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Utilisateur:Mathildemultiple/Brouillon

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ÉCRITURES / NOTATIONS DE LA DANSE[modifier | modifier le code]

Introduction[modifier | modifier le code]

Fichier:Le rigaudon de la paix.jpg
extrait du Recueil de danses, composé par M.Feuillet, Paris 1700

En Occident, contrairement à la littérature, au théâtre et à la musique, la danse est la seule à garder un rapport continu à la tradition orale. La danse se vit et se traverse comme présence vivante, mais de tout temps, les maîtres de danse et de ballet tentent d’écrire les pas et les figures dansées et de les mettre sur papier. Que ce soit à travers les notations de Raoul Auger Feuillet au XVIIIe siècle, les dessins de Blasis au XIXe siècle, les partitions de Conté, Laban, Benesh ou les Carnets Bagouet au XXe siècle, chacun témoigne d’une manière singulière de comprendre, de lire et d’analyser le mouvement. Qu’il s’agisse de systèmes codés se voulant universels ou de pures activités graphiques liées à l’impulsion de l’inspiration personnelle, ces documents (dessins, partitions, notations) recèlent une force d’expression et une énergie visuelle en rapport avec le corps et le mouvement. À la multiplicité des systèmes répond la diversité des fonctions auxquelles ils se prêtent. Ils peuvent être simple aide-mémoire dans le processus de travail ou support d’apprentissage, voire de création et d’expérimentations. Au XVIIIe siècle, une certaine pérennité a pu être assurée à la danse baroque grâce aux notations de Raoul Auger Feuillet[1] qui permettent une large diffusion du répertoire français à travers l’Europe. Dans Chorégraphie ou l’Art de décrire la danse publié en 1700, il se contentera de marquer le parcours au sol, mais aussi de décrire les actions des jambes et la relation avec la mesure musicale. Ce système est intéressant car il combine graphiquement des informations temporelles et spatiales. Il s’appuie sur une caractéristique du corps humain, sa symétrie latérale et sur les besoins mécaniques résultant de la locomotion bipède. Il commence à prendre en compte autant la progression horizontale du danseur (sa ligne de locomotion) que sa gestuelle dans un espace vertical (plier, s’élever, sauter). Il faut attendre la fin du XIXe siècle pour que se matérialise l’idée que l’écriture ne doit pas s’appuyer sur des codes propres à des styles de danse, mais se structurer autour d’éléments constitutifs du mouvement et ainsi tendre à l’universalité. À partir des années 1880, l’apparition de nouveaux types d’images essentiellement photographiques amorce un bouleversement de la perception du mouvement et du temps notamment avec les décompositions du mouvement du photographe américain Eadweard Muybridge[2] et les chronophotographies du physiologiste français Etienne-Jules Marey[3], pionnier de la photographie et précurseur du cinéma.

Rudolf Laban et Rudolf Benesh[modifier | modifier le code]

Danse de l'icosaèdre. Épreuve gélatino-argentique 24,5 x 21 cm. 1929

Au XXe siècle, le renouvellement dans tous les domaines artistiques, les recherches sur le son, l’espace, la couleur, la forme, le mouvement, l’association entre théorie et création, permettront l’émergence de plusieurs systèmes de notations du mouvement dont celle de Rudolf Laban et de Rudolf Benesh. Danseur et chorégraphe, Rudolf Laban[4] s’intéresse autant à la création chorégraphique qu’à l’étude du mouvement. Dès les années 1910, il centre son travail autour de deux axes, la choreutique qui étudie les mouvements du corps dans l’espace et l’eukinétique, qui permet d’explorer les qualités et les dynamiques du geste. Aussi, pour étudier les mouvements du corps dans l’espace, il utilise l’icosaèdre, un octogone inscrit dans un volume sphérique dans lequel le danseur peut évoluer et explorer toutes les dimensions du mouvement. En 1928, Rudolf Laban continue ses recherches et crée La Cinétographie ou Labanotation. Un système abstrait construit autour de quatre éléments: - temps / espace / poids / force - qui décompose le mouvement en éléments structurels. Semblable à la Notation Feuillet, les signes sont placés sur une portée verticale et se lisent de bas en haut. La ligne médiane représente la « colonne vertébrale du corps ». Sur la portée, un certain nombre de lignes parallèles forment des colonnes dans lesquelles sont placés des symboles. Les signes placés à gauche de cet axe central correspondent aux mouvements de la partie gauche du corps et ceux placés à droite représentent les mouvements de la partie droite du corps. Ces formes géométriques simples que l’on pourrait comparer à des pictogrammes ou des flèches stylisées sont des signes de directions. Ils peuvent être noirs, blancs avec un point au milieu ou hachurés. Ce sont trois possibilités qui déterminent trois niveaux d’exécution : haut, moyen, bas. Ainsi, un symbole placé sur la portée indique à la fois la direction du mouvement par sa forme et son niveau, la durée par sa longueur (plus le mouvement est lent plus le signe est long et plus le mouvement est rapide plus le signe est court) et quelle partie du corps est utilisée selon la colonne de la portée où la forme s’inscrit. Par de simples formes géométriques, la notation de Rudolf Laban rend compte du déroulement du mouvement de façon abstraite et graphique.

Fichier:Notation Benesh.jpg
Notation Benesh

Rudolf Benesh[5], peintre et musicien, va également tenter de retranscrire le mouvement humain en signe et crée en 1955 la Notation Benesh. Contrairement à la Labanotation qui cherche à décrire toutes les caractéristiques du mouvement, le système Benesh ne garde que ce que l’œil perçoit et ne retient que deux instants. Où je suis ? Où je vais ? C’est-à-dire les extrémités du mouvement et son cheminement. Le schéma du corps est réduit à l’essentiel pour ne plus être représenté que par des signes. La notation Benesh se lit par identification. Le trajet du mouvement est représenté de manière graphique et minimaliste par des traits, des lignes, des courbes sur une portée de cinq lignes se lisant de gauche à droite comme une partition musicale. Ces notations, au-delà des différences dans leurs graphismes et critères d’analyse, partagent comme fondement commun de doter la danse d’un langage propre au mouvement humain sans référence à un style particulier. Les concepteurs de ces systèmes ne viennent pas exclusivement du milieu de la danse, mais pratiquent ou ont pratiqué des disciplines comme la peinture, l’architecture, la musique ou les mathématiques. C’est cette pluridisciplinarité qui leur a permis d’envisager leurs systèmes de notations dans une perspective large.

Héritage : Carnets Bagouet [6][modifier | modifier le code]

Source d’information et outil de transmission, la notation interroge également l’héritage comme Les Carnets Bagouet. La disparition prématurée en 1992 du danseur et chorégraphe Dominique Bagouet marque l’émergence en France d’une réflexion sur la mémoire de la danse. Désireux de garder son œuvre vivante, ses danseurs créent un an après sa mort l’association les Carnets Bagouet qui s’emploie à réunir tous les documents d’archives possibles, pour conserver au mieux le souvenir des œuvres du chorégraphe, en s’inspirant à la fois des carnets de travail de Dominique Bagouet et des mouvements et postures qu’il avait développés pour chaque danseur. Le fond d’archivage est immense, il reflète l’intense activité créatrice de Dominique Bagouet et de la Compagnie. Dessins préparatoires, croquis, notes ou systèmes chorégraphiques s’inscrivent au-delà de l’oubli.

Pratiques plus personnelles : Lucinda Childs / Trisha Brown / Dana Reitz[modifier | modifier le code]

Écrire le mouvement c’est l’inscrire et le faire « demeurer dans la mémoire, c’est-à-dire dans le monde »[7] Pratiques artistiques éphémères, multidisciplinaires engageant le corps, réalisée dans la perspective d’un rapport à un public, la danse contemporaine et la performance semblent requérir des modes singuliers de mémoire et de transmission qui participent à leur sauvegarde et leur projection dans le futur. L’aube du XXe siècle voit donc apparaître la naissance de grands systèmes de notation qui vont permettre au mouvement d’intégrer un champ de signification indépendant du langage. Dans un même temps, danseurs et chorégraphes tels que Lucinda Childs, Trisha Brown, Dana Reitz, Merce Cunningham[8] ou Dominique Bagouet inaugurent des pratiques picturales individuelles.

Dans Melody excerpts, la simplicité et le minimalisme de l’écriture de Lucinda Childs n’existent que dans la perception du spectateur qui croit capter des messages répétitifs, dont le contenu formel serait extrêmement réduit. Il s’agit en fait d’une prolifération d’événements imperceptibles qui exigent du danseur une mémoire et une précision chronométrique affolantes, jouant essentiellement sur le changement d’orientation et la brisure rythmique. Cette notation personnelle, datant de 1997, a d’ailleurs directement inspiré la structure de base d’un alphabet crée en 2009 par l’atelier de design graphique Tout Va Bien[9]. De ce langage abstrait, d’une grille, de points et de courbes, Anna Chevance et Mathias Reynoir redessinent par-dessus cette trace existante, une seconde trace qui dessine des lettres. La notation se dote d’un nouveau langage, l’écriture et les mots. Un alphabet fixe qui par les flèches indiquant une direction, une trajectoire, garde toutefois une dynamique de rythme et de mouvement. Comme si la présence du corps et du geste était toujours présente.

Fichier:Trisha brown.jpg
It's draw, Fusain et pastel sur papier 259,1 x 304,8 cm

Le travail de Trisha Brown, lui, se situe plus entre la peinture et la danse. Tout au long de son parcours elle additionne les pratiques du dessin, de l’installation et des performances et collabore avec des artistes du Pop-Art comme Rauschenberg et Donald Judd. Elle utilise le dessin pour son système de notation, qui lui permet d’inventer la danse avant la concrétisation du mouvement comme transcription a posteriori. Dans les années 1970, ses dessins évoquent une sorte d’alphabet, où la scène et le corps sont comme des diagrammes. Dans It’s draw elle danse sur le papier avec des bâtons de fusain et de pastel placés entres ses mains et ses pieds. Ces dessins révèlent la recherche de la chorégraphe d’expérimenter l’écriture du langage du corps. Comme à la manière de Jackson Pollock, elle pose la feuille à même le sol et mêle action et représentation. La surface du papier devient une « scène » sur laquelle elle va se déplacer, improviser et finir par un déplacement au sol. Les dessins qu’elle produit en dansant tracent la performance et jouent le rôle de « témoin de son mouvement ».

Elle marque son mouvement dans un espace établi et produit une empreinte graphique. Ces dessins engagent le corps tout entier et nous donnent à voir par ces esquisses épurées, des enchaînements de mouvements désormais fixés aux crayons et à l’encre de chine. Elle donne vie à ces dessins abstraits qui ne sont que la trace, le témoignage de son action dansée.

L’abstraction des dessins de Dana Reitz, plus calligraphique, répond avec exactitude à la rythmique propre à la danse de la chorégraphe. Mêmes impulsions, mêmes attaques, mêmes accents et même imprévisibilité dans les soudains changements de direction que l’on voit ici non sur un corps constitué mais sur des formes embryonnaires. Ses lignes calligraphiques, longues et noires semblent se déplacer avec vivacité, intensité et rythme sur l’espace de la feuille et agissent comme une mémoire ponctuelle du mouvement de la danseuse.

Fichier:Dana Reitz.jpg
Field Papers, Fusain et encre sur papier, 1983

Conclusion[modifier | modifier le code]

Entre dessins et alphabets, s’inventent des écritures graphiques personnelles qui expérimentent de manière plastique, abstraite et polymorphe les formes que peut produire ou générer le mouvement. Des écritures du geste qui ne permettent pas de codifier précisément le mouvement, mais qui restent chargées d’une extrême expressivité et sensibilité libérées de tout code. Ces « écritures du mouvement » qui précèdent, traversent et prolongent le travail chorégraphique offrent autant de parcours possibles au sein des processus de création des œuvres, que de signes chorégraphiques qui permettent l’apparition de nouvelles expressions.

  1. Raoul Auger (1660?-1710) Auteur du texte Feuillet, Chorégraphie, ou L'art de décrire la dance par caractères, figures et signes démonstratifs ... Par M. Feuillet,..., (lire en ligne)
  2. « Eadweard Muybridge », Wikipédia,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. « La décomposition du mouvement », sur www.histoire-image.org, (consulté le )
  4. « Rudolf Laban », Wikipédia,‎ (lire en ligne, consulté le )
  5. « Centre Benesh | Promouvoir la notation du mouvement Benesh », sur www.centrebenesh.fr (consulté le )
  6. les carnets bagouet, « les carnets bagouet », sur www.lescarnetsbagouet.org (consulté le )
  7. Laurence Louppe, Poétique de la dans contemporaine., bruxelles, Contredanse,
  8. « mercecunningham.org »
  9. « http://www.ateliertoutvabien.com/ »