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Utilisateur:Jean-Christophe BENOIST/Bell

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Présentation et formulation simplifiée des inégalités de Bell[modifier | modifier le code]

Une analogie est possible pour présenter et faire comprendre les idées qui sous-tendent les inégalités de Bell[1].

Le but est de trouver des relations, des inégalités, que doivent mathématiquement respecter les corrélations entre des paramètres mesurés sur deux particules, qui ont été en interaction, puis séparées et ne pouvant communiquer l'une avec l'autre. Dans ce cas, ces corrélations doivent être déterminées par des variables fixées lors de l'interaction, puis véhiculées avec les particules (ce que l'on appelle des variables cachées).

Les mesures de la polarisation deux photons émis par une même source (et donc intriqués) présentent des corrélations, quelle que soit leur séparation physique au moment de la mesure. Si on fait passer un des photons dans un filtre polarisant, il possède une certaine probabilité de traverser le filtre, ou être absorbé, en fonction de l'inclinaison du filtre par rapport à sa polarisation. Si le filtre est parallèle à sa polarisation, le photon traversera le filtre avec une probabilité de 100%, si le filtre est incliné à 90° par rapport à la polarisation, il sera certainement absorbé. Les deux photons issus d'une même source ont la même polarité, et présentent un comportement prévisible, et corrélé, quand ils sont confrontés à un polarisateur :

  • Si les deux polarisateurs sont orientés dans la même direction, les deux photons se comportent toujours de la même façon (transmis ou absorbé selon l'angle du polarisateur avec la polarisation).
  • Si les deux polarisateurs sont inclinés avec un angle de 30° l'un par rapport à l'autre, alors les deux photons ont un comportement similaire dans exactement 3/4 des cas, et opposés dans 1/4 des cas.
  • Si les deux polarisateurs sont inclinés avec un angle de 60° l'un par rapport à l'autre, alors les deux photons ont un comportement similaire dans exactement 1/4 des cas, et opposés dans 3/4 des cas.

Plus généralement, la probabilité que le comportement des photons soit identique est de , avec α l'angle relatif des deux polarisateurs.

Admettons maintenant que nous demandions à deux personnes de se mettre d'accord sur une stratégie pour essayer de simuler le comportement des photons. Elles sont d'abord réunies dans une pièce où elles peuvent se concerter sur une stratégie, puis elles sont séparées dans deux pièces, sans aucun moyen de communication. Une fois séparées, on leur pose une série de questions sous la forme "0° ?", "30° ?", "60 °?", et elles doivent répondre "T" pour transmission et "A" pour absorption. Les questionneurs doivent poser leur question aléatoirement, sans connaitre la question posée par l'autre expérimentateur, et ignorer la stratégie adoptée par les deux personnes.

L'ensemble des réponses possibles est très restreint (trois questions, deux réponses possibles), et représenté par le tableau ci-dessous :

Ensembles de réponses possibles pour une mesure à un angle donné
30° 60°
Ensemble A (α) T T T
Ensemble B (β) A T T
Ensemble C (γ) T A T
Ensemble D (δ) T T A

Inverser les réponses ne change rien concernant le fait que les choix soient semblables ou différents entre les deux personnes, et répondre T/T/T ou A/A/A correspond donc au même ensemble A de réponses.

Une stratégie consiste à déterminer que on va utiliser l'ensemble A de réponses pour α % des questions, l'ensemble B pour β % des questions etc.. Une stratégie est donc entièrement déterminée par un quadruplet (α, β, γ, δ), tel que α + β + γ + δ = 1, et α, β, γ, δ >= 0.

Par exemple, avec la stratégie (1,0,0,0), les deux personnes arrivent à toujours simuler la bonne corrélation quand on leur présente les deux même questions (la même réponse), mais échouent à simuler les corrélations attendues dans les cas où "l'angle entre les deux questions" est 30° (3/4 de réponses égales) ou 60° (1/4 de réponses égales).

Comment choisir les paramètres (α, β, γ, δ) de manière à simuler correctement les corrélations des photons, sans communiquer, face à des questions aléatoires ?

Pour stratégie donnée, la probabilité de donner des réponses opposées pour la paire de questions "0° ?"-"60° ?" (ou inversement) est (β + δ) (consulter le tableau permet de s'en convaincre). De même, la probabilité de donner des réponses opposées à la paire de questions "0° ?"-"30° ?" est (β + γ), et pour "30° ?"-"60° ?" : (γ + δ).

Nous devons donc avoir, pour simuler les corrélations des photons :

  • (β + δ) = 0.75
  • (β + γ) = 0.25
  • (γ + δ) = 0.25

Le problème commence à apparaitre : d'un côté on doit avoir (β + γ) + (γ + δ) = 0.25 + 0.25 = 0.5
Mais d'un autre côté, (β + γ) + (γ + δ) = 2γ + (β + δ) = 2γ + 0.75
Donc, en réunissant les deux résultats, on doit avoir 2γ + 0.75 = 0.5, ce qui donne une valeur de γ = -0.125

Ceci est une probabilité négative, qui n'a aucune signification physique et ne peut exister en pratique.

On voit par cet exemple qu'il existe des relations mathématiquement nécessaires (correspondant à un ensemble d'hypothèses données) entre les corrélations de réponses, et que ces relations peuvent être violées, indiquant qu'une des hypothèses au moins est fausse.

Dans cet exemple, la relation mathématiquement nécessaire est l'inégalité :

L'inégalité de Bell est construite exactement sur ce principe et avec ces idées. Elle s'exprime différemment :

car Bell exprime l'inégalité en terme d'espérance mathématique (moyenne à long terme des valeurs mesurées), et prends en compte d'autres types de corrélations[1], mais l'idée est la même.

  1. a et b Cette présentation se fonde sur celle de Tim Maudlin Quantum Non-Locality & Relativity 3d edition Wiley-Blackwell 2011, p. 14 et suivantes