Voir la source de Théorème de Mercer

En [[mathématiques]] et plus précisément en [[Analyse fonctionnelle (mathématiques)|analyse fonctionnelle]], le '''théorème de Mercer''', nommé en référence à [[James Mercer (mathématicien)|James Mercer]]<ref>{{article|lang=en|nom=James Mercer|titre=Functions of positive and negative type and their connection with the theory of integral equations|périodique=Philos. Trans. Roy. Soc. London|série=A|volume=209|pages=415-446|année=1909}}.</ref>, est une représentation d'une fonction symétrique de type positif par le carré d'une [[série convergente]] de produits de fonctions. C'est un outil théorique important dans la théorie des [[Équation intégrale|équations intégrales]]. Il est aussi utilisé dans la théorie [[Espace de Hilbert|hilbertienne]] des [[processus stochastique]]s (voir {{Lien|trad=Karhunen–Loève theorem|Théorème de Karhunen-Loève}} et [[Transformée de Karhunen-Loève]]).

== Introduction ==
Pour expliquer le théorème de Mercer, commençons par un cas particulier important ; voir [[#Généralisations|plus bas]] pour une formulation plus générale.

Le terme ''noyau'', dans ce contexte, est une fonction continue

:<math> K: [a,b] \times [a,b] \rightarrow\R</math>

telle que ''K''(''x'', ''s'') = ''K''(''s'', ''x'').

''K'' est dit ''de type positif''<ref>Srishti D. Chatterji, ''Cours d'analyse, vol. 3 : Équations différentielles ordinaires et aux dérivées partielles,'' [[PPUR]], 1998 {{ISBN|978-288074350-5}}, {{Google Livres|nTkXLPD-XuwC|page=411|p. 411 et suivantes}}.</ref>{{,}}<ref name="Chebli">Houcine Chebli, ''Analyse Hilbertienne'', éd. [[université de Tunis]] {{ISBN|9789973370136}}, [https://books.google.fr/books?id=L1XpRmXsmMcC&pg=PA170 p. 170 et suivantes].</ref> si

:<math> \sum_{i=1}^n\sum_{j=1}^n K(x_i, x_j) c_i c_j \geq 0</math>

pour toute suites finies de points ''x''{{ind|1}}, …,''x{{ind|n}}'' de  [''a'', ''b''] et tout choix des réels ''c''{{ind|1}}, …,''c{{ind|n}}'' ({{cf.}} {{Lien|trad=Positive definite kernel|Noyau de type positif}}).

À ''K'' on associe l'[[opérateur intégral]] <math>T_K</math> défini par :

:<math>\left[T_K \varphi\right](x)=\int_a^b K(x,s)\varphi(s)\,{\rm d}s.</math>

Pour des raisons techniques nous supposerons que φ peut parcourir l'[[Espace L2|espace L{{2}}[''a'',&nbsp;''b'']]] des fonctions réelles de [[carré intégrable]].

{{Théorème|Soit ''K'' une fonction noyau continue symétrique de type positif. Alors :
* les [[valeur propre|valeurs propres]] de ''T{{ind|K}}'' sont des réels [[nombre positif|positifs]] ;
* il existe une [[base hilbertienne]] (''e{{ind|i}}'')''{{ind|i}}'' de L{{2}}[''a'',''b''] constituée de [[fonction propre|fonctions propres]] ;
* les fonctions propres correspondant à des valeurs propres strictement positives sont continues sur [''a'', ''b''] ;
* ''K'' admet la représentation<center><math> K(s,t) = \sum\lambda_i \, e_i(s) \, e_i(t) </math></center>où la convergence est [[Convergence absolue|absolue]] et [[convergence uniforme|uniforme]].}}

== Détails ==

Donnons avec force détails la structure de la preuve du théorème de Mercer, particulièrement dans ses rapports avec la [[Opérateur compact#Spectre des opérateurs compacts|théorie spectrale des opérateurs compacts]] [[opérateur normal|normaux]].

* L'application <math>K\mapsto T_K</math> est  injective.
*''T{{ind|K}}'' est un opérateur compact [[Opérateur autoadjoint|autoadjoint]] positif sur L{{2}}[''a'',''b''] ; de plus ''K''(''x'', ''x'') ≥ 0.

Pour montrer la compacité, on remarque d'abord que l'image de la boule unité de L{{2}}[''a'',''b''] par ''T{{ind|K}}'' est [[équicontinu]]e. Le [[théorème d'Ascoli]] permet d'en déduire que cette image est [[Glossaire de topologie#R|relativement compacte]] dans C([''a'',''b'']) muni de la norme de la [[convergence uniforme]] et ''a fortiori'' dans L{{2}}[''a'',''b''].

La théorie spectrale des opérateurs compacts normaux sur un [[espace de Hilbert]] montre qu'il existe une base hilbertienne (''e{{ind|i}}'')''{{ind|i}}'' de L{{2}}[''a'',''b''] propre pour ''T{{ind|K}}'' :

:<math>\lambda_ie_i(t)=[T_K e_i](t)=\int_a^bK(t,s)e_i(s)\,{\rm d}s.</math>

Pour tout λ<sub>''i''</sub> > 0, le vecteur propre ''e{{ind|i}}'' est donc une fonction continue sur [''a'',''b''] (comme toutes les images par ''T{{ind|K}}'' d'éléments de L{{2}}[''a'',''b'']). Or<ref name="Chebli"/>
:<math> \sum\lambda_i |e_i(t)|^2=K(t,t)</math>
et d'après le [[Théorèmes de Dini#Premier théorème de Dini|théorème de Dini pour les suites croissantes de fonctions continues]] cette convergence est [[Convergence uniforme|uniforme]], ce qui permet, grâce à l'[[inégalité de Cauchy-Schwarz]] et au critère de Cauchy, de montrer<ref name="Chebli"/> que la série
:<math> \sum\lambda_i e_i(t) e_i(s) </math>
converge absolument et uniformément en ''t'' vers un noyau ''K''<sub>0</sub> dont il est aisé de voir qu'il définit le même opérateur que le noyau ''K''.  Donc ''K'' = ''K''<sub>0</sub>, d'où le théorème de Mercer.

== Trace ==
On déduit de ce qui précède :

{{Théorème|Soit ''K'' un noyau continu symétrique de type positif. Alors les valeurs propres strictement positives de l'opérateur ''T{{ind|K}}'' (comptées avec leurs multiplicités) forment une famille [[Ensemble dénombrable|dénombrable]] {{math|(λ{{ind|''i''}}){{ind|''i''}}}} et l'on a :

{{Retrait|<math>\int_a^bK(t,t)\mathrm dt=\sum_i\lambda_i.</math>}}
}}

Cela montre que l'opérateur ''T{{ind|K}}'' est [[opérateur à trace|à trace]] et 

{{Retrait|<math>\operatorname{trace}(T_K)=\int_a^bK(t,t)\mathrm dt.</math>}}

== Généralisations ==

Le théorème se généralise en remplaçant l'intervalle [''a'',&nbsp;''b''] par un [[espace compact]], la [[mesure de Lebesgue]] sur [''a'',&nbsp;''b''] étant remplacée par une mesure finie [[sigma additivité|dénombrablement additive]] μ sur les [[borélien]]s de ''X''. Supposons que le support de μ est ''X'', c'est-à-dire que μ(''U'') > 0 pour tout ouvert ''U'' non vide de ''X''.  Alors on a essentiellement le même résultat :

{{Théorème|Soit ''K'' un noyau continu symétrique de type positif sur ''X''.  Alors les valeurs propres de ''T{{ind|K}}'' sont des réels positifs ou nuls et il existe une base hilbertienne
(''e{{ind|i}}'')''{{ind|i}}'' de L{{2}}<sub>μ</sub>(''X'') constituée de fonctions propres pour ''T{{ind|K}}''. Les fonctions propres correspondant aux valeurs propres non nulles sont continues sur ''X'' et ''K'' s'écrit

:<math> K(s,t) = \sum_{j=1}^\infty \lambda_j \, e_j(s) \, e_j(t) </math>

où la convergence est absolue et uniforme sur ''X''.
}}
La généralisation suivante porte sur la représentation des noyaux ''mesurables''.

Soit (''X'', ''M'', μ) un [[espace mesuré]] σ-fini.  Un noyau L{{2}} sur ''X'' est une fonction 

:<math> K \in L^2_{\mu \otimes \mu}(X \times X). </math>

Tout noyau L{{2}} définit un opérateur borné ''T{{ind|K}}'', par la formule :

:<math> \langle T_K \varphi, \psi \rangle = \int_{X \times X} K(y,x) \varphi(y) \psi(x) \,{\rm d}[\mu \otimes \mu](y,x). </math>

''T{{ind|K}}'' est un opérateur compact (c'est même un {{Lien|trad=Hilbert–Schmidt operator|opérateur de Hilbert-Schmidt}}).  Si le noyau ''K'' est symétrique, par le [[théorème spectral]] pour les opérateurs compacts normaux sur un espace de Hilbert, il existe une base hilbertienne constituée de vecteurs propres pour ''T{{ind|K}}''. Les vecteurs de cette base correspondant aux valeurs propres non nulles forment une famille dénombrable (''e{{ind|i}}'')''{{ind|i}}'' (même si le Hilbert n'est pas séparable).

{{Théorème|Si ''K'' est un noyau symétrique de type positif sur (''X'', ''M'', μ), alors

:<math> K(y,x) = \sum_{i \in \mathbb{N}} \lambda_i e_i(y) e_i(x)  </math>

où la convergence est en norme L{{2}}.}}
Noter que si le noyau n'est plus supposé continu, le développement ne converge plus nécessairement uniformément.

== Utilisations ==
Le théorème de Mercer est utilisé en [[apprentissage automatique]], pour l'[[astuce du noyau]].

== Notes et références ==
{{Traduction/Référence|en|Mercer's theorem|168343902|type=note}}
<references />

== Bibliographie ==
*{{en}} Alain Berlinet et Christine Thomas, ''Reproducing Kernel Hilbert Spaces in Probability and Statistics'', Kluwer Academic Publishers, 2004
*{{en}} {{Lien|Adriaan Cornelis Zaanen}}, ''Linear Analysis'', North Holland, 1960
*{{en}} [[Konrad Jörgens]], ''Linear Integral Operators'', Pitman, Boston, 1982
*{{de}} [[Richard Courant]] et [[David Hilbert]], ''{{Lien|Methoden der mathematischen Physik}}'', vol 1, Interscience, 1953
*{{en}} Robert B. Ash, ''Information Theory'', Dover, 1990
*{{en}} {{Lien|lang=de|trad=Hermann König (Mathematiker, 1949)|texte=Hermann König}}, ''Eigenvalue Distribution of Compact Operators'', [[Birkhäuser]], 1986{{Commentaire biblio SRL|Donne une généralisation du théorème de Mercer pour une mesure finie μ.}}

{{portail|analyse}}

[[Catégorie:Théorème d'analyse fonctionnelle|Mercer]]