Utilisateur:Ps4/Séquence 5/Chanson - Victor Hugo

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Séquence 5 La poésie. Poésie et engagement.
Chanson (Les châtiments, I, X) de Victor Hugo

Texte[modifier | modifier le code]

Courtisans ! attablés dans la splendide orgie,
La bouche par le rire et la soif élargie,
Vous célébrez César très-bon, très-grand, très-pur ;
Vous buvez, apostats à tout ce qu'on révère,
Le chypre à pleine coupe et la honte à plein verre...
    Mangez, moi je préfère,
    Vérité, ton pain dur.

Boursier qui tonds le peuple, usurier qui le triches,
Gais soupeurs de Chevet, ventrus, coquins et riches,
Amis de Fould le juif et de Maupas le Grec,
Laissez le pauvre en pleurs sous la porte cochère ;
Engraissez-vous, vivez, et faites bonne chère...
    Mangez, moi je préfère,
    Probité, ton pain sec.

L'opprobre est une lèpre et le crime une dartre.
Soldats qui revenez du boulevard Montmartre,
Le vin, au sang mêlé, jaillit sur vos habits ;
Chantez ! la table emplit l'école militaire,
Le festin fume, on trinque, on boit, on roule à terre...
    Mangez, moi je préfère,
    Ô gloire, ton pain bis.

Ô peuple des faubourgs, je vous ai vu sublime,
Aujourd'hui vous avez, serf grisé par le crime,
Plus d'argent dans la poche, au cœur moins de fierté.
On va, chaîne au cou, rire et boire à la barrière,
Et vive l'empereur ! et vive le salaire ! ...
    Mangez, moi je préfère,
    Ton pain noir, liberté !

Analyse[modifier | modifier le code]

  • C'est une chanson composée de quatre couplets de cinq alexandrins, concernant la société ;
  • Ainsi que d'un refrain sous la forme d'un distique d'octosyllabes. C'est un refrain bref, percutant (à cause du changement de rythme). Il annonce la prise de position de Victor Hugo.

Premier couplet (les nobles)[modifier | modifier le code]

  • Ce couplet parle des nobles, critiqués pour leurs orgies.
  • Le rythme ternaire assimile Napoléon III à César, et surtout à Dieu.
  • On relève le champ lexical des orgies et de la boisson : "attablés", "orgie", "chypre", "coupe", "verre", "soif". Il s'agit donc bien d'une critique des nobles qui mangent et qui boient, ce qui rappelle la décadence de la Rome antique.
  • L'oxymore "splendide orgie" souligne le gaspillage.
  • Le terme "apostats" indique le fait qu'ils ont abandonnés la République.
  • (05) Figure de style : zeugma (Le verbe "buvez" est sous-entendu).

Second couplet (les financiers)[modifier | modifier le code]

  • Ce couplet parle des financiers, critiqués pour profiter du peuple.
  • Accumulation d'adjectifs : "gais", "ventrus", "coquins", "riches".
  • Utilisation du verbe "tondre" : Le peuple est un mouton, un moins que rien, qui ne fait que suivre bêtement.
  • "Fould le Juif" : un célèbre banquier qui aurait financé le coup d'Etat de Napoléon III et futur ministre de celui-ci.
  • "Maupas le grec" : un préfet de police qui fait aussi partie des organisateurs du coup d'Etat de Napoléon III.
  • Le "pauvre en pleurs" : jeu sur les sonorités, notamment "p", qui met en relief la misère du peuple.
  • Celle-ci s'oppose à la richesse des "ventrus" (ils ont bien mangé). Ce thème est un lieu commun des Châtiments.
  • L'impératif "engraissez-vous" rappelle les orgies. Victor Hugo laisse faire. On peut penser au proverbe "Il faut manger pour vivre et non vivre pour manger".

Troisième couplet (les soldats)[modifier | modifier le code]

  • Ce couplet parle des soldats, critiqués pour leur rôle et leur attitude.
  • Ici, on note l'arrivée d'une métaphore avec une maladie : le régime est malade, les choses s'aggravent.
  • On observe une gradation au cours de ces trois premiers couplets. Ce qui était la "splendide orgie" (belle), est alors "bonne chaire" puis une orgie sale "vin mêlé au sang". On va donc vers une plus grande déchéance.

Quatrième couplet (le peuple)[modifier | modifier le code]

  • Ce couplet parle du peuple soumis, critiqué pour obéir aveuglément.
  • Le terme esclave est très péjoratif, il évoque un retour en arrière.
  • La formule "je vous ai vu sublime" est au passé composé, c'est quelque chose qui n'est plus. Victor Hugo fait référence aux soulevements de 1830 et 1848.
  • "Grisé par le crime" fait de nouveau référence au thème des orgies.
  • Le chiasme "plus d'argent dans la poche, au coeur moins de fierté"
  • La "chaîne au cou" fait penser aux chiens de La Fontaine.
  • "Rire et boire" évoque des fêtes populaires, encouragées par le régime. Les "barières" désignent les endroits à la sortie de la ville (où la fête est moins chère).
  • La construction parallèle autour de l'Empereur et du salaire évoque la corruption du régime.

Le refrain[modifier | modifier le code]

  • Le premier vers (qui est à chaque fois le même), est composé de deux membres séparés par la virgule. D'un côté, l'impératif "mangez" indique que Victor Hugo laisse faire. De l'autre, la formule "moi je", très lourde, dénote une prise de position affirmée de la part du poète.
  • Le second vers (qui varie), concerne d'une part le pain. Celui-ci, à la base de l'alimentation, est d'abord "dur", puis "sec", "bis" et enfin "noir". On va donc vers un pain de plus en plus simple - ce qui est en opposition par rapport aux orgies décrites tout au long du poème.
  • A chaque fois, une valeur est mentionnée dans le deuxième vers. Celle-ci s'oppose à ce qui a été évoqué dans le couplet précédent. La "vérité" s'oppose aux orgies des nobles. La "probité" s'oppose aux activités des banquiers. La "gloire" à l'attitude des soldats. La "liberté" à l'attitude du peuple qui suit bêtement, sans se révolter.
  • Ce poème célèbre donc la liberté, ce n'est pas une chanson à boire !