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Utilisateur:Fabrice Lanvin/Brouillon

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Introduction

De la fin du XVe siècle jusqu'au milieu du XXe siècle, la présence française en Amérique du Nord se révèle notamment importante pour la pêche à Terre-Neuve et dans toutes les régions environnantes se trouvant autour du golfe du Saint-Laurent (Acadie, Gaspésie, Labrador, Côte-Nord, Saint-Pierre et Miquelon). Cette économie permet, entre les XVIe-XVIIIe siècles, à un quart des marins français de vivre de leur métier, soit entre 12 000 et 15 000 personnes. Ces hommes sont sans surprise Bretons pour beaucoup, et notamment de Saint-Malo. Mais toutes les régions du Ponant (façade ouest) s'investissent dans cette pêche. Des Flamands de Dunkerque aux Basques de Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, en passant par les Normands, les Picards, les Hauts-Poitevins (future Vendéens) des Sables d'Olonne, les Rochelais et Saintongeais, les Bordelais, tous ont envoyé des navires vers les eaux canadiennes pour y pêcher la morue (ou cabillaud), dont les témoignages laissent trace d'une extraordinaire profusion aux siècles antérieurs.

I. Des débuts de la grande pêche à la Révolution

A) Un essor rapide et considérable (fin XVe-XVIe siècles)

À cette période, Terre-Neuve est alors un des premiers territoires fréquentés par les Européens en Amérique. Mais bien plus tôt, sur l'île de Cap-Breton, l'on sait qu'au IXe siècle, des moines irlandais fuyant leur monastère européen s'était retrouvé jusque de l'autre côté de l'Océan. Craignant les raids des Vikings ciblant la richesse des monastères de l'Europe de l'Ouest, ils avaient trouvé refuge un premier temps en Islande. Mais quand les Normands débarquent sur cette même île en 863, soit 50 ans après leurs premiers habitants, ces derniers fuient vers le Sud. Ils sont alors accueillis sur Cap-Breton par les Micmacs, peuple autochtone vivant dans la région. Terre-Neuve, quant à elle, sera habitée par des Vikings islandais dès le XIe siècle. Mais l’île sera rapidement désertée par ces premiers colons. Les historiens supposent que Terre-Neuve a été redécouverte par des pêcheurs bretons en 1481, d’importantes dîmes en morues étant payées à l’Église à cette date. Le Nouveau Monde aurait donc été fréquenté par des Français avant Colomb, mais les marins n’ont pas cherché à répandre cette découverte par peur de la concurrence qu’elle pouvait engendrer. Les eaux canadiennes sont en effet exceptionnellement poissonneuses car propices à la reproduction des morues grâce à d’importants courants mêlant les eaux du fleuve Saint-Laurent à celles du Gulf Stream. Ces eaux riches en plancton permettaient l’existence d’une abondante faune aquatique, et n’incitaient pas les bancs de cabillauds à faire de grande migration vers le pôle Nord ou les Caraïbes. L’île a été probablement accostée en 1497 par Jean Cabot, explorateur italien soutenu par des marchands anglais de Bristol ; puis par son fils Sébastien en 1508. Ces deux hommes exploraient la région pour trouver vainement un passage vers l'Asie. Les eaux de Terre-Neuve, du Labrador et du golfe du Saint-Laurent sont aussi fréquentées à cette époque par les frères Corte Real, navigateurs portugais. Près de vingt ans après, Giovanni da Verrazzano, au service de François Ier en 1524, longeait toutes les côtes atlantiques des actuels États-Unis et Canada dans l’espoir aussi de trouver une route vers la Chine, sans succès. Premier auteur du terme « Nouvelle-France », il a permis néanmoins à Jacques Cartier de fonder les espoirs de fondation d’une colonie en 1534. Quand le navigateur de Saint-Malo arriva en Amérique septentrionale pour prendre possession du Canada au nom de François Ier, il avait pu constater que les terre-neuviers français exploitaient déjà intensivement les bancs de morues à Terre-Neuve. J. Cartier croisa entre autres un terre-neuvas rochelais. L’abondance des prises suscite alors les convoitises de centaines de navires dès le XVIe siècle.

Cette grande pêche faisait rentrer les grands ports européens dans une nouvelle ère : celle des grandes expéditions lointaines, dite de haute mer ou « hauturière ». L’activité halieutique se distinguait par ce rapport à la longue distance : les autres pêches maritimes étaient surtout côtières en France avec comme principales prises les sardines, maquereaux, merlus, congres et poissons plats. Il existait également des pêches qui se faisaient plus au large comme celles du hareng dans la Manche et la mer du Nord, ou encore du thon rouge en Méditerranée. Le Carême et les jours maigres du calendrier catholique imposant la non-consommation de viande, le poisson était pour la population la principale source de protéines de son alimentation pendant 150 jours par an. Dès le XVIe siècle, la grande pêche hauturière allait devenir ce qu’on peut appeler une « économie du Carême ». Première pêche de France, sa flotte connaît un grand essor en passant d’une centaine de navires dans la décennie 1510 à cinq cents vers 158025. L’accroissement du nombre de terre-neuvas s’est surtout senti au milieu du siècle. À Bordeaux par exemple, le nombre d’armements pour Terre-Neuve passe de vingt par an en 1550 à une quarantaine en 1560. À cette date, La Rochelle arme 20 terre-neuvas. Rouen expédie 73 navires pour la grande pêche en 1549. En 1555, ses armements sont proches de la centaine avec 94 expéditions. Douze mille marins français étaient alors concernés par cette activité. Avec des morutiers bretons, normands, basques, rochelais, britanniques et portugais, la grande pêche devint très rapidement intense et appelée à durer. Elle était au XVIe siècle implicitement liée à la traite des fourrures car les terre-neuviers commerçaient avec les Amérindiens. Avec des débouchés dans de nombreuses provinces du Midi et du Ponant ainsi qu’en Italie et dans la péninsule ibérique, elle allait s’affirmer comme une économie internationale. Durant cette période d’expansion économique, environ 60 ports en Europe armaient des terre-neuvas pour l’Amérique du Nord. À la veille de la Révolution, la flotte morutière française comptait 400 navires, mobilisait entre 10 000-12 000 hommes, et rapportait en France environ 45 000 tonneaux de poissons par an. Durant toute l’époque moderne, les eaux canadiennes de Terre-Neuve, du Labrador, d’Acadie et de Gaspésie forment l’une des plus grandes zones de pêche du monde.

Comme toutes les autres pêches maritimes, l’activité hauturière reposait sur trois conditions : une ressource suffisante et durable, un marché compétitif et des conditions économiques et sociales suffisamment attractives pour retenir la main-d’œuvre et les capitaux. La grande pêche stimulait l’ensemble de son économie. Elle impliquait la construction navale, les marais salants, le ravitaillement des navires et la production agricole dont ils dépendaient. De la paysannerie aux négociants, la grande pêche en Amérique du Nord était une vaste économie fournissant une activité aux agriculteurs, marins, ouvriers des chantiers navals, commerçants, fonctionnaires, notaires et armateurs.