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Utilisateur:Brazza7591/Brouillon

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Thauvenay est un village martyr de la seconde guerre mondiale, le document qui va suivre est issu de la Mairie de ce village dont le Maire s'est attaché à recueillir et écrire les témoignages directs des survivants. Ce document est disponible à tous en s'adressant à la Mairie de Thauvenay, c'est avec l'autorisation du Maire que ces pages sont retranscrites ici. [1]

recueil de témoignages sur les événements de la dernière guerre

AVANT PROPOS[2] La pudeur et la douleur sont encore vives chez les personnes ayant habité à Thauvenay au moment du drame. J’ai ici intégralement retranscrit le témoignage de ceux qui ont bien voulu parler de ces évènements. Il leur a été souvent difficile d’évoquer ces souvenirs de larmes et de sang. Pour notre mémoire, qu’ils en soient remerciés. Ce recueil est aussi un hommage à mes grands parents, qui par leur courage et leur intervention firent cesser ce massacre et mon grand père Maire de Thauvenay fut, pour la seconde fois, emprisonné au Bordiot à Bourges. Benoit de Choulot Maire de Thauvenay

TEMOIGNAGES SUR LE MITRAILLAGE DU TRAIN A THAUVENAY le 16 juin 1940

Thauvenay, le 28 septembre 2007, Monsieur Bernard Gigot, J’en suis sûr, ces événements ont eu lieu le dimanche 16 juin 1940 et non le 18. J’avais 11 ans, nous n’étions pas à l’école, mais entre le chemin de Bernon et l’école en train de manger des guignes. Le train s’est arrêté dans la grande tranchée, entre la maisonnette de Fretoy et la gare. Il allait vers Bourges. Les avions étaient 17, ils étaient Italiens, c’était du bimoteur. Les avions ont tourné plusieurs fois, lâchant de nombreuses bombes de 25 kg. Six ou sept morts furent déposés ans le cellier de Maurice Lerouge. Deux ou trois soldats ont été enterrés à Fretoy, dans le jardin d’Armand Debret. Un ou deux soldats ont été retrouvés plusieurs jours après dans les bois. On m’a dit qu’il y avait eu 52 morts, c’était le même jour que les bombardements des pétroles de Saint Satur. Noms des Victimes : Louis DERENDINGER René VITRANT Albert BEAUME


Thauvenay, le 27 septembre 2007, Monsieur Bernard Nicolle, Tout d’abord je suis quasiment sur que ces événements n’ont pas eu lieu le 18 juin comme présenté sur la plaque commémorative mais deux à trois jours avant car le 18 juin nous étions partis en exode, c’était le jour ou le pont de St Thibault a sauté, dans notre exode nous nous sommes arrêtés aux Chapelles de Gron. En 1940, j’avais 11 ans. En début d’après midi, vers 14/15 heures, un train, convoyant des blessés et des militaires permissionnaires en direction de Bourges, s’est arrêté sur la voie ferrée au-dessus de Fretoy. Ce train était court et a sifflé longuement, pour signaler son arrêt près de 100 mètres avant la maisonnette de Fretoy et peu après l’ancien passage à niveau sans maisonnette, qui n’existe plus aujourd’hui. Son arrêt était provoqué par l’arrivée d’avions venant du nord/nord ouest. Ces avions portaient une croix noire que j’ai très bien distinguée, j’en suis absolument sûr et le bout de leurs ailes était carré. Tout le monde s’accorde pour affirmer que ces avions étaient Italiens. Nous étions à notre maison, proche du lavoir, et dès l’alerte mon père, pour nous protéger, boucha la fenêtre avec un gros matelas que nous avions. Puis très rapidement après le premier passage des avions, nous sommes allés nous réfugier dans la cave de Maurice Laloue, très proche de la maison. Nous y étions nombreux et entassés, une jeune maman choquée et fragile était avec nous, j’ai ensuite appris qu’elle avait perdu son bébé et qu’elle était morte d’une pneumonie ou quelque chose dans ce genre, peut être la tuberculose. Lors du premier passage, les bombes larguées n’ont pas touché le train, elles sont tombées tout près, au-dessus de la ligne de chemin de fer, dans des parcelles qui aujourd’hui sont plantées en vigne, mais qui ne l’étaient pas à l’époque. Ces bombes on fait d’importants trous de plus de trois mètre de diamètre. Les avions sont alors revenus en arrière, virant sur l’aile au dessus de la gare de Thauvenay et, ayant sans aucun doute repéré les soldats et blessés qui se réfugiaient dans les bois, ont largué le reste de leurs bombes dans le bois des Devries au-delà du jardin de la maisonnette où étaient les blessés et soldats permissionnaires. Plusieurs d’entre eux furent tués par ces bombes, deux furent enterrés sur place dans le jardin du garde barrière et un au cimetière communal. Aujourd’hui, ces tombes ont été relevées par les familles mais il reste encore une tombe au cimetière communal. 54 bombes tombant en chapelet furent envoyées ce jour là. Notre ami « Cannot » (Mr Pichelet), qui habitait près de chez Armand Debré et qui était sourd comme un pot, s’écriait en regardant les bombes tomber « Oh ! Les bidons d’huile, Oh ! Les bidons d’huile ! »

Je me rappelle que les bois étaient massacrés par ces bombes et que le Comte de Choulot a fait venir un fendeur de bois sachant faire du mérin, Monsieur Lenoir, pour sauver ce qui pouvait l’être. Cet homme était aidé par le père Moreux et le père Tournefier (grand père de Bernard).

Noms des Victimes : Louis DERENDINGER René VITRANT Albert BEAUME

Thauvenay, le 27 septembre 2007, Madame Huguette Boulay, TEMOIGNAGE SUR LE MITRAILLAGE DU TRAIN A THAUVENAY le 18 juin 1940 J’avais 11 ans lors de ces évènements, j’étais au lavoir avec une mère de famille des réfugiés qui s’étaient arrêtés avec leurs deux camions dans notre cour. Il me semble que c’était en début d’après midi, et dès les premières bombes, nous nous sommes réfugiés dans la cave de Maurice Laloue en face du lavoir. Le train s’était arrêté juste au- dessus de Fretoy, je ne me rappelle plus dans quel sens il circulait, mais les avions sont venus du nord la première fois. Les soldats tués furent enterrés près de la maisonnette du garde barrière de Fretoy. Je me rappelle très bien de ces jeunes soldats enterrés, là nous allions les voir et que nous étions impressionnés par leurs casques posés au sommet de la croix de chaque tombe. La plupart des bombes sont tombées au dessus de la voie ferrée mais celles qui firent des victimes tombèrent dans le bois. Les réfugiés, avec leurs camions, nous ont proposé de partir avec eux, mais nous avons préféré rester chez nous. Nous sommes restés longtemps en contact avec ces personnes. Noms des Victimes : Louis DERENDINGER René VITRANT Albert BEAUME

Thauvenay, le 4 octobre 2007, Monsieur Jean de Choulot TEMOIGNAGE SUR LE MITRAILLAGE DU TRAIN A THAUVENAY de juin 1940 , Ce dimanche avec mon frère Paul nous étions à Thauvenay au Château. J’avais 17 ans et 8 mois, avec Paul dès les premiers feux nous sommes montés aux Grandes Ecuries. Jeunes vifs et fougueux nous allions retrouver le poste des territoriaux chargés de la protection du viaduc de Thauvenay. Ils étaient quatre ou cinq, équipés d’un fusil mitrailleur et de quelques Lebel. Reigner de Santranges en était le Caporal et nous avons avec Paul essayé de leur emprunter leurs fusils pour tirer sur ses avions, ils ne nous ont pas laissé faire estimant que cela était trop dangereux. Mon grand père Reille était à Thauvenay ce jour là et quand nous lui avons dit notre intention de partir (les bruits de la France libre existaient déjà) il se préparait à partir pour Carmaux ou Toulouse et il nous a emmené dès le lendemain en voiture avec lui. Nous sommes partis le 17 juin et le 18 j’ai entendu de mes propres oreilles l’appel de de Gaulle. Je me rappelle des mots de mon grand père Reille nous disant à Paul et à moi : « il ne faut pas réfléchir, il faut se battre ». A cette époque tout le monde ne comprenait pas tout ce qu’il se passait ou n’avait pas les informations. Pour la suite des évènements à Thauvenay je confirme les propos de Bernard Nicolle sans en être témoin oculaire. Ce jour un soldat de Thauvenay, un Branger fils d’Hyppolite Branger garde de chasse de nos terres et bois fut tué à Saint Satur par les tirs de ces avions. A Toulouse mon grand père nous a donc laissé partir pour rejoindre les forces libres. Le 20 ou le 21 nous sommes arrivés à Bayonne (c’était le jour de l’armistice) pour nous embarquer dans le premier bateau pour l’Angleterre. Au port on nous a indiqué un bateau Polonais qui embarquait des troupes et nous sommes montés à son bord. Ce navire ne partant pas, nous sommes alors allés sur un navire Belge ou l’on nous à dans un premier temps acceptés. Très vite, l’équipage nous a fait débarquer car priorité était donnée aux personnes de nationalité Belge. C’est à ce moment que lors d’un contrôle des Allemands nous fument tous les deux arrêtés.

Thauvenay, le 11 octobre 2007, Monsieur Roger Mollet, TEMOIGNAGE SUR LE MITRAILLAGE DU TRAIN A THAUVENAY de juin 1940 J’avais quinze ans et était dans le bourg de Thauvenay, je ne sais plus précisément ou. Le train s’est arrêté entre la maisonnette de Fretoy et la gare de Thauvenay. Les mitraillages ont été effectués par des avions Italiens et cela a duré sans doute 15 à 20 minutes. Les morts n’ont été relevés que quelques jours après, ils étaient au nombre de trois. Mais j’ai toujours pensé que le nombre de victimes était beaucoup plus important et que les militaires ont embarqué dans le train des victimes non comptabilisé sur la commune de Thauvenay. L’habitant de Thauvenay n’étant pas forcément informé de ce qui s’était réellement passé dans la grande tranchée. Le train étant reparti rapidement après l’attaque il n’y a pas eu de témoins pour dire si oui ou non des morts ou blessés supplémentaires repartirent avec ce train.

Thauvenay, le 26 septembre 2007, Madame Yvette Masdier, TEMOIGNAGE SUR LE MITRAILLAGE DU TRAIN A THAUVENAY le 18 juin 1940 Ce jour là, j’étais chez mes grands parents Charlemagne et Charlotte Lepresle au milieu du bourg de Fretoy. Cette maison est aujourd’hui repérable car elle est juste après la maison portant une plaque à la mémoire de Monsieur Candré. Il était 16 heures et dans la cour de mes grands parents deux camions de réfugiés s’étaient arrêtés. Ces camions, outre leurs passagers, contenaient les biens de ces personnes mais aussi d’importantes réserves de carburant. Lors des premiers mitraillages ils nous ont crié « Couchez vous, couchez vous », ce que nous avons fait restant proche de ces camions dangereusement chargés d’essence ! Les mitraillages visaient le train faisant la liaison Cosne sur Loire / Bourges avec peut être un arrêt à la gare de Thauvenay. Le train c’est arrêté au dessus de Fretoy légèrement au Nord du garde barrière. Le passage des avions Italiens a duré environs 30 minutes mitraillant et lâchant des bombes dont de nombreux impacts furent longtemps visibles dans les vignes au dessus de la voie ferrée, d’autres existent encore aujourd’hui dans le bois de la Motte Corot. Une partie de la population s’est réfugiée dans la cave de Maurice Laloue en face du lavoir, d’autres en particulier les soldats sont allés se cacher dans la Motte Corot qui représentait un couvert proche du train arrêté. La croix établie sur la route menant à Vinon et avant le garde barrière fut édifiée à la mémoire des trois soldats abattus durant cette attaque meurtrière. Aucune victime civile ne fut à déplorer ce jour là.

Cosne le 20 juillet 2009 Monsieur Jean Coquillat TEMOIGNAGE SUR LE MITRAILLAGE DU TRAIN J’avais à peine 5 ans. Le jour de l’évènement (ciel bleu et grand beau temps) apparait connu de tous. L’heure est imprécise dans ma mémoire (début d’après midi probablement) Pourquoi suis-je présent à Fretoy ? L’exode, le matin départ de Maizières (commune de Garchy 58). Nous quittons la rive droite de la Loire, mon grand père, ma mère, mon frère et moi avec un charretier Monsieur Bailly son cheval et un tombereau plein d’objets divers. La Loire frontière naturelle doit arrêter la progression des troupes Allemandes Chemin faisant, deux soldats Français affamés, un peu perdus se joignent à nous à l’invitation de mon grand père. Un train sanitaire, ramenant des soldats blessés du front, stoppe sur la voie ferrée Cosne-Bourges juste au dessus de la maison de mon grand père (Alexandre Lerouge) devenue ensuite la maison de monsieur et Madame Nicolle à Fretoy. Moins de 100 mètres séparent la maison du train. Quel est l’emplacement exact du train ? Je ne le sais, mais les décennies passent et la mémoire locale le fait avancer de plus en plus dans la tranchée près de la maisonnette. Je suis tout à fait d’accord avec la localisation évoquée par Bernard Nicolle. Des avions, 3 ou 4 de fabrication Italienne survolent le train et mitraillent. Je les vois suivre le tracé de la voie ferrée dans le sens Cosne Bourges. C’est leur premier passage, surprise et affolement ! Les deux militaires de rencontre bien avant la venue du train, commencent à se raser avec le rasoir à grande lame (dit sabre) de mon grand père, au coin de la maison près de l’auge. Une balle (à ailettes), de mitrailleuse se fiche dans la paroi de l’auge à quelques centimètres du pied droit de l’un d’eux. Celui-ci recule surpris. Cette balle avec une de ces deux ailettes, écrasée et partiellement fondue, fut longtemps conservée dans un tiroir). Au rasage inachevé (l’un à la joue droite rasée, l’autre le visage complètement couvert de savon) succède une course organisée. Mon grand père, ancien de la guerre 14-18, dirige l’opération sur ce terrain qu’il connait bien. - Traversée du jardin et du verger en courant, - Franchissement de la clôture du haut de la propriété vers les actuels bungalows, (je fus aidé par des bras énergiques). - Quelques enjambées au travers de la route étroite et pierreuse, - Plat ventre collectif en contre bas de l’épaisse haie (un militaire jette sa capote sur mon pull rouge) du verger de Monsieur Galopin. - Puis attente. Je ne vois plus rien. J’entends les avions passer trois ou quatre fois, la mitraille du premier passage s’accompagne d’un bombardement. Les explosions inquiètent. Aucune bombe n’atteindra le train. Une vingtaine de minutes plus tard, le calme revient. Le groupe se relève hébété, mais sain et sauf. Il se dirige par la route vers la maison (hébété, maintenant on dirait stressé !). Près du train une agitation règne. L’a partie de l’escorte sanitaire en fuite revient et reprend sa place dans le train. Des blessés sortis du train remontent. Tentative individuelle de fuite des plus valides ou tentative d’évacuation collective, je ne sais. Puis je vois le train repartir lentement. La durée de l’évènement, peut être une demi-heure.

Les deux militaires non rasés : - Refuse de prendre un repas jugeant le lieu peu sûr. - Reprennent leurs bicyclettes avec quelques victuailles fournies par mon grand père. - Disent un au revoir rapide et se dirigent vers Vinon. Le lendemain ou quelques jours plus tard les corps de trois militaires, retrouvés dans le bois de la maisonnette, déposés temporairement dans la cave de mon grand père, trouvent une sépulture sur la Commune de Thauvenay. La mémoire épisodique permet de retenir, ici, la violence et les moyens d’y échapper (fuite, protection). Je ne me souviens absolument pas de ce qui concerne ma mère, mon frère et Monsieur Galopin qui étaient probablement sur les lieux pendant cette séquence intense de ma vie. Cette mémoire épisodique donne l’impression de revivre l’évènement initial. Mes remerciements vont à Madame Monique Bontoux qui m’a informé de la commémoration de ce 13 juillet 2009 à Thauvenay et à Monsieur le Maire de Thauvenay, Monsieur Benoit de Choulot qui m’a invité à écrire ce témoignage

TEMOIGNAGES SUR LE MASSACRE ET L’INCENDIE DE THAUVENAY le 25 juin 1944

Thauvenay, le 11 octobre 2007, Monsieur Roger Mollet, TEMOIGNAGE SUR L’INCENDIE DE THAUVENAY Cela c’est passé le 24 juin et vers 15 heures, est passé un camion de militaires Allemands venant de la Commandanture de Cosne. Ils sont descendus et ont effectué un contrôle des papiers. Rien ne se serait passé si l’un des jeunes présents à ce moment là n’avait pas tenté de se cacher en sautant dans la rivière. Un des soldats voyant le fuyard a alors lâché une rafale de mitraillette tuant mes deux frères et blessant Henri Douce au pied, Gérard Bouet pris une balle dans le bras droit et une autre dans le gauche cassant l’os. Quand à moi une balle m’est rentrée dans le cou sans toucher la colonne vertébrale mais ressortant plus bas dans mon dos. Ensuite ma sœur Germaine a accompagné le chef des soldats jusqu’à la maison du jeune homme et sur le seuil de la maison le soldat s’est fait abattre. Dans cette maison se cachait un garçon de Ménétréol soit disant maquisard. mais sans doute plus intéressé par la jeune fille qui y habitait… Il était armé et lui aussi a sans doute pris peur et a fait feu pour se protéger. Très vite les représailles ont commencées. Tous se sont cachés car les Allemands arrêtaient tout le monde. Les trois blessés que nous étions furent emmenés au château ou furent regroupé toutes les personnes prises au hasard par les Allemands. Nous étions trop blessés pour être fusillés mais les quatre hommes valides pris dans la rafle furent fusillés dans le parc du château. C’est aussi à ce moment que fut tué le jeune Raymond Voyement. Les soldats nous ont obligé à descendre les morts jusqu’à leur camion resté sur la place de Thauvenay, nous avons nous même chargé avec mon père mes deux frères tués au début. Monsieur le comte Paul de Choulot est intervenu pour que cesse la mise à feu du village et s’est livré en otage avec nous. Nous fumes emmené tout de suite à la commandanture de Cosne, puis le lendemain transférés à la Gestapo de Bourges rue Michel. Nous sommes restés une semaine au Bordiot, nos effets personnels nous ont été pris en entrant en cellule et nous ont tous été restitués. Nous n’avions pas grand chose mais Monsieur le Comte avait une très belle montre en or qu’il lui a été aussi rendu. Je me souviens que j’étais dans la cellule n°100 et que j’ai servi de modèle à un dessinateur, moi couvert de pansements au tour de la tête et du cou. Nous avons été libérés huit jours après, le mardi et nous avons pris la route à pied en direction de Sancerre. Monsieur le Comte gérait à l’époque une propriété proche de l’actuel cimetière de Bourges et qui n’existe plus aujourd’hui. Il en connaissait bien le fermier, un Maîtrepierre, qui nous accueillit fort bien, nous abreuvant et nous nourrissant avec cœur. Le lendemain, avec un attelage nous nous sommes rendu jusqu’aux Aix d’Angillon puis avons profité d’un camion pour être emmené à Bué. A cet endroit le docteur Mainguy passant avec son automobile et voyant dans quel état j’étais m’a emmené me faire soigner sérieusement à Sancerre. Les autres dont Monsieur le Comte ont regagné Thauvenay à pied. Je n’ai revu Thauvenay que trois semaines après.

Thauvenay, le 4 octobre 2007, Monsieur Bernard Nicolle, TEMOIGNAGE SUR L’INCENDIE DE THAUVENAY Le 24 juin, j’allais avoir 15 ans au mois d’août, j’étais à la pêche au pont du canal avec un camarade (Maurice Durand, qui logeait chez KIKI Bardot). Nous pêchions sans hameçons sur les passerelles en bois quand nous avons entendu les premiers mitraillages. En suite se sont élevées des fumées blanches venant du village puis rapidement les fumées sont devenues noires et très importantes. Nous avons plié rapidement nos gaules comprenant que quelque chose de grave se passait à Thauvenay. Nous somme rentrés à Fretoy par la rue des Moulins. Lorsque je suis arrivé chez nous tout le monde disait que Thauvenay brûlait. Mon père qui avait une chemise blanche ce jour là est sorti, des Allemands se trouvant près de la maison Léger lâchèrent une rafale qui lui siffla dans les oreilles. Ce soir là les bruits courraient que les Allemands ramassaient les hommes, nous sommes donc allés mon père et moi dormir à St Bouize chez mon oncle Désiré Nicolle. Le lendemain nous sommes revenus à Fretoy les bruits disaient qu’ils allaient toujours revenir et c’est là que nous nous sommes cachés avec une partie de la population au bois de la Ruesse. En fait les Allemands ne sont pas revenus, le lendemain se sont des pompiers qui sont venus pour terminer d’éteindre les feux. Par précaution nous sommes comme la veille retournés dormir à St Bouize. Dès le troisième jour nous avons su ce qu’il s’était passé dans Thauvenay. Il y a une petite place avec un coin agréable, un petit pont et un déversoir. Dans l’après midi du 24 des gens du village étaient à cet endroit quand un camion Allemand découvert voyant l’attroupement c’est arrêté, il venait de St Satur. Les soldats sont descendus pour contrôler les papiers des personnes présentes, un jeune homme d’une vingtaine d’années, prenant sans doute peur car il n’avait pas ses papiers, a tenté de se cacher dans le fossé tout proche. Croyant à un coup fourré un Allemand envoya alors une rafale de sa mitraillette. Maurice et Robert Mollet furent tués sur le coup, tandis que Roger Mollet (qui habite aujourd’hui à Jalogne) pris une balle dans le cou et Gérard Bouet une dans le ventre. Les deux blessés furent soignés à l’hôpital de Sancerre. Aussitôt le chef des Allemands, un Feldwebel, accompagné de Germaine Mollet (la sœur des victimes) partirent chez les parents du jeune homme qui avait tenté de se cacher, pour y contrôler ces papiers. Dans cette maison un garçon de Ménétréol, armé était caché (peut être un résistant appartenant au groupe du Capitaine Daniel). Lorsque l’Allemand fit irruption dans la maison cet homme fit feu et tua le militaire qui dans sa chute mortelle tira une rafale de sa mitraillette à l’entrée de la maison. Aussitôt alertés et constatant la mort de leur chef les soldats Allemands entreprirent des représailles. Ils tirèrent de nombreux coups de feu et se mirent à brûler les maisons en y lançant des grenades incendiaires munies d’un manche court. Ils sortirent les fûts de vin du père Louis en burent et poursuivirent la mise à feu des maisons. Ils les ont fait brûler jusqu’à celle du père Langou et avant celle d’Edouard Lacroix. Le grand père de Bruno Sergent, Monsieur Perrot qui était au domaine du Guenetin a monté la levée du canal et une rafale de mitraillette est partie en sa direction. Au nord le Haras n’a pas été touché. Les occupants de la maison toute proche, (celle des parents du jeune homme qui avait tenté de se cacher), se sont réfugiés dans les boxes ou cabinets du haras jouxtant leur maison. Les soldats ont brûlé le côté ouest de l’ancienne église. Pendant ce temps toutes les personnes passant dans le village furent arrêtées. C’est comme cela que furent pris les otages. Je connaissais deux des garçons qui ont été pris, Roland Doucet qui descendait à bicyclette la côte du château, et sur la route de St Bouize Robert Lavevre. Les soldats ont chargé les deux frères Mollet tués, dans leur camion en obligeant leur père à les monter. Ils ont ensuite rassemblé les personnes qu’ils avaient arrêté (pas forcement des gens de Thauvenay d’ailleurs). Ces personnes au nombre de sept furent fusillées dans le parc du château. C’est à ce moment que fut aussi tué le jeune Raymond Voyement dans un escalier du château, porté dans ces bras par Thérèse Gaucher ( le père de Thérèse était à l’époque chauffeur de Monsieur le Comte).

Durant la mise à feu du village, lorsque les soldats sont arrivés à la maison de Lucien Boué et de Robert Lesage, un soldat leur a fait comprendre qu’il fallait sortir des maisons tout ce qu’ils pouvaient sauver très vite avant le feu.

Ils ont donc rapidement entassé dans le jardin des effets. Un autre soldat est alors arrivé en furie et a brûlé tout ce qui était précieusement sorti dehors. Parmi ces objets il y avait deux dames Jeanne d’eau de vie qui ont explosées. Ils ont ensuite arrêté Monsieur le Comte de Choulot, Maire de Thauvenay, ainsi que Lucien Bouet et Robert Langou. Lucien et Robert mal gardés sans doute se sont rapidement enfuis, ils se sont réfugiés en Seine et Marne chez Marius, le frère de Robert. Paul de Choulot lui, fut emmené au Bordiot à Bourges en otage. C’est là qu’il fit la connaissance du Franciscain de Bourges. C’est sur son intervention que le reste du village ne fut pas incendié. La démolition a commencé fin 1945 et la reconstruction, financée par les dommages de guerre débuta aussitôt. 22 ménages furent sinistrés.

Thauvenay, le 28 mai 2008, Monsieur Georges de Choulot TEMOIGNAGE SUR L’INCENDIE DE THAUVENAY J’avais cinq ans et demi, il était environs quinze heures, les enfants étaient à l’école libre avec le Curé Planchon qui leur passait des films. J’étais avec Marcel Douce aux grandes Ecuries lorsque les pétarades ont commencées. Nous étions en train de jouer sur le mur du potager. Nous sommes redescendus à toute vitesse au château et toute l’école avec les enfants remontait aussi vers le château. On nous a fait monter au second puis redescendre à la cave. Nous entendions les coups de feu, dans l’escalier j’étais derrière Raymond Voyement lorqu’il fut touché. Rosine qui était avec nous le pris immédiatement dans ces bras et le descendit au sous sol. Quelqu’un a fait savoir aux Allemands qu’il y avait un blessé, les tirs se sont alors arrêtés et les soldats ont fait sortir tout le monde. Nous sommes alors partis pour Ménétréol en traversant le pré du Haras avec Melle Trimouille (ou Mme Trilles je ne sais plus). Nous avons traversé le boisseau très creux sur un tronc d’arbre et avons rejoints Ménétréol ; nous voyions que les Ecuries étaient déjà en feu et savions qu’il était question d’incendier le château. Papa était resté aux mains des Allemands qui lui ont fait poser des plaques incendiaires et lorsque le téléphone a sonné Papa a demandé de répondre : au bout du fil la Gestapo de Bourges commandait l’arrêt des représailles.

Thauvenay, le 30 novembre 2007, Madame Thèrese Millerioux, TEMOIGNAGE SUR L’INCENDIE DE THAUVENAY J’avais 9 ans, c’était un dimanche, j’étais chez Germaine et Jean Durand. Après le déjeuner entendant les bruits venant du peuplier j’ai regardé avec Jean à la fenêtre qui donnait dans cette direction. On voyait une agitation et des soldats Allemands. Germaine a exigé que nous nous mettions à l’abri dans sa chambre. J’étais la dernière lorsqu’une balle à traversé la fenêtre me blessant légèrement et rebondissant sur la médaille de Sainte Thérèse que je portais au cou et que le matin même on m’avait offert pour mon anniversaire. Le père de Germaine, Aristide, nous a emmenés nous réfugier chez lui. Papa est ensuite passé pour nous prévenir qu’il fallait nous cacher. Germaine a alors voulu me ramener à la maison pour me confier à Maman. A mi-chemin Monsieur le Comte qui se dirigeait à grands pas vers la Mairie nous a dit de ne pas rentrer chez nous, de ne pas aller par là car nous allions nous faire tuer. Nous sommes donc retournés chez Germaine nous cacher. Peu de temps après Maman est arrivé avec Lou Lou Thomas (9 ans) et Paulette Mollet (8 ans). Nous sommes allés chez Madame Perrot (qui habitait au dessus de l’actuelle salle des fêtes) pour lui dire ce qu’il se passait. Aussitôt ma sœur Bernadette fiancée à René Perrot est partie pour le prévenir, il était caché dans la Motte Corot. Ensuite Maman nous a emmenés dans une cabane des vignes au dessus du cimetière. De là nous entendions exploser les bidons d’essence et pouvions observer l’incendie du village. Rapidement sont arrivés d’autre habitants qui comme nous fuyaient le village. Nous sommes resté dans cette cabane jusqu’à la nuit tombée, Papa est alors sorti du bois de la Chaume Gaillard nous dire qu’ils étaient partis. Nous sommes alors descendus tout doucement au village et j’ai passé la nuit chez Madame Perrot. Le lendemain mes parents nous ont emmenés à Gardefort pour 2 ou 3 jours. Mes parents sont revenus sur les lieux voir les restes de notre maison en espérant pouvoir récupérer quelques objets. Voici ce qu’il s’est passé, du moins ce que j’en sais : Ce dimanche des jeunes gens du village prenaient le frais au pied du gros peuplier proche de la place, cet endroit était le lieu habituel de rendez vous de tous. Une voiture Allemande difficile à identifier, car camouflée comme le faisaient les maquisards, est arrivée. Elle venait de Saint Bouize par la départementale. Les jeunes gens ont fait des signes enthousiastes à cette voiture qu’ils avaient sans doute prise pour celle de résistants. La voiture Allemande s’est arrêtée, les hommes en sont descendus en criant « village terroriste » et en demandant les papiers des jeunes gens. L’un d’eux pris peur et tenta de s’enfuir ou de se cacher pris de panique car il n’avait pas de papiers sur lui. C’est à ce moment là que le mitraillage à commencé. Les deux frère Mollet présents furent mortellement fauchés par la rafale tandis qu’Henri Douce, Gérard Bouet et Roger Mollet furent gravement blessés. Germaine Mollet (13 ans) a alors accompagné un Allemand chez René Lesage chercher ses papiers, elle disait : « j’ai marché devant, ouvert la porte et dis « il y a un Allemand qui me suit » ». Il y avait dans la maison un jeune résistant, Jean Lesimple qui était l’ami de la sœur de René. Lorsque l’Allemand est entré il l’abattit et s’enfuit.

COPIE de la lettre de la Comtesse Marie Geneviève de Choulot à sa sœur Gabrielle. Thauvenay, le 30 juin 1944. Chère Gabrielle, La tornade de la guerre vient de passer sur nous et de nous laisser tout pantelants. Nous Choulot, nous nous comptons au complet, et notre toit est sur nos têtes, mais que de ruines et de malheur autour de nous ! Le 25 juin à 3 heures de l’après midi, Paul et moi étions à l’Adoration Perpétuelle, et les enfants s’amusaient à l’école avec les autres enfants de la maison et de la place, sous la surveillance de Rosine et de Marie (Thérèse était à Bourges). De l’église j’entends une fusillade. Je rentre à la maison pour voir. Paul, un peu sourd depuis quelques temps, n’entends rien et ne bouge pas. Rue du village : la rue est déserte. En passant devant chez Marie Baraud, la petite épicerie-téléphone-café, elle me dit : les Allemands sont là, ils ont mis le feu chez Mollet. J’obtiens à grand peine que sa fille aille prévenir Paul. Un peu plus loin, deux soldats Allemands me visent de leurs mitraillettes et me crient «Couchez, couchez… » A plat dans la poussière je leur explique dans mon charabia que je dois aller à l’école m’occuper des enfants. Ils me laissent passer. « Allez vous en vite, nous allons tout bruler ici ». Non loin de là, un Allemand étendu, la face ensanglantée : « Voulez vous que je soigne cet homme ? » - « Inutile, il est mort ». A l’école, plus d’enfants. Un jeune homme réfugié au premier étage me chuchote à travers les volets qu’ils sont au château. J’arrive au château par la petite cour. Au pied de l’escalier de bois, dans la tour, une flaque de sang. Je vois les enfants dans l’escalier de la cave : « venez vite avec nous, ils tirent par les fenêtres, Raymond est tué ! » En entrant, j’avais barricadé les grosses portes de la cour, et je regrettais cette précaution inutile : on va nous prendre pour un fortin et nous attaquer. Je n’osais remonter, les enfants me retenaient : « ne vous faites pas voir, maman, ils tirent sur tout ce qu’ils ont vu aux portes ou aux fenêtres, sur Marie, sur Rosine, sur Stéphanie… » toutes manquées, heureusement. Enfin une voix appelle d’haut : « les écuries brulent, venez nous aider à éteindre…. » , je laisse les enfants et vais aux écuries, plusieurs de mes ouvriers, quelques femmes, deux jeunes inconnus en habits du dimanche jetaient des seaux d’eau dans la remise ou le foin commençait à bruler. On n’entendait plus les coups de feu. Tandis que nous travaillions à éteindre, des voix allemandes et des cris de femme retentissent sur la place du château. J’y cours. Deux soldats chassent des jeunes filles affolées et veulent les empêcher de rentrer dans les maisons de la place. Je parlemente dans mon précieux charabia, les fusils s’abaissent. Un sous officier très poli, à l’entrée du parc me questionne avec douceur : - « Pas d’homme dans le château ? Bon. Faites sortir les enfants et emmenez les au village voisin » - « Mais je ne veux pas quitter la maison, je vais tout vous faire visiter, ne le brulez pas, elle ne contient aucune arme, ni aucune espèce de résistance…. » Mes protestations sont inutiles, le sous officier nous pousse doucement vers la route, moi, les quinze enfants, six jeunes filles, une très vielle dame… « Qu’est ce que c’est que ce tas de plaquettes blanches devant la marquise ? » dit Stéphanie… Moi, je ne les ais pas vues, mais ce sont évidemment des plaques incendiaires. Adieu Thauvenay ! Comme nous longeons le mur du parc, la fusillade commence, à l’intérieur du parc. Je fais défiler les enfants courbés, le long du mur bas. Nous saurons plus tard qu’on vient de fusiller quatre otages, des passant qui n’y ont rien compris. A notre droite, tout le village brule et s’effondre en craquant. La vielle église avec sa grosse charpente, son grenier plein de bric à brac, son lierre, fait une très grande colonne de flammes et de fumée noire. Au carrefour en bas du parc nous attend la plus grande de nos frayeurs : le taureau échappé du haras piaffe et cabriole en soufflant dans ses naseaux. Nous jetons enfants et vielle dame par-dessus la clôture du pré. Nous avons encore un ruisseau très encaissé à franchir avant d’être sur la grand’route, au bout de nos peines. De Ménétréol, je préviens la Préfecture à Bourges. Quand les enfants sont en sureté à Ménétréol, je reviens à Thauvenay. Tout paraît calme et désert. Aux grandes écuries je trouve Paul tout seul, en train d’arroser le foin qui brule doucement. Nous y travaillons une heure. Un bras cassé quinze jours avant, et mal encore recollé, me gêne bien pour charrier les seaux. Quelques femmes nous aident. Ce feu là sera maîtrisé. Vers six heures je quitte Paul pour retourner à Ménétréol voir ce que deviennent les enfants. Quand je reviens à sept heures Paul n’est plus là : les Allemands sont repassés en l’ont emmené sans douceur. Je retour prévenir la Préfecture. De Ménétréol nous voyons passer et repasser des camions allemands, entièrement clos, un soldat avec une mitrailleuse sur le toit. Les gens du village se partagent les enfants et la vielle dame. Vers dix heures, je retourne à Thauvenay. Le château n’est pas brulé ! Un peu pillé à l’intérieur. On ne voit plus d’allemands, mais le souvenir des plaques incendiaires m’empêche de monter dans ma chambre. Je passe la nuit dans la chapelle avec une vielle femme infirme qui n’a pu s’éloigner. Le village est désert. Les maisons sont brulées depuis la vielle église jusqu’au trois quarts de l’autre bout : cinquante bâtiments, dont vingt et une maisons d’habitation. Le lendemain et le sur lendemain on m’a annoncé trois ou quatre fois que Paul était fusillé. Heureusement j’ai pu le voir dans la prison de Bourges le mardi soir 27. On l’a gardé neuf jours. Bilan de l’opération : 4 jeunes gens de villages voisins, qui passaient par hasard, fusillés. Un enfant tué – 2 garçons de notre village qui se baignaient au ruisseau, tués – 3 blessés – 18 prisonniers dont 1 a été relâché le soir, 8 le neuvième jour et 9 envoyé en Allemagne. Ces 18 prisonniers tous totalement étrangers à l’affaire et à toute espèce de résistance. L’incident c’est déroulé ainsi : un camion passait, plein de jeunes gens en bras de chemise, armé de mitraillettes, qui faisaient des saluts et des sourires à la ronde. Les garçons qui se baignaient au ruisseau les prennent pour des amis et les acclament. Les jeunes gens armés dégringolent de leurs camions : ils avaient des pantalons verts ! Ils font coucher par terre les baigneurs et quelques hommes et quelques femmes qui se trouvaient là, huit personnes. Un des baigneurs, au lieu de rester tranquille, se relève et essaie de se sauver ; les gens couchés sont arrosés de balles, 2 tués, 3 blessés. Un sous officier s’avance dans le village, à 50 mètres de là, et va vers une maison où se trouvait un garçon de la résistance, armé. Ce garçon a-t-il cru à un combat ? Toujours est t il qu’il tue ce sous officier et se sauve. Ce fut le signal de l’incendie et de tout le reste. Le coup des saluts et des sourires avait déjà pris le matin à Saint Bouize, ou ils avaient arrêté 5 jeunes gens. De ces 5 jeunes gens, 3 ont été fusillés et 2 envoyés en Allemagne. Personnellement, nous avons perdu 3 bâtiments important, tout notre matériel viticole, tonneaux, pressoirs, etc.…

Thauvenay, le 8 septembre 2008, Monsieur Léon Louis TEMOIGNAGE SUR L’INCENDIE DE THAUVENAY Tout ces évènements ont eut lieu en début d’après midi, j’avais 12 ans et j’étais appuyé nonchalamment à la barrière du jardin de mes parents à quelques dizaine de mètres du grand peuplier qui existe encore. La place du village était très différente de celle que nous connaissons aujourd’hui : les maisons étaient typiquement berrichonnes comme les quelques qui restent entre la place du bourg et la mairie, la rue principale n’était pas droite et surtout la route latérale menant à la départementale n’existait pas. Si bien que la place qui était plus petite partait en pointe sur les peupliers et le ruisseau. Sur cette place donnait les maisons des Mollet, des Lesage et de mes parents et grand parents. Appuyé sur cette clôture je regardais les garçons plus âgés qui étaient gaiement près des peupliers, quand un camion civil avec des hommes difficilement reconnaissables faisant des signes tout en passant sur la grande route. Les jeunes garçons ont répondu avec enthousiasme à leurs signes les prenant pour des résistants. La stupeur fut immédiate car le camion s’est arrêté, a reculé et se sont des soldats allemands fortement armés qui sont aussitôt descendus du camion.

D’où j’étais j’entendais très bien les vives injonctions prononcées en Allemand par les soldats et comprenait qu’ils effectuaient un contrôle des papiers

Germaine est passée devant moi « je vais chercher les papiers de René ». Elle est rentrée chez René ou se trouvait un homme armé. Un allemand avec une chemise civile mais facilement reconnaissable par sa ceinture, ses chaussures, son pantalon et ses armes suivait Germaine dix ou vingt mètres derrière elle. Il m’a adressé quelques mot que je n’ai pas compris, puis est entré à la suite de Germaine, des coups de feu sont partis et aussitôt après une forte fusillade eut lieu à l’opposé côté peuplier. Mon père m’a mis à l’abri dans la maison, nous étions quatre Papa, Maman, Marie Mollet et moi. Papa est allé à la fenêtre en face des Lesage voir ce qu’il se paissait et s’est exclamé « ils ont tué Henri », moi j’avais reconnu l’Allemand qui suivait Germaine. C’est dès cet instant que les tirs violents ont eu lieu sur la place. Nous nous sommes protégé avec un lit et attendions effrayés lorsque tout d’un coup mon père a trouvé que cela sentait la fumée ! En effet la grange jouxtant la maison était en feu. Maman est sortie puis les enfants puis Papa (un homme ne devait surtout pas sortir en premier sinon il aurait été immédiatement pris pour un ennemi et abattu par les soldats). Nous étions totalement terrorisés et les Allemands ont rigolé en nous voyant, ayant sans doute été rassuré de ne voir sortir de cette maison qu’une inoffensive famille. Ils nous ont emmenés les mains en l’air sur la place et j’ai vu Maurice Mollet allongé semblant dormir. Il avait en fait une balle dans la tête et était mortellement touché. Il y avait aussi d’autres victimes : Robert, Gérard et Roger ! Le village brûlait d’une épaisse fumée noire que le vent emmenait sur nous. Les hommes passant sur les routes furent abattus. Il nous semblait que cette folie meurtrière ne s’arrêterait pas et que ce n’était que le début du cahot. Dans l’intervalle une quinzaine de camions venant de Cosne étaient arrivés en renfort et avaient investis le village. Nous avons été informés que quatre hommes avaient été fusillés et que le château allait être incendié. Les pompiers de Sancerre arrivés sur place ont été renvoyés fermement par les forces Allemandes. Paul de Choulot Maire du village a parlementé avec les Allemands et des ordres de cesser le feu sont arrivés. La kommandantur de Bourges avait été prévenue et les soldats de la Nièvre n’avaient rien à faire semble t il dans le Cher. Le camion du début était conduit et appartenait au père Benoit de Cosne et s’il sont passé à Thauvenay s’était sans doute pour rejoindre Pouilly en évitant d’éventuels résistant dans les bois de Villechaud ! Les hommes ramassés sur place dont Elie Fleuriet et Paul de Choulot ont été fait prisonnier et dans la soirée ont été dans le parc du château aligné entre les morts. La plus part de ces hommes furent emmené à Cosne puis au Bordiot à Bourges.

Thauvenay, le 8 septembre 2008, Madame Stéphanie Barba TEMOIGNAGE SUR L’INCENDIE DE THAUVENAY

Thauvenay brûle 25 juin 1944

On sent le dénouement proche, partout les Allemands se replient, la Résistance se fait moins clandestine, partout elle affleure, courant des dangers d’autant plus grands que l’ennemi, traqué, est nerveux. Les actes inconsidérés se multiplient. On confond courage et provocation. Les Allemands ne sont pas en reste. Ce 25 juin 1944, fête de la Saint Jean, un groupe de garçons devise au bord de la route, assis sous les peupliers, près du Boisseau. Passe un camion découvert, plein de jeunes gens en bras de chemise. On les prend pour un commando de résistants, ils sont applaudis. Horreur ! ce sont des Allemands qui cherchaient l’incident et le trouvent ici, au hasard de la route. Ils sautent de leur camion, somment les jeunes villageois de s’aligner au pied du talus et les tiennent en respect. Un officier, en uniforme, franchit le pont, pénètre dans le village. Il est aperçu depuis une fenêtre, par un jeune FTP de Ménétréol, venu rendre visite à sa fiancée. Un coup de feu claque, l’Allemand tombe, et c’est l’apocalypse. Une rafale de mitraillette et deux frères Mollet, Maurice, quatorze ans et Robert, seize ans, sont immédiatement abattus, les soldats se répandent dans le bourg, mettent le feu, tirent à travers les portes. On oblige le malheureux Mollet à tirer les cadavres de ses enfants par les pieds et à les charger dans le camion. On en fait descendre quatre infortunés, tout à fait étrangers à l’affaire, qui n’ont d’autre tort que de s’être trouvés, par hasard, sur le trajet des Allemands. L’un d’entre eux, coiffeur à Vichy, allait à pied voir sa famille. Seul, Josserand est du pays. On les traîne jusqu’au parc de château, ils y sont fusillés sous les grands pins. Plus tard, mon Père érigera une croix de lorraine de pierre à leur mémoire. Le tronc des arbres porte toujours la trace des balles. Tout se passe dans la confusion la plus totale. Chacun ne voit que ce qui le concerne immédiatement, personne n’a de vue d’ensemble. Les hommes se sont sauvés, autant qu’ils le pouvaient. Certains, tel mon Père, qui rentrait des vêpres, tout de blanc vêtu, comme souvent l’été, tentent en vain d’éteindre les flammes ; ils seront ramassés, passeront une semaine en prison, à Bourges, au Bordiau. Au pied du Haras, Hélène Lesage grimpe le talus et appelle : « Nénette ! Nénette ! » Nénette Pinson, qui était là pour soigner les bêtes de son père, s’efforce d’arrêter le feu qui menace. Hélène monte dans le grenier à foin et se cache. Nénette retire aussitôt l’échelle et se sauve vers Ménétréol. Lorsque surviennent ces dramatiques événements, quelques enfants sont à l’Ecole Libre pour la projection d’un film, grâce au matériel de M. le Curé Un Allemand survient, il ordonne : « Tous les enfants doivent monter au château ! » Nous nous hâtons. Devant les grilles, un soldat est là, qui pivote sur lui-même, mitraillette en mains, arrosant indistinctement de balles les portes des maisons. Nous n’avons que le temps de nous engouffrer dans la cour, nous commençons à descendre au sous-sol. Une rafale aveugle perce le bois de la porte et atteint mortellement le petit Voyement, qui n’a que sept ans. Ma sœur Rosine le prend, ensanglanté, dans ses bras. Un nouvel ordre nous est donné, il faut ressortir. Au passage, j’ai le temps d’apercevoir des piles de galettes rondes, posées au pied du mur, tout au long de l’allée d’arrivée ; ce sont des plaquettes incendiaires. Nous prenons la route qui descend entre le parc et le pré du Haras pour rejoindre celle du bourg. Echappé de l’étable, un taureau affolé interdit le passage. Courageuse, Rosine, la timide, l’effraie, il libère la voie. Au bas du parc, nous coupons court, à travers pré, pour gagner la départementale qui longe le canal. Une balle siffle, dévie sur la médaille de baptême d’un enfant et se perd. Miracle ! Le petit n’a aucun mal ! Reste à franchir le Boisseau, très en creux sous les taillis, les enfants s’y glissent sans difficulté et grimpent sur l’autre bord. Melle Trimouille, l’institutrice, peine, elle n’est déjà plus alerte. Nous apprenons à attendre, à aider. Nous parvenons à Ménétréol et nous nous dispersons. Elisabeth et moi sommes recueillies par Mme Bouchard, qui tient épicerie près du pont du canal. C’est une grande et forte personne, très bavarde. Elle nous presse sur son abondante poitrine, mais rien ne nous rassure, nous voyons les flammes et la fumée s’élever sur Thauvenay. Une colonne particulièrement haute et noire monte derrière les arbres du parc. Les plaquettes incendiaires étaient devant notre maison quand nous l’avons quittée ; nos parents sont là-bas, nous savons ce qu’il faut craindre pour les hommes…et… que peut Maman ? Nous passons la nuit dans une grande pièce nue au premier étage de la maison, au -dessus du magasin. Le lendemain, Maman est là, vivante. Elle a, comme toujours, volé au secours de tous. Elle ne s’accorde pas un instant. Elle fait face. Papa a été emmené par les Allemands, avec cinq hommes du village. Le château n’a pas brûlé. Le feu n’a pas dépassé la vieille église, qui abrite les pressoirs, la cave et l’orangerie. Il l’a détruite en partie. La maison de Françoise Branger, celle de Millet, le Carrou, les grandes écuries, sont intacts. Avant de courir tenter d’éteindre ce qu’il pourrait, Papa ou Maman ont eut la présence d’esprit d’appeler la Kommandantur de Bourges, d’où ordre a été donné d’interrompre immédiatement l’opération. « La troupe, venue de la Nièvre, n’a aucun mandat pour intervenir sur notre rive de la Loire. Il faut retirer les plaquettes incendiaires et amener les otages au Bordiot » Ils sont six : Papa, que les Allemands prennent pour le peintre, à cause des ses vêtements blancs, le père Douce, le père Durand, Elie Fleuriet, Gérard Bouet et Roger Mollet, le troisième frère. Blessé à l’oreille et au cou, Roger a frôlé la mort. Gérard a été atteint aux deux bras et au ventre, Douce au pied. Durand, Fleuriet et mon Père sont indemnes. Du cœur du village, par contre, il ne reste que ruines fumantes. A gauche, le feu s’est arrêté à la maison Langou, à droite à la maison Lacroix. Il ne reste rien, rien, rien : rien chez les Tortrat, rien chez les Louis, les Mollet, les Gaucher, les Lesage, les Fleuriet, les Cherfils. Ils ont tout perdu, les bêtes elles-mêmes se sont sauvées. Le lendemain, errant seule dans les décombres encore chauds, pour tenter de comprendre ce qu’ont vécu les gens, de comprendre le courage de ma Mère, qui ne nous a même pas rejoints pour la nuit et a voulu rassurer par sa présence au village, j’aperçois des piles de vaisselle intactes. Il y a là des assiettes blanches au joli motif bleu, à peine poussiéreuses. Quel bonheur ! Mesdemoiselles Fleuriet retrouveront au moins une chose ; je vais la ramasser pour elles. Illusion, je n’ai que poudre entre les mains, poudre légère qui vole et se disperse dès que je la touche. Une fois encore, mon Père n’est plus là, Une fois encore, personne ne sait ce qu’il deviendra…


Devant le peuplier furent abattus : Robert Mollet Maurice Mollet Furent grièvement blessé : Gérard Bouet Roger Mollet Henri Douce Dans le parc du Chateau devant cette Croix de Lorraine, furent fusillés et défigurés : Roland Doucet Robert Lavevre Paul Josserand Lucien Maillard Dans l’escalier d’une tour du Chateau, le jeune Raymond Voyement (7 ans) fut abattu Dix huit otages furent arrêtés : 1 fut relaché, 8 furent incarcérés au Bordiot (la prison de Bourges), 9 furent déportés.

CÉRÉMONIE COMMÉMORATION DU 29 JUIN 2014 Discours de Benoit de Choulot Maire de Thauvenay Monsieur le Sous préfet Mesdames et Messieurs les Maires, Messieurs les anciens combattants, Mesdames et Messieurs les membres de familles touchées par le drame vécu ici, Cher Amis, La fin du printemps et le début de l’été 1944 marquent le début de la déroute ennemie, c’est la débâcle et la folie meurtrière voulue et organisée. Partout en France les forces Françaises Libres harcèlent l’ennemi, le haut commandement nazi ordonne à ses troupes d’utiliser tous les moyens pour écraser les résistances et maîtriser la situation. Les nazis détruisent et perpétuent les pires crimes et horreurs,

de sang froid, pour l’exemple, pour faire peur, pour terroriser.


Ce dimanche 25 juin 1944, en début d’après midi un petit détachement allemand, venant de Cosne, qui avait déjà arrêté trois hommes sur son chemin, s’arrête pour contrôler les jeunes qui se trouvaient là derrière moi prés du peuplier. L’un de ces jeunes gens prend peur et tente de se cacher. Un soldat allemand lance une rafale de mitraillette, abattant alors froidement Robert et Maurice Mollet, blessant Gérard Bouet, Roger Mollet et Henri Douce… Ces jeunes gens sans défense n’avaient commis pour tout crime que d’être là. Et ce n’est que le début, car un autre soldat allemand, accompagné par Germaine Mollet arrive à la maison d’Henri Lesage. Un supposé résistant, caché justement dans cette maison, abat cet allemand. Aussitôt les représailles se déchaînent. Les jeunes gens arrêtés sont descendus du camion allemand et emmenés dans le parc. Du renfort est demandé par radio à Cosne et bientôt c’est une colonne de camions qui arrive chargée de plaques incendiaires au phosphore et de grenades incendiaires. Le Maire du village, Paul de Choulot eut la présence d’esprit d’appeler la kommandantur de Bourges pour les informer de ce qu’il se passait et leur demander de faire arrêter ce massacre… Les témoins nous ont rapporté la folie et la fureur qui s’empare des allemands, leur puissance bestiale ; ils rient, boivent, pillent, tirent dans tous les sens, ils arrêtent ceux qui ne sont pas cachés ou qui n’ont pas eu le temps de le faire. Ils fusillent dans le parc du château les trois jeunes hommes qu’ils avaient arrêtés sur la route: • Robert Lavevre • Paul Josserand • Lucien Maillard Ils fusillent en même temps le jeune Roland Doucet qui, venant de Vinon, s’était arrêté pour aider à éteindre les incendies.

Encore quatre hommes assassinés. Ces soldats ne se contentent pas de les fusiller, ils s’acharnent sur leurs corps déjà morts, les défigurent à coup de bottes et de crosses de fusils. Ils assassinent un enfant le petit Raymond Voyement, en arrosant de rafales de mitraillettes les portes et fenêtres du château où les enfants de l’école avaient été mis à l’abri. Ils mettent le feu au village, maison par maison, utilisant les plaques incendiaires au phosphore prévues à cet effet et qu’ils avaient fait transporter par leurs futures victimes. Le village brûle, l’incendie est considérable, plus de cinquante bâtiments sont déjà en feu, une énorme colonne de fumée se voit à des kilomètres. Les pompiers de Sancerre accourent mais sont chassés par les soldats. Quand ils s’apprêtent à mettre le feu au château, l’ordre de la kommandantur de Bourges de stopper toute cette horreur, arrive enfin. Heureusement car ces hommes avaient manifestement l’intention d’aller jusqu’au bout du travail.

Le bilan est lourd, très lourd : 7 morts, 3 blessés, 18 prisonniers dont 9 seront déportés. Les familles sont anéanties, elles sont meurtries dans leur chair, nombreuses ont tout perdu.

Partout où la pression est forte, le haut commandement nazi à donner des directives, le drame de Thauvenay en découle. A Thauvenay, comme ailleurs, - il y a eu les officiers qui ont donné l’ordre, - il y a eu les soldats qui ont exécuté ces crimes 15 jours après le drame d’Oradour sur Glane, la veille du drame de Dun les Places, et un mois avant celui de Maillé. Durant ce seul mois de juin 1944 les historiens recensent sur le territoire près de 70 exactions, pas un jour sans multiples actes de terreur. Nous, enfants de Thauvenay, nous sommes tous les frères, les amis, des victimes et nous devons perpétuer leur souvenir, Nous pensons aux familles si cruellement frappées, aux survivants, à ceux voisins et amis qui étaient là et qui ont vécu ces drames. Il est d’autant plus important de faire mémoire que déjà la troisième génération d’hommes et de femmes arrive. Il ne faudra jamais oublier à quel point les forces du mal peuvent pousser l’homme à ordonner et exécuter de telles atrocités

Aujourd’hui les stigmates du drame de Thauvenay sont effacés, Thauvenay est un village charmant où il fait bon vivre. Nous avons voulu partager notre histoire en mettant à votre disposition ces panneaux retraçant les évènements. Un de ces panneaux est consacré aux victimes, un autre vous parlera du village et les plans renvoient à une série de photos après l’incendie ; elles sont disposées dans les rues. Il y a aussi un dernier panneau très important, celui qui se trouve à ma gauche et qui retrace l’histoire de Lucien Maillard, un homme d’exception résistant engagé dès la première heure et que le destin funeste amena à Thauvenay.

En ce 70ème anniversaire, Avec vous Monsieur le Sous Préfet, Avec vous Mesdames et Messieurs les Maires, Avec vous Messieurs les Anciens Combattants, Avec vous tous, amis, qui nous faites l’honneur d’être à nos côtés aujourd’hui, Je rends hommage à nos morts pour la France. Benoît de Choulot, Maire de Thauvenay

Discours de Monsieur Emmanuel Moulard Sous-préfet du Cher Monsieur le député, Monsieur le maire, Mesdames, Messieurs les membres du conseil municipal, Mesdames, Messieurs, Nous sommes donc invités ce matin à nous souvenir. Les récentes commémorations du 70ème anniversaire du débarquement des forces alliées en Normandie nous ont rappelé qu’il y a sept décennies déjà, la coalition formée contre le régime nazi engageait avec résolution, mais également beaucoup d'incertitude, la libération de l’Europe occidentale à partir de nos plages. Cette opération militaire combinée, la plus importante jamais mise en œuvre, tentait le pari d’ouvrir un nouveau front, indispensable pour envisager l’encerclement, l’isolement, et à terme la victoire sur un régime des plus totalitaires que la planète ait connue, et pourtant apparu au cœur du continent des lumières. Ainsi, en ce début du mois de juin 1944, l’engagement de moyens humains et matériels considérables par les forces alliées permettait de donner un coup de butoir qui, après d’âpres combats, se révélerait finalement décisif en conduisant au reflux des troupes allemandes hors du territoire français, puis jusqu'au cœur de la bête immonde. La nouvelle du débarquement de Normandie, rapidement connue dans les foyers de la France occupée faisait alors naître l’espoir d’une prochaine libération attendue depuis quatre longues années. La cérémonie à laquelle, Monsieur le Maire, vous avez eu l'amabilité de nous convier ce matin, nous rappelle que dans ce contexte, la joie d’espérer une rapide libération du joug nazi a pu, à Thauvenay comme dans d’autres communes françaises, être douloureusement confrontée au comportement de troupes, qui, comprenant probablement qu’elles venaient de perdre définitivement l’initiative militaire, allaient se livrer lors de leur reflux à de multiples exactions, dont les populations civiles seront souvent les premières victimes. Dans ce contexte, la commune de Thauvenay, qui avait déjà connu le mitraillage d’un train le 16 juin 1940 lors de la débâcle française, allait connaître un autre drame le 24 juin 1944, lorsque des soldats allemands abattront lâchement six jeunes hommes et un enfant dans le village, avant d’incendier une partie de la commune. 70 ans après, nous sommes invités, ensemble, à nous souvenir des sacrifices, bien involontairement consentis, par les populations civiles, victimes collatérales d’un conflit armé à l’échelle mondiale et de la barbarie d’hommes mis au service d’un régime totalitaire et inhumain jusqu’à atteindre un degré qui allait horrifier l’humanité toute entière au fur et à mesure des macabres découvertes faites à l’occasion de la libération du territoire européen. Notre cérémonie doit nous permettre de ne pas oublier de tels faits et nous remémorer que la tragédie de Thauvenay aura constitué, comme ailleurs en France, le prix bien cher payé de notre liberté. Nous n’avons pas le droit d’oublier ces victimes innocentes ; Nous n’avons pas le droit d’oublier pour leurs familles ; Nous n’avons pas le droit d’oublier pour les survivants de cette tragédie dont certains sont aujourd’hui encore présents parmi nous ; Mais nous avions le devoir d'encourager la réconciliation, hier, et avons le devoir aujourd'hui, d'entretenir la paix, pour nos enfants, notre jeunesse qui doit continuer à trouver dans ces tragiques racines la volonté de construire et préserver une société dans laquelle la liberté individuelle, la tolérance, le respect de l'autre dans sa différence d'opinion et d'origine, sont des valeurs non négociables. Tout en entretenant ce souvenir, les générations d’après guerre ont pu reconstruire une Europe pacifiée et pardonner aux ennemis d’hier. Il nous incombe, ainsi qu’aux générations qui nous suivront, d’entretenir avec détermination et sans relâchement ce bien inestimable de vivre en paix. Une paix avec nos voisins, au sein de notre maison européenne désormais commune. Dix ans après la première participation des autorités allemandes aux commémorations internationales du débarquement de Normandie, les deux États, français et allemand, ont renouvelé le 6 juin dernier leur volonté d’entretenir cette paix des peuples. C’est dans cet esprit qu’aujourd’hui, tout en se souvenant de tragiques événements, qui ont pu avec une brutalité atteignant les confins de l’humanité, frapper nos campagnes les plus paisibles, nous sommes également invités à renouveler nos vœux de poursuivre la construction de l’Europe, si critiquée aujourd'hui, mais qui est pourtant le creuset de nos valeurs communes. Valeurs si précieuses, et pourtant si fragiles, puisque malmenées hier par nous-mêmes, et encore largement contestées aujourd'hui à l'extérieur. Alors, il appartient à chacun d’entre nous de mesurer les souffrances et les sacrifices des générations qui, avant nous, ont su par leur courage et leur détermination, conserver sur cette terre malmenée, la petite flamme de la résistance, la petite flamme ayant permis la renaissance, et surtout...d'en rester dignes. Puisse, Monsieur le Maire, la cérémonie que vous organisez ce matin contribuer à ce devoir de mémoire et de vigilance pour l’avenir. Emannuel Moulard, Sous-préfet du Cher

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