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Utilisateur:Manucolo/De l'origine de l'humain

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L’âge de la pierre jetée.

On n’écrit plus aujourd’hui à propos d’un « âge de la pierre polie » en rapport avec un autre de la pierre taillée et on a tort. Quand on aura recensé toutes les plus anciennes pierres qu’on servit à écraser des graines il sera possible et il faudra préciser l’apparition et le développement du polissage de la pierre. On parle peu du rôle d’arme élémentaire que lakgkklkglglrlrkglrkgktjhithkjthgkernvdkfgjdkfgbkfgjhdgfgfdfdgfjdgfjgfjsjgsjuefejejfgezfb;erjfkqrsgfjabdfjdekfgejzkfg pierre a joué dans ce qu’on appelle la préhistoire. Pourtant en tenant compte de cette simple utilisation de la pierre comme arme on comprend mieux le long million d’années pendant lequel les progrès manifestés par les mains à travers les résidus lithiques sont minimes. Il est important de rappeler que tout ce qu’on trouve comme outillage en pierre produit par des très anciennes mains ne vient pas toujours de mains humaines. Les premiers galets grossièrement aménagés ont été utilisés par des primates dont la capacité crânienne est plus proche de celle des gibbons que des humains. Il arrive aux chimpanzés de s’amuser en se jetant des peaux de papaye à la figure, cela ne donne pas une vraie idée de ce que faisaient les diverses squelettes des primates bipèdes comme ceux qu’avant on appelait « Homme de Tautavel » ou « Homme de Pékin » et que nous nommerons tout simplement erectus. En regardant les formes de leurs os on s’aperçoit que leurs musculatures se sont développées pour devenir celles de lanceurs capables d’envoyer loin en visant très juste. Pendant les centaines de milliers d’années de son existence les progrès d’erectus dans l’aménagement volontaire des pierres sont extrêmement lents ;aussi cette lenteur nous fait penser qu’il s’intéressa surtout à la pierre comme projectile. Pendant ces centaines de milliers d’années la pierre, jetée peut-être au début comme projectile accidentel, est devenue arme parfois décisive. Les erectus d’il y a trois cent mille ans nous on laissé les preuves de leurs chasses collectives et leurs régimes assez carnivores. On a trouvé au fond des ravins les ossements d’herbivores qu’on avait traqués vers ces précipices, associés à des morceaux de roche grossièrement aménagés, qui avaient servi pour le dépècement des bêtes ;mais surtout on remarque la cassure systématique des os longs pour en extraire la moelle. Nos erectus étaient devenus friands de cette nourriture riche en protéines. A cette époque le style de vie de certains erectus devait avoir quelques points communs avec celui de tous les carnivores pratiquant la chasse collective. Il s’agissait d’un primate loup, en quelque sorte, qui avait la possibilité de convertir son corps en lanceur de pierres par des figures de voltige adroites. Le jet de projectiles de toute sorte peut-être considéré comme la caractéristique principale de cette espèce. Tout au long des centaines de milliers d’années pendant lesquelles erectus fit régner chez les primates bipèdes un « âge de la pierre jetée », nos ancêtres directs se sont gardés plutôt à l’écart de ses coups de cailloux ;n’ayant ni l’agressivité, ni le physique, ni l’obligation d’y participer.


L’être marsupial et la néoténie.

Il était une fois une bête rare et bizarre… Comme les Pandas d'aujourd'hui parmi les ours, nos ancêtres contemporains des néandertaliens se cachaient dans un coin chaud de la planète, en nombre très réduit et probablement destinés à disparaître. Sauf si un miracle ... On n'a pas encore trouvé leurs os datant de ces époques: il s'agissait donc d'une créature extrêmement rare. Un primate bipède dont les comportements ne s'orientaient pas dans les mêmes directions que celles des formidables néandertaliens. Ceux-ci ont laissé des pierres travaillées par leurs mains dont on peut affirmer qu'elles ont été les premières mains d'artisans accomplis. Ce qui n’est pas le cas des mains de la plus grande partie des primates bipèdes de ces époques. Les lanceurs de pierres ont surtout produit pendant longtemps des galets grossièrement aménagés et des éclats évidemment. Nos ancêtres directs s’étaient engagés dans une voie évolutive tout à fait particulière. La fragilité physiologique qui nous poursuit jusqu’à aujourd’hui était à l’époque une condamnation et pour survivre notre espèce sacrifiait une partie de son présent au futur. Regardez comme le petit poussin d’un jour est très débrouillard par rapport au nouveau-né humain! Des que leurs besoins alimentaires sont satisfaits nos petits plongent dans des sommeils grâce auxquels le monde imaginaire qui constitue une partie si importante de notre existence est possible. Les mains de nos ancêtres sont restées douces pour manier ces créatures fragiles. Elles sont devenues souples pour une gestuelle qui devait participer à des relations intimes. Au lieu d’affermir une musculature pour lancer des pierres ils améliorèrent la maîtrise de leurs muscles phoniques pour que leurs souffles expriment de mieux en mieux leurs passions.

Néoténie. La femelle scorpion porte ses petits sur le dos, accrochés à sa queue, comme dans nos transports collectifs. Les oiseaux s'occupent parfois de leurs petits avec ce que nous appelons, pour nous, un sens des responsabilités. S’occuper des petits est l'une des directions fondamentales de l'évolution pour résoudre les problèmes de la survie des espèces. Il est sûr que parmi les Erectus nos ancêtres ont conservé des traits d’australopithèques et que parmi les australopithèques ils se différenciaient par des comportements qui représentaient un retour vers les marsupiaux. Ils avaient remplacé la poche organique par un comportement. Idée primordiale pour comprendre ce que nous sommes: dans la grande famille des placentaires nous restons les plus marsupiaux de tous, sans poche, bien sûr, mais avec cette caractéristique essentielle de mettre chaque fois au monde le plus prématuré des placentaires. Nous sommes des marsupiaux abstraits. Le marsupium est une poche permettant la maturation d’un embryon dont la naissance apparaît prématurée par rapport aux animaux possédant un placenta qui est une sorte de marsupium intérieur. Il nous faut considérer nos langages articulés comme faisant partie des marsupiums abstraits. Ainsi les premiers groupements humains ont servi de poche marsupiale à ces nouveaux-nés encore plus prématurés que ceux d'un vrai marsupial, qui sont souvent capables de trouver leur poche et leur tétine tout seuls. Le Koala, petit marsupial, a conservé cinq doigts avec pouce opposable pour se cramponner à la fourrure de sa mère. La force préhensile des petits doigts humains existe encore, mais elle est juste capable de serrer le doigt adulte pour faire savoir que la dépendance est totale et absolue. Chez des animaux peu prolifiques, s’occuper des petits était une pulsion aussi forte que les pulsions alimentaires. Une infaillible tendresse mammifère a été le comportement que les premiers humains ont développé comme principe de base. La naissance et la croissance d’une créature rare et peu conforme aux modèles existants exigea que toutes les pulsions vitales s’adaptent à ses bizarreries. Le nouveau-né humain bat tous les records d’heures de sommeil parmi les primates. A sa naissance il quitte un placenta pour entrer pendant de longs mois dans des états de transformations profondes qui exigent des cadres adéquats. Ce n’est pas seulement la quantité d’heures de sommeil qui importe mais aussi la qualité de chaque réveil. C’est là que se trouvent les clés du mystère de l’hominisation. Ce sommeil et ses priorités ont été à l’origine des bipèdismes porteurs, des stockages de denrées suffisants, des cerveaux et des mains attentifs à trouver les refuges sûrs, etc. Comme ce métabolisme exceptionnellement bas qu’on trouve chez les paresseux d’aujourd’hui, les premiers rythmes de nos ancêtres directs ont été lents. Seules les mains qui ont touché et lavé cette espèce de minuscule lamantin hors de l’eau savent. Chez les vertébrés que nous sommes nous retrouvons dans nos corps et dans nos comportements un état de néoténie comparable à celui des amphibiens à métamorphose qui restent têtards toute leur vie dans un milieu le permettant. Nos délicatesses physiologiques et notre aptitude à rester en période d’apprentissage jusqu’à la fin de nos jours sont les preuves sans réplique de notre néoténie.

Dans des conditions normales les mammifères trouvent vite leurs places ou niches écologiques. Certains jeunes ont de courtes étapes de jeux, d’exploration et de curiosité, mais les automatismes endogènes d’un côté, l’obligation d’autonomie alimentaire de l’autre, font entrer l’animal dans des cadres de vie fixes et des routines plus ou moins déterminées. La malléabilité des comportements humains n’est possible que grâce à l’existence d’une poche marsupiale abstraite qui nous entoure depuis notre naissance, qui nous protège de la réalité animale et nous amène à notre réalité subjective.


A part le prolongement de toutes les vulnérabilités initiales et des états de dépendance, il s’agit surtout d’une néoténie psychique qui va se prolonger tout le long de nos vies. Même chez les humains les plus coincés par les routines acquises et victimes de notre activisme échappatoire, nous trouvons des vertus juvéniles jusqu’à un âge très avancé. D’une certaine manière, on peut dire que le psychisme humain ne vieillit jamais.

Une néoténie non reconnue nous empêche de nous comprendre nous-mêmes et d’estimer nos enfants à leur juste valeur.



L’intellectualisation du désir. Le sexe des femelles chimpanzés devient une vraie fleur tropicale en épanouissement pendant la période fertile. Les mâles passent une bonne partie de leur temps à guetter l’approche de l’oestrus, phénomène qui est promesse de plaisirs intenses. Rien de tout cela chez l’humain, rien de si visible, parfumé, concret et direct. Certaines femmes sont conscientes de ce qui se passe dans leurs corps pendant ces jours, mais cela reste toujours dans le domaine des subtilités qui ne signifient pas forcément le passage à l’acte. Pour les hommes déceler la fertilité de leur compagne est devenu presque impossible. Nos ancêtres développèrent une sexualité subjective que nous appelons sensualité. Un oestrus visible et odorant serait devenu gênant pour cette intellectualisation du désir et des formes d’attirance qu’on inventait sans cesse. La fécondation n’était plus assurée par des automatismes innés mais par des manières de vivre. Les individus dans les meilleures conditions d’âge et de santé pour la reproduction étaient disponibles et malgré toutes les tentations de la masturbation et des caresses diverses, normalement les ovules s’arrangent toujours pour que les spermatozoïdes viennent à eux au bon moment: que ce soit par de simples élans de détente ou des sentiments très élevés. La plénitude orgasmique dépendait chaque fois moins des pulsions automatiques mais plutôt des comportements induits par l’entourage. S’occuper du plus encombrant des petits pour le protéger pendant des années va développer et approfondir les complicités affectives vers des sentiments capables de structurer des groupes à convivialité restreinte d’abord, puis à convivialité de plus en plus élargie. Nous devons imaginer qu’au départ les élans les plus positifs, les plus généreux ont dominé puisque sans eux nous ne serions pas là. Notre prématurité absolue est le fruit de ce premier dévouement total. L’effacement des signes trop flagrants de l’oestrus faisait partie d’une nouvelle stratégie tendant à rendre de plus en plus volontaire et consciente notre affectivité. Tout ce qui touche à la reproduction de l’espèce est d’importance vitale;la première sensualité diffuse qui se mêla de nourrir, soigner et pousser les énergies vers les tâches solidaires décida de notre destinée. Si nous avons besoin de croire que la subjectivité humaine est le fruit de nos refoulements, en voilà un d’importance. Les humains intellectualisent tout. Quand nos petits ouvrent leurs sens vers ce qui les entoure ils trouvent cette poche marsupiale faite de notre affectivité, ils apprennent à se mettre en rapport avec elle par leurs différents appels au secours, leurs colères ou leurs sourires. Mais le refoulement tout court aurait été tout de suite source de conflits et de frustrations. Pour réussir, il a fallu une canalisation nouvelle des énergies. Cette présence du sexe presque permanente qui est devenue l’érotisme humain remonte très loin. Les hommes gonflent parfois encore leur poitrine et les femmes leur font croire qu’ils sont des protecteurs indispensables. En libérant leur sexualité de certains automatismes nos ancêtres sont entrés de plain-pied dans le domaine des distanciations par rapport au concret. Nous pouvons être sûrs que l’un de leurs premiers sens du sacré collectif prit forme autour de la sécurité et de l’épanouissement de l’enfant.



Pénombres de notre Histoire.

Chaque nouvelle création humaine, qu'elle soit petite ou grande, concrète comme un violon, ou abstraite comme la parole, a été souvent utilisée et exploitée dans toutes ses possibilités positives avec une rapidité surprenante. Quelques années à peine après l'invention du violon, cet instrument produisit déjà son Paganini. Nous pouvons être sûrs qu'une fois que la parole affirma ses jeux de combinaisons significatives, le premier grand orateur et le premier grand philosophe ne tardèrent pas à se produire. Le monde qui entourait nos ancêtres n'était ni plus ni moins dur que le nôtre, mais il a été le plus intense. Ils étaient encore plus pressés que nous. Il leur fallait saisir, comprendre et exprimer réalités et mystères avec des mots. Pour chaque bonne réponse, des questions encore plus nombreuses surgissaient. La parole est un fait social d'abord, ensuite un instrument individuel d'approfondissement intérieur. Les mots de la réflexion intérieure sont une des principales formes humaines de la conscience d'exister.

Une oralité qui n'est pas forcement mot, comme nous l'entendons, ni parole intelligible, mais plutôt poche marsupiale abstraite, c’est à dire expression acoustique de notre sensibilité ancrée depuis nos origines dans nos rêves.

L'Histoire écrite parle des Hommes. Nous avons préféré écrire humains. Si on vous dit que la femme est incluse dans cette notion de l'Homme ne riez pas, c'est un problème plus sérieux qu'il ne semble. Par des détails comme ceux-là l’aliénation s’installe et se perpétue. L'Histoire écrite a négligé presque complètement ceux qui n'ont jamais appris à lire ni à écrire, c'est à dire la plus grande partie de l'humanité au long de sa courte histoire. A côté des grandes civilisations de l'écriture les illettrés sont passés comme des ombres sans laisser de traces. C'était normal qu'il en soit ainsi quand on ne savait imaginer rien d'autre. Mais aujourd'hui l’immense présence de tous ces peuples perdus dans les pénombres de nos petites histoires doit commencer à nous hanter.

Nous voulons témoigner, par exemple, que si le mot démocratie est bien d'origine grec, le concept a été mieux appliqué et développé ailleurs et avant que ce mot soit écrit. Il en est ainsi pour une grande quantité de concepts importants: responsabilité, justice, etc. En général les peuples qui n'ont pas laissé de traces écrites, en négligeant les côtés matériels de l'existence se sont beaucoup occupé des affectivités et des âmes. Nous traitons encore l'animisme comme une pseudo-religion ou une croyance moins respectable que les autres. Justement, si l'animisme se syncrétise si facilement avec d’autres religions ou croyances, c'est parce que dans le domaine spirituel il fait preuve d'autant d'ouverture que la science moderne dans le domaine matériel.

Au fur et mesure que le nombre d'individus commence à dépasser les possibilités de connaissance interpersonnelle, les conditionnements collectifs par la parole deviennent le fait social essentiel. Nous parlerons de convivialité restreinte et de convivialité élargie pour les groupes linguistiques dépassant les dix mille âmes.

En convivialité élargie la parole sera utilisée pour transmettre des idées produites par la seule intellectualisation et ne devant que très peu aux réalités concrètes.


COSMOPOLITE

Nous ne savons pas si les Néandertaliens s'étaient dotés d'une parole. Nous aurions tendance a affirmer que non pour beaucoup de raisons, la principale étant que s'ils avaient réussi à combiner des combinaisons acoustiques pour aller du phonème au mot et du mot à la phrase, etc.; ils seraient là à notre place. Ils produisaient peut-être de puissantes vocalisations comme les gibbons d'aujourd'hui pour marquer leurs territoires, mais étant donné leur parfaite adaptation nous pensons qu'ils n'avaient pas besoin de plus pour mener une existence à leur convenance. Leurs fortes mains habiles devaient leur procurer tout ce dont ils avaient besoin.

Les canidés et félins bien plantés sur leurs quatre pattes sont encore là pour nous dire qu'on ne fait pas mieux comme prédateur carnivore sur terre. Marcher sur deux pattes est un handicap qu'on est obligé de pallier avec les mains. Les Erectus y sont arrivés pendant longtemps. Les néandertaliens, comme les ours, ont dû s’adapter aux particularités de chaque territoire qu'ils occupaient. Puis, comme cela se produit encore pour les derniers ours qui restent, la proximité humaine perturbe totalement les équilibres de leurs territoires et rend leur vie très difficile; elle rendit celle des néandertaliens impossible depuis déjà un bon moment. Les mains néandertaliennes n’ont pas eu besoin d’appeler leurs rêves au secours pour trouver des issues à leurs manières de vivre; c’étaient des mains actives, fortes, qui devenaient de plus en plus habiles. Les mains humaines se trouvaient peut-être perdues dans des rêves de caresses sans fin. Alors toutes leurs possibilités de concentration mentale se dirigeaient vers des murmures passionnés...


Les néandertaliens, pouvaient parfaitement avoir des objets de parure concrets comme des attributs accompagnant et facilitant leur accomplissement social. Parfois oiseaux et poissons brandissent des objets dans leurs comportements de parade nuptiale. Ces formes de communication sont à rapprocher de toutes les adaptations animales. Dans le sens de la parure humaine il y a beaucoup d’intuitif, mais nos combinaisons abstraites se mêlent de tout dans notre vie. Nos objets de parure parlent de manière aussi abstraite que nos organes vocaux. S’exprimer avec une plume ou un brin d’herbe ne laisse pas de trace. Parce que nos ancêtres ont joué avec des arbitraires absolus, leurs adaptations aux convenances et leur sens de la beauté s’ouvraient vers des perspectives en abîme. C’étaient leurs imaginaires qui donnaient sens à leurs mondes.

Les primates bipèdes qui jusque là végétaient comme des pandas contemplatifs, en intellectualisant leurs désirs inventèrent une parole qui synchronisait tous les aspects de leur vie. Combiner des phrases qui puissent toucher l’autre est une activité qui ne laisse pas de traces. Heureusement, il nous reste le sourire comme indice fossile des premières formes d’empathie humaine.

Tant que nous ignorons leur lieu d’origine exact, c’est de leur très ancien cosmopolitisme que nous pouvons déduire une première réussite adaptative. Exister par la parole signifie apprendre le monde par des symboles. D’une génération à l’autre les réseaux de savoir s’élargissaient. Le cosmopolitisme des humains qui nous apparaît encore comme presque soudain implique une série de succès dans des domaines divers. Aucune invention, aucune avance technique n’égalera l’acquisition que fut l’apparition de la parole. Avec elle les états émotionnels trouvèrent d'abord une distance, le temps au moins d'un souffle pour les exprimer et ensuite, par l’exercice d'une mémoire, ils devinrent sentiments. Enchaîner les oppositions linguistiques pour se comprendre chaque fois mieux était un jeu passionnant. Très vite la parole permit une utilisation des milieux qui allait beaucoup plus loin que ce que tout autre animal pouvait faire, néandertalien inclus. Commençons par nos préparations alimentaires, elles constituent notre première différence avec les autres vertébrés. Certains insectes transforment aussi les produits de leurs cueillettes. Comportement essentiel par rapport à l'alimentation: traiter et conserver les nourritures de manière adéquate. Il nous a permis de conserver une dentition omnivore assez primitive. Nos muscles purent rester dans des états immatures acquérant juste un peu d'agilité pour s'imaginer voler d'un arbre à l’autre comme les gibbons, sans avoir du tout la force indispensable pour le faire. Les humains d’aujourd’hui en général, n'ont rien à enseigner aux soi-disant primitifs en ce qui concerne des préparations alimentaires sophistiquées. Nous pouvons imaginer nos premiers ancêtres se nourrissant de larves comme les Aye-aye de Madagascar qui ont le doigt majeur très long pour aller les chercher où elles sont cachées. Ce même doigt du milieu que parfois les enfants brandissent pour se moquer des parents incapables de les comprendre. Peut-être ont-ils inventé très vite l’hydromel qui enivre et aide à supporter le poids d’être. Extraire, mélanger, rendre comestible et conserver ont été les exploits des premiers doigts et ongles qui ont conquis la planète.


Protéger des petits chaque fois plus vulnérables. Partager la nourriture. La solidarité humaine est au moins aussi forte que celle des insectes sociaux. Il s'agit d'un besoin d'entraide vital. Toutes nos velléités d'individualisme dépendent d’elle.


Des couples plus ou moins fidèles s'occupant de leurs petits avec le dévouement des ouistitis? L'entente orgasmique peut créer des liens profonds. L'image du couple partant à la conquête de nouveaux territoires correspond à une réalité possible à toutes les époques. Mais les couples isolés ne mènent pas aux groupements sociaux. Souvent chez les mammifères les femelles gravides ou qui allaitent ont des statuts particuliers. Dans leur régulation hormonale quelque chose se produit qui les fait sortir des cadres habituels. Même les plus dominées seront traitées différemment par les plus dominants des mâles. Pour les débuts des animaux parlants cela devait être encore vrai. Groupements de femelles avec quelques mâles? Les mâles humains peuvent se montrer parfois plus marsupiaux que les femelles. Chez des femmes et des hommes adaptant leur convivialité aux exigences des nouvelles sensibilités, tout était possible et il semble bien que tout a été essayé. Les premières âmes forgées dans les rythmes hésitants de tout commencement avaient besoin de calme pour que la parole intérieure vienne aider à trouver les réponses.


La présence de peuples primitifs jusqu'au vingtième siècle nous montrait diverses manières de vivre avec des techniques qui permettaient une grande autonomie individuelle.

Voilà une conquête et une exigence primordiale des premiers humains:

à partir du moment où l’on maîtrise la parole et où on l'intériorise, le moi devient indispensable.

Chaque fille et chaque garçon étaient élevés avec les mots pour devenir rois sans sujets mais de pays sans limites. Dès le départ la dépendance humaine est si grande, ne serait-ce que pour l'apprentissage d'une première langue, que cette obligation d'autonomie était un équilibre nécessaire.

Mais c'est surtout à la parole que ce cosmopolitisme doit tout. Avec elle les cueillettes concrètes et abstraites se transmettaient mieux que jamais. Notre existence serait impossible à expliquer sans la réussite de ces premiers groupements autour d'une progéniture exigeante. Les anciens paradis dont on parle souvent ont forcément existé.


Pour essayer de saisir ce qui s'est passé, comment la parole a pu aller cueillir aussi bien au fond d'autrui que de soi-même ces souffles qui deviennent des symboles si forts, il ne faut jamais oublier la puissance des pulsions ludiques chez les éternels enfants que nous sommes. Finalement leur cosmopolitisme rapide nous indique aussi qu’avec la parole on inventait les conflits humains profonds, ceux qu'on ne peut résoudre qu'avec les distances géographiques. L’être abstrait a besoin de grands espaces parce que la conscience d’exister n’accepte aucune limite.

La traversée des mers chaudes doit avoir eu lieu assez tôt. Il ne s’agissait pas de conquêtes avec des allers et retours constants, mais d’une expansion côtière qui de temps en temps sautait les mers et les océans. Radeaux, pirogues à balancier, orientation par les étoiles, connaissance précise des marées, courants et vents habituels, étaient des savoir-faire que certains peuples maritimes conservaient encore au début du dix neuvième siècle. Nous savons que parfois des îles ont été découvertes grâce aux hasards qu’impose la mer, malgré la sagesse du dicton qui recommande au pêcheurs de « Prendre toujours le large dans une direction opposée au vent et aux courants dominants pour être sûr de revenir ».



Cueillettes programmées.


Jusqu'à maintenant on a trouvé des traces d'agriculture remontant à douze mille ans à peu près, mais ses vrais débuts doivent se confondre avec ceux des premières cueillettes sophistiquées. Les formes d'agriculture les plus élémentaires ne laissent pas de traces. Ce furent les sociétés les plus attachées aux cueillettes terrestres qui mirent au point les premiers procédés qui aboutirent à l’agriculture. Même si elle mettra longtemps à laisser des traces nous devons l’imaginer partout où des cueilleurs intelligents selon les climats et autres éléments du milieu trouvaient qu’il faisait bon vivre. De la cueillette à la récolte saisonnière et prévoyante le pas n’était pas difficile à franchir. Les plus fortes densités de population ne correspondent pas aux seuls indices lithiques qu’on peut trouver. Les techniques de la cueillette végétale ou animale, terrestre ou maritime, s’accommodent bien d’une douceur de vivre marsupiale. La plupart du temps, le plus grand nombre d’humains s’est trouvé là où le milieu, et surtout le climat, favorisait les équilibres nécessaires. Et cela eu lieu dans des climats chauds. Jusqu'à aujourd'hui notre corps reste fidèle a ces températures tropicales que nous conservons même quand il fait très froid, grâce à nos vêtements. Il est possible que certains néandertaliens se soient adaptés physiologiquement au froid; il est certain qu'ils s’y sont adaptés du point de vue de leur comportement, ne serait-ce qu'avec leurs feux dont on a trouvé les traces. Savoir allumer un feu était une connaissance moins importante pour les humains qui vivaient dans des régions chaudes que la découverte d’une conscience de soi. Certains vivent sans jamais faire cette découverte. Pour la faire il est indispensable d’avoir un cadre de vie qu’on peut simplifier en l’appelant « regard de l’autre ». Une structure particulière des charbons et des pierres noircies permet parfois d’affirmer que des mains ont participé à l’entretien de ce foyer. Avec ou sans feu la chaleur importante était d’ordre abstrait pour les humains, elle chauffait et réchauffait leurs énergies passionnelles. La parole est une forme de collectivisation des imaginaires. La méditation, le développement d’une parole intérieure créative et structurante exige des coutumes contemplatives. L’ordre des oppositions acoustiques, les enchaînements par ressourcement, la magie des significations, rythment un écho dans chaque imaginaire individuel. L’être abstrait trouve ainsi un moyen de se manifester à lui-même. Autour de la ligne équatoriale les températures ont toujours été plus régulières que vers les pôles; autour d’elle la parole s’est conservée plus libre. L’agriculture pousse à la sédentarisation. En approfondissant la connaissance des végétaux, le cueilleur découvrit les conditions d'une bouture, les propriétés d'un oignon, arriva aux premières formes d'horticulture, d'arboriculture et il a fini par remplacer l'action du vent dans la reproduction des céréales. La graine qu'on garde pour la pâtée des petits et des vieux, si elle tombe au sol au bon moment et si on lui laisse le temps, devient semis. Notre agriculture n'est pas autre chose qu'une cueillette programmée assez longtemps à l'avance. Certaines cueillettes qui se sont prolongées jusqu'au vingtième siècle demandaient plus de connaissances et de prévoyance que les cultures agricoles élémentaires.

Cette activité paysanne qui occupait la plus grande partie de nos mains il n’y a encore pas très longtemps prouve à quel point les humains ont été cueilleurs avant tout et après tout. Au lieu de lier les origines de nos ancêtres à la chasse, idée qui conforte nos préjugés bellicistes et élitistes, il vaut mieux considérer la CUEILLETTE propre aux singes frugivores que nous avons été et aux éléphants qui nous donnent l’exemple d’espèce surtout utile et peu prédatrice.


On a voulu que l'Histoire commence avec l'écriture. Comme si un fossile ou un fait constaté par observation géologique, paléontologique, stratigraphique, etc. ... avait moins de valeur scientifique que les écritures portant souvent des idées trompeuses. Nous parlerons d'histoire et préhistoire parce que c'est la coutume, mais nous devons prévenir que l'Histoire telle qu'on l'enseigne parfois encore à nos enfants, nous semble porter l'empreinte d'un sens du supérieur et inférieur plutôt suspect.


Nous ignorerons toujours les premiers mots et les contenus des premières conceptions que la parole transmit, mais en n’oubliant pas ses pouvoirs de suggestion positive nous pouvons les imaginer. La pulsion qui pousse à s’occuper des petits trouve son expression physiologique la plus concrète dans la poche des marsupiaux. Nous sommes des placentaires ayant créé des marsupiums abstraits par nos comportements, dont le plus décisif a été la parole.

Les nouveaux-nés humains doivent téter toutes les deux, trois heures. Pas plus de quatre heures consécutives de sommeil pour celles qui les allaitent. La solidarité était alors indispensable.


Cueillettes prévoyantes, procédés de conservation assurant l’approvisionnement permanent en nourriture. Si le partage alimentaire a été la première forme d’amour, le partage des savoirs vitaux et sa mémorisation systématique ont été les premières ébauches de notre science. Pour l’idée que nous nous faisons de nous-mêmes il est important de se rappeler que nos premiers ancêtres ont été avant tout des producteurs et probablement surtout des productrices de préparations alimentaires prévoyantes. Notre long passé de cueilleurs omnivores fait de nous des goûteurs insatiables. Nos premières cuisines mélangeaient sans problème la joie de manger à toutes les joies de vivre. L’aspect psycho-affectif de notre alimentation tranche absolument avec tout ce qu’on trouve chez les vertébrés, une fois adultes ils sont tous autonomes pour se nourrir. Nous devons aller vers les insectes sociaux pour trouver des « alimentations communicatives ».


Passion. L’important apprentissage de l’autre a lieu tout de suite après la naissance. Les peuples sans écriture et à pensée fertile le savaient bien. La parole obligeait à une attention bien maîtrisée pour connaître l’autre. Voilà le point de départ de tout ce que nous pouvons appeler sensibilité humaine. C’est ce dévouement initial que de l’adulte au petit et du petit à l’adulte établi les liens psychiques par lesquels circuleront pendant toute une vie les futures capacités émotives du petit :la maîtrise, la spontanéité, la retenue, la résignation de solitude, etc. L’apprentissage du Pour-soi et du Pour-autrui c’est l’apprentissage de distances convenables et possibles. L’humain est une énergie, une attention destinée à détecter autrui. Nos capacités d’abstraction se sont développées d’abord à travers ce sentiment de base :l’altruisme. Jusqu’à son dixième mois d’âge le « creuset de passions » dont Freud parle si bien, cherche à les exprimer dans un jargon qu’il nous faudra deviner. Vers son quatorzième mois l’envol kinesthésique de la marche sur ses deux jambes bien contrôlées donnera à l’enfant de l’assurance pour prononcer ses premiers mots. L’énergie des passions volcaniques devient patience et souci de l’autre pour arriver encore à mieux le sentir, le ressentir. Pour le physionomiste averti qu’il est une profondeur nouvelle du sentiment va s’ouvrir avec la découverte du jeu qui permet la combinatoire linguistique. Il placera exprès un mauvais mot à la place du bon pour tester la réaction de son interlocuteur. Pour ceux qui n’ont pas eu la chance ni l’occasion de passer de longs moments à leur contact, il est difficile d’imaginer une telle énergie psychique. L’intensité de leurs vies est en général encore intacte, sans les mutilations psychiques que produiront nos coutumes de dressage. L’enfant peut devenir demandeur obsédé de compagnie en essayant de se retrouver dans le labyrinthe des associations acoustiques. Mais la gymnastique mentale que cela exige ne le décourage jamais. Parfois l’adulte se borne au plus pressé, aux mots et phrases qui faciliteront la dît éducation. Ce n’est pas grave, l’enfant n’a besoin que d’un tout petit peu de sympathie, de temps en temps, pour continuer ses efforts. Les dévouements initiaux ont été déterminants. Tout ce que nous pouvons imaginer comme comportement grégaire destiné à améliorer les conditions de survie des petits a été trouvé, conservé dans les mémoires et transmis d’une génération à l’autre grâce aux nouveaux automatismes fondamentaux, supports acoustiques de nos abstractions, les langages. Les murmures collectifs de réconfort sont devenus monèmes et phrases à cause d’un besoin de mieux comprendre l’autre. Observons plus attentivement nos enfants, admirons leurs capacités globalisantes et leur sens très sûr des priorités humaines. Pour eux, ce sont les personnes qu’ils cherchent avant tout à comprendre... Tout sentiment est une abstraction et la première parole, support du sentiment réfléchi, précise son sens. Elle apporte ces flashs de pensée qu’on appelle conscience de plénitude ou conscience d’inquiétude. Créer la parole c’est donner du sens, attribuer une signification. Ce dévouement initial, cette tendresse deviendront amour quand notre oralité permettra une conscience plus explicite de l’autre. Il sera notre sentiment par excellence. A partir de lui on obtiendra tous les autres, à commencer par la haine.


Sentiments de gaieté ou tristesse, de solidarité ou solitude, d’admiration, d’amitié, de défiance, de déception, etc. Ces abstractions si proches des corps, ces manières de mettre en harmonie le psychisme avec les circonstances que nous appelons sentiments, par mémorisation, intériorisation, deviendront parole exprimant le bonheur d’exister ensemble. La joie est une émotion et la joie d’être ensemble est un sentiment, c’est à dire une élaboration intellectuelle. Le premier sentiment sera aussi passionné que le dernier, seulement il trouvera dans la parole un moyen de contrôle: la tendresse est passion maîtrisée.


Les comportements alimentaires sont décisifs dans la place que chaque espèce tient parmi l’ensemble des vivants. Contrairement à ce que certains croient, l’espèce humaine ne se nourrit pas que de calories mais surtout de symboles. L’aliment a été le premier mot pour dire « je t’aime » .Nos ancêtres avaient hérité de toutes les pulsions solidaires que les animaux manifestent depuis toujours. Leur dévouement pour un bébé qui dort les amena à inventer des combinaisons de sons significatives qui permettaient des synchronisations précises et approfondissaient la connaissance de l’autre sans faire trop de bruit, justement, pour qu’il dorme. Pour l’enfant les premières concisions indispensables sont affectives: une berceuse pour calmer l’inquiétude, un éclat de rire pour réveiller l’enthousiasme. C’est du gazouillis de l’enfant, de son imitation par ceux qui l’entourent, que la parole est venue.


L’oralisation des sentiments est le grand sujet de la psychanalyse d’aujourd’hui; mais de tout temps, bien sûr, la parole a été le support privilégié pour approfondir nos connaissances.


Chaque esprit humain est une mémoire de mots qui peuvent devenir contexte, phrase, discours aux pouvoirs de précision sans limites. C’est par l’habitude de penser nos sentiments, de trouver les mots qui les approchent, que nos âmes apprennent à devenir lucides.


Le sentiment est connaissance non intellectuelle. Nous savons qu’il existe, nous pouvons ressentir l’espoir ou le désespoir, mais au delà de la constatation, les explications qui se voudraient objectives seraient trompeuses. Nos masses affectives répondent à des mouvements qui nous dépassent comme les vagues des océans répondant aux appels des vents, des planètes, des astres, etc.



C’est vrai qu’une fois oralisé le sentiment change de nature puisqu’il va s’imbriquer avec l’intellection.

Peut-être dans la double spirale de l’équilibre d’être.

La simple émotion de joie par intériorisation deviendra idée d’allégresse trouvant son expression dans une acoustique intellectualisée :je t’aime.


Agressivité hypertélique et paroles sournoises.

Le comportement suicidaire existe chez des animaux se trouvant dans des situations impossibles. Nos pensées belliqueuses, nos idées de gagneurs délirants, nos réflexions guerrières, nos raisonnements et divertissements justifiant nos violences préméditées et banalisant la cruauté sont un ensemble comportemental correspondant à celui d’animaux en situation d’extrême détresse. Ces parties de nos mondes dites les plus évoluées, sont celles qui sont allées le plus loin dans ces aberrations. La majorité des humains savent qu’ils ont avant tout deux ennemis: la maladie et l’ignorance. La mort n’est pas toujours un ennemi, elle peut arriver comme un soulagement. La parole sournoise invente de faux ennemis. Que le voisin soit ennemi rend toujours service au despote. Cette parole se présente pour nous comme un comportement d’agressivité hypertélique. On appelle hypertélie l’évolution exagérée d’un organe. Les cornes ou bois du Mégacéros avec leurs trois mètres et plus d’envergure sont l’exemple toujours cité. Quand nous les contemplons dans les vitrines de nos musées, les armures de cet animal disparu devraient nous servir d’avertissement.

Chaque fois qu’il s’agit de l’histoire de l’évolution des espèces nous nous demandons pourquoi les compétitions entre individus et entre espèces apparaissent trop souvent comme plus importantes que les correspondances solidaires des bactéries, des synchronismes cellulaires, des grégarismes, etc. Nous présenter la vie comme un combat permet de justifier la guerre et la prépondérance des guerriers, mais c’est manquer d’objectivité scientifique. Ces règles inexorables de la chaîne alimentaire qu’on nous présente comme moteur du vivant il faut les faire précéder des innombrables complicités positives qui, comptabilisées par un simple calcul numérique, sont bien plus nombreuses et importantes.


L’amalgame chasse-guerre a été une manière sournoise de justifier la chasse à l’homme. L’Homme grand chasseur est une pure invention de la pensée esclavagiste destinée à préparer les âmes pour accepter les conséquences d’une telle idée de nous-mêmes. La guerre est assimilée au fond des esprits avec la sélection naturelle qui serait justement le contraire. Mais la survivance d’une meilleure adaptation n’a aucun rapport avec les hécatombes massives. Toutes les formes de notre violence préméditée se trouvent ainsi justifiées. Il est important de bien distinguer la violence spontanée qui s’empare de n’importe qui comme une tempête, de la violence sournoise qui peut se cacher même derrière un sourire disant: - Il faut faire ceci! Il faut faire cela...etc.


On a trouvé des pointes de sagaie et des harpons très anciens sur tous les continents. Bien sûr que notre premier ancêtre cosmopolite chassait, mais nous ne devons pas oublier qu’il était fondamentalement un omnivore toujours cueilleur, pêcheur, fouilleur, etc. Cette notion de cueillette qui nous rattache aux singes frugivores et aux proboscidiens herbivores est plus importante que celle de chasse pour nous comprendre nous-mêmes, avec nos néoténies, nos capacités de connaissance abstraite, etc. D’abord parce qu’elle ne justifie pas nos violences aberrantes et nous donne le droit de devenir à nouveau cueilleurs de joies de vivre. Avant le pillage la prépondérance masculine n’avait pas de raison d’être; avec lui l’homme prit à sa charge l’organisation collective des imaginaires: l’homme au centre du monde. Avant d’être chez le guerrier le pouvoir était dans le grenier, dans les réserves de nourriture et les savoirs alimentaires. La prépondérance masculine plus ou moins accusée se présente aujourd’hui comme une donnée presque constante. C’est par les paroles que nos subjectivités se construisent. Parmi les nombreuses formes de structure sociale qui ont eu le temps d’exister après tant de millénaires une prépondérance féminine peut s’être épanouie quelque part, mais il est peu probable que celle-ci ait fait des hommes en général ce que ceux-ci ont fait de la femme. Les différences sexuelles sont une réalité physiologique, le partage des tâches un besoin pratique, la primatie hiérarchique d’un sexe dans tous les domaines importants de la vie humaine est le résultat des pensées qui exaltent la force et méprisent la tendresse. Avant que nous n’arrivions aux déséquilibres actuels nous pouvons imaginer des langues ayant dans leur subjectivité des hiérarchisations moins partisanes, où une tendresse sans sensiblerie, par exemple, comme catégorie sémantique de ce qui est souhaitable dans une pensée dont les paroles ne sont toujours qu’un reflet. La sensiblerie est l’exagération du sensible. La tendresse animale est actuellement plus sûre que la nôtre.

Paroles de Pygmée. A Makoua, dans la République Populaire du Congo, en 1976 on donnait deux cartouches au chasseur pygmée, le gibier tué avec la première cartouche revenait à celui qui les donnait. On savait qu'il ne tricherait jamais. Voilà le rapport avec la parole d'un pygmée. Forme de respect de soi-même incompatible avec ce que nous demande le monde actuel.

Nous savons qu'il existe des hommes qui nous ressemblent physiquement, dit le Pygmée, mais leurs esprits sont tout à fait différents. Selon les récits de ceux qui ont échappé d'entre leurs mains, ils sont différents, même dans leur manière d'être méchants. Ils utilisent des moyens parfois directs, parfois sournois, pour vous capter. Ils ont besoin de cela pour survivre, eux. Leur puissance vient du sang et de la sueur de tous ceux qui tombent dans leurs pièges. Ils possèdent et s'entourent d'une grande quantité d'objets maléfiques pour nous, parce qu'ils n'appartiennent pas à notre savoir. Ils sont encore plus dangereux que les cannibales, puisque être torturé à vie c'est bien pire qu'être mangé.


Le missionnaire a vite fait d'estimer que le primitif est enfantin. Pour se faire une idée d’autrui le primitif est plus lent et plus humainement ouvert. Son missionnaire il veut l'aimer vraiment. Il exagère ses enfantillages pour le faire rire. Seulement quand le sentiment incontournable de supériorité qui émane du missionnaire lui devient intolérable, il le mange!


 « Celui qui est sûr de quelque chose n’est plus égal aux autres ».


Sociétés illusionnistes.

Parmi toutes les occupations possibles de l’enfant qui marche et parle, celles qui d’une manière ou d’une autre conduiront aux échanges joyeux seront toujours préférées et recherchées avec passion. Au moment où il semble utiliser surtout son savoir linguistique récemment acquis pour dire non à tant de choses ne prenons pas à la légère toutes ses exigences. Il s’agit pour lui d’une structuration décisive pour son avenir passionnel: ce seront les étendues et les limites de son droit à la joie. Mais si nous l’observons bien, nous remarquerons qu’au fond il a surtout besoin de sentir la joie des autres! C’est par amour pour nous que nos petits apprennent nos langages. Ils vivent alors l’étape d’un altruisme primordial qui ne connaît pas encore son nom et peut se manifester jusque dans les colères. Depuis que certaines de nos principales passions se sont éloignées de nos corps, notre plaisir passe de plus en plus souvent par de conventionnalismes conditionnés qui nous font devenir des zombies facilement exploitables. La montre au poignet, le calendrier à l’agenda, le meilleur de nos énergies au service de sa majesté l’argent. Comme la poche concrète des vrais marsupiaux nous portons chacun une poche d’affectivité abstraite qui nous amène à apprendre les langues qui nous entourent, à reprendre chaque matin en charge la suite événementielle de nos histoires personnelles, etc. Nous créons et recréons constamment l’être marsupial, l’être pilleur, l’être soumis, l’être rêveur, réalisateur, etc. La réalité de l’être est évidente pour chaque humain, il est toujours le résultat des expériences individuelles. Pour comprendre que ses racines appartiennent à l’espèce il faut être capable d’aimer l’autre. Cela demande le courage d’assumer des responsabilités. Notre santé physique dépend beaucoup plus de la santé mentale que le contraire. La maîtrise de la parole exige une maîtrise de tout.

Les paroles douces qui ont créé notre poche marsupiale existent encore, bien sûr. Les privilégiés qui ont été entourés par elles à leur naissance devinent de quoi nous parlons. Ceux-ci savent que l’idée que les sociétés se font de l’être humain les détermine. Ils sont très prudents quand ils parlent aux enfants. Mais attention! Rappelons nous que par elle même une parole n’est rien d’autre qu’une combinaison de sons; ce sont les émotions, sentiments, enseignements qu’elle peut déclencher qui importent... Nous sommes tous des têtards dialoguant avec nous mêmes dans le fluide aquatique de notre sensibilité plus ou moins libre, toujours instable. Frôlant les autres avec nos vibrations acoustiques ou autres.

Evolutions psychiques.

L’enfant va s’associer au monde sonore qui l’entoure d’abord avec sa propre musique. En envoyant ses gazouillis à l’espace il fait son entrée dans le monde des animaux acoustiques: comme la cigale ou le gibbon hurleur. Nos imaginations nous ouvrent des espaces sans limite. Nos paroles sont capables d’aller très loin dans l’oubli de nos corps, de toute réalité concrète. Les puissants pouvoirs de nos suggestions et autosuggestions orales viennent de masses affectives qui conditionnent nos capacités à aimer ou haïr. La sensibilité est quelque chose qui se cueille et s’entretient comme toute autre source d’énergie. L’être affectif et l’être d’intellection se sont équilibrés dans des harmonies créatrices pendant des dizaines de millénaires. Par la parole l’envie de vivre humaine peut devenir transcendance, cristalliser dans des actes de sublimation extrême, rendre féconds les résultats de la pensée. Quand l’enfant raconte son premier mensonge nous devons nous réjouir en silence, sans le vexer, car cela montre qu’il a senti en profondeur la précarité de nos existences abstraites. On peut considérer toute imagination comme un mensonge et les dangers de la parole viennent de cette liberté que les enfants que nous sommes ne savons pas respecter. Une parole publique est très différente d’une parole privée et on ne doit pas confondre les vérités d’un cœur avec la relation d’un fait.


L’évolution conceptuelle de la parole a toujours déterminé le type de nos sociétés et vice-versa. La naissance avait été l’événement majeur de la mentalité marsupiale, la mort est devenue celui de la mentalité esclavagiste. La mort et tout ce qui l’entoure comme idée d’une vie après elle prend souvent trop de place dans les imaginaires pervertis. La mort appartient à l’immense domaine de nos ignorances, mais les joies d’une naissance et ses mystères étaient le point central des préoccupations de certains peuples qui survivaient encore au vingtième siècle. Il est probable qu’avant que les Egyptiens s’occupent autant de la mort quelqu’un s’est occupé avant tout de la naissance. Dans l’ensemble des phénomènes démographiques les naissances humaines se sont toujours présentées comme une rare singularité. Il est sûr que ces peuples si peu évolués matériellement qui nous ont accompagnés jusqu’au vingtième siècle gardaient intactes certaines évolutions psychiques et des finesses spirituelles que nous avons constatées dans leurs langues et leurs pensées chaque fois que cela a été possible. Une bonne partie des peuples soi-disant primitifs montraient les formes extrêmes des êtres pilleurs avec leurs coutumes sadiques. Mais il y avait aussi des petites minorités cachées au fond des forêts ou des côtes inabordables et qui vivaient encore dans une sorte « d’enfant-centrisme ». L’importance de ce radical renversement conceptuel, le passage de la pensée marsupiale à la pensée pilleuse dominante, nous a frappé avec une force qui motive ces lignes.


Délire zoomorphique. Inscrits dans les gènes de chaque animal se trouvent tous les comportements qui ont prouvé leur efficacité. Laissons à nos gènes donc le soin de s’occuper de conserver ce qui peut être utile à notre espèce. Personne n’a le droit de nos imposer de traditions que nous ne choisissons pas; elles peuvent s’avérer néfastes. Comme le guépard qui n’est ni un vrai félin, ni un vrai canidé, nous ne sommes ni vrais marsupiaux ni vrais placentaires; comme lui entre plaine et montagne, nous trouvons notre place aussi dans des espaces frontières, entre rêve et réalité. Notre vrai territoire est abstrait et ne se manifeste que par la parole. Connaître la rondeur de la terre est moins important que sentir et comprendre les besoins d’un nouveau-né. Chaque mère doit pouvoir décider chaque fois en être libre si elle met son placenta au service du futur.


La ruche souhaitable. L’ensemble organique que nous appelons ruche fonctionne selon des critères qui sont ceux de la survie de l’espèce. Y a-t-il dans la ruche des abeilles privilégiées? Celles qui restent dans une fleur à jouir de l’ivresse d’un nectar tandis que d’autres ouvrières font les corvées désagréables? Les pessimistes nous diront que oui, que c’est la fatalité des existences. Nous dirons que peut-être. Mais nous sommes sûrs que cela n’est pas souhaitable, ni pour les abeilles, ni pour nous.


Il semble que chez les fourmis la guerre existe aussi, avec envoi d’éclaireurs et préparation des razzias. Puis, selon les particularités d’un territoire où voisinent des espèces très différentes, des rapports symbiotiques peuvent se créer. Certains ensembles de fourmilières se protègent mutuellement et se prêtent secours en cas d’agression. C’est sûr qu’il n’y a pas de traité écrit qui formule les règles et les réciprocités de ces comportements montrant l’existence de « fédérations » de fourmilières. Voilà ! Nous ne sommes pas tout seuls, ni dans nos aberrations démoniaques, ni dans nos succès fédératifs.

L’abeille butine ce qu’elle trouve de plus exquis parmi les fleurs. Nous devons imaginer qu’elle sait apprécier la beauté des formes et des couleurs. Elle doit juger de la qualité des nectars comme nous des parfums de différents miels. Nous disons que l’abeille ouvrière n’est pas sexuée parce qu’elle ne participe pas directement à la reproduction. Mais on a observé que quand on retire la reine, au bout d’un certain temps une des ouvrières se transforme en pondeuse. Ces souplesses adaptatives sont courantes chez les insectes. Les criquets grégaires qui pullulent dans des conditions favorables produisent des vibrations et des stridulations, créant ainsi des synchronismes qui entraînent des vols massifs vers de nouveaux territoires. Ceux qui arrivent dans des régions moins favorables reviennent progressivement aux caractéristiques de l’espèce vivant en solitaire. Jusqu’au prochain changement climatique. Nos stridulations à nous sont peut-être moins en rapport avec la météorologie, mais nous connaissons bien leurs pouvoirs de contagion et de action à distance.


Penser par soi-même.

   Il n’y a pas de grand ni de petit amour.

De tout temps les rêveries amoureuses ont inspiré les âmes de beaucoup de monde et elles introduisent un parfum de sublimation érotique. Nous existons en créant quotidiennement des illusions et nous sommes tous captifs de notre propre subjectivité. C’est que le refoulement profond de notre vraie sexualité endogène nous dépasse et tous les efforts que nous ferons pour nous en débarrasser serons vains. Notre pensée est enfermée dans un canyon étroit dont les parois ont grandi depuis des millénaires. Parole et érotisme se retrouvent face à face avec chaque nouvelle génération. Dès qu’il apprend la parole des autres l’enfant va jouer avec toutes les ambiguïtés. Les organes sexuels qui servent aussi bien à copuler qu’à uriner se prêtent à toute sorte de symbolismes suspects. Malgré tout ce qu’on fait pour nous éduquer, nous distraire, nous occuper à tant de choses, il n’y a pas d’échappatoire: la sexualité endogène refoulée est un vide que notre conscience d’exister ressentira toujours. Nous ne pouvons que demander aux jeunes d’essayer de trouver d’autres équilibres avec des partages en même temps plus directs et plus respectueux des autres. Le plaisir réciproque est une première règle du vrai partage. En suivant les routes du plaisir sans bornes la vie devient intense mais pas forcément féconde. L’espèce n’a rien à faire de la plénitude des individus car ceux-ci ne sont que des instruments pour sa survivance et, si possible, son expansion. Depuis que les murmures collectifs de réconfort sont devenus paroles de tendresse, la cohérence qui gouverne nos phrases implique une cohérence des êtres. Les emphases des tirades, les éloquences répétées et efficaces vont donner aux mots des poids symboliques en plus de leur signification propre. Rocher, arbre, éléphant, guépard: ont une valeur affective selon les circonstances. Cette symbolique va structurer les sociétés. Elle va établir les liens subjectifs collectifs.



         Le végétal se nourrit d’énergie solaire.
         L’animal se nourrit du vivant et de l’inerte.
         L’humain se nourrit de l’humain.

Il semble que l’éléphant soit originaire des bords du Nil. Etant un marcheur des régions chaudes il est sûr qu’il accompagna l’expansion des premiers humains cosmopolites. Il est probable que la majorité de nos premiers ancêtres n’aient jamais croisé la route d’un néandertalien, comme il est possible aussi que certains l’aient connu jusqu’aux intimités productrices d’hybrides. Pour l’instant nous ne savons rien, mais on veut suggérer que les premiers humains ont été pour quelque chose dans la disparition des néandertaliens. Cela renforcerait l’idée d’humain grand chasseur cherchant depuis ses origines à « dominer » les faunes qu’il rencontre. Nous pouvons être sûrs, par contre, de l’intervention ancienne et profonde des humains dans la vie des éléphants. Nous savons que cette magnifique masse de muscles mammifères fut utilisée par l’Homme pilleur dans ses folies meurtrières. Parce qu’il est un monument vivant à la vie en douceur nous devrions veiller à ce que ses derniers survivants aient assez de territoire pour pratiquer leurs modes de vie. Les pudeurs de personne à personne, les respects dus et exigés ont pu concilier les sagesses de l’éléphant avec les hardiesses de certains singes dans toutes les proportions possibles. Les comportements collectifs se règlent par l’intériorisation des automatismes. Quelle sexualité avaient nos ancêtres? Des accouplements reproductifs ritualisés comme chez l’éléphant où l’acte prend souvent un aspect collectif? Ou bien des accouplements reproductifs banalisés comme chez le bonobo où l’offrande du derrière est geste de soumission? La reproduction est réglée de manière surtout innée chez les animaux. L’affectivité et l’intellection humaines se sont emparées de ces règles pour mener nos sensualités vers des sphères abstraites où parfois on a du mal à reconnaître leur origine. De plus en plus les pulsions furent satisfaites de manière symbolique dans les régions subtiles du mental. Dans toutes les inspirations humaines le sexe prend sa part. Dans nos arts et nos sciences il y a pas mal des masturbations sublimées.


Chez l’humain la parade nuptiale ne finit jamais à cause de sa néoténie psychique. La parole permet une intériorisation rapide d’automatismes nouveaux. L’érotisme est une envie de désir, très humaine, qui peut changer beaucoup et vite d’une génération à l’autre. Au début les vêtements qu’on inventait pour se protéger du froid ne changèrent pas grand chose. Les règles de la pudeur subtile et profonde ne dépendent pas des détails vestimentaires. Le respect dû à chacun et l’obligation de tenir compte des circonstances et relations qui ne suivent pas nos volontés sont propres à toute vie en société. Si l’amour sexuel est presque passion pure, l’amour filial et parental est presque intellection pure. Seuls les nudistes peuvent comprendre la profondeur des pudeurs subtiles. La maîtrise des évacuations qu’on exige parfois avec maladresse des enfants sont des détails d’un ensemble qui comprend tout, le physique et le mental. Certains enfants manifestent leur révolte avec leur corps. Les toilettes indispensables sont l’occasion parfaite pour développer les plaisirs des massages et les disciplines de la parure. Les enfants et leurs exigences sans mesure nous obligent à pratiquer l’art de la diplomatie. Respecter un enfant ce n’est pas lui permettre tous ses caprices, c’est lui donner des repères pour qu’il soit un jour capable d’une délicate attention à autrui. Avec l’idée qu’il faut laisser crier les nourrissons, surtout ne pas les prendre dans les bras pour les consoler, on dresse les parents à une froideur d’âme qui perpétue l’être soumis. Le passage du flambeau vital d’une génération à l’autre se fait sans problème quand les plus anciens ne trichent pas et se montrent tels qu’ils sont: des enfants éternels. Notre néoténie nous condamne à l’inachèvement psychique. Pour rester enfant il faut se tromper de nombreuses fois et rester prêt à se tromper encore. L’insatisfaction est le propre de nos âmes, formes instables de la matière que nous sommes. Les parties les plus lucides de l’être, les esprits, peuvent et doivent chaque jour trouver des projets capables de nous enthousiasmer.



Transcendance.

Aux époques de parole orale exclusive les chances de penser par soi-même étaient plus grandes qu’aujourd’hui. C’est le dévouement de nos ancêtres qui a permis ce luxe.

Ici, dans la cohérence d’un auteur et la bonne volonté d’un lecteur il y a maîtrise de résonances...

L’écrit, cette parole dans sa petite fossilisation permet des solidifications lentes et continues.


Nous sommes tous transcendants. Nous sommes souvenir de faits, notre mémoire est au centre de notre savoir. Chaque humain est une possibilité passionnelle. Si les mots sont un automatisme de signification banale ils peuvent aussi devenir le symbolisme qui ira au delà de nous-mêmes. Tant que nous ne comprendrons pas l’extraordinaire puissance des mots dans notre existence...

L’argent est une représentation concrète du principe qui sert de fondement à nos grillages d’aujourd’hui. Ceux qui exploitent l’ignorance de leurs congénères ont la chance de pouvoir s’ennuyer dans des cages aux grillages dorés. Mais de vrais grillages barbelés entourent encore le stress de la misère. Tout ce que l’homme moderne, l’homo sapiens, sapiens, etc.; a touché jusqu’à maintenant est devenu justement inhumain à cause de l’agressivité hypertélique et la parole sournoise.


Par la transcendance j’échappe à tout ce que je suis. Nous faisons tous de la pensée transcendantale en toute simplicité. L’empressement de la vie quotidienne ne devrait pas nous cacher l’importance de nos transcendances personnelles. C’est par elles que notre personnalité se forme, s’affirme et s’épanouit. La parole intérieure porte et supporte les tentatives de cohérence de notre pensée. Pour tenter d’avancer dans la compréhension de ce qui nous entoure on peut s’aider de l’écrit, comme ici. Puisque malgré tous les développements audiovisuels il nous faut bien constater que la forme la plus rapide pour assimiler une information reste la lecture, nous avons cherché ici à nous approcher de la vitesse des mouches pour transmettre les résultats de longues années d’obsession.



Il y a trois siècles Don Quichotte sortant des grilles du bon sens cassait ses élans de justice contre les murs des réalités. Récemment Che Guevara a payé de sa vie l’intransigeance de ses illusions. Salvador Allende a laissé des discours exemplaires. Si le bon sens est l’obligation de se résigner à rester derrière les grilles, notre poulailler se perpétuera; heureusement il reste un bon sens qui ne se résigne pas encore.


Ceux qui te comprennent se mettent en harmonie avec toi. D’un mot à l’autre nous finirons par prendre conscience, chacun, de ce que nous sommes vraiment. Pleins d’illusions que nous sommes, pour sortir de ces poulaillers-là, c’est la totalité des barreaux et des grilles que nous devrons dissiper d’un seul coup.

Les mirages avec lesquels nos intellections trompent nos réalités ont la force des habitudes mais aussi la fragilité des abstractions, ils peuvent disparaître comme des bulles de savon.





   Psychosynthèse.

Quand la malade humanité est venue s’étendre sur notre divan nous ne nous attendions pas à aller si loin. Mais c’est le propre des intellections illusoires, elles peuvent nous entraîner facilement vers la paranoïa. Nous avons tenté une sorte de psychanalyse à l’envers. Au lieu de remonter grâce aux évocations du malade vers ses traumatismes anciens, nous sommes parti du peu de certitudes que notre science nous offre à propos de nos origines. En cherchant les premiers pas humains nous avons rencontré des femmes portant des nourrissons et des hommes tenant par la main des enfants qui apprenaient à regarder le monde. Cette scène primitive résume et symbolise une première marsupialité abstraite, celle qui a produit la parole.


L’amour exige ses propres formes de fermeté et de discipline qui ont la propriété d’être transparentes pour des affectivités spontanées, épanouies. Allongé dans ton hamac tu peux contempler ton être concret en soi, depuis ton gros orteil jusqu’au bout de ton nez. Ton être abstrait va depuis tes rêves jusqu’à tes états d’hyper éveil. Ton délire personnel rencontre de temps en temps un autre délire qui s’accorde au tien et ainsi de suite. Plus on est nombreux à délirer ensemble, mieux c’est.



Observons un espace de récréation pour des tout petits enfants. Nous pouvons trouver le marsupial pur, cherchant dans nos yeux l’empathie qui transfigure les êtres. Nous y verrons aussi l’être pilleur s’emparant des jouets des autres, etc. Beaucoup d’enfants un peu plus grands pourront nous prouver avec leur étonnante précocité que la responsabilité individuelle humaine, la vraie, la profonde, existe depuis nos origines. Dans chacun de nous il y a un dosage d’être marsupial, d’être pilleur, d’être esclavagiste, etc. Pendant son premier cosmopolitisme l’humanité a surtout parlé. De personne à personne une parole orale déterminait tous les vrais accords. Plus tard, à cause de la prépondérance de l’être pilleur la puissance de la parole a été remplacée par celle de la force. Les ravages les plus graves des pillages humains avaient lieu dans les psychismes de ceux qui le pratiquaient. En mettant la force à la place de la parole l’humanité marsupiale commença à marcher de travers. Comme les crabes qui ont une lourde carapace, peut-être pour les rendre moins sensibles au fait de devoir se manger entre eux quand c’est nécessaire. La violence préméditée, qui est une forme d’amour insatisfait, renversa les signes positifs et négatifs de l’intellection humaine. La parole pilleuse n’a plus lâché nos sociétés les plus dynamiques.



L’empire de la force s’institutionnalisa avec l’esclavage. D’abord les doigts jouèrent avec les cheveux pour inventer les tresses. Ensuite une invention aussi utile que la corde fut utilisée pour ligoter les corps. Les techniques douces de la cueillette contaminées par les besoins de la force allèrent dans des directions agressives. L’esclave est le fruit d’une intellection qui sépare les êtres et divise les illusions du monde. Quand il enchaîne son congénère l’esclavagiste est obligé d’oublier que le fer se fabrique avec la même poussière que deviendra son corps. Le pilleur tuait les hommes pour s’emparer des femmes et du reste. L’esclavagiste attrapait les êtres vivants. Avec lui l’idée de rendre son entourage productif et à son service arriva à son expression la plus parfaitement concrète.

L’être qui se respecte lui-même n’accepte aucune chaîne, ni pour lui, ni surtout pour les autres. Un véritable état d’hystérie libertaire secoue l’être marsupial dans ce cas. Les obsessions de chaque peuple à chaque époque ont pris les diverses et parfois étonnantes directions qu’on connaît, mais les plus nombreuses sont celles qu’on ignore. Grâce au peu que nous savons nous pouvons nous faire une idée des sadismes et masochismes que les humains ont vécus comme conséquence de toutes sortes d’illusions morbides. Cette puissante illusion qui dirige aujourd’hui les conduites humaines, cette valeur qu’on appelle argent, telle qu’elle est encore conçue, vient tout droit de l’époque où le pilleur écrasa avec la force concrète la valeur de notre première parole. Les caractéristiques de nos monnaies comme système régulateur des échanges déguisent les lois de la force fixant leurs valeurs. Grâce à l’argent on ne parle pas! Comprendre que nos vraies origines ne peuvent pas avoir été tout de suite pilleuses est devenu urgent pour le patient humanité. La loi des gros poissons se donnant le droit de manger les petits n’a rien d’humain, elle installe cette injustice sociale qui est devenue endémique partout où nous sommes. Avoir trouvé le sommet exact de la courbe d’augmentation du poids d’un poulet pour l’abattre au moment où son exigence en nourriture ne sera plus rentable est un fait révélateur de notre schizophrénie, par exemple. Avec les mêmes courbes on suit trop attentivement l’évolution de nos nourrissons en négligeant de les garder un peu plus longtemps dans les bras.



La parole est un échange d’abstractions. Elle est le produit final d’une empathie pour laquelle chaque nouveau-né est prêt. Entre pulsions alimentaires et pulsions sexuelles, cette pulsion vers l’abstraction est la grande nouveauté; elle doit tout à notre marsupialité d’origine. L’être pilleur attaque en priorité la spontanéité marsupiale, elle est ridiculisée sous toutes ses formes. Les Surmoi collectifs de nos sociétés les plus dynamiques parlent toujours de rendement. Pour le moment ce sont les êtres pilleurs et esclavagistes qui ont donné les directions du développement dans notre planète poulailler. Les mangeoires deviennent les mêmes partout: les stimulants matériels. Pour supprimer les symptômes de l’agressivité hypertélique il faut réviser nos conceptions du monde. La poche marsupiale est devenue cage infernale. Voilà le sens profond de notre psychanalyse.

En tentant de remonter encore vers des refoulements antérieurs nous pouvons imaginer un traumatisme qui serait à l’origine de la parole elle même: celui de constater notre vulnérabilité devant les premiers coups de pierre que les mains primates inventèrent. Traumatisme qui nous amena à nous réfugier dans les significations de nos souffles. La simple pierre jetée ne siffle pas encore assez souvent dans les oreilles de nos illusionnistes de service.