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Utilisateur:Leonard Fibonacci/Qu'est-ce qu'une "Baris" ?

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Fig. 1. — La baris d'Hyrcan à Tyros ('Iraq al Amir).

Mais venons-en à Flavius Josèphe dont le témoignage est important dans une série de cas. Un des plus connus, déjà mentionné, est celui de la baris d'Hyrcan édifiée dans son domaine de Tyros. La description que nous donne Josèphe du site est révélatrice. Comme on l'a remarqué depuis longtemps, la baris, le «château» proprement dit (fig. 1), en dépit de son apparence massive, souvenir d'un modèle plus courant, était conçue comme une résidence avec ses porches largement ouverts, ses rangées de fenêtres à l'étage, auxquelles' correspondent de grandes baies — ce qui est exceptionnel dans l'antiquité — au rez-de-chaussée, et la sécurité qu'offrait le plan d'eau au milieu duquel s'élevait le bâtiment ne pouvait être que passagère ; il en allait de même du mur d'enceinte qui cernait l'ensemble du domaine ; le point d'appui militaire, le dernier refuge, était formé par les grottes creusées dans la falaise dominant le site et pourtant Hyrcan disposait d'une troupe avec laquelle il guerroyait contre les «Arabes», mais menacé par les forces régulières d'Antiochos IV il ne vit d'autre solution que de se donner la mort : la n'était point taxupà, quoi qu'en dise Josèphe, qui, au reste, ne l'avait pas vue12.

Mais il en avait vu d'autres et l'une des plus frappantes était la résidence (ofocfoc) d'un certain Jésus avec lequel l'historien eut maille à partir quelque part en Galilée et qui nous est présentée de la manière suivante : (âàpiç 8* 9jv afrnj fieyàXY) xai oùSèv àxp07r6Xea>ç àTcoSéouaa ; le contexte révèle une installation complexe, semblable à celle d'cIraq al Amir, et cette fois clairement une résidence fortifiée, «l'égale d'une citadelle». La valeur militaire d'une baris était sans doute médiocre en moyenne ; il s'agissait d'un bâtiment massif et solide, facile à barricader et défendu par les gardiens «musclés» et armés dont disposait n'importe quel grand propriétaire : de quoi résister à des brigands ou à des paysans mécontents, mais non à une armée.

La parenté des installations que nous venons d'évoquer avec les «manoirs» d'Asie mineure est évidente et il est clair aussi que dans les deux cas examinés l'emploi du mot pôtptç révèle non un emprunt fait par l'auteur à une source littéraire, mais une terminologie et une réalité locales; encore une fois des baris de ce genre devaient se rencontrer ailleurs en Palestine et en TransJordanie.

Différente au premier coup d'œil est une troisième mention, bien connue elle aussi, celle de l'Antonia de Jérusalem ; nous passons là en effet de la campagne à la ville et du civil au militaire. L'état dernier de cet édifice, son accommodation comme siège du procurateur romain et de sa garde militaire, nous est relativement bien connue et en conséquence on parle couramment de la « forteresse Antonia »13. Aussi bien Josèphe lui- même la caractérise-t-il du terme de «ppoupiov — le terme exact pour « forteresse » —, sinon encore de 7rupyoç ou de 7uupyosi8y)ç, mais il parle aussi de (âaaiXeiov, de «résidence royale»14. Mais surtout il nous dit qu'on l'appelait «antérieurement» (âôcpiç; nous ne pouvons plus établir à quand remonte cette baris ancienne ; la construction hasmonéenne reprise par Hérode peut naturellement en continuer une autre ou séleucide ou lagide16. Ce qui est certain et ce qu'il convient de noter, c'est que Josèphe n'use pas dans ce cas particulier d'un terme choisi par lui et tiré de quelque texte littéraire, il nous conserve une appellation traditionnelle.

La Baris d'Ecbatane

A l'Antonia se rattache ce que le même auteur nous dit de la baris d'Ecbatane, la capitale des Mèdes, dont le caractère de résidence royale et de citadelle est incontestable lui aussi18. [...]

C'est ce qui est illustré par le cas de la baris d'Ecbatane; elle est mentionnée deux fois aussi dans la Septante et dans un troisième passage il est question de la baris de Suse17. Ces châteaux royaux ont suscité la curiosité et l'intérêt des Grecs et nous en avons une curieuse preuve dans ce cas particulier. C'est nul autre en effet que le père de l'histoire qui nous décrit longuement (I, 98-99) cette création du premier roi des Mèdes, mais bien sûr Hérodote, tout Grec d'Asie qu'il fût, ignore le mot (35tptç ou du moins ne l'emploie pas et ne parle que de ofocfa (xeyaXà xe xal la/opà, ce que l'on peut traduire par «résidence fortifiée». Nous avons là clairement sous les yeux l'image d'un château royal, résidence et forteresse, dominant la ville selon un modèle oriental bien attesté dont l'Antonia nous donne un autre exemple. Le mot baris semblera à une certaine date convenable pour désigner cette réalité particulière.

[...]

Conclusion p. 259

L'histoire du mot pàpiç est en définitive claire. Nous constatons que FI. Josèphe en fait un usage somme toute rigoureux et en parfait accord avec les autres données disponibles. Nous ne pouvons cependant pas savoir avec certitude quel équivalent sémitique il avait dans l'esprit ; ce pouvait être birahjbirla qui correspond au terme grec dans les cas cités dans la Septante pour Ecbatane et Suse, mais cet équivalent sémitique est d'un usage beaucoup plus large dans l'Ancien Testament. Chose curieuse, les auteurs de la Septante ont eu recours à pàpiç dans un certain nombre d'autres cas, mais cette fois en employant le pluriel; l'équivalent hébraïque est 'RMNWTYH, pluriel d"armon traduit de façon variable, «donjon», «citadelle», «palais», et désignant des réalités moins précises que dans les cas que nous avons examinés. Ce mot mériterait sans doute une étude approfondie, mais qui n'est guère susceptible d'être éclairée par le grec pàpeiç, qui n'est au reste pas le seul équivalent grec auquel la Septante a recours dans ce cas23.