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Utilisateur:Bizertanova 53/Brouillon2

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Wassila Bourguiba (1912-1999)

Wassila Bourguiba, née Ben Ammar, le 22 avril 1912 au quartier El Morkadh (Bab Jedid), est issue d’une famille bourgeoise de Tunis. Elle est l’aînée d’une fratrie marquée par la personnalité d’un père ouvert d’esprit, M’hamed Ben Ammar (1883-1934), avocat aux tribunaux charaïques et militant nationaliste.

      Wassila est scolarisée à l’âge de 5 ans, à «l’annexe » de l’école des filles musulmanes de la rue du Pacha. Souffrant de nombreuses maladies et notamment de la tuberculose, elle finit par abandonner l'école à l'âge de 12 ans. Grâce à son milieu familial, elle reçoit une éducation raffinée et une formation pratique orientée vers les "arts féminins" de l'époque: broderies d’art, couture, cuisine.

Wassila s'initie aux questions politiques grâce à son père, ami de Abdelaziz Thâalbi et l'un des fondateurs du Destour. Pour l’éveiller au monde extérieur, il lui demandait de se tenir derrière la porte pour écouter les discussions politiques quand il réunissait chez lui ses amis du Destour[1].

     A 18 ans, Wassila accomplit en 1930, en compagnie de son oncle, son premier voyage en France. De ce voyage, elle dira plus tard : « C’était un scandale qu’une jeune fille parte pour la France. Ma mère était malheureuse de cela. Je suis montée sur le bateau avec le voile. Au retour, un domestique m’a apporté le voile pour que je sorte voilée du bateau. Là, je ne l’ai pas remis. Je l’ai remis plus tard pour faire plaisir à ma mère, mais jamais par conviction »[2].

En 1932, la Tunisie est touchée par de graves inondations.  A cette occasion, un groupe de jeunes bourgeoises réunies, entre autres, par Wassila, a eu l’idée de se fédérer autour d’un projet de société de bienfaisance pour secourir les victimes des inondations. Le groupe prend le nom provisoire de Société des Dames musulmanes. La société a besoin de fonds. Wassila et quelques amies, dont Nejiba Ben Mrad, la fille de Cheikh El Islam, s’attèlent à organiser des fêtes musicales pour collecter les contributions des dames de la bourgeoisie.

En 1938, Wassila se marie, à l’âge de 26 ans, d’une manière traditionnelle à Ali Ben Chadli, propriétaire terrien moyennement aisé. Elle ne connaissait pas son futur époux, lui non plus, ne l’a jamais vue, mais elle fréquentait sa famille et ses sœurs étaient ses amies.

Wassila entre dans la vie de Habib Bourguiba après son retour d’une longue captivité en France. Leur rencontre, qui a lieu le 12 avril 1943, sera le point de départ d’une longue idylle. Grâce à Bourguiba, Wassila renoue avec la vie politique : elle participe à la fondation d’une cellule destourienne à Béja et conduit  une manifestation anticoloniale le 12 janvier 1952. Après  de l’indépendance de la Tunisie, elle participe à la fondation de l’Union nationale de la  femme tunisienne dont elle assure la présidence d’honneur.  

L’influence politique de Wassila s’accentue après l’accès de Bourguiba au pouvoir en avril 1956. Au-delà de son intersession dans les nominations aux hauts postes de l’Etat, d’aucuns soutiennent qu’elle a encouragé la promulgation du Code du Statut personnel (Août 1956) et l’abolition de la monarchie husseinite (25 juillet 1957) qui a  favorisé l’accès de Bourguiba à la magistrature suprême.

Le 12 avril 1962, Wassila convole en juste noce avec Bourguiba[3] qui a divorcé quelques mois plus tôt de sa première femme Mathilde Lorain. Devenue première dame de Tunisie, Wassila est gratifiée par son propre mari d’un titre élogieux : La Mejda (La Glorieuse). Une nouvelle page s’ouvre dans sa vie. Confidente, conseillère et égérie adulée, elle se trouve propulsée, par la volonté de Bourguiba, au cœur son système politique, non pas aux avants postes mais en tant qu’acteur occulte[4]. Dès lors, la place que lui réserve la presse quotidienne, la radio et la télévision sera presque à la hauteur de celle de son mari[5].

Pour asseoir son pouvoir, Wassila maintient des relations fluides avec le titulaire du ministère de l’Intérieur, dont la nomination a rarement échappé à son contrôle et entretient de bons rapports avec le leader en titre de l’UGTT. A l’échelle régionale, Wassila veille à garder de bons contacts avec les gouverneurs qui comptent. A chaque crise, aussi minime soit-elle, elle intervient discrètement pour inspirer un redressement, désigner un bouc émissaire ou suggérer des candidats aux postes vacants.

Sur le plan extérieur, elle réussit à nouer de solides contacts avec de nombreux chefs d’Etats arabes dont le roi Fahd, Moammar Kaddafi et Haouari Boumediene.

L’ingérence de Wassila dans les affaires internes de l’Etat tunisien l’a amenée à noyauter la haute administration par des hommes liges selon une logique clientéliste. Mais son influence lui vaut l’inimitié de l’entourage familial de Bourguiba qui, malade et diminué, finit par céder aux pressions en décidant de se séparer d’elle. Le 11 août 1986, le Tribunal de Première instance de Tunis prononce le divorce aux torts exclusifs de « Wassila Ben Ammar » et lui interdit de porter le nom de Bourguiba.[6]

Wassila s’auto-exile en France de 1986 à 1990, et lorsque rentre en Tunisie, elle observe un silence politique total jusqu’à son décès survenu le 22 juin 1999.




[1] Dougui Noureddine, Wassila Bourguiba, la main invisible, Tunis, Sud Editions 2020.

[2] Gaspar (Jacqueline), Wassila Bourguiba, Entretiens à Carthage de novembre 1972 à mars 1973, Tunis, Déméter, 2012, p 18.


[3] Le Petit Matin du 13 avril 1962.


[4] Klibi Chedli, Habib Bourguiba, Radioscopie d’un règne, Tunis, Déméter, 2012, p 77.


[5] Lacouture Jean, 4 hommes et leurs peuples. Sur-pouvoir et sous-développement, Paris, Seuil, 1969, p 171


[6] La Presse du 12 août 1986.