'Extrême Mosquée, recouverte d'or et de couleurs brillantes. Puis il a visité le dôme du Rocher, d'où les Musulmans croient que le Prophète est monté vers le ciel. Les escaliers qui y mènent, l'extérieur de l'édifice autant que son intérieur, tout est en marbre d'un travail élégant94. » Il découvre également une zaouïa appelée Wakf Abou Madiane et fondée par le petit-fils d'Abou Madyane, le saint vénéré à Tlemcen93. Sur le chemin du retour, il rencontre la caravane d'An-Nâsir Faraj ben Barquq, lui-même revenant d'une inspection à Damas, alors sous tutelle égyptienne93. En 1400, confronté à de nouveaux incidents, il est une seconde fois obligé de renoncer à son poste de cadi93.