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Utilisateur:Lefinmot/Brouillon/Eva Circé-Côté

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Notes


Vie littéraire

e n dehors du syndicalisme, les milieux ouvriers ne peuvent plus compter sur le relais de partis politiques ouvriers, et les courants de gauche radicaux vivent en marge du monde politique et intellectuel, ne perçant timidement que dans les milieux anglo-saxons ou chez les ouvriers juifs. Néanmoins, les milieux populaires donnent naissance à quelques lieux de réflexion et de militantisme, dont l’hebdomadaire bilingue Le Monde ouvrier , animé par Gustave Francq et Éva Circé-Côté, et l’Université ouvrière, fondée par Albert Saint-Martin en 1925, qui offrira pendant près de dix ans des conférences dominicales à un public bigarré composé d’ouvriers et de chômeurs.

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Les mouvements féminins De leur côté, les associations féminines s’organisent et commencent à prendre plus de place dans la sphère publique. Leur militantisme est d’abord axé sur l’obtention du droit de vote à l’échelle provinciale. Du Conseil national des femmes de Montréal à la Fédération nationale SaintJean-Baptiste, de l’Alliance canadienne pour le vote des femmes fondée par Idola Saint-Jean (1927) à la Ligue des droits de la femme mise sur pied par Thérèse Forget-Casgrain (1928), les féministes tentent à plusieurs reprises de convaincre le gouvernement, mais c’est peine perdue. e lles obtiennent en compensation la création de la commission Dorion (1929) chargée d’examiner les injustices du Code civil à l’endroit des femmes  : les gains pour ces dernières seront timides, du fait des craintes de déstabilisation de la hiérarchie familiale et de la généralisation du divorce, mais ils comprennent la libre disposition du salaire. Une des percées importantes du féminisme, en sus des cours au Monument National et de l’organisation d’associations de travailleuses, est sa plus grande diffusion dans les médias  : Marie Lacoste Gérin-Lajoie, Saint-Jean, Forget-Casgrain et Circé-Côté, entre autres, prennent régulièrement la parole dans les principaux quotidiens, dans les revues traditionnelles aussi bien que dans celles féminines, dans les assemblées féministes et à la radio. Plus présentes sur les scènes culturelle et politique, mais toujours dominées, les femmes connaissent la même situation sur le marché de l’emploi  : leur nombre double de 1911 à 1931, mais elles constituent une main-d’œuvre bon marché (une femme touche en moyenne 53,6 % du salaire d’un homme en 1921), sans possibilité de mobilité sociale, cantonnées dans des carrières considérées comme féminines  : infirmières, secrétaires et téléphonistes.

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Pour les femmes, en revanche, même si les emplois de fonctionnaires leur semblent encore peu ouverts, ils sont plus accessibles qu’avant, du moins à celles qui sont issues de milieux plus aisés et à celles qui ont obtenu une formation scolaire plus solide comme Circé , Daveluy , Routier , Tu r c ot  et Bouchette,  qui font partie de la fonction publique. Alors que les professions libérales ne leur sont pas encore accessibles, ces postes de fonctionnaires s’avèrent parmi les plus prestigieux que les femmes de lettres puissent occuper.

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Quant à Circé  et Daveluy , c’est à la bibliothèque municipale de Montréal qu’elles exercent leur métier de bibliothécaires aux côtés de Fauteux,  qui les y a rejointes lors la fermeture de la bibliothèque Saint-Sulpice 17 . Avec le journaliste Choquette , qui est aussi secrétaire et bibliothécaire à l’École des beaux-arts, et Paul Morin , engagé au même endroit à titre de premier secrétaire et de premier bibliothécaire, c’est somme toute près de 20 % du personnel littéraire des années 1920 et du début des années 1930 qui pratique, de façon exclusive ou non, un métier lié au monde du livre et de l’imprimé. Si l’on ajoute à ces professionnels de l’écrit les journalistes, la proportion monte en flèche.

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o utre les femmes de lettres qui se sont intéressées à l’histoire, plusieurs des aînées s’adonnent à des activités d’écriture qui assurent la persistance d’un profil traditionnel de la femme de lettres ou qui s’inscrivent dans le prolongement de ce profil  : pratique de la chronique ( Bélanger , Circé , Dessaulles , Anne-Marie Gleason , Leclerc , Lefaivre , Alice Pépin ), publication dans les pages féminines des journaux ou dans les périodiques féminins (les mêmes), conférences et quelquefois, écriture pour le théâtre ( Circé , Gleason  et Pépin ). Plusieurs d’entre elles, sauf Maubourg  et Allan  dont les trajectoires se distinguent résolument des autres, investissent des secteurs qui s’inscrivent dans le prolongement du rôle traditionnel des femmes, et en particulier celui de la littérature pour la jeunesse ( Dessaulles , Bourgeois , Bouchette , Leclerc ) qui prend un essor important à partir des années 1920.

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À côté de ces essayistes qui visent un discours plus objectif, Éva CircéCôté représente la seule voix forte de l’opposition féminine face à la pensée conservatrice dominante. Dédié au juge Gonzalve Desaulniers, à la fois patriote libéral et poète, l’«  essai de psychologie historique  » intitulé Papineau.  Son influence sur la pensée canadienne  qu’elle publie en 1924 se veut une réponse directe à L’Action française  : 

Ne laissons pas s’accréditer une erreur que certains historiens, partisans du gouvernement ou de l’ Action française , ont intérêt à faire circuler  : que la révolution fut un échec, que le sang a été versé inutilement, car le temps et la diplomatie pouvaient avoir raison, dit-on, des difficultés qui existaient entre les maîtres et les vaincus (p. 35).

Dans les 22 chapitres qui composent l’ouvrage et qui vont de la «  Genèse de la révolution  » à la «  Mort de Papineau  », Circé-Côté ne se contente pas de revenir sur le passé, elle cherche à établir la «  postérité intellectuelle  » (p. 118) de cette grande figure nationale et procède à un vaste «  examen de conscience nationale  » (p. I). e n mettant en lumière les filiations de LouisJoseph Papineau avec ses prédécesseurs et tout particulièrement avec Pierre Du Calvet, l’auteure tente de rendre de nouveau vivants la tradition nationaliste libérale et les idéaux romantiques de la liberté de presse et de l’éducation universelle que le xx e  siècle semble avoir reniés. o utre ces positions idéologiques libérales, Circé-Côté défend également des positions esthétiques sur la littérature au temps de Papineau, arme de combat qui a produit des «  pages savoureuses  » (p. 114). Au fil du livre dont le caractère pamphlétaire est de plus en plus assumé, la colère monte contre les tenants de l’infériorité des Canadiens français et le ton se fait acerbe. La plume mordante de l’essayiste écorche au passage les grands critiques de son temps  : Roy qui, «  dans Nos origines littéraires,  traite comme quantité négligeable les pionniers de notre littérature  » (p. 84) ou encore Valdombre (pseudonyme de ClaudeHenri Grignon) pour qui «  notre littérature est inexistante  » et qui est prié de «  feuilleter ces vieux bouquins où se dégage autre chose que de la poussière et une odeur de vétusté  » (p. 113). Comme l’écrit Circé-Côté dans l’introduction, c’est «  au soir de la vie  », «  employé[e] à liquider ses comptes  » (p. I), qu’elle rédige cet essai polémique qui connaît une réception restreinte à son époque, mais qui sera réédité près de quatre-vingts ans plus tard, en 2002.

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Dans sa critique de l’ Histoire de mère Saint-Raphaël  de Désilets, Alfred DesRochers regrette que l’auteur se soit «  constamment efforcé de n’être surtout qu’un annaliste  ; [qu’il n’ait] pas laissé cours à son imagination interprétative 26  ». Telle est la tension qui traverse alors la posture du biographe, coincé entre la fidélité au personnage et la volonté de donner une valeur à sa vie. Ainsi, la publication du Papineau  (1924) d’Éva Circé-Côté montre une forte tendance à basculer du côté de l’interprétation. Sous-titré Essai de psychologie historique , l’ouvrage raconte moins la vie de l’homme politique qu’il ne montre l’influence qu’il a eue sur son temps et sur le développement de la pensée nationale. D’une autre manière, suivant les modèles offerts par André Maurois et par René Benjamin 27 , les premiers ouvrages de Robert Rumilly, Sir Wilfrid Laurier  (1931) et La Vérendrye, découvreur canadien  (1933), comme le Pierre Radisson roi des coureurs de bois  (1933) de Donatien Frémont ou La vie aventureuse d’Arthur Buies  (1933) de Raymond Douville, rendent au récit sa primauté. La reconstitution de l’époque, l’exposé des idées, l’analyse de l’œuvre cèdent le pas à la création d’une figure exemplaire voire mythique qui, tel un héros de roman, triomphe de l’adversité, dans une œuvre qui emprunte autant au discours hagiographique qu’au roman de cape et d’épée.

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C’est précisément dans ce contexte que se confirme le succès de certaines formes de chronique libre, tout entières centrées sur la signature d’un chroniqueur ou d’une chroniqueuse, qui impose un ton, un point de vue, un état d’âme, un style. La chronique libre et le billet continuent ainsi à être pratiqués dans plusieurs journaux et sont souvent signés par des écrivains connus, comme Fadette (pseudonyme d’Henriette Dessaulles), Colette (pseudonyme d’Édouardine Lesage), Ginevra et Geneviève (pseudonymes de Georgina Lefaivre). Quelques nouvelles venues sont remarquées dans les grands quotidiens (Marjolaine [pseudonyme de Justa Leclerc] à La Patrie  et o dette o ligny à La Presse ), mais ce sont pour une bonne part les périodiques régionaux qui accueillent les nouvelles chroniqueuses (comme Françoise Gaudet à La Parole  de Drummondville et à La  Tribune  de Sherbrooke  ; Jovette-Alice Bernier et Éva Senécal à La Tribune ). Éva Circé-Côté, une des rares femmes à avoir toujours signé ses textes en marge des pages féminines et des sujets et rubriques qui les caractérisent, se démarque en signant jusqu’en 1938 une chronique libre, sous le pseudonyme masculin de Julien Saint-Michel, dans Le Monde ouvrier .

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Dans les années 1920, le drame historique dramatise encore, mais rarement, la «  trahison  » de l’intendant Bigot, sujet de «  L’œuvre de la “Friponne”  » (1929) de l’abbé Édouard Beaudoin et de «  L’intendant Bigot  » (1929) de J.-Ulric Voyer et Rousseau. Dominent plutôt les épisodes liés à la fondation de Ville-Marie  : Dollard Des o rmeaux et Maisonneuve remplacent Montcalm et Lévis comme héros emblématiques alors que l’Iroquois se substitue à l’Anglais comme adversaire. Le héros du Long-Sault revit dans quatre pièces  : Dollard  (créée en 1920) de Gagnier, Gloire à Dollard  (créée en 1922) de Julien Perrin, Aux jours de Maisonneuve  (créée en 1921) que Laure Conan (pseudonyme de Félicité Angers) tire de son roman L’oublié  et Dollard n’est pas mort  !…  (1927) d’Émilien Gauthier. Téméraire et crâneur ou figure expiatoire, le personnage crée aux auteurs la difficulté singulière d’avoir vécu une aventure impossible à représenter sur scène. Sauf la pièce de Perrin, qui offre une série de tableaux vivants, ces pièces décentrent donc l’action historique vers une anecdote secondaire, illustrant la précarité de la colonie, les méfaits du trafic d’alcool, l’ambition iroquoise. Tel est l’écueil que rencontre également Éva Circé-Côté dans Maisonneuve  (1921), qui emprunte les accents de la biographie fictive pour explorer les motivations du fondateur de Montréal, lequel observe finalement avec regret  : «  J’ai retrouvé ici les mêmes intrigues que j’avais fuies. Les mondes changent mais les hommes restent les mêmes. J’ai échappé à Richelieu pour tomber entre les mains des Jésuites 60 .  »

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