Utilisateur:Dartagnan987/Brouillon
Hommage à la Jeanne d'Arc
[modifier | modifier le code]Cette coque, Q860, que les Bordelais peuvent voir aujourd’hui, amarrée au quai à Bassens n’est que l’ombre d’un des plus célèbres bâtiments de la marine nationale. Il offrit à beaucoup de marins, officiers, officiers mariniers, quartiers-maîtres et matelots la possibilité de vivre des moments exceptionnels. 860, coïncidence ou non, c’est aussi le nombre d’hommes et de femmes qui vivaient à bord de la Jeanne d’Arc pendant les campagnes d’application. Ses « mensurations » 181 m de long, 24m de large, 6 ponts, 3 plateformes. Vivre ensemble dans un espace relativement confiné, impose un respect de règles de vie. Lorsque l’on embarque sur un grand bâtiment, le 1er jour à bord est une journée de repérage, nécessaire. Où se trouve mon poste de travail, où je dors, où je déjeune, où se trouve mon poste de combat, quel est le sens (obligatoire) des escaliers ? La reconnaissance des lieux est obligée. Ensuite il est important de connaître les personnes avec qui l’on travaille. D’abord il y a le pacha, terme qui désigne le commandant, qui sur la « Jeanne » était un capitaine de vaisseau. C’est bien sûr le personnage le plus important à bord, mais il y en a bien d’autres. Ensuite, mais cela reste subjectif. Il y a le capitaine d’armes, surnommé le « bidel », sorte de shérif qui gère tous les aspects disciplinaires de la vie à bord. L’origine de ce mot, sous toute réserve, viendrait du nom d’un directeur de ménagerie qui avait élaboré un règlement extrêmement précis pour ses employés… mais pas sûr. Les anciens se souviennent du nom de leur pacha et bien souvent de celui de leur bidel. Quant aux escales, elles sont gravées dans leur mémoire avec une chronologie parfaite. La personnalité du capitaine d’armes influence l’ambiance de la vie à bord. Issu de la spécialité de fusilier, ce personnage et ses adjoints sont là pour rappeler à l’ordre les quelques rares « mauvais esprits » qui seraient à bord. D’autres personnages tel que le boulanger qui prépare le pain frais tous les jours et les croissants le dimanche, l’aumônier bien sûr qui est là pour écouter et soutenir, l’agent postal qui nous alimente en courrier, le coiffeur, le cordonnier et bien d’autres encore ont aussi une grande importance dans la vie du bord. Sur la « Jeanne » toutes les nombreuses spécialités de la marine étaient représentées. Il y avait même un maître d’escrime, appelé familièrement le « pique-boyau ». Une émission télé relatait les news nationales et internationales dans chaque poste et des jeux télévisés interservices étaient organisés. Cela donnait lieu à des fou-rires collectifs, à d’épiques contestations et quelques réparties restées célèbres. Le dimanche, des compétitions sportives étaient organisées sur le pont d’envol lorsque les opérations aéronautiques étaient au repos. Idem le soir avant le coucher du soleil, les sportifs faisaient leur footing, les rugbymen répétaient, leurs gammes avec une « gonfle » légèrement dégonflée, les volleyeurs s’entrainaient sur l’ascenseur aviation, avec pour ciel un grand filet récupérateur. Il y avait également une salle de musculation, salle transformée en poste d’habitation lorsque les personnels féminins de l’équipage ont embarqué. Le premier personnel féminin ayant embarqué fut une élève officier des affaires maritimes. C’était pour la campagne 78-79. Malheureusement elle n’est plus là pour nous dire qu’elles ont été ses premières impressions. Pour les grandes fêtes passées à la mer, Noël ou 1er de l’an, des spectacles étaient organisés, prestidigitation, jongleurs, sketches en tous genres, escrime ancienne, comédies, dans le hangar aviation. Tous les personnels du bord, le pacha en tête, étaient présents à ces festivités. De célèbres personnages du show-biz, peu connus à l’époque, ont fait leur service militaire à bord de ce navire et beaucoup ont contribué à l’organisation de ces réjouissances. Mais la « Jeanne », c’était aussi pour beaucoup la possibilité de découvrir de nouvelles contrées. Chaque campagne permettait de visiter au minimum une quinzaine de pays. Bien sûr une escale d’une semaine était un peu courte pour estimer justement un pays. Néanmoins l’on s’arrangeait toujours pour visiter les sites uniques de certains pays. Les préparations d’une escale étaient très importantes. Les jours précédant celle-ci, dans les différents postes ou carrés, les commentaires et les conseils allaient bon train. Les anciens indiquant aux plus jeunes, les « coins » à voir et ceux à éviter. Dans le même esprit, la veille, étaient distribués les fameux NPV, sigle désignant la « Note Pour Visiter », qui permettait à chacune ou chacun de posséder un guide touristique et d’orienter son escale, ses visites selon ses aspirations. L’arrivée dans un pays restait toujours un moment privilégié, d’une part par la beauté des paysages que l’on rencontrait, mais aussi par cet instant magique où l’on découvrait petit à petit les contours de la terre sur l’horizon. Mouettes et goélands étaient déjà venus nous saluer, signalant ainsi sa proximité. Puis la « Jeanne » se présentait à l’entrée du port, le matin sous le soleil levant. Parfois quelques fumées se distinguaient à l’horizon. Alors se succédaient les sonneries du matin, le branlebas, le petit déjeuner, la propreté, la mise au travail, puis venait enfin celle du poste de manœuvre. Chacun rejoignait son poste. Tous les personnels à l’extérieur du bâtiment et donc visibles par la population accueillante, revêtaient leur tenue de sortie. Tenue qui pouvait être en fonction de l’escale et de la température extérieure, blanche, panachée ou bleue. Alignés sur le pont mais toujours prêts à manier lances-amarres et aussières, les marins observaient maintenant les contours de la ville et du port. Parfois des embarcations venaient à notre rencontre. Puis les canons de salut se faisaient entendre, ceux de la terre répondant à ceux du bord. Dans ces échanges respectueux du protocole, l’on pouvait observer la fumée du coup de canon alors que le bruit de la détonation ne nous était pas encore parvenu. Déjà on se préparait à la manœuvre d’accostage. Les pommes des lance-amarres fusaient alors sur le quai et les marins des ports tournaient rapidement les aussières sur les bites d’amarrage. Les amarres passées, le premier à poser le pied à terre était le Pacha, lequel rendait visite à l’autorité qui nous recevait. Et c’est seulement à son retour que nous pouvions alors descendre à terre. Souvent une foule considérable nous attendait sur le quai. La venue de la « Jeanne » n’était pas anodine. Les autochtones s’y préparaient bien à l’avance et de nombreuses invitations à des cocktails, à des dîners étaient lancées aux marins. Certains faisaient venir leur famille aux escales et c’était un grand moment de retrouvailles, et de larmes aussi quand à nouveau il fallait reprendre la mer. La durée des campagnes pouvait être de 6 mois, et ce n’était pas toujours facile pour une épouse de marin d’assurer seule le quotidien. Rendons-leur hommage ! Pendant ces escales étaient organisées des rencontres sportives, des excursions, des visites...Occasions d’échanges avec la population, mais aussi possibilité de parfaire ses connaissances des langues étrangères. Pour celles et ceux qui maîtrisaient l’anglais et l’espagnol, les choses étaient plus faciles mais chacun malgré ces handicaps linguistiques, arrivait à se débrouiller pour se faire comprendre. Il y aurait d’inénarrables histoires à conter, les unes plus extraordinaires ou délirantes que les autres. La « Jeanne » n’était pas un bâtiment ordinaire et ceux qui ont eu le privilège d’y embarquer se souviendront à jamais des épisodes qu’ils ont vécus. Le jour de l’appareillage, le poste de manœuvre terminé, on « mettait » au poste de combat. Bien que le contrôle du retour des permissionnaires ait été déjà fait, la mise au poste de combat permettait de savoir si tout le monde était à bord. De même, chaque jour de la semaine, sauf le dimanche, on appelait à ce poste afin de vérifier l’effectif de tout le bord. Le lendemain des escales, quand on reprenait la mer, les coursives étaient vides ou presque. Seuls les personnels de quart veillaient au bon fonctionnement du navire. Et puis à l’heure des repas, chacun racontait comment il avait vécu son escale. C’était souvent de grands moments de rire. Par cette expérience maritime, moi le Floiracais de naissance que je suis, j’ai découvert une partie de notre planète. Aujourd’hui si je vis dans une île paradisiaque du Pacifique, c’est sans doute parce que j’ai rencontré grâce à la « Jeanne » d’autres horizons. J’aime cependant revenir en France chaque fois que je le peux, car j’aime le Sud-ouest où je suis né, ses habitants, ses coutumes, ses champignons, son vin et son foie gras. Le tout bien sûr avec modération. Non, la Jeanne n’est pas qu’un tas de ferraille voué à la destruction, elle demeurera toujours dans l’esprit des gens de la « Royale » un merveilleux navire où des milliers d’hommes et de femmes ont eu la chance de découvrir des peuples et des contrées de notre terre. Pour conclure ce témoignage, j’aimerais vous faire partager cette citation de Jean Fourastié:
« L’histoire du monde est celle des guetteurs, des vigiles, de ceux qui veillent aux créneaux, aux chevets des malades, à l’entretien du feu, et au large sur l’immensité de la mer”
Signé JMD