Utilisateur:Laetitia101020
Emotions et apprentissages
Introduction
Dans le domaine des sciences humaines, de nombreux chercheurs ont orienté leurs travaux sur la question de la cognition dans les apprentissages durant le XX° siècle mais c’est plus récemment que les émotions sont devenues un sujet de plus en plus abordé dans diverses disciplines. Désormais leur rôle de facilitateur ou d’inhibiteur dans les apprentissages est reconnu (Gendron), même si une définition précise et univoque de ce qu’est une émotion reste difficile à poser.
Ainsi s’opposent des points de vue sur le lien entre manifestations physiologiques d’une émotion et son évaluation cognitive et plus particulièrement sur l’engendrement de l’un par l’autre. Ce débat est particulièrement porté par James-Lange et Cannon-Bard appuyé par la vision purement biologique des émotions de Darwin et du courant de recherche qui en découle. Une perspective plus contemporaine, en lien avec le socio-constructivisme, définit les émotions en fonction du contexte social et culturel et rejette ainsi le déterminisme biologique précédemment décrit. Il semble intéressant de s’appuyer sur les deux visions existantes pour permettre de développer par la suite les différents liens entre émotions et apprentissages.
1. Rôle des émotions dans l’apprentissage
1.1. D’un point de vue biologique
Comme l’indique B. Gendron, les récents travaux sur le cerveau réalisés en neurosciences et par l’OCDE (2002) mettent en évidence l’impact des émotions sur l’apprentissage. Selon ces travaux, la région du cerveau appelé ≪ cerveau émotionnel ≫ a des connexions avec le cortex frontal et lorsque ces connexions sont affectées, suite au stress, la peur ou l’anxiété, le jugement social en souffre, ainsi que la performance cognitive. Au niveau structurel, on trouve :
§ Dans le cerveau deux structures, les amygdales et le nuccleus accumbens qui génèrent les émotions et une structure, le cortex pré-frontal qui régule les émotions.
§ Le système sympathique qui génère les manifestations physiques des émotions (par exemple l’accélération du rythme cardiaque)
1.2. D’un point de vue des Sciences Humaines
K. Scherer, un chercheur suisse, définit l’émotion comme un état composé par cinq dimensions : les pensées suscitées par la situation, les modifications biologiques, la mise en action, les modifications expressives et comportementales, l’expérience subjective. Avec cette définition, un processus cognitif apparaît notamment lors des trois phases relevant de l’évaluation de la situation, du choix d’actions qui en découle et enfin dans la perception finale. Par cette approche, il devient alors possible de lettre en place des formations pour agir sur ces composantes en vue d’une meilleure gestion des émotions bénéfique à d’autres apprentissages.
B. Rimé, un chercheur belge, met en avant l’importance du partage social des émotions. Tout enseignement est basé sur un lien social entre apprenant et enseignant qui va au-delà de la transmission de connaissances. L’enseignant est une personne qui va nouer un lien pédagogique ainsi qu’une relation affective avec l’élève. La dimension socio-affective est une composante de l’acte d’enseigner, au même titre que les dimensions conatives et cognitives. Cependant contrairement aux idées reçues, le fait d’exprimer ses émotions à autrui n’est nullement bénéfique par l’effet cathartique dont il est la représentation. Il n’y a pas d’effet direct au partage des émotions. Rimé liste ainsi les effets bénéfiques indirects :
- la restauration du sentiment d’appartenance, du lien social (je ne suis pas seul avec ces émotions).
- l’obtention d’affection, de chaleur, de tendresse (j’ai un retour empathique d’autrui).
- le développement de l’estime de soi, la valorisation (il n’y a pas de honte à avoir peur dans telle situation).
- une aide concrète pour faire évoluer la situation (j’ai le nom d’une personne spécialisée pour répondre à mes besoins).
- un accompagnement à la réévaluation cognitive (j’ai un regard extérieur à ma situation).
- une aide à la distraction (propositions d’activités qui me sortir d’une spirale négative).
Par la prise en compte de ces effets, l’enseignant peut ainsi créer un environnement facilitateur d’apprentissages.
2. Développement d’un capital émotionnel ou de compétences émotionnelles pour faciliter les apprentissages.
Tout apprentissage a pour but de développer des compétences (savoirs, savoirs-faire, savoirs-êtres) d’où la notion de compétence émotionnelle. Cependant de nombreux modèles existent et rendent difficile une définition précise de la compétence émotionnelle. Selon M. Mikolajczack, il se trouve néanmoins un « relatif consensus » selon lequel les « compétences émotionnelles se réfèrent aux différences dans la manière dont les individus identifient, expriment, comprennent, utilisent et régulent leurs émotions et celles d’autrui. […] Ces compétences se déclinent sur trois niveaux : connaissances, habiletés et dispositions. Le premier niveau est celui des connaissances. Ce niveau renvoie aux connaissances implicites et explicites de l’individu à propos de chacune des dimensions […]. Le second niveau est le niveau des habiletés. Ce niveau correspond à la capacité de l’individu à appliquer ses connaissances en situation émotionnelle. Le troisième niveau et celui des dispositions (ou traits). Ce niveau réfère à la propension de l’individu à se comporter de telle ou telle manière dans les situations émotionnelles en général ». Ainsi pour chaque dimension (identification, expression, compréhension, utilisation et régulation), la distinction des trois niveaux sera utile dans une démarche d’enseignement ou de formation d’un point de vue pratique sur deux axes : le diagnostic et l’accompagnement des apprenants. Par exemple, il sera intéressant pour le formateur de réfléchir sur quelles compétences émotionnelles il devra plus particulièrement s’attarder grâce à l’analyse du niveau plus particulièrement déficitaire et ainsi adapter ses contenus. Dans cette continuité, un manque réel au niveau des dispositions impliquera un suivi à long terme pour que les habiletés entrent dans le quotidien.
Avec la notion de « capital émotionnel » qui est l’ensemble des compétences émotionnelles, B. Gendron souligne l’importance de ce dernier dans le processus d’apprentissage grâce à une meilleure gestion des émotions en lien avec la régulation émotionnelle. Il s’agit alors de développer une intelligence émotionnelle, c’est-à-dire la capacité à reconnaître et à maîtriser les émotions en soi et chez les autres (Goleman et Cherniss 2001).
3. Applications/ Expérimentations
3.1. Dans le milieu scolaire
En France, dans les textes officiels en lien avec les programmes de l’Education Morale et Civique des compétences à acquerir en lien avec les émotions sont indiquées. Il s’agit du domaine de la culture de la sensibilité : ainsi les élèves doivent apprendre à identifier et exprimer en les régulant leurs émotions et leurs sentiments et connaître le vocabulaire des sentiments et des émotions abordés en situation d’enseignement.
Dans les établissements confrontés à la violence scolaire, notamment en Réseau d’Education Prioritaire, il existe des projets sur le développement des compétences psycho-sociales dont la gestion des émotions fait partie. Les enfants sont en train d’apprendre donc les émotions sont un sujet à part entière. Lorsqu’ils réagissent de manière inadaptée c’est qu’ils ne savent pas encore.
3.2. Dans la formation adulte
Les adultes, contrairement aux enfants, ont intégré des compétences émotionnelles donc l’approche va être différente. Quelques exemples :
- Formation initiale d’enseignants : professeurs stagiaires anglais, formation de futurs enseignants, métamorphose identitaire (Recherches en Education Dossier n°41)
- Formation initiale d’enseignants : créativité et émotions (Recherches en Education Dossier n°41)
- Etudiants en 1ère année de licence de Sciences de l’Education (Capital émotionnel en éducation et formation Enjeux, implications et retombées Bénédicte Gendron Eleni-Sofia Kouremenou)
- Etudiants dans le paramédical avec des pistes pour les formateurs transférables dans d’autres domaines de formation (« Émotions et apprentissage » Analyse des données sur les émotions perçues en formation paramédicale – M. Nagels)
Bibliographie
· « Le partage social des émotions », Bernard Rimé, 2009
· Chap. 13 Bénédicte Gendron « Capital émotionnel, cognition, performance et santé : quels liens ? »
« Du percept à la décision, Intégration de la cognition, l’émotion et la motivation » Sous la direction de S. Masmoudi, A. Naceur, 2010
· « Les compétences émotionnelles » Moïra Mikolajczak,
· Article : Capital émotionnel en éducation et formation Enjeux, implications et retombées Bénédicte Gendron Eleni-Sofia Kouremenou
· Recherches en Education Dossier n°41 – Juin 2020 – Apprendre avec le cœur : les émotions dans la formation enseignante
- Edito : Les émotions : l’avenir de la formation enseignante – C. Audrin
- Article : Les émotions dans la formation enseignante : une perspective historique – C. Audrin
- Article : Les émotions au service de la métamorphose identitaire des professeurs stagiaires d’anglais de l’académie de Créteil – M.-C. Lemarchand Chauvin
- Article : Emotions, apprentissage et créativité dans la formation enseignante. C. Audrin, A. Vuichard et I. Capron Puozzo
· Recherche « Émotions et apprentissage » Analyse des données sur les émotions perçues en formation paramédicale – M. Nagels