Voir la source de Succession de l'Empire romain

[[Fichier:Ludwik_I_Pobożny.jpg|droite|vignette|396x396px| L'Empereur carolingien [[Louis le Pieux]] représenté en soldat romain tenant une croix chrétienne, superposé au poème ''De Laudibus Sanctae Crucis'' de [[Raban Maur|Rabanus Maurus]] ; {{IXe siècle}}.]]
La question de la '''continuation''', de la '''succession''' et de la '''renaissance''' de l{{'}}'''[[Empire romain]]''' sont un thème récurrent de l'[[histoire de l'Europe]] et du [[bassin méditerranéen]]. Sont ainsi reflétés les souvenirs durables de puissance, de prestige et d’unité associés à l’Empire romain.

Plusieurs régimes politiques ont revendiqué une continuité immédiate avec l'Empire romain, en utilisant son nom ou une variante de celui-ci pour se décrire. À mesure que les siècles passaient et que les ruptures politiques se multipliaient, l’idée d'une continuité institutionnelle avec l'Empire romain devenait de plus en plus discutable. Les prétendants les plus durables et les plus importants à la succession de l'Empire romain ont été, à l'Est, l{{'}}'''[[Empire ottoman]]''' et [[Empire russe|l''''Empire russe''']], qui ont tous deux revendiqué la succession de l{{'}}'''[[Empire byzantin]]''' après 1453 ; et en Occident, le '''[[Saint-Empire romain germanique]]''' de 800 à 1806.

Indépendamment des affirmations de continuation, l’idée selon laquelle l’Empire romain avait vécu a conduit à diverses tentatives visant à le ressusciter ou à s’approprier son héritage, ce qui fut [[Troisième Rome (Moscou)|notamment le cas de la Russie orthodoxe]]. Le concept d'une « '''Troisième Rome''' », la « Première Rome » étant Rome en [[Péninsule italienne|Italie]] et la « Deuxième Rome » étant [[Constantinople]] dans l'Empire byzantin, émerge dans ce contexte.

== Historiographie et nomenclature ==
En Europe occidentale, la vision selon laquelle la déposition de [[Romulus Augustule]] en 476 [[Anno Domini|après JC]] comme un tournant historique, marquant la [[Déclin de l'Empire romain d'Occident|chute de l'Empire romain d'Occident]] et donc le début du [[Moyen Âge]], a été introduite par [[Leonardo Bruni]] au début du {{XVe siècle}}, renforcée par [[Christoph Cellarius]] à la fin du {{XVIIe siècle}} et cimentée par [[Edward Gibbon]] à la fin du {{XVIIIe siècle}}. En pratique, il ne s’agit que d’une convention historiographique, puisque l’idée impériale a longtemps survécu à l’[[Empire romain d'Occident]] en Europe occidentale et a même atteint des territoires qui n’avaient jamais été sous domination romaine au cours de l'[[Antiquité classique]].

La chute de Constantinople en 1453 est historiquement largement acceptée comme marquant la fin de l’[[Empire romain d’Orient]] ainsi que du [[Moyen Âge]]<ref>{{Lien web |auteur=Foster |prénom=Charles |titre=The Conquest of Constantinople and the end of empire |url=http://www.encyclopedia.com/doc/1G1-155920054.html |série=Contemporary Review |date=22 September 2006 |extrait=It is the end of the Middle Ages |archive-url=https://web.archive.org/web/20090611074715/http://www.encyclopedia.com/doc/1G1-155920054.html |archive-date=11 June 2009 }}</ref>. Néanmoins, deux revendications notables à la succession de l'Empire romain d'Orient sont apparues dans les siècles qui ont suivi la chute de Constantinople : celles-ci étaient le fait de l'[[Empire ottoman]] et de l'[[Empire russe]]. [[Mehmed II]], le sultan ottoman qui avait capturé Constantinople, a justifié son accession au titre d'empereur des Romains (''Kayser-i Rum'') par [[Droit de conquête|le droit de conquête]]<ref>{{Lien web |titre=Milliyet İnternet – Pazar |url=http://www.milliyet.com.tr/2004/12/19/pazar/yazortay.html |éditeur=Milliyet.com.tr |date=19 December 2004 |consulté le=9 April 2017 |archive-url=https://web.archive.org/web/20071031030657/http://www.milliyet.com.tr/2004/12/19/pazar/yazortay.html |archive-date=31 October 2007 }}</ref>, ce qui était cohérent avec l'idéologie impériale byzantine qui croyait que le contrôle de Constantinople constituait le facteur de légitimation clé pour un empereur<ref>{{Article|auteur1=Nicol|prénom1=Donald M.|lien auteur2=Donald Nicol|titre=The Byzantine View of Western Europe|périodique=Greek, Roman and Byzantine Studies|volume=8|numéro=4|pages=315–339|date=1967|lire en ligne=}}</ref>, et était également soutenu par l'historiographe contemporain [[Georges de Trébizonde]]<ref>{{Lien web |titre=washingtonpost.com: Constantinople: City of the World's Desire, 1453–1924 |url=https://www.washingtonpost.com/wp-srv/style/longterm/books/chap1/constantinople.htm |série=www.washingtonpost.com |consulté le=9 April 2017 |archive-url=https://web.archive.org/web/20190724153239/http://www.washingtonpost.com/wp-srv/style/longterm/books/chap1/constantinople.htm |archive-date=24 July 2019 }}</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Roger|nom1=Crowley|titre=Constantinople: The Last Great Siege, 1453|éditeur=Faber & Faber|année=2009|isbn=978-0571250790|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=ftOp1cR7VK8C&q=%22The+seat+of+the+Roman+Empire+is+Constantinople.%22&pg=PT13}}</ref>. La revendication de Mehmed II a également été reconnue par le [[Patriarche de Constantinople|patriarche œcuménique de Constantinople]] [[Gennade II Scholarios|Gennadius Scholarius]] après que Mehmed II l'ait intronisé dans ce rôle en 1454, l'année suivant la chute de Constantinople<ref>{{Article encyclopédique|langue=en|titre article=Gennadios II Scholarios {{!}} patriarch of Constantinople|encyclopédie=Encyclopedia Britannica|lire en ligne=http://global.britannica.com/biography/Gennadios-II-Scholarios|accessdate=9 April 2017|archive-date=31 October 2017|archive-url=https://web.archive.org/web/20171031214404/https://global.britannica.com/biography/Gennadios-II-Scholarios|url-status=live}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=en-US |titre=List of Ecumenical Patriarchs – The Ecumenical Patriarchate |url=https://www.patriarchate.org/list-of-ecumenical-patriarchs?p_p_id=101_INSTANCE_u1pdiOuFkFSc&p_p_lifecycle=0&p_p_state=normal&p_p_mode=view&p_p_col_id=column-1&p_p_col_pos=1&p_p_col_count=2&_101_INSTANCE_u1pdiOuFkFSc_delta=20&_101_INSTANCE_u1pdiOuFkFSc_keywords=&_101_INSTANCE_u1pdiOuFkFSc_advancedSearch=false&_101_INSTANCE_u1pdiOuFkFSc_andOperator=true&p_r_p_564233524_resetCur=false&_101_INSTANCE_u1pdiOuFkFSc_cur=6 |série=www.patriarchate.org |consulté le=9 April 2017 |archive-url=https://web.archive.org/web/20170702213524/https://www.patriarchate.org/list-of-ecumenical-patriarchs?p_p_id=101_INSTANCE_u1pdiOuFkFSc&p_p_lifecycle=0&p_p_state=normal&p_p_mode=view&p_p_col_id=column-1&p_p_col_pos=1&p_p_col_count=2&_101_INSTANCE_u1pdiOuFkFSc_delta=20&_101_INSTANCE_u1pdiOuFkFSc_keywords=&_101_INSTANCE_u1pdiOuFkFSc_advancedSearch=false&_101_INSTANCE_u1pdiOuFkFSc_andOperator=true&p_r_p_564233524_resetCur=false&_101_INSTANCE_u1pdiOuFkFSc_cur=6 |archive-date=2 July 2017 }}</ref>. Les prétentions de Mehmed II n'ont toutefois pas été acceptées par l'Église catholique romaine ou les États chrétiens d'Europe de l'époque, et bien que Mehmed II ait eu l'intention de donner suite à ses revendications en se lançant dans la conquête de l'Italie, sa mort en 1481 a marqué la dernière fois où l'État ottoman tenté de conquérir l'Italie ou Rome elle-même ; les empereurs ottomans ultérieurs préférant combattre leurs concurrents à la succession putative de l'Empire romain (nommément le Saint-Empire romain germanique et l'Empire russe). Alors que l’Empire ottoman poursuivait sa rupture avec la légitimité gréco-romaine en faveur du renforcement de sa légitimité islamique, les revendications ottomanes sur l’Empire romain s’estompèrent ; la dernière utilisation officielle du titre ''Kayser-i Rum'' remontant au {{XVIIIe siècle}}.

=== Onomastique ===
{{Article détaillé||contenu=Article détaillé : [[Problème des deux empereurs]]}}
[[Fichier:Corpus_scriptorum_historiæ_byzantinæ.PNG|droite|vignette| ''De Byzantinæ historiæ scriptoribus'', également connu sous le nom de « [[Byzantine du Louvre]] », page de garde aux armes de [[Louis XIV]].]]
L'empire que l'historiographie moderne qualifie de « [[Empire byzantin|byzantin]] » n'a jamais utilisé cette expression et a continué à se qualifier lui-même d'''Empire romain'', ''Empire des Romains'' ou ''[[Romanie]]'' jusqu'à la [[chute de Constantinople]]. Après l'établissement du Saint-Empire romain germanique en 800, les chrétiens d'Europe occidentale étaient réticents à appliquer l'épithète de « romain » à l'Empire d'Orient et l'appelaient fréquemment « Empire des Grecs » ou « Empire grec ». En revanche, les musulmans du [[Levant (Proche-Orient)|Levant]] et d'Extrême-Orient appelaient généralement les habitants de l'Empire d'Orient les « Romains » (''Roumi'') et les Européens de l'Ouest, y compris ceux du Saint-Empire romain germanique, les « [[Francs]] » (''[[Farang]]'').

Le nom de [[Byzance]] fait référence à une ancienne ville du [[Bosphore]], aujourd'hui appelée [[Istanbul]], que [[Constantin Ier (empereur romain)|Constantin]] rebaptisa [[Constantinople]] en 330. Il ne fut plus utilisé par la suite, sauf dans de rares contextes historiques ou poétiques, jusqu'à ce qu'il prenne son nouveau sens en 1557 lorsque l'érudit allemand [[Hieronymus Wolf]] publia son ''Corpus Historiæ Byzantinæ'', un recueil de sources historiques sur l'Empire d'Orient. Puis, à partir de 1648, [[Philippe Labbe]] et ses collègues [[Compagnie de Jésus|jésuites]] français publièrent le ''De Byzantinæ historiæ scriptoribus'' en 24 volumes<ref>{{Lien web |titre=The "Byzantine du Louvre" collection |url=https://www.qantara-med.org/public/show_document.php?do_id=720&lang=en |série=Qantara}}</ref> ; et, en 1680, [[Charles du Fresne du Cange|Du Cange]] produisit sa propre ''Historia Byzantina''. C'est à cause de ces auteurs que le terme de « byzantin » s'impose peu à peu parmi les auteurs, notamment français, au {{XVIIIe siècle}}<ref>{{Article|auteur1=Fox|prénom1=Clinton R|titre=What, If Anything, Is a Byzantine?|périodique=Celator|volume=10|date=March 1996|lire en ligne=http://www.romanity.org/htm/fox.01.en.what_if_anything_is_a_byzantine.01.htm}}</ref>. En dehors de la France, dans le monde occidental, l'usage de l'expression « empire byzantin » ne se généralise que vers le milieu du {{XIXe siècle}}, après que [[Barthold Georg Niebuhr]] et ses continuateurs publient le ''[[Corpus Scriptorum Historiae Byzantinae]]'' en 50 volumes<ref>{{Ouvrage|nom1=John H. Rosser|titre=Historical Dictionary of Byzantium|lieu=Lanham, MA|éditeur=Scarecrow|date=2011|passage=2|isbn=978-0-8108-7567-8}}</ref>.

De même, ce que les historiens appellent « [[Empire carolingien]] » et « [[Saint-Empire romain germanique]] » était pour leurs sujets et dirigeants l'« Empire romain », l'« Empire des Romains » — ou simplement l'« Empire ». Ce n'est qu'en 1157 que les rebondissements de la [[Querelle des Investitures]] conduisirent à qualifier l'Empire, mais pas l'empereur lui-même, de « saint » (''sacrum'')<ref name="Wilson">{{Ouvrage|nom1=Peter H. Wilson|titre=The Holy Roman Empire: A Thousand Years of Europe's History|éditeur=Penguin Books|date=2017}}</ref>{{,}}<ref>[[Peter Moraw]], ''Heiliges Reich'', in: [[Lexikon des Mittelalters]], Munich & Zurich: Artemis 1977–1999, vol. 4, columns 2025–2028.</ref>. La référence à l'Allemagne (« Saint-Empire romain ''germanique'' »), apparue pour la première fois à la fin du {{XVe siècle}}, n'a jamais été beaucoup utilisée dans les documents officiels impériaux<ref>Peter H. Wilson, "Bolstering the Prestige of the Habsburgs: The End of the Holy Roman Empire in 1806", in ''The International History Review'', Vol. 28, No. 4 (December 2006), p. 719.</ref> ; en outre, elle n'était même pas entièrement exacte, l'Empire couvrant également des territoires romans (notamment en Italie) et slaves. D'autres désignations fréquentes au début de l'ère moderne existaient également, telles que « Empire allemand » ou « Empire romain-allemand » (''{{Langue|de|Römisch-Deutsches Reich}}'')<ref>{{Article encyclopédique|auteur1=Marco Jorio|titre article=Heiliges Römisches Reich|encyclopédie=Historisches Lexikon der Schweiz|lire en ligne=https://hls-dhs-dss.ch/de/articles/006626/2016-04-25/}}</ref>.

En 1773, quelques décennies avant la disparition du Saint-Empire romain germanique, [[Voltaire]] a cette phrase célèbre selon laquelle le Saint-Empire « n’était en aucun cas saint, ni romain, ni un empire »<ref>{{Ouvrage|nom1=Voltaire|titre=Essais sur les mœurs et l'ésprit des nations|volume=3|lieu=Neuchâtel|éditeur=nouvelle|année=1773|année première édition=1756|passage=338|titre chapitre=Chapitre LXX|extrait=Ce corps qui s'appelait, & qui s'appelle encore, le Saint-Empire Romain, n'était en aucune manière, ni saint, ni romain, ni empire}}</ref>.

== Légitimité impériale romaine ==
Dans les premières décennies de l'Empire romain, la légitimité était largement définie par les institutions héritées de la [[République romaine]], initialement associées à une forme de succession héréditaire au sein de la [[Julio-Claudiens|dynastie julio-claudienne]]. Alors que les anciennes institutions républicaines perdaient progressivement de leur prégnance, la légitimité de nombreux empereurs ultérieurs fut tirée de leur acclamation par l'armée et, sous la [[Antonins (Rome)|dynastie antonine]], [[Adoption en droit romain|de l'adoption par leur prédécesseur]]. L'Empire romain lui-même a longtemps été défini par sa capitale éponyme, mais cette équation est devenue floue après la [[Crise du troisième siècle|crise du {{IIIe}} siècle]], lorsque le centre administratif en a été déplacé à [[Mediolanum]] (Milan), puis ventilé en divers endroits (dont [[Nicomédie]], [[Sirmium]], [[Trèves (Allemagne)|Augusta Treverorum]], [[Sofia|Serdica]]) avant d'être fixée par [[Constantin Ier (empereur romain)|Constantin le Grand]] à [[Byzance]], rebaptisée pour l'occasion [[Constantinople]] (en 330) — tandis que [[Ravenne]] remplaçait Milan comme capitale politique de la partie occidentale en 402. Parallèlement, l'Empire se [[Christianisation|christianise]] au cours du {{IVe siècle}}, ce qui redéfinit en partie le rôle et l'autorité de l'Empereur, qui devient le protecteur de la nouvelle religion d'État.

Ainsi, '''l’identité impériale, et donc la question de savoir quel régime politique pouvait légitimement prétendre être l’Empire romain, ne reposait-elle pas sur un seul critère, mais bien sur une variété de facteurs''' : le pouvoir territorial et le monopole de la violence légitime ; le contrôle des villes de Rome et/ou Constantinople ; la protection de la justice et de la foi chrétienne (contre le paganisme, l'hérésie et plus tard l'[[Islam]]) ; ainsi que, quoique de manière plus intermittente, des considérations de [[Dynastie|succession dynastique]] ou de [[nationalisme ethnique]].

=== Des revendications contradictoires ===
{{Image multiple
| align = right
| footer = Les empereurs [[Basile Ier le Macédonien|Basile {{Ier}}]] (à gauche) et [[Louis II le Jeune|Louis II]] (à droite).
| image1 = Basil I (867-886) from the Chronikon of Ioannis Skylitzes.jpg
| image2 = Louis II of Italy.png
| total_width = 300
}}
Le caractère multidimensionnel de la revendication impériale, ainsi que le prestige unique du titre impérial, expliquent la récurrence de conflits souvent insolubles visant à savoir quel État ou quel dirigeant était l'héritier légitime de l'Empire romain. Ces conflits ont cependant perdu de leur puissance au cours de la [[Époque moderne|période moderne]], à mesure que l'amélioration des communications et de l'alphabétisation sapait de plus en plus toute prétention à la suprématie universelle.
Une lettre de [[Louis II le Jeune|l'empereur carolingien Louis II]] à l'[[Basile Ier le Macédonien|empereur byzantin Basile {{Ier}}]], probablement rédigée dans les cercles romains proches de la papauté en réponse à un original perdu et survivant dans une copie du {{XIIIe siècle}} conservée à la [[Bibliothèque apostolique vaticane|Bibliothèque du Vatican]], permet de comprendre la façon dont le débat était formulé à cette époque (vers 871). Les citations suivantes sont tirées d’une traduction complète du chercheur Charles West<ref>{{Lien web |titre=The letter of Emperor Louis II of Italy to Emperor Basil I of Byzantium, c. 871; Translation by Charles West |url=http://turbulentpriests.group.shef.ac.uk/wp-content/uploads/2016/05/Emperor-Louis-II-of-Italy-to-Emperor-Basil-I.pdf |date=May 2016}}</ref> (et retraduites en français pour cet article).

La domination territoriale sur Constantinople n’est pas le critère exclusif d’une revendication impériale légitime :

{{Citation bloc|Chez nous, en vérité, on a lu beaucoup de livres, et on en lit beaucoup sans relâche, mais on n'a jamais trouvé que des restrictions aient été établies, ni que des formes ou des préceptes aient été édictés, selon lesquelles nul ne puisse être appelé empereur (''Basileus'') que celui qui détient le gouvernail du pouvoir (''imperium'') dans la ville de Constantinople.}}

Bien que l'Empire en tant que concept soit unitaire, il n'existe aucune doctrine établie selon laquelle il ne devrait y avoir qu'un seul empereur à tout moment, surtout si les deux empereurs sont en bons termes. Que ce soit volontaire ou non, la description donnée par Louis de deux empereurs d'un seul Empire correspond à la doctrine qui sous-tend la [[Tétrarchie]], soit la division entre Empire d'Orient et Empire d'Occident entre 395 et 476 :
{{Citation bloc|Vous dites aussi que les quatre sièges patriarcaux [de Constantinople, d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem] ont une tradition transmise par les Apôtres théophores de commémorer un seul empire (''imperium'') pendant la messe, et vous nous conseillez de les persuader de nous appeler empereurs. Mais la raison ne l'exige pas, et il n'est pas nécessaire de le faire. D'abord parce qu'il ne convient pas que nous apprenions aux autres comment nous devons nous appeler. Ensuite parce que nous savons que, sans aucune persuasion de notre part, tant les patriarches que tous les autres peuples sous ce ciel, à l'exception de votre Fraternité, tant les fonctionnaires que les simples citoyens, nous appellent de ce nom chaque fois que nous recevons d'eux des lettres et des écrits. Et nous voyons que nos oncles, les glorieux rois [Charles le Chauve et Louis le Germanique], nous appellent empereur sans aucune envie et disent sans aucun doute que nous sommes empereur, sans tenir compte de l’âge, car ils sont plus âgés que nous, mais en considérant plutôt l’onction et la bénédiction par lesquelles, par l’imposition des mains et la prière du souverain pontife, nous sommes divinement élevés à cette hauteur et à la principauté romaine (''romani principatus imperium''), que nous détenons par la permission céleste. Mais quoi qu’il en soit, si les patriarches font mention d’un seul empire dans les saints sacrements, il faut les louer, car ils agissent ainsi tout à fait à propos. Car il y a en effet un seul empire du Père, du Fils et du Saint-Esprit, dont l’Église sur la terre fait partie. Mais Dieu n'a pas donné à cette Église d'être dirigée ni par moi ni par vous seuls, mais afin que nous soyons liés les uns aux autres par un tel amour que nous ne puissions être divisés, mais que nous soyons censés exister comme un.}}

L'affirmation de Louis est suffisamment ancienne pour être justifiée par la tradition puisqu'elle tient déjà depuis plusieurs générations :
{{Citation bloc|Nous sommes en droit d'éprouver quelque étonnement que votre Sérénité croie que nous aspirions à un titre (''appellatio'') nouveau ou récent. Car, pour autant qu'il se rapporte à la lignée de notre descendance (''genus''), il n'est ni nouveau ni récent, car il vient de notre arrière-grand-père de glorieuse mémoire [c'est-à-dire [[Charlemagne]]]. Il ne l'a pas usurpé, comme vous le prétendez, mais a reçu l'imposition et l'onction de ses mains par la volonté de Dieu, et par le jugement de l'Église et du plus haut pontife, comme vous le trouverez facilement écrit dans vos livres. (...) En effet, nul ne doute que la dignité de notre empire (''imperium'') soit ancienne, qui sait que nous sommes les successeurs d'anciens empereurs, et qui connaît la richesse de la piété divine.}}
{{Image multiple
| align = right
| footer = Il est généralement admis que ces deux édifices ont été conçus sur le modèle des grandes salles d'audience du [[Grand Palais (Constantinople)|Palais impérial]] de [[Constantinople]], comme le [[Chrysotriklinos]] ou la salle de réception dorée. Saint-Vital a peut-être également servi d'inspiration directe pour la chapelle d'Aix-la-Chapelle.
| image1 = Ravenna Basilica of San Vitale wideangle.jpg
| caption1 = [[Basilique Saint-Vital de Ravenne]] à [[Ravenne]], construite sous le [[royaume ostrogoth]] in 526
| image2 = Aix dom int vue cote.jpg
| caption2 = [[Chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle]], construite sous [[Charlemagne]] vers 792
| total_width = 300
}}
Louis défend le principe carolingien de succession dynastique tel que validé par la tradition. De plus, Louis pense qu'il ne devrait y avoir aucun critère ethnique exclusif pour la dignité impériale. Ici, Louis fait apparemment référence à une affirmation de Basile selon laquelle l'empereur devrait être romain et non issu d'une ethnie (''gens'') non romaine :
{{Citation bloc|Il est tout à fait légitime de rire de ce que vous dites sur le fait que le nom impérial n'est ni héréditaire (''paternum'') ni approprié à un peuple (''neque genti convenire''). Comment n'est-il pas héréditaire, puisqu'il l'était pour notre grand-père ? En quoi est-il inapproprié pour un peuple (''gens''), puisque nous savons — pour ne citer que quelques exemples par souci de concision — que les empereurs romains furent faits à partir des peuples (''gens'') d'[[Hispanie]] [par exemple [[Théodose I]]], d'[[Isaurie]] [par exemple [[Léon III l'Isaurien]]] et de [[Khazars|Khazarie]] [par exemple [[Léon IV le Khazar]]] ? Et bien que vous ne prétendiez pas sincèrement que ces nations (''nationes'') soient plus distinguées par la religion ou les vertus que le peuple (''gens'') des Francs, vous ne les refusez pas et ne dédaignez pas de parler d'empereurs issus d'eux. (...) Votre bien-aimée Fraternité montre d'ailleurs que vous vous étonnez que nous soyons appelés empereur des Romains et non des Francs. Mais sachez que si nous n'étions pas empereur des Romains, nous ne serions pas non plus empereur des Francs. Nous tenons ce titre et cette dignité des Romains, parmi lesquels brillait le premier sommet de gloire et d'exaltation, dont nous avons reçu divinement reçu le peuple (''gens'') et la ville de qui nous avons reçu le devoir de gouverner, et dont nous avons reçu le devoir de défendre et d'élever l'Église, la mère de toutes les Églises de Dieu. (...) Puisque les choses sont ainsi, pourquoi vous efforcez-vous de nous critiquer, parce que nous sommes issus des Francs et que nous avons la charge des rênes de l'empire romain (''imperium''), puisque dans chaque peuple (''gens'') quiconque craint Dieu lui est agréable ? Car certainement Théodose {{Ier}} l'aîné et ses fils Arcadius et Honorius (empereur) et Théodose II le jeune, fils d'Arcadius, furent élevés d'entre les Espagnols au sommet de l'empire romain.}}

Utilisant un vocabulaire moderne, Louis pensait que les peuples ou nations (''gens'') qu'il citait (par exemple les Espagnols, les Isauriens, etc.) n'étaient pas romains et que seuls les habitants de la ville de Rome étaient romains, les autres se contentant d'être citoyens de l’empire. Pour Basile, les Francs ne pouvaient pas faire de bons empereurs car ils n'avaient pas été citoyens de l'empire.

=== L'Empire et le christianisme ===
Depuis le {{IVe}} siècle ([[édit de Thessalonique]] en 380), la défense et la promotion du christianisme sont un moteur clé de l'identité impériale. Après cette date, la portée territoriale de l’Empire ou de l’une de ses entités continues n’a jamais exactement coïncidé avec celle de la chrétienté, et les divergences ont conduit à des conflits de légitimité persistants. Le plus important d'entre eux fut le [[Séparation des Églises d'Orient et d'Occident|schisme Est-Ouest]], qui s'est cristallisé en 1054 à la suite de luttes de longue date sur la gouvernance et la juridiction (connues sous le nom de différences ecclésiastiques) et sur la doctrine ([[Différences théologiques entre l'Église catholique et l'Église orthodoxe|différences théologiques]]), et qui peut être considéré à juste titre comme un effet retardé de le « problématique des deux empereurs » posé par la création de l'[[Empire carolingien]] en 800.

Des exemples antérieurs incluent la préférence de plusieurs [[royaumes barbares]] pendant la [[Invasions barbares|période de migration]] pour [[Arianisme|l'arianisme]] après que le [[Symbole de Nicée|Credo de Nicée]] concurrent eut repris la domination à Constantinople : les [[Royaume des Burgondes|Bourguignons]] jusqu'en 516, [[Royaume vandale|les Vandales]] jusqu'en 534, [[Royaume ostrogoth|les Ostrogoths]] jusqu'en 553, [[Royaume suève|les Suèves]] jusqu'aux années 560, [[Royaume wisigoth|les Wisigoths]] jusqu'en 587 et [[Royaume lombard|les Lombards]] par intermittence jusqu'à 652. L'adoption de l'arianisme a protégé les dirigeants de ces royaumes des conflits religieux et des initiatives politiques de Constantinople, tout en étant plus acceptable pour leurs sujets majoritairement catholiques que le paganisme.
[[Fichier:Palaio.jpg|droite|vignette| Portrait présumé de [[Jean VIII Paléologue|l'empereur Jean VIII]] au [[Concile de Bâle-Ferrare-Florence-Rome|concile de Florence]], par [[Benozzo Gozzoli]], vers 1459.]]
À deux reprises, les empereurs orientaux (byzantins) ont, annulant pour ainsi dire les effets du schisme de 1054, réuni leur Église à celle, catholique romaine, de leurs homologues occidentaux ; ce pour des raisons politiques et sans effet durable. Lors du [[deuxième concile de Lyon]] en 1274, [[Michel VIII Paléologue|l'empereur Michel VIII]] cherche à apaiser la papauté pour garder sous contrôle ses adversaires [[Francocratie|francs]], et en particulier à contrecarrer les plans de [[Charles Ier d'Anjou]] visant à réenvahir l'Empire ; l'union n'a jamais été largement acceptée à Constantinople et a été annulée au [[Concile de Constantinople (1285)|Concile des Blachernes]] en 1285, après la mort de Michel et de Charles. Au [[Concile de Bâle-Ferrare-Florence-Rome|concile de Ferrare et Florence]] en 1438-1439, [[Jean VIII Paléologue|l'empereur Jean VIII]] négocia sous la menace d'une conquête ottomane, mais l'accord d'union rencontra de nouveau une résistance à Constantinople et n'est proclamé que par [[Isidore de Kiev]] en décembre 1452, quatre ans après la mort de Jean et trop tard pour empêcher la [[chute de Constantinople]] quelques mois plus tard.

À l'inverse, la politique des sultans ottomans en tant qu'empereurs autoproclamés des Romains (c'est-à-dire, dans la langue de l'époque, des [[Église orthodoxe|chrétiens orthodoxes orientaux]]) soutenait l'indépendance de l'Église orthodoxe de Rome et favorisait parfois des réformes visant à contenir le séparatisme d'inspiration religieuse, comme par exemple la renaissance du [[Patriarcat de Peć|Patriarcat serbe de Peć]] en 1557. L'instrument initial de cette politique, le patriarche [[Gennade II Scholarios|Gennadius Scholarius]], avait été un opposant majeur à l'union des Églises orientale et occidentale dans les années 1440 et au début des années 1450.

Le lien entre Empire et christianisme porte un héritage durable : à ce jour, [[Rome]] demeure le siège de l'[[Église catholique]], et [[Constantinople]] ([[Istanbul]]), celui du [[Patriarcat œcuménique de Constantinople|Patriarcat œcuménique]] orthodoxe, avec un statut largement reconnu de ''[[primus inter pares]]'' au sein de l'[[Église orthodoxe|Église orthodoxe orientale]]. En 2018, les négociations sur [[Église autocéphale|l’autocéphalie]] de l’[[Église orthodoxe d'Ukraine|Église orthodoxe d’Ukraine]] ont conduit à un [[Schisme orthodoxe (2018)|schisme entre Moscou et Constantinople]], l’[[Église orthodoxe russe]] ayant rompu unilatéralement la pleine communion avec le Patriarcat œcuménique. Un schisme similaire s'était produit en 1996 au sujet de l'[[Église orthodoxe d'Estonie (patriarcat œcuménique de Constantinople)|Église orthodoxe apostolique estonienne]], mais contrairement à 2018, il a été résolu au bout de quelques mois.

Le lien impérial s’étend même (à travers l’héritage de l’[[Empire ottoman]]) à [[Islam|l’Islam]]. Istanbul fut également [[Abolition du califat|jusqu'en 1924]] le siège du seul califat largement reconnu du dernier demi-millénaire et conserve à ce titre la plupart des reliques survivantes de [[Mahomet]] (dans [[Palais de Topkapı|le palais de Topkapı]], à proximité de l'emplacement de l'ancien [[Grand Palais (Constantinople)|palais impérial romain]]).

== La continuation impériale à l'Est ==

=== L'Empire romain (byzantin) jusqu'en 1204 ===
[[Fichier:Byzantine_Empire_animated.gif|droite|vignette| Étendue territoriale de l'Empire byzantin entre 476 et 1400]]
{{Article détaillé|Empire byzantin}}
Il existe une continuité indéniable entre les empires romain et byzantin, dans la mesure où la date à laquelle le premier se termine et la seconde commence est essentiellement une question de convention historiographique. Les Byzantins se considéraient comme Romains, aussi bien avant qu'après avoir {{Lien|langue=en|trad= Hellenization in the Byzantine Empire|fr= adopté le grec comme principale langue d'État}} au {{VIIe siècle}}. L'historiographie traditionnelle de l'Europe occidentale retient 395 comme date de commencement de l'Empire byzantin, lorsque [[Théodose Ier|Théodose {{Ier}}]] fut remplacé par [[Arcadius (empereur romain)|Arcadius]] à l'Est et [[Flavius Honorius|Honorius]] à l'Ouest. Des conventions alternatives font dater la transition de Rome à Byzance lors du transfert de la capitale impériale de [[Rome]] à [[Constantinople]] en 330, ou au règne d'[[Héraclius]] (610-641) marquant la fin de l'[[Antiquité tardive]].

Même si l'Empire byzantin a traversé de nombreux bouleversements politiques et a été confronté à des périodes de contraction dramatique au {{VIIe siècle}} ainsi qu'à la fin du {{XIe siècle}}, il a fait preuve d'une continuité institutionnelle incontestable jusqu'en 1204, tout particulièrement car le siège central et déterminant du pouvoir, [[Constantinople]], n'a jamais été conquise pendant durant période. À l’inverse, dans les territoires de la Méditerranée orientale qui ont cessé de faire partie de l’Empire au cours de cette période, aucune revendication concurrente de légitimité impériale n’a émergé. À leur manière, les [[Guerres byzantino-avares|Avars]] et les {{Lien|langue=en|trad= Slavic migrations to the Balkans|fr= Slaves de l'Europe du Sud-Est}}, ainsi que les [[Guerre perso-byzantine de 602-628|Sassanides]] et [[Conquête musulmane du Levant|les musulmans du Levant et de l'Afrique du Nord]], avaient des modèles de gouvernance différents et n'avaient aucune raison ni volonté particulière de se faire passer pour des Romains. Peut-être cette réticence est-elle également en partie liée à leur incapacité à conquérir la capitale impériale malgré [[Liste des sièges de Constantinople|de nombreuses tentatives]], comme le suggère le contre-exemple des sultans ottomans revendiquant le titre impérial dès 1453.

==== L'Empire bulgare ====
{{Article détaillé|Empire bulgare}}
Avant 1204, à l'Est, la seule revendication impériale significative concurrente à celle des Grecs byzantins se manifeste en 913, lorsque [[Siméon Ier le Grand]], souverain de [[Premier Empire bulgare|Bulgarie]], est couronné « empereur et autocrate de tous les Bulgares et des Romains » (''Car i samodǎržec na vsički bǎlgari i gǎrci'' dans la langue vernaculaire moderne) par le [[patriarche de Constantinople]] et régent impérial [[Nicolas Ier Mystikos|Nicolas Mystikos]]. La décennie 914-927 est le théâtre d'une [[Guerre byzantino-bulgare de 913-927|guerre destructrice entre l'Empire et la Bulgarie]] au sujet entre autres des revendications impériales des deux parties. Le monarque bulgare fut finalement reconnu comme « empereur des Bulgares » (''vasileus tōn Voulgarōn'') par l'empereur byzantin [[Romain Ier Lécapène|Romanos I Lakapenos]] en 924, suite à la convention également adoptée avec l'[[empire carolingien]] selon laquelle ''[[basileus]]'' (un mot grec qui peut se traduire par ''roi'' ou ''empereur'' selon le contexte, prononcé « ''vasileus'' » en [[grec médiéval]]) n'était pas un titre égal à celui de l'Empereur tant qu'il ne conférait pas explicitement une autorité sur les « Romains ». La reconnaissance par Constantinople de la dignité ''basileus'' du monarque bulgare et de la dignité patriarcale du patriarche bulgare fut de nouveau confirmée lors de la conclusion d'une paix permanente et d'un mariage dynastique bulgaro-byzantin en 927. Le titre bulgare de « [[tsar]] » (''[[César (titre)|César]]'') a été adopté par tous les monarques bulgares jusqu'à la chute de la Bulgarie sous la domination ottomane.

Durant la période du [[Second Empire bulgare]], des compositions littéraires présentaient [[Veliko Tarnovo|Tarnovo]], alors capitale, comme le successeur de Rome et de Constantinople<ref>{{Ouvrage|nom1=Ivan Duychev (Иван Дуйчев)|titre=Bulgarian Middle Ages (Българско средновековие)|lieu=Sofia|éditeur=Наука и Изкуство|date=1972|passage=430}}</ref>. Les contemporains bulgares appelaient la ville « Tsarevgrad Tarnov », la « ville impériale de Tarnovo », faisant écho au nom bulgare alors utilisé pour Constantinople, [[Tsargrad]].

=== La quatrième croisade et ses conséquences ===
{{Article détaillé|Quatrième croisade|Partitio terrarum imperii Romaniae}}
[[Fichier:LatinEmpire2.png|droite|vignette| Fragmentation politique au lendemain du sac de Constantinople, début du {{XIIIe siècle}}.]]
La [[quatrième croisade]] et le [[Siège de Constantinople (1204)|sac de Constantinople]] en 1204 marquèrent une rupture majeure dans l'histoire de l'Empire romain d'Orient et ouvrirent une période de fragmentation et de revendications concurrentes à la légitimité impériale. Les envahisseurs croisés (« latins ») se partagèrent la majeure partie de l'Empire par un [[Partitio terrarum imperii Romaniae|traité de partage]] formel, en vertu duquel la souveraineté directe de [[Empire latin de Constantinople|l'Empire latin de Constantinople]], avatar théorique de l'Empire byzantin, ne s'étendait pas beaucoup plus loin que la ville elle-même : en étaient par exemple déjà exclues des villes proches telles que [[Thessalonique|Salonique]] et [[İznik|Nicée]]. Certains territoires de l'ancien Empire n'ont pas été conquis par les croisés et sont restés détenus par divers potentats locaux comme autant de vestiges de l'ancien Empire (grec).

Plusieurs des États issus de cette fragmentation prétendaient à la succession légitime de l'Empire romain, et ce pour diverses raisons ; l'Empire latin tenait la capitale impériale ; les dirigeants de l'[[Empire de Trébizonde]] étaient issus de l'ancienne [[Maison Comnène|famille impériale des Comnène]] ; ceux du [[despotat d'Épire]] (et du bref [[empire de Thessalonique]]) appartenaient à la [[famille Ange]], également impériale — même s'ils renoncèrent à la prétention impériale en acceptant la suzeraineté de [[Nicée]] en 1248 ; quant à l'[[Empire de Nicée]], il a revendiqué avec succès le [[Patriarche de Constantinople|patriarcat]] en 1206 et a finalement prévalu grâce à une gestion habile des alliances et à la reconquête de Constantinople en 1261.

==== L'Empire latin de Constantinople ====
{{Article détaillé|Empire latin de Constantinople}}
L'Empire latin possédait sa propre ligne de succession impériale, dominée d'abord par la [[Comte de Flandre|Maison de Flandre]] puis par la [[Maison de Courtenay|Maison française de Courtenay]]. Il fut en difficulté presque dès ses début, la ville ne parvenant jamais à se remettre du traumatisme de 1204. Malgré sa [[suzeraineté]] théorique, l'Empire latin n'était même pas politiquement dominant parmi les États croisés, que les Orientaux appelaient latins ou [[francs]].

Après avoir été expulsés de Constantinople en 1261, ses [[Liste des empereurs latins de Constantinople|empereurs titulaires]] ont occasionnellement détenu le pouvoir territorial dans certaines parties de la Grèce moderne. [[Jacques des Baux]] fut [[Principauté d'Achaïe|prince d'Achaïe]] en 1381-1383 et le dernier prétendant au titre impérial latin.

=== L'Époque byzantine tardive ===
{{Article détaillé|Empire byzantin sous les Paléologue}}
[[Fichier:Eastern_Mediterranean_1450.svg|droite|vignette| L'Empire byzantin (en [[rose fuchsia]]) juste avant la chute de Constantinople.]]
La [[Maison Paléologue|dynastie Paléologue]] dirige la dernière manifestation de l'empire byzantin depuis la reprise de Constantinople en 1261 jusqu'à la conquête ottomane en 1453. L'Empire rétrécit considérablement au cours de cette période, jusqu'à n'englober à la fin plus que la ville impériale elle-même, sans aucun arrière-pays, ainsi que la majeure partie du [[Péloponnèse]] (alors appelée Morée), généralement placée sous le règne direct d'un des fils de l'empereur, qui y portait le titre de [[Despote]]. Cette ligne de succession impériale cessa en 1453 ; même si le [[despotat de Morée]] persista encore quelques années, jusqu'à ce que les Ottomans le conquièrent en 1460, ses dirigeants de l'époque ne revendiquèrent pas l'autorité impériale.

==== L'Empire serbe ====
{{Article détaillé|Empire serbe}}
En 1345, le [[Liste des souverains serbes et yougoslaves|roi serbe]] [[Stefan Uroš IV Dušan|Stefan Dušan]] se proclama empereur ([[tsar]]) et fut couronné à [[Skopje]] pour la [[Pâques]] 1346 par le [[Liste des primats de l'Église orthodoxe serbe|patriarche serbe]] nouvellement investi, ainsi que par le patriarche de toute la Bulgarie et l'archevêque d'Ohrid. Son titre impérial fut reconnu, entre autres, par l'Empire bulgare, très diminué après la [[bataille de Velbajd]] en 1330, mais pas par l'Empire byzantin. En [[Moyen Âge serbe|Serbie]], le titre d'« {{Lien|langue=en|trad= Emperor of the Serbs|fr= Empereur des Serbes et des Romains}} » (dans sa forme simplifiée finale ; ''цар Срба и Римљана'' / ''car Srba i Rimljana'' en serbe moderne) ne fut employé par la suite que par le fils de Stefan Dušan, [[Stefan Uroš V]], jusqu'à sa mort en 1371. Un demi-frère de Dušan, [[Siméon Uroš]], puis son fils [[Jean Uroš]], portèrent le même titre jusqu'à l'abdication de ce dernier en 1373, alors qu'ils régnaient en tant que dynastes en [[Thessalie (périphérie)|Thessalie]].

==== L'Empire de Trébizonde ====
{{Article détaillé|Empire de Trébizonde}}
L'[[Empire de Trébizonde]], l'une des entités issues de la fragmentation impériale du début du {{XIIIe siècle}}, survécut jusqu'à la conquête ottomane en 1461. Ses dirigeants, des [[Maison Comnène|Comnène]], ont revendiqué le titre impérial en concurrence avec ceux de Constantinople, même s'ils n'ont reçu aucune reconnaissance internationale significative.

La [[Principauté de Théodoros]], un État distinct de l'empire de Trébizonde apparu en 1362 sur les côtes de [[Crimée]], n'est tombée aux mains des Ottomans qu'en 1475. Rien n’indique que ses dirigeants prétendaient être des empereurs romains.

==== Les cessions d'André Paléologue ====
{{Article détaillé|Prétendant au trône byzantin}}
[[Fichier:Σφραγίς_Ανδρέου_Παλαιολόγου.png|droite|vignette| Sceau d'André Paléologue, fin du {{XVe siècle}}. L'inscription latine se traduit par « André Paléologue par la grâce du Dieu [[Despote]] des Romains ».]]
[[André Paléologue]], neveu du dernier empereur byzantin [[Constantin XI Paléologue]] et chef de ce qui restait de la famille Paléologue, a commencé à se faire appeler empereur de Constantinople en 1483 et, peut-être sans enfant, a vendu ce qu'il considérait comme son titre impérial à [[Charles VIII (roi de France)|Charles VIII de France]] en 1494<ref name="Norwich">{{Ouvrage|nom1=John Julius Norwich|titre=Byzantium – The Decline and Fall|lieu=New York|éditeur=Alfred A. Knopf|année=1995|passage=446|isbn=0-679-41650-1}}</ref>. Les rois de France suivants conservèrent cette concession jusqu'en 1566, date à laquelle elle tomba en désuétude. Charles IX, le dernier à la porter, écrit que le titre impérial byzantin « n'est pas plus éminent que celui de roi, qui sonne mieux et plus doux<ref>David Potter, ''A History of France, 1460–1560: The Emergence of a Nation State'', 1995, p.&nbsp;33</ref> ».

Dans son dernier testament en 1502, André Paléologue cède de nouveau cédé son titre impérial, cette fois à [[Ferdinand le Catholique|Ferdinand II d'Aragon]] et [[Isabelle la Catholique|Isabelle de Castille]]<ref>Polychrones Kyprianos Enepekides, ''Das Wiener Testament des Andreas Palaiologos vom 7. April 1502''</ref>. D’autres [[Prétendant au trône byzantin|prétendants au trône byzantin]] sont apparus après sa mort cette année-là, portant des affirmations de plus en plus douteuses au fil des siècles. [[Charles Ier de Mantoue|Charles {{Ier}} de Mantoue]], qui prétendait également descendre de la famille Paléologue, déclara en 1612 son intention de reconquérir Constantinople, mais ne réussit qu'à provoquer un soulèvement dans la [[Magne (Grèce)|péninsule de Magne]], qui dura jusqu'en 1619.

=== L'Empire ottoman après 1453 ===
{{Article détaillé|Empire ottoman|Prétention ottomane à la succession romaine}}
{{Citation bloc|Nul ne saurait douter qu'il soit empereur des Romains. Celui qui tient le siège de l'empire dans sa main est empereur de droit ; et Constantinople est le centre de l'empire romain.|[[Georges de Trébizonde]]}}
[[Fichier:Gennadios_II_and_Mehmed_II.jpg|droite|vignette| [[Mehmed II]] et [[Gennade II Scholarios|Gennadius II]], mosaïque du {{XVIIIe siècle}} située au [[Cathédrale Saint-Georges d'Istanbul|Patriarcat de Phanar]] à Istanbul.]]
[[Fichier:OttomanEmpireIn1683.png|droite|vignette| L'[[Empire ottoman]] à son apogée, sous le règne du [[sultan]] [[Mehmed IV]].]]
Après sa [[Chute de Constantinople|conquête de Constantinople]] en 1453, [[Mehmed II]] se déclara empereur romain : ''Kayser-i Rum'', littéralement « [[César (titre)|César]] des Romains », le titre standard des premiers empereurs byzantins sur les terres arabes, perses et turques<ref>{{Lien web |auteur=İlber Ortaylı |titre=Büyük Constantin ve İstanbul |url=https://www.milliyet.com.tr/yazarlar/ilber-ortayli/buyuk-constantin-ve-istanbul-1395940 |série=Milliyet |date=28 May 2011}}</ref>. En 1454, il établit cérémonieusement [[Gennade II Scholarios|Gennadius Scholarius]], un fervent antagoniste du [[Église catholique|catholicisme]] et des ennemis européens du sultan, comme [[Patriarche de Constantinople|patriarche œcuménique de Constantinople]] et [[ethnarque]] du [[Millet des Rums|Millet des Roums]], c'est à dire [[Églises orthodoxes de culture grecque|des chrétiens grecs orthodoxes]] au sein de l'Empire. En retour, Gennadius approuve et valide la revendication de Mehmed à la succession impériale<ref>{{Article encyclopédique|titre article=Gennadios II Scholarios|encyclopédie=Encyclopaedia Britannica|lire en ligne=https://global.britannica.com/biography/Gennadios-II-Scholarios|accessdate=13 July 2020}}</ref>{{,}}<ref>[[Dimitri Kitsikis]], Türk-Yunan İmparatorluğu. Arabölge gerçeği ışığında Osmanlı Tarihine bakış – İstanbul, İletişim Yayınları, 1996.</ref>.

La prétention de Mehmed au trône impérial romain reposait principalement sur l'idée que Constantinople était le siège légitime de l'Empire romain, comme cela avait été le cas pendant plus d'un millénaire. L'érudit contemporain [[Georges de Trébizonde]] a écrit que « le siège de l'Empire romain est Constantinople... et celui qui est et reste empereur des Romains est aussi l'empereur du monde entier »<ref name="Crowley2009">{{Ouvrage|nom1=Roger Crowley|titre=Constantinople: The Last Great Siege, 1453|éditeur=Faber & Faber|année=2009|pages totales=13–|isbn=978-0-571-25079-0|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=ftOp1cR7VK8C&pg=PT13}}</ref>. Une autre revendication de légitimité, quoique discutable, faisait référence aux alliances passées entre la [[dynastie ottomane]] et les familles impériales byzantines. La princesse byzantine [[Théodora Cantacuzène (épouse d'Orhan)|Théodora Cantacuzène]] avait été l'une des épouses d'[[Orhan|Orhan {{Ier}}]], sultan ottoman, et une histoire non étayée mais largement répandue décrivait Mehmed comme un descendant de [[Jean Tzelepes Comnène]]<ref name="Norwich" />.

Dans un poème, [[Georges de Trébizonde]] évoque Mehmed<ref>{{Ouvrage|langue=en|nom1=Halil İnalcık|titre=The Ottoman Empire: The Classical Age 1300-1600|année=1973|pages totales=56–57}}</ref> comme suit :
{{Citation|Nul ne saurait douter qu'il soit empereur des Romains. Celui qui tient le siège de l'empire dans sa main est empereur de droit ; et Constantinople est le centre de l'empire romain.}} Les ambitions impériales de Mehmed allaient cependant plus loin et visaient à conquérir Rome elle-même, réunifiant ainsi l'Empire comme il ne l'avait pas été depuis près de huit siècles. Sa campagne d'Italie commença en 1480 avec l'[[Sac d'Otrante|invasion d'Otrante]], mais fut interrompue par la mort subite de Mehmed le 3 mai 1481<ref>{{Lien web |auteur=Bunson |prénom=Matthew |titre=How the 800 Martyrs of Otranto Saved Rome |url=http://www.catholic.com/magazine/articles/how-the-800-martyrs-of-otranto-saved-rome |série=Catholic Answers |consulté le=30 May 2014 |archive-url=https://web.archive.org/web/20131217224555/http://www.catholic.com/magazine/articles/how-the-800-martyrs-of-otranto-saved-rome |archive-date=17 December 2013 }}</ref>. Aucun de ses successeurs ne renouvela cet effort.

Cette position d’héritier légitime de l’Empire romain est devenur partie intégrante de l’identité du sultanat ottoman, au même titre que son héritage turc et musulman, même si cette dimension a été minimisée par les observateurs occidentaux. Selon l'érudit turc F. Asli Ergul<ref name="Orthodox">{{Lien web |auteur=Matthew Namee |titre=When did the Roman Empire end: 1917 or 1922? |url=https://orthodoxhistory.org/2020/07/20/when-did-the-roman-empire-end-1917-or-1922/ |série=Orthodox History |date=20 July 2020}}</ref> :
{{Citation|Bien que ce titre ne fût reconnu ni par les Grecs ni par les Européens, la dynastie ottomane, en se définissant comme ''Roumi'' [Romaine], intériorisa la structure hégémonique et multiculturelle de l'Empire romain d'Orient. Il s'agissait évidemment d'une déclaration de mainmise du sultan ottoman sur l'héritage de l'Empire romain d'Orient.}} De plus, au fil des siècles, de nombreux Grecs abandonnent l’orthodoxie et embrassent l’Islam, à tel point qu’aujourd’hui, en partie à cause du mélange des Grecs et des Turcs dans l’Empire Ottoman, des études génétiques ont montré que les Turcs modernes étaient plus proches, génétiquement parlant, des populations de la Méditerranée et du Moyen-Orient, que de celles d'[[Asie centrale]]<ref name="Orthodox" />.

Lors des échanges diplomatiques avec le [[Saint-Empire romain germanique]], les Ottomans refusent d'abord de reconnaître les prétentions impériales de ce dernier, car ils se considéraient comme les seuls successeurs légitimes de Rome. Dans le {{Lien|langue=en|trad= Truce of Constantinople (1533)|fr= traité de Constantinople de 1533}}, les négociateurs autrichiens ont convenu de ne faire aucune mention du Saint-Empire romain germanique, se référant uniquement à Ferdinand {{Ier}} comme roi d'Allemagne et à Charles Quint comme roi d'Espagne. Les Ottomans abandonnent finalement cette exigence dans le [[Paix de Zsitvatorok|traité de Zsitvatorok]] en 1606, et acceptent également les prétentions impériales de l'[[Empire russe]] par le [[Traité de Koutchouk-Kaïnardji|traité de Küçük Kaynarca]] en 1774.

L'usage chinois, sous la [[dynastie Ming]], désignait les Ottomans sous le nom de ''Lumi'' (魯迷), un terme dérivé de ''Rûmi'', littéralement « romain ». Il est important de souligner qu'en Chine, il existe le concept de « {{Lien|langue=en|trad= Conquest dynasty|fr= dynastie de conquête}} », les Chinois considérant les dynasties d'origine ethnique non Han comme la [[dynastie Yuan]] (d'origine mongole) et la [[dynastie Qing]] (d'origine mandchoue) comme des dynasties chinoises. Ce concept (lorsqu'il est utilisé pour les étrangers non chinois) a peut-être influencé les Chinois lorsque ceux-ci ont considéré les Ottomans comme une dynastie romaine<ref>{{Article|prénom1=正大|nom1=丹治|prénom2=正弘|nom2=菊地|prénom3=麻美|nom3=松永|prénom4=有史|nom4=北田|titre=開頭経鼻同時手術のセットアップの工夫と手術戦略|périodique=Folia Endocrinologica Japonica|volume=98|numéro=S.HPT|pages=31–33|date=2022-08-20|issn=0029-0661|issn2=2186-506X|doi=10.1507/endocrine.98.s.hpt_31|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.1507/endocrine.98.s.hpt_31|consulté le=2024-08-06}}</ref>.

== La continuation en Occident ==

=== Fragmentation politique et suzeraineté impériale ===
{{Article détaillé|Papauté byzantine}}
[[Fichier:Mapa_Imperio_Occidental_año_418.svg|droite|vignette| L'Empire d'Occident lors des prémisses de sa fragmentation, en 418.]]
[[Fichier:Europe_and_the_Near_East_at_476_AD.png|droite|vignette| Fragmentation maximale à l'Ouest, en 476.]]
Au début du {{Ve siècle}}, l'Empire romain d'Occident restait proche de son étendue territoriale maximale, mais la domination romaine était devenue fragile et de nombreuses régions étaient dépeuplées. Dans les premières années du siècle, l'Empire se retire de la Grande-Bretagne, la laissant ouverte à [[Colonisation de la Grande-Bretagne par les Anglo-Saxons|la colonisation anglo-saxonne]]. Les [[Invasions barbares|incursions étrangères]] croissantes ont rapidement abouti à l'installation permanente de groupes ethniques (notamment germaniques, mais pas uniquement) dans des territoires qui sont devenus progressivement autonomes, cherchant même fréquemment à s'étendre aux dépens des territoires demeurés sous contrôle romain.

Les [[Vandales]] traversent le Rhin en 406, les Pyrénées en 409, le [[détroit de Gibraltar]] en 428 et établissent le [[royaume vandale]] en Afrique du Nord et dans les îles de la Méditerranée occidentale au milieu du {{Ve siècle}} ; les [[Suèves]], évoluant initialement aux côtés des Vandales, fondent leur [[Royaume suève|royaume ibérique occidental]] en 409 ; le [[royaume wisigoth]] est initialement établi par traité en 418 dans la [[Garonne|vallée de la Garonne]], et s'étend bientôt dans la [[Péninsule Ibérique|péninsule ibérique]] ; les [[Alamans]] se répendent en [[Alsace]] et au-delà, à partir de leur base initiale dans les ''[[Champs Décumates|Agri Decumates]]'' ; dans les années 440, le [[royaume des Burgondes]] s'établit autour du [[Rhône]] ; un [[Royaume de Soissons|royaume autonome de Soissons]] est créé à partir de 457 par les commandants militaires romains entre la [[Seine]] et la [[Somme (fleuve)|Somme]] ; et enfin, les [[Francs]], établis au nord du Rhin en 358 par traité avec l'[[Julien (empereur romain)|empereur Julien]], élargissent leur territoire à ce qui est aujourd'hui la Belgique et le nord de la France. En conséquence, lorsque le dernier empereur occidental, [[Romulus Augustule]], est destitué par le commandant militaire [[Odoacre]] en 476, son règne direct ne s'étendait pas beaucoup au-delà des frontières nord de l'Italie actuelle. Un autre chef militaire, [[Julius Nepos]], brièvement prédécesseur de Romulus Augustulus, détenait un territoire en [[Dalmatie]] et conservera le titre impérial jusqu'à son assassinat en 480.

Dans un acte symbolique qui fascinera les historiens ultérieurs, Odoacre renvoya les [[Regalia|insignes]] impériaux à l'[[Zénon (empereur byzantin)|empereur d'Orient, Zénon]]. Loin de signaler la fin de la domination impériale en Italie, cela signifiait qu'Odoacre reconnaissait la suzeraineté de Zénon et ne revendiquait pas la pleine souveraineté sur le territoire précédemment romain. Comme les précédents dirigeants [[Foederati|fédérés]], il adopte le titre de roi (''Rex'') et règne au nom des empereurs restants, à savoir Zénon et Julius Nepos (tout du moins du vivant de ce dernier). Cet arrangement est maintenu par [[Théodoric le Grand]], qui vainc et tue Odoacre en 493, le remplaçant comme [[roi d'Italie]].
[[Fichier:Empèri_Bizantin_-_Rèine_de_Justinian.png|droite|vignette| les campagnes de Justinien en Occident, 535-554]]
Les frontières politiques ont continué à évoluer aux {{s2-|V|VI}}. [[Clovis Ier|Clovis {{Ier}}]], roi des Francs (mort en 511), conquiert l'[[Royaume alaman|Alémanie]], le [[royaume de Soissons]] et la majeure partie du [[royaume wisigoth]] au nord des Pyrénées, et ses fils s'emparent du [[royaume des Burgondes]] en 534, créant ainsi un vaste [[Royaumes francs|royaume de Francie]], périodiquement divisée entre différents membres de la [[Mérovingiens|dynastie mérovingienne]]. Pendant ce temps, l'[[Justinien Ier|empereur d'Orient Justinien {{Ier}}]] rétablit la domination impériale directe sur le [[Espagne byzantine|sud de l'Espagne]], l'[[Exarchat de Carthage|Afrique du Nord]] et surtout l'[[Italie byzantine|Italie]], reconquise lors de la rude [[Guerre des Goths (535-553)|guerre gothique (535-554)]]. Plus tard, au {{VIe siècle}}, l'[[Maurice (empereur)|empereur Maurice]] parraine [[Gondovald]], membre de la [[Mérovingiens|dynastie mérovingienne]] de Clovis, dans sa revendication du royaume franc, qui se termina sans succès en 585 à [[Saint-Bertrand-de-Comminges]].

Bien qu'étant hors de la portée militaire directe de l'Empire, la [[Royaumes francs|Francie]] continue de reconnaître la suzeraineté de Constantinople tout au long du {{VIe siècle}}. Lors d'une cérémonie ayant lieu en 508 à [[Tours]], [[Clovis Ier|Clovis]] reçoit les [[Insigne|insignes]] envoyés par l'[[Anastase Ier (empereur byzantin)|empereur Anastase {{Ier}}]], signe qu'il était considéré comme servant l'Empire avec le grade de consul. De même, au début du {{VIe siècle}}, le roi [[Gondebaud]] des [[Royaume des Burgondes|Burgondes]] encore indépendants, bien qu'[[Arianisme|arien]], est ''[[Magister militum]]'' au nom de l'Empereur<ref>{{Ouvrage|nom1=Geneviève Bührer-Thierry|nom2=Charles Mériaux|titre=La France avant la France, (481–888)|lieu=Paris|éditeur=Belin|date=2010|passage=128}}</ref>. La ''Gesta pontificum Autissiodorensium'', un recueil d'informations sur les [[Diocèse d'Auxerre|évêques d'Auxerre]] compilé pour la première fois à la fin du {{IXe siècle}}, ne cesse de faire référence à l'empereur romain régnant, jusqu'au sacerdoce de [[Didier d'Auxerre|Didier]] (mort en 621), mentionné comme évêque « sous les règnes de [[Phocas]] et [[Héraclius|d'Héraclius]] »<ref>{{Lien web |titre=Gesta of the Bishops of Auxerre |url=https://gitlab.huma-num.fr/cbma/hagiographie/-/blob/e2241c62441e91281c1e8f1306b7b62b5de7f4bb/Textes/Auxerre/Auxerre_GestaEveques_t1_nettoy%C3%A9.txt |série=GitLab}}</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|titre=Les Gestes des évêques d'Auxerre|lieu=Paris|éditeur=Les Belles Lettres|date=2002|lire en ligne=https://www.decitre.fr/livres/les-gestes-des-eveques-d-auxerre-9782251340531.html}}</ref>. Aucune déférence de ce type ne semble avoir existé dans le [[royaume wisigoth]] à la même époque. L'historien britannique [[Chris Wickham]] dépeint le roi wisigoth [[Euric]] (466-484) comme « le premier grand dirigeant d'un régime politique « barbare » en Gaule – et le deuxième de l'Empire après [[Genséric]] – à avoir une pratique politique totalement autonome, non influencée par toute loyauté romaine résiduelle<ref>{{Ouvrage|nom1=Chris Wickam|titre=The Inheritance of Rome: Illuminating the Dark Ages 400-1000|éditeur=Penguin Books|date=2009|passage=86}}</ref> ». Un siècle et demi plus tard, dans les années 620, [[Isidore de Séville]] formule pour le royaume wisigoth la vision d'une monarchie chrétienne sise sur un pied d'égalité avec l'Empire romain d'Orient. Ceci aura une influence déterminante sur la pensée politique ultérieure de l’Europe occidentale<ref name="Herrin">{{Ouvrage|nom1=Judith Herrin|titre=The Formation of Christendom|éditeur=Penguin Classics|date=1987}}</ref>{{Rp|236}}.

La domination impériale en Occident s'érode à partir de la fin du {{VIe siècle}}. En Grande-Bretagne, la domination romaine n’était au mieux qu’un lointain souvenir. En Francie, les références à la suzeraineté impériale disparaissent au moment du renouveau [[Mérovingiens|mérovingien]] au début du {{VIIe siècle}}, sous les règnes de [[Clotaire II]] et [[Dagobert Ier|Dagobert {{Ier}}]]. Dans la péninsule ibérique, le roi [[Royaume wisigoth|wisigoth]] [[Swinthila]] expulse les dernières forces impériales du sud de l'Espagne en 625. Quant à l'Italie, les [[Lombards]] l'envahissent en 568, et le [[Royaume lombard|royaume]] qui en résulte se montre hostile à l'Empire, dont l'empreinte territoriale se rétrécit progressivement.

==== Le pivot papal ====
La papauté romaine allait devenir l’instrument du renouveau de l’idée impériale en Occident. Rome est de plus en plus isolée de Constantinople à la suite des dévastations de [[Guerre des Goths (535-553)|la guerre gothique (535-554)]], des choix impériaux ultérieurs menant à favoriser [[Ravenne]] plutôt que Rome{{Références multiples|Herrin}}, et de l'invasion [[Lombards|lombarde]] de l'Italie à partir de 568, qui limita ses communications avec les principaux avant-postes impériaux de [[Ravenne]] et [[Sicile|de Sicile]]{{Références multiples|Herrin}}La [[colonne de Phocas]] du [[Forum Romain (Rome)|Forum romain]], consacrée en 608, compte parmi les dernières expressions monumentales du pouvoir impérial (oriental) à Rome. En 649, contrairement à la tradition, le [[Martin Ier (pape)|pape Martin Ier]] est élu et consacré sans attendre la confirmation impériale{{Références multiples|Herrin}}[[Constant II Héraclius|Constant II]] fut le dernier empereur (oriental) à visiter Rome avant plusieurs siècles (en 663) ; et il pilla plusieurs des monuments restants pour orner Constantinople. Entre-temps, et pour diverses raisons, le catholicisme finit par triompher de [[Arianisme|l'arianisme]] dans les royaumes occidentaux : dans la péninsule ibérique wisigothique avec la conversion de [[Récarède Ier|Récarède {{Ier}}]] en 587, et dans l'Italie lombarde, après quelques allers-retours, après la mort du roi [[Rothari]] en 652. Le pape [[Grégoire Ier|Grégoire {{Ier}}]] (590-604) jette les bases du rôle naissant de la papauté en tant que leader du christianisme en Occident, sans pour autant qu'il n'existe à l'époque une conception claire d'une autorité impériale alternative qui pourrait être établie en concurrence avec celle de Constantinople{{Références multiples|Herrin}}.

La promotion de [[Période iconoclaste de l'Empire byzantin|l'iconoclasme]] par l'empereur [[Léon III l'Isaurien]] à partir de 726 conduit à une rupture croissante entre l'Empire d'Orient et la papauté. Le pape [[Grégoire II]] considérait l'iconoclasme comme la dernière d'une série d'[[hérésie]]s impériales. En 731, son successeur le pape [[Grégoire III]] organise un [[synode]] à Rome qui déclara l'iconoclasme passible d'[[excommunication]]. Léon III répond en 732/33 en confisquant tous les patrimoines papaux du sud de l'Italie et de la Sicile, et en retirant les évêchés de [[Thessalonique]], [[Corinthe]], [[Syracuse]], [[Reggio de Calabre|Reggio]], [[Nicopolis d'Épire|Nicopolis]], [[Athènes]] et [[Patras]] à la juridiction papale. De fait, cette action renforça l'emprise impériale sur le sud de l'Italie, mais anticipait la destruction de l'[[exarchat de Ravenne]], qui se produisit bientôt aux mains des Lombards. Ainsi, la papauté avait-elle été « chassée de l’empire »<ref>{{Ouvrage|nom1=Eamon Duffy|titre=Saints & Sinners: A History of the Popes|lieu=New Haven, CT|éditeur=Yale University Press|date=1997}}</ref>. Le pape [[Zacharie (pape)|Zacharie]], en 741, fut le dernier pape à annoncer son élection à un dirigeant byzantin ou à demander son approbation<ref>{{Ouvrage|nom1=Frederic J. Baumgartner|titre=Behind Locked Doors: A History of the Papal Elections|éditeur=Palgrave Macmillan|date=2003|isbn=0-312-29463-8}}</ref>.
[[Fichier:Couronnement_de_Pépin_le_Bref.jpg|droite|vignette| Couronnement de [[Pépin le Bref]] par [[Étienne II (pape)|le pape Étienne II]] en 754 (à droite), [[Miniature (enluminure)|miniature]] de [[Jean Fouquet]], ''[[Grandes Chroniques de France]]'', ca. 1455-1460.]]
Les papauté devait rapidement réinventer ses rapports à l’autorité laïque. Les rois lombards voisins, quoi que convertis au catholicisme, demeuraient hostiles. Les Francs, plus puissants et plus éloignés, et qui étaient dans l’ensemble des alliés de l’Empire, constituaient une alternative intéressante pour potentiellement protéger la papauté. En 739, Grégoire III envoie une première ambassade à [[Charles Martel]] pour lui demander sa protection contre [[Liutprand|Liutprand, roi des Lombards]], mais celui-ci avait été l'allié de Liutprand par le passé et lui avait demandé en 737 d'adopter cérémonieusement son fils. La papauté eut toutefois plus de chance avec ce dernier, [[Pépin le Bref]], qui succéda à Charles en octobre 741 avec son frère aîné [[Carloman (fils de Charles Martel)|Carloman]]. Le [[Zacharie (pape)|pape Zacharie]] fut poussé à l'action par la dernière campagne lombarde contre l'[[exarchat de Ravenne]], dont la chute au milieu de 751 scella la fin de la domination byzantine en Italie centrale. Il était en contact avec les élites dirigeantes franques par l'intermédiaire du vénérable [[Boniface de Mayence|Boniface]], [[Liste des évêques de Mayence|archevêque de Mayence]], et d'autres clercs tels que [[Burchard de Wurtzbourg]] et [[Fulrad]]. En mars 751, il entreprend de déposer [[Childéric III]], le dernier [[Mérovingiens|roi mérovingien]], à la suite de quoi Pépin est consacré roi de France à [[Soissons]]. En 754, le successeur de Zacharie, le pape [[Étienne II (pape)|Étienne II]], entreprend la toute première visite papale au nord des Alpes, rencontre Pépin à [[Ponthion]] et l'oint roi à [[Basilique Saint-Denis|Saint-Denis]] le 28 juillet, établissant ainsi le modèle des [[Sacre des rois de France|rites ultérieurs de couronnement des rois de France]]. Étienne légitime en outre la [[Carolingiens|dynastie carolingienne]] dans son principe héréditaire en oignant également les fils de Pépin, [[Charlemagne|Charles]] et [[Carloman Ier|Carloman]], en interdisant l'élection de tout non-descendant de Pépin comme roi, et en proclamant que « la nation franque est au-dessus de toutes les nations »<ref>{{Ouvrage|nom1=Geneviève Bührer-Thierry|nom2=Charles Mériaux|titre=La France avant la France, (481–888)|lieu=Paris|éditeur=Belin|date=2010|passage=321}}</ref>. En retour, la [[donation de Pépin]] de 756 cimente le règne des papes sur les [[États pontificaux]] au cours des onze siècles suivants. Par la suite, en 773-774, le fils et successeur de Pépin, [[Charlemagne]], conquiert le royaume lombard d'Italie.

=== Le Saint-Empire romain ===
{{Image multiple
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| footer = Évolution comparée des territoires romains-byzantins (en orange) et lombards (en bleu).
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}}
{{Article détaillé|Saint-Empire romain germanique}}
[[Fichier:Coronation_of_Charlemagne_by_Pope_Leo_III.jpg|droite|vignette| [[Le Couronnement de Charlemagne|Couronnement de Charlemagne]], probablement par [[Giovan Francesco Penni|Gianfrancesco Penni]] sur un dessin de [[Raphaël (peintre)|Raphaël]], [[fresque]] des [[Chambres de Raphaël|salles de Raphaël]] du [[Vatican]], 1516-1517.]]
[[Fichier:Carolingian_and_Eastern_Roman_empires_814.png|gauche|vignette| Les empires carolingien (vert) et byzantin (violet) au début du {{IXe siècle}}.]]
Le couronnement de [[Charlemagne]] par le [[Léon III (pape)|pape Léon III]], à Rome, le jour de Noël 800, visait explicitement à établir une continuité avec l'Empire romain qui existait encore en Orient. À Constantinople, [[Irène l'Athénienne|Irène d'Athènes]] avait aveuglé et déposé son fils, [[Constantin VI|l'empereur Constantin VI]], quelques années plus tôt. Comme il n'existait aucun précédant d'une femme seule détentrice du titre impérial, ses détracteurs en Occident (par exemple [[Alcuin]]) considéraient le trône impérial comme vacant, plutôt que de la reconnaître comme impératrice. Ainsi, comme le dit l'historien britannique Peter H. Wilson, « il est fort probable que Charlemagne ait cru qu'il allait devenir empereur romain » au moment de son couronnement ; cependant, le titre impérial de Charlemagne reposait sur une base différente de celle de tous les empereurs romains l'ayant précédé, car il reposait structurellement sur le partenariat avec la papauté, incarné dans l'acte de son couronnement par le pape<ref name="Wilson" />.

Entre-temps, l'accession au trône byzantin de [[Nicéphore Ier|Nicéphore {{Ier}}]] en 802 renforce le conflit de légitimité entre les incarnations franque et byzantine de l'Empire romain, connu dans l'historiographie sous le nom de [[problème des deux empereurs]]. Selon [[Théophane le Confesseur]], Charlemagne aurait tenté d'éviter ce conflit en fomentant le projet d'épouser Irène, ce qui n'eut cependant pas lieu. Les conflits territoriaux furent résolus dans les années suivantes par une série de négociations connues sous le nom de ''[[Pax Nicephori]]'', mais le conflit plus large avec Constantinople au sujet de la légitimité impériale s'avéra extrêmement durable.
[[Fichier:HRR.gif|gauche|vignette| Évolution territoriale du [[Saint-Empire romain germanique]], comparée avec les frontières étatiques actuelles.]]
[[Fichier:Weltliche_Schatzkammer_Wien_(190)2.JPG|droite|vignette| La [[Couronne du Saint-Empire|Couronne impériale du Saint-Empire romain germanique]], début du {{XIe siècle}}.]]
[[Fichier:Constantine_Albi.jpg|droite|vignette| Statue de [[Constantin Ier (empereur romain)|Constantin le Grand]] à l'intérieur de la [[Cathédrale Sainte-Cécile d'Albi|cathédrale d'Albi]], le montrant avec un manteau orné du ''{{Langue|de|[[Reichsadler]]}}'' du Saint-Empire romain germanique.]]
L'autorité politique se fragmente au sein de l'Empire après la mort de Charlemagne. Il en résultera une association de la dignité impériale avec les terres les plus orientales (« allemandes ») de l'ensemble carolingien — ce qui n'allait initialement pas de soi au début et aura mis un certain temps à se produire pleinement. De 843 à 875, les détenteurs du titre impérial ne régnaient que sur l'Italie du Nord et, au début, sur la [[Lotharingie]]. Le jour de Noël 875, exactement 75 ans après le couronnement de Charlemagne, [[Charles II le Chauve|Charles le Chauve]] de [[Francie occidentale]] est couronné empereur à Rome par le [[Jean VIII (pape)|pape Jean VIII]], adoptant la devise ''renovatio imperii Romani et Francorum'', ce qui pouvait laisser penser à la restructuration d'un empire centré sur ce qui est aujourd'hui [[France|la France]]. Cependant, Charles meurt peu de temps après (en 877), et son successeur [[Charles III le Gros|Charles le Gros]] ne parvient que brièvement à réunir tous les domaines carolingiens ; après sa mort en 888, la partie occidentale de [[Royaumes francs|la Francie]] est dominée par les [[Robertiens]] non carolingiens, puis plus tard par la [[Capétiens|dynastie capétienne]]. Pendant plus de sept décennies, l'autorité des empereurs était alors principalement confinée au nord de l'Italie, jusqu'à ce qu'[[Otton Ier (empereur du Saint-Empire)|Othon {{Ier}}]] relance l'idée impériale et soit couronné par le pape [[Jean XII]] à Rome en 962. Dès lors, tous les empereurs auront des racines dynastiques dans les pays germanophones (quand bien même [[Frédéric II (empereur du Saint-Empire)|Frédéric II]] serait né en Italie, [[Henri VII de Luxembourg|Henri VII]] à [[Valenciennes]], [[Charles IV (empereur du Saint-Empire)|Charles IV]] à [[Prague]], [[Charles Quint]] à [[Gand]], [[Ferdinand Ier (empereur du Saint-Empire)|Ferdinand {{Ier}}]] en Espagne, [[Charles VII (empereur du Saint-Empire)|Charles VII]] à [[Région de Bruxelles-Capitale|Bruxelles]], [[François Ier (empereur du Saint-Empire)|François {{Ier}}]] à [[Nancy]] et [[François Ier (empereur d'Autriche)|François II]] à [[Florence]]).

Au cours du millénaire qu'a duré le Saint-Empire romain germanique, plusieurs tentatives ont été faites de rappeler l'héritage classique de l'Empire. L'[[Otton III (empereur du Saint-Empire)|empereur Othon III]] a régné depuis Rome, de 998 jusqu'à sa mort en 1002, et a tenté de faire revivre les anciennes institutions et traditions romaines en partenariat avec le pape [[Sylvestre II]] — qui a d'ailleurs choisi son nom papal en référence à l'époque de [[Constantin Ier (empereur romain)|Constantin le Grand]]. [[Frédéric II (empereur du Saint-Empire)|Frédéric II]] s'intéressa vivement à l'Antiquité romaine, parraina des fouilles archéologiques, organisa un [[Triomphe romain|triomphe]] de style romain à [[Crémone]] en 1238 pour célébrer sa victoire à la [[bataille de Cortenuova]], et se fit représenter dans une imagerie classique<ref>{{Lien web |auteur=Roderick Conway Morris |titre=Under Frederick II, the first rebirth of Roman culture |url=https://www.nytimes.com/2008/07/05/arts/05iht-conway.html?referringSource=articleShare |série=The New York Times |date=5 July 2008}}</ref>. De même, [[Maximilien Ier (empereur du Saint-Empire)|Maximilien {{Ier}}]] était-il très attentif aux références classiques dans ses projets « commémoratifs » des années 1510, qui comprenaient les trois [[Impression au bloc de bois|gravures monumentales sur bois]] de l{{'}}''[[Arc de triomphe de Maximilien|Arc de Triomphe]]'', ''la Procession Triomphale'' et du ''[[Le Grand Char triomphal de l'empereur Maximilien Ier|Grand Char Triomphal]]''.

==== La papauté et le titre impérial ====
[[Fichier:Mitteleuropa_zur_Zeit_der_Staufer.svg|vignette| Le Saint-Empire romain germanique sous la dynastie des [[Hohenstaufen]] (Le [[royaume de Sicile]], en rose, était en [[union personnelle]] avec l'Empire).]]
Selon son biographe [[Éginhard]], Charlemagne était mécontent de son couronnement, un fait que les historiens ultérieurs ont interprété comme un mécontentement face au rôle clé du pape dans la légitimation de la domination impériale. Au lieu de la traditionnelle reconnaissance par acclamation populaire, Léon III avait couronné Charlemagne dès le début de la cérémonie, avant même que la foule ne l'acclame. En septembre 813, Charlemagne tenta d'éviter que cela ne se reproduise en couronnant lui-même son fils [[Louis le Pieux]] à [[Aix-la-Chapelle]], mais le principe du couronnement papal survécut et fut renouvelé en 962 lorsqu'Othon {{Ier}} rétablit l'Empire et ses rituels après des décennies de troubles et reçut la couronne impériale du [[Jean XII|pape Jean XII]].

L'interdépendance entre le pape et l'empereur a conduit à un conflit après que la papauté a commencé à affirmer sa position avec la [[réforme grégorienne]] du milieu du {{XIe siècle}}. La [[querelle des Investitures]] (1076-1122) comprenait des épisodes de confrontation dramatique, au cours desquels le pape tentait de priver l'empereur de sa dignité impériale. Le ''[[Dictatus papæ]]'', un document papal publié en 1075 peu après l'élection de [[Grégoire VII]], déclare que le pape « seul peut utiliser les insignes impériaux », que « tous les princes baiseront les pieds du pape et seulement les siens » et qu'« il lui est permis de déposer les empereurs ». Après la pénitence de [[Henri IV (empereur du Saint-Empire)|l'empereur Henri IV]] [[Pénitence de Canossa|à Canossa]] en janvier 1077, Grégoire VII prononça son absolution mais l'appela ''rex Teutonicorum'' (« roi des Allemands »), omettant ainsi le titre impérial et le fait qu'Henri était roi (''rex'') de plusieurs royaumes, dont [[Royaume d'Arles|la Bourgogne]] et [[Royaume d'Italie (Saint-Empire romain)|l'Italie]]<ref>{{Ouvrage|nom1=Rolf Grosse|titre=Du royaume franc aux origines de la France et de l'Allemagne 800-1214|éditeur=Presses Universitaires du Septentrion|date=2014|passage=83}}</ref>. Les guerres des [[Guelfes et gibelins|Guelfes et des Gibelins]], partisans respectifs du pape et de l'empereur, durèrent jusqu'au {{XVe siècle}}. En 1527, l'implication du pape dans les [[guerres d'Italie]] conduisit au [[Sac de Rome (1527)|saccage traumatisant de Rome]] par les troupes impériales de [[Charles Quint]], après quoi l'influence de la papauté sur la politique internationale fut considérablement réduite.

==== Royaumes et titre impérial ====
[[Fichier:Empire-Roman-Emperor-Charles-V_02.svg|gauche|vignette| Les domaines [[Maison de Habsbourg|des Habsbourg]] se trouvent en situation d'union personnelle avec le [[Saint-Empire romain germanique]] sous le règne de [[Charles Quint]].]]
[[Fichier:Louvre_Desjardins_SPQR.jpg|vignette| Étendard imaginé du Saint-Empire romain germanique, issu de l'ancien [[Statue équestre de Louis XIV (place des Victoires)|Monument de la Victoire de Louis XIV]] sur [[Place des Victoires|la place des Victoires]] à Paris (1686), combinant de manière anachronique la devise [[Senatus populusque Romanus|SPQR]] avec l'[[Aigle à deux têtes|aigle impériale à deux têtes]].]]
Aux tous débuts du Saint-Empire, l'empereur [[Louis le Pieux]] établit formellement la suprématie de l'Empire sur les royaumes catholiques à travers un document publié en 817 et connu plus tard sous le nom d{{'}}''[[Louis le Pieux|Ordinatio Imperii]]'', en fonction d'une fiction politique selon laquelle l’Empire couvrait toute la chrétienté occidentale sous son seule autorité (en réalité, les [[îles britanniques]], la [[Royaume de Bretagne|Bretagne]] et le [[royaume des Asturies]], toutes chrétiennes, échappaient à son contrôle). Selon l'arrangement de Louis, seul son fils aîné [[Lothaire Ier|Lothaire]] détiendrait le titre d'empereur, et les jeunes frères de Lothaire, [[Pépin Ier d'Aquitaine|Pépin]] et [[Louis le Germanique|Louis]], devraient lui obéir malgré leur rang royal, eux qui étaient rois respectivement d'[[Duché d'Aquitaine|Aquitaine]] et [[Bavière|de Bavière]]. Ce document est dès le départ controversé, à cause notamment de sa non-conformité au droit et aux pratiques successorales franques. Après la mort de Louis le Pieux en juin 840, la [[Bataille de Fontenoy-en-Puisaye|bataille de Fontenoy (841)]], [[Serments de Strasbourg|les serments de Strasbourg]] (842) et [[Traité de Verdun|le traité de Verdun]] (843) établissent une réalité différente, dans laquelle le titre impérial reste indivis mais où son détenteur se trouve dans une situation de concurrence avec les rois voisins pour le territoire — même si tous restaient à l'époque encore liés par les liens familiaux de la [[Carolingiens|dynastie carolingienne]] et les limites du christianisme catholique.

Après la disparition progressive de la dynastie carolingienne à la fin du {{IXe siècle}} et au {{Xe siècle}}, la rivalité entre l'Empire et les différents royaumes voisins s'affute. Le [[royaume de France]], issu de la Francie occidentale de Charles le Chauve, était réticent à reconnaître le statut supérieur de l'empereur parmi les monarques européens. Avec l'expansion de la chrétienté latine au [[Haut Moyen Âge]], de nouveaux royaumes apparaissent en dehors du cadre de l'Empire, qui cherchent également à obtenir plus de pouvoir et de territoires. La France elle-même a joué un rôle déterminant dans les développements qui ont conduit au déclin politique de l'Empire du {{XVIe siècle}} jusqu'au début du {{XIXe siècle}}.

== Les renaissances nationalistes de l'idée de succession impériale à l’ère moderne ==
Un certain nombre de régimes politiques ont revendiqué diverses formes de succession à l'Empire romain, tout en reconnaissant l'existence d'un décalage temporel important entre ce qu'ils considéraient comme l'extinction de l'Empire et leurs propres efforts pour le faire revivre. Ces tentatives sont de plus en plus formulées en termes nationalistes, en phase avec l’époque.

Malgré son nom, [[Impérialisme|l’impérialisme]] européen n’a généralement pas invoqué les souvenirs de l’Empire romain, à la seule exception de l’[[Royaume d'Italie (1861-1946)|Italie]] durant quelques décennies de la fin du {{XIXe}} siècle au début du {{XXe}} siècle. Aussi, les empires coloniaux européens ne seront-ils pas mentionnés dans cette section.

=== La Russie impériale ===
{{Article détaillé|Troisième Rome (Moscou)}}
{{Article détaillé||contenu=Article détaillé : ''{{Lien|langue=en|trad= The Tale of the Princes of Vladimir|fr= La légende des princes de Vladimir}}''}}
[[Fichier:Lesser_coat_of_arms_of_the_Russian_Empire.svg|droite|vignette| [[Blason (héraldique)|Armoiries]] de l'[[Empire russe]] avec l'[[aigle à deux têtes]], autrefois associée à l'Empire byzantin.]]
[[Ivan III|Ivan III de Russie]] épouse en 1472 [[Sophie Paléologue]], une nièce du dernier empereur byzantin [[Constantin XI Paléologue|Constantin XI]], et se fit appeler [[tsar]] (« César ») ou ''[[Imperator (titre)|imperator]]''. En 1547, [[Ivan le Terrible|Ivan IV]] cimente le titre de « tsar de toute la Russie » (''Царь Всея Руси''). En 1589, le [[métropolite]] de Moscou obtient [[Église autocéphale|l'autocéphalie]] du [[Patriarcat œcuménique de Constantinople|Patriarcat de Constantinople]] et devient ainsi le [[Église orthodoxe russe|Patriarcat de Moscou]], grâce aux efforts de [[Boris Godounov]]. Cette succession d'événements appuie le récit, encouragé par les dirigeants successifs, selon lequel la Moscovie était le successeur légitime de Byzance en tant que « Troisième Rome », une idée qui se basait sur un mélange de conceptions religieuses ([[Église orthodoxe|orthodoxes]]), ethnolinguistiques, et politiques (l'autocratie du tsar)<ref name="use">Mashkov, A.D. ''[http://leksika.com.ua/10651009/legal/moskva_-_tretiy_rim Moscow is the Third Rome (МОСКВА – ТРЕТІЙ РИМ)]. [[Ukrainian Soviet Encyclopedia]].''</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|titre=The Blackwell Dictionary of Eastern Christianity|lieu=Malden, MA|éditeur=Blackwell Publishing|année=1999|passage=490|isbn=978-0-631-23203-2|editor1-first=Ken|editor2-first=David}}</ref>. On va jusqu'à souligner que la topographie des sept collines de Moscou offre des parallèles avec les [[sept collines de Rome]] et les sept collines de Constantinople.

En 1492, [[Zosime (métropolite de Moscou)|Zosime, métropolite de Moscou]], dans l'avant-propos de sa ''Présentation de la [[Pâques|Pâque]]'', désignait [[Ivan III]] comme « le nouveau tsar Constantin de la nouvelle [[Constantinople|ville de Constantin]] – Moscou »<ref>{{Lien web |titre=ЗОСИМА |url=http://www.pravenc.ru/text/200033.html |série=www.pravenc.ru |consulté le=2019-11-01 |extrait=В «Изложении пасхалии» митрополит провозглашает Москву новым К-полем, Московского вел. князя именует «государем и самодержцем всея Руси, новым царем Константином новому граду Константинову Москве, и всей Русской земле, и иным многим землям государем».}}</ref>. Dans une lettre [[panégyrique]] adressée au grand-duc [[Vassili III]] composée en 1510, le moine russe [[Philothée de Pskov]] proclamait : « Deux Romes sont tombées. La troisième tient debout. Et il n'y en aura pas de quatrième. Personne ne viendra remplacer votre orthodoxe royaume<ref name="use" /> ! ».

=== L'Espagne impériale ===
La [[Royaume wisigoth|monarchie hispano-gothique]] s'est reconnue politiquement et juridiquement comme l'héritière et le successeur de l'Empire romain en [[Hispanie]]<ref>{{Lien web |titre=Inicio - La Monarquía en la Historia - La Monarquía en la Historia de España |url=https://www.casareal.es/ES/MonarquiaHistoria/Paginas/historia-monarquia.aspx |série=www.casareal.es |consulté le=2023-02-16}}</ref>, en utilisant les symboles<ref>{{Lien web |langue=en |titre=Spain - The Visigothic kingdom {{!}} Britannica |url=https://www.britannica.com/place/Spain/The-Visigothic-kingdom |série=www.britannica.com |consulté le=2023-02-17}}</ref>. De plus, deux usurpateurs romains du royaume wisigoth tentèrent de revendiquer l'autorité [[Imperator (titre)|impériale]] : [[Burdunellus]] (496) et Petrus (506)<ref>{{Ouvrage|prénom1=Roger|nom1=Collins|titre=Visigothic Spain, 409-711|éditeur=Blackwell Pub|date=2004|isbn=0-631-18185-7|oclc=52814206}}</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|prénom1=E. A.|nom1=Thompson|titre=Romans and barbarians : the decline of the western empire|éditeur=University of Wisconsin Press|date=1982|isbn=0-299-08700-X|oclc=7836251}}</ref>.

Durant le [[Espagnes médiévales|Moyen Âge, en Espagne]], certains monarques, principalement parmi [[Liste des souverains de Castille|les rois de Castille]] et de Léon, utilisaient le titre d{{'}}''[[Empereurs d'Espagne|Imperator totius Hispaniae]]''<ref>Reilly 1988, 137.</ref>, qui sous-entendait des revendications non seulement de [[suzeraineté]] sur les autres rois de la péninsule (à la fois chrétiens et musulmans), mais aussi l'égalité du roi avec les dirigeants de l'[[Empire byzantin]] et du [[Saint-Empire romain germanique]].

Le dernier titulaire titulaire du titre d'[[Liste des empereurs byzantins|empereur romain d'Orient]], [[André Paléologue]], vend, dans son testament rédigé le 7 avril 1502, son titre impérial, ainsi que ses domaines en Morée<ref name=":0">{{Lien web |nom=Floristán |prénom=José M. |date=2005-01-01 |titre="La Corona de Aragón y el Imperio Bizantino de los Paleólogos" |url=https://www.academia.edu/4396192}}</ref>, aux [[rois catholiques d'Espagne]] ([[Ferdinand le Catholique|Ferdinand II d'Aragon]] et [[Isabelle la Catholique|Isabelle de Castille]])<ref>{{Ouvrage|prénom1=Kenneth M.|nom1=Setton|lien auteur1=Kenneth Setton|titre=The Papacy and the Levant, 1204-1571|éditeur=American Philosophical Society|date=1976–1984|isbn=0-87169-114-0|oclc=2698253}}</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=de|prénom1=Polychronis Kyprianou|nom1=Enepekides|titre=Das Wiener Testament des Andreas Palaiologos vom 7. April 1502|éditeur=C.H. Beck|année=1960|oclc=761003148}}</ref>{{,}}<ref>Norwich, John Julius. ''Byzantium — The Decline and Fall''</ref>, les désignant, ainsi que leurs successeurs (les futurs [[Liste des rois et reines d'Espagne|monarques espagnols]]), comme ses héritiers universels<ref>{{Ouvrage|prénom1=Jack|nom1=Freiberg|titre=Bramante's Tempietto, the Roman Renaissance, and the Spanish crown|date=2014|isbn=978-1-316-07315-5|oclc=894226999}}</ref>. André affirme que les rois d'Espagne détenaient, par l'intermédiaire de la lignée aragonaise, la propriété du [[duché d'Athènes]] et [[Duché de Néopatrie|de Néopatrie]], selon une croyance selon laquelle la famille [[Álvarez de Toledo]] (cousins de Ferdinand d'Aragon) descendait de l'ancienne lignée impériale byzantine des [[Maison Comnène|Comnène]]. André espérait que l'armée espagnole lancerait une croisade depuis leurs domaines [[Italie méridionale|du sud de l'Italie]] pour conquérir le [[Péloponnèse]], avant de passer à la [[Thrace]], à la [[Macédoine (région)|Macédoine]] et à [[Constantinople]] ; cependant, aucun monarque espagnol n'a jamais fait usage des titres impériaux byzantins<ref name=":0" />. En 1510, le [[Jules II|pape Jules II]] révoque l'octroi par [[Alexandre VI]] du titre de [[Liste des rois de Jérusalem|roi de Jérusalem]] à [[Louis XII|Louis XII de France]] et le transfère à [[Ferdinand le Catholique]] (qui fut inclus dans son titre de roi de Naples après le {{Lien|trad=Tratado de Blois (1505)|lang=es|fr=Traité de Blois|texte=traité de Blois}})<ref>{{Lien web |langue=es |titre=¿Por qué el Rey de España es Rey de Jerusalén? |url=https://www.abc.es/internacional/abci-espana-jerusalen-202001221727_noticia.html |série=abc |date=2020-01-22 |consulté le=2023-02-16}}</ref>{{,}}<ref>[https://jaimeeguiguren.com/usr/library/documents/main/cert_escudo-copy.pdf COAT OF ARMS OF KING FERDINAND THE CATHOLIC, Kingdom of Naples(?), 1504-1512. Jaime Eguiguren]</ref>. Cet événement rajouta une dimension symbolique aux [[guerres hispano-ottomanes]], l'Espagne s'élevant désormais également contre les prétentions turques à la succession de Rome<ref name=":0" />.

À l'époque de la [[Rois catholiques d'Espagne|Monarchie catholique]], [[Antonio de Nebrija]] concevait l'Espagne, après la fin de la [[Reconquista]] et l'unification politique de la Castille et de l'Aragon, comme l'héritière de l'empire romain, car ses souverains descendaient en droite ligne des empereurs romains et des Wisigoths. Les rois d'Espagne (considérés comme leurs successeurs légaux de l'Hispanie), firent également appel à une légitimation littéraire dans laquelle le castillan succédait au latin comme langue de l'Empire<ref name=":1">{{Lien web |langue=es |auteur=Cervantes |prénom=Biblioteca Virtual Miguel de |titre=The image of Rome in Spain: scholars, artists and architects in Italy in the 16th-18th c. |url=https://www.cervantesvirtual.com/obra-visor/the-image-of-rome-in-spain-scholars-artists-and-architects-in-italy-in-the-16th-18th-c/html/35de0d22-d8e8-4d90-84fb-c485da47ce97_8.html |série=Biblioteca Virtual Miguel de Cervantes |consulté le=2023-02-17}}</ref>.
[[Fichier:Greater_Coat_of_Arms_of_Charles_V_Holy_Roman_Emperor,_Charles_I_as_King_of_Spain.svg|gauche|vignette| Armoiries de Charles Ier d'Espagne, autrefois associées aux revendications impériales espagnoles sur l'héritage romain.]]
Avec l'accession de [[Charles Quint|Charles {{Ier}} d'Espagne]] au trône de [[Couronne de Castille|Castille]] et [[Couronne d'Aragon|d'Aragon]], les titres royaux espagnols furent inclus dans un ensemble plus vaste, qui comprendrait notamment à partir de 1519 le titre d'[[Empereur romain germanique|empereur du Saint-Empire]]. C'était la première fois, depuis le couronnement de [[Charlemagne]] en 800 et après la [[chute de Constantinople]] en 1453, que les couronnes [[Roi des Romains|romano-germanique]] et [[Empereur romain|byzantine]] étaient réunies par un même souverain. Les soutiens de l'Empire de Charles Quint (et de son [[Idée impériale de Charles Quint|idéal impérial]] d'être le monarque universel de [[Chrétienté|la chrétienté]])<ref>{{Lien web |langue=es |titre=La historia olvidada del imperio de Carlos V, la Unión Europa que se esfumó por culpa de los nacionalistas |url=https://www.abc.es/historia/abci-historia-olvidada-imperio-carlos-union-europa-esfumo-culpa-nacionalistas-202012060120_noticia.html |série=abc |date=2020-12-06 |consulté le=2023-02-17}}</ref> créent une carte symbolique, celle de l'''{{Lien|langue=en|fr= Europa regina}}'', dont l'Hispanie est la tête, couronnée des insignes carolingiennes et du Saint-Empire romain germanique<ref>''Europeanness in Early Modern Latin Literature'', Isabella Walser-Bürgler, p.60</ref>{{,}}<ref>Wendehorst & Westphal (2006), p. 63</ref>{{,}}<ref>Werner (2009), p. 244-245</ref>.

Au {{XVIIIe siècle}}, suivant la tradition héritée de la [[Renaissance]], les [[Maison de Bourbon|Bourbons espagnols]], comme [[Philippe V (roi d'Espagne)|Philippe V]], concevaient l'[[empire espagnol]] comme l'égal de l'empire romain, en imitant le pouvoir politique, les institutions et les symboles<ref name=":1" />.

Le [[nationalisme espagnol]] prétend qu'il existe une légitimité idéologico-dynastique (les titres d'[[empereur de Constantinople]] et [[Liste des rois de Jérusalem|de roi de Jérusalem]] associés à la [[Monarchie espagnole|couronne espagnole]], ainsi par le passé que celui d'[[Liste des souverains du Saint-Empire|empereur du Saint-Empire romain germanique]]), géostratégique (possession des [[royaume de Naples]] et [[Royaume de Sicile|de Sicile]], conquêtes de places nord-africaines telles que [[Melilla]], [[Ceuta]], [[Mers el-Kébir|Mazalquivir]], [[Oran]], [[Béjaïa|Bugia]] et [[Peñon d'Alger|Peñón d'Alger]]) et culturelle (langue et culture [[Langues romanes|latines]]) à revendiquer pour l'Espagne l'héritage de l'Empire romain. De nombreuses villes et institutions du royaume d'Espagne utilisent encore aujourd'hui l'aigle romaine à deux têtes comme symbole (c'est le cas par exemple de la ville de [[Tolède]], de la [[province de Tolède]] ou de la [[province de Zamora]]<ref>{{Article|auteur1=Ayuso|prénom1=Miguel|titre=EL IMPOSIBLE HISTÓRICO DEL NACIONALISMO ESPAÑOL: El pensamiento tradicional español frente al nacionalismo|périodique=Revista de historia americana y argentina|volume=53|numéro=1|pages=143–165|date=June 2018|issn=2314-1549|lire en ligne=http://www.scielo.org.ar/scielo.php?script=sci_abstract&pid=S2314-15492018000100006&lng=es&nrm=iso&tlng=es}}</ref>). L'éditorial du manuel d'histoire d'Edebé ([[National-conservatisme|nationaliste conservateur]]) établit une continuité entre les Ibères, Rome, les Wisigoths et les royaumes chrétiens péninsulaires comme héritiers directs de la tradition impériale romaine. Cette affirmation est également renforcée par l'histoire de la [[colonisation espagnole de l'Amérique]], qui, selon de nombreux [[Hispanisme|hispanistes]], est la preuve définitive que l'Espagne est l'héritière la plus légitime de l'héritage impérial de Rome, ayant « civilisé » le [[Nouveau Monde]] tout comme Rome avait civilisé l'[[Ancien Monde|Ancien]]. Certains prétendent même que l'Espagne a surpassé Rome, car elle a également su unifier les divers peuples pendant des siècles et maintenir leur unité culturelle malgré l'effondrement impérial<ref>{{Lien web |langue=es |titre=Así se forjó el Imperio español, la Roma de América frente a los depredadores |url=https://www.abc.es/historia/abci-forjo-imperio-espanol-roma-america-frente-depredadores-201804192236_noticia.html |série=abc |date=2018-04-19 |consulté le=2023-02-16}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=es |auteur=Ibáñez |prénom=Alberto Gil |titre=El Sacro Imperio Romano Hispánico existió |url=https://www.almendron.com/tribuna/el-sacro-imperio-romano-hispanico-existio/ |série=Revista de Prensa |date=2021-10-13 |consulté le=2023-02-17}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |auteur=Fëanar |titre=Políticamente Incorrectos: España como heredera de Roma: los diez elementos con los que España civilizó América |url=http://elrinconpoliticamenteincorrecto.blogspot.com/2015/09/espana-como-heredera-de-roma-los-diez.html |série=Políticamente Incorrectos |date=2015-09-13 |consulté le=2023-02-16}}</ref>. Aujourd'hui encore, il existe des opinions selon lesquelles [[Felipe VI|Philippe VI d'Espagne]] devrait être considéré comme l'héritier le plus proche de Rome<ref>{{Lien web |langue=en-US |auteur=Arndt |prénom=Gary |titre=Who is the Current Roman Emperor? |url=https://everything-everywhere.com/who-is-the-current-roman-emperor/ |série=Everything Everywhere |date=2020-10-07 |consulté le=2023-02-17}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=en |titre=Who was the last Roman Emperor? |url=https://catflag.wordpress.com/2017/05/21/who-was-the-last-roman-emperor/ |série=Cat Flag |date=2017-05-21 |consulté le=2023-02-17}}</ref>.

=== Le ''Risorgimento'' et l'Italie fasciste ===
[[Fichier:National Fascist Party logo.svg|vignette|gauche|100px|Le symbole romain du [[faisceau de licteur]] a été repris par l'Italie fasciste.]]
{{Article détaillé|Unification italienne|Italie fasciste}}
Le visionnaire nationaliste italien [[Giuseppe Mazzini]] a promu la notion de « Troisième Rome » pendant le ''[[Risorgimento]]''. Abordant l'[[Risorgimento|unification italienne]] et l'établissement de Rome comme capitale, il déclare : « Après la Rome des empereurs, après la Rome des papes, viendra la Rome du peuple<ref>{{Lien web |titre=Rome Seminar |url=http://students.washington.edu/ageparke/rome.htm |consulté le=17 March 2023 |archive-url=https://web.archive.org/web/20081204065057/http://students.washington.edu/ageparke/rome.htm |archive-date=4 December 2008 }}</ref> ». D'aucuns qualifient le nouveau [[Royaume d'Italie (1861-1946)|royaume d'Italie]] de Troisième Rome<ref>Christopher Duggan. ''The Force of Destiny: A History of Italy Since 1796''. New York, New York, USA: Houghton Mifflin Harcourt, 2008. p. 304.</ref>. Après l'unification, Rome fut choisie comme capitale malgré son relatif retard de développement, car la ville évoquait le prestige de l'ancien Empire. Mazzini parle de la nécessité pour l'Italie d'avoir des aspirations impériales, à réaliser dans l'[[Empire colonial italien|Empire italien]]<ref name="Silvana Patriarca p. 248">Silvana Patriarca, Lucy Riall. The Risorgimento Revisited: Nationalism and Culture in Nineteenth-Century Italy. p. 248.</ref>. Il déclare que l'Italie devrait « envahir et coloniser les terres tunisiennes » car elles sont la « clé de la Méditerranée centrale », et il considère que l'Italie a le droit de dominer la [[mer Méditerranée]] comme l'avait fait la Rome antique<ref name="Silvana Patriarca p. 248" />.

Dans ses discours, [[Benito Mussolini]] fait écho à la rhétorique du ''Risorgimento'' et qualifie son régime de « Troisième Rome » ou de [[Empire colonial italien|Nouvel Empire romain]]<ref>Martin Clark, ''Mussolini: Profiles in Power'' (London: Pearson Longman, 2005), 136.</ref>. ''Terza Roma'' (« Troisième Rome ») était également le nom du projet mussolinien visant à étendre Rome vers [[Ostie (ville)|Ostie]] et la mer<ref>[https://web.archive.org/web/20040624114143/http://www.fascismoeliberta.net/kf/Discorso31dicembre1925.htm Discorso pronunciato in Campidoglio per l'insediamento del primo Governatore di Roma il 31 dicembre 1925], [[Internet Archive]] copy of a page with a Mussolini speech.</ref>.

=== Réinterprétations non romaines ===
{{Article détaillé|Premier Empire|Empire d'Autriche|Empire allemand|Troisième Reich}}
<div class="thumb tmulti tright"><div class="thumbinner multiimageinner" style="width:160px;max-width:308px"><div class="trow"><div class="tsingle" style="width:152px;max-width:152px"><div class="thumbimage">[[Fichier:Abeilles_de_Childéric_Ier.jpg|alt=|150x150px]]</div><div class="thumbcaption"> Abeilles mérovingiennes en [[cloisonné]] d'or et [[Garnet|de grenat]] du Tombeau de [[Childéric Ier|Childéric {{Ier}}]], source d'inspiration des abeilles napoléoniennes.</div></div><div class="tsingle" style="width:152px;max-width:152px"><div class="thumbimage">[[Fichier:Crown_of_Napoleon_I.png|alt=|178x178px]]</div><div class="thumbcaption">La « [[Couronne de Napoléon Ier|couronne de Charlemagne »]] de Napoléon</div></div></div></div></div>
[[Fichier:France September 1812 prussia occupied.jpg|vignette|gauche|L'empire napoléonien à son apogée en 1812.]]
[[Fichier:Apotheose.jpg|droite|vignette|300px| L'''Apothéose de l'Empire'' ([[Hermann Wislicenus]], vers 1880) dans la ''Kaisersaal'' du palais impérial de [[Goslar]]. Y figurent [[Frédéric Barberousse]] ainsi que d'autres empereurs du Saint-Empire romain germanique observant [[Guillaume Ier (empereur allemand)|Guillaume {{Ier}}]] et son fils [[Frédéric III (empereur allemand)|Frédéric]] depuis le ciel ; sur les côtés se trouvent, à gauche, [[Otto von Bismarck|Bismarck]] tenant un marteau et [[Helmuth Karl Bernhard von Moltke|''le Generalfeldmarschall'' von Moltke]] ; et à droite, les personnifications de l'[[Alsace-Lorraine|Alsace et de la Lorraine]] tout juste conquises.]]
Plusieurs régimes politiques du {{XIXe siècle}} et du début du {{XXe siècle}} se sont définis en référence aux continuateurs de l'Empire romain, mais pas à l'Empire romain lui-même ; ce dans une posture nationaliste anachronique, sous-estimant à quel point les régimes dont ils prétendaient tirer leur légitimité se voyaient comme purement « romains », et non comme des manifestations de leur ethnicité majoritaire.
* [[Napoléon Ier|Napoléon {{Ier}}]] revendiquait l'héritage des [[Royaumes francs|empires francs]] — celui des [[Mérovingiens]], dont il oubliait commodément le fait qu'ils reconnaissaient la suzeraineté de Constantinople, et celui [[Empire carolingien|des Carolingiens]], dont l'héritage était facile à s'approprier puisqu'il avait conquis le cœur des terres carolingiennes dans ce qui est aujourd'hui la Belgique et l'Allemagne occidentale. Ainsi, dès son couronnement impérial comme [[empereur des Français]] le 2 décembre 1804, il utilisa à la fois la symbolique des [[Abeille impériale|abeilles]] de la sépulture de [[Childéric Ier|Childéric {{Ier}}]] (qui avait été exhumée en 1653 à [[Tournai]]), et une couronne de couronnement à l'aspect carolingien, qu'il surnomma la « [[Couronne de Napoléon Ier|couronne de Charlemagne]] ». Même après sa première défaite, Napoléon puise à nouveau dans l'inspiration franque et ré-emprunte les abeilles de Childéric pour composer le [[drapeau de l'île d'Elbe]].
* L'[[empire d'Autriche]], et après lui la [[République d'Autriche allemande|République autrichienne]], ont emprunté à l'imagerie et au symbolisme du [[Saint-Empire romain germanique]] après sa disparition en 1806. Aujourd’hui encore, l’aigle impériale est un symbole du gouvernement autrichien, tout comme il l'est d'ailleurs du gouvernement allemand.
* En [[Grèce]], la « [[Grande Idée]] » s'est développée peu après la [[Guerre d'indépendance grecque|guerre d'indépendance]] et avait pour but la recréation de l'[[Empire byzantin]], perçu comme un régime politique ethniquement [[Grecs|grec]] et ayant sa capitale à Constantinople. L’idée est apparue pour la première fois lors des débats entre le [[Liste des Premiers ministres de Grèce|Premier ministre]] [[Ioánnis Koléttis|Ioannis Kolettis]] et [[Othon Ier (roi de Grèce)|le roi Othon {{Ier}}]] autour de la promulgation de la constitution de 1844<ref name="BA0">[http://www.britannica.com/eb/article-26420 ''History of Greece''] Encyclopædia Britannica Online</ref>. Cette aspiration nationaliste a guidé la [[Politique étrangère de la Grèce|politique étrangère grecque]] de l'époque, ainsi que, dans une large mesure, la politique intérieure du pays ; ce, durant tout le {{XIXe siècle}} et jusqu'au début du {{XXe siècle}}. L'expression était nouvelle en 1844 mais le concept avait ses racines dans la psyché populaire grecque – la « Grèce des deux continents et des cinq mers » (Europe et Asie, mers [[Mer Ionienne|Ionienne]], [[Égée (mer)|Égée]], [[Mer de Marmara|Marmara]], [[Mer Noire|Noire]] et [[Mer de Libye|Libyenne]], respectivement)<ref name="BA0" />. Les efforts visant à concrétiser cette idée après la défaite de l'Empire ottoman suite à la Première Guerre mondiale se sont soldés par le désastre de la [[guerre gréco-turque (1919-1922)]].
* Les liens entre l'[[Empire allemand]], fondé en 1871, et l'héritage du Saint-Empire romain germanique, sont mis en évidence par la propagande impériale ; ainsi par exemple la restauration créative du [[palais impérial de Goslar]] dans les années 1870<ref name="Warwick Ball 2000. p. 449">Warwick Ball. ''Rome in the East: The Transformation of an Empire''. London, England, UK: Routledge, 2000. p. 449.</ref>{{,}}<ref name="Craig M. White 2007. P. 169">Craig M. White. ''The Great German Nation: Origins and Destiny''. AuthorHouse, 2007. p. 169.</ref>. L'[[Troisième Reich|Allemagne nazie]] fut par la suite appelée le Troisième Reich (''Drittes [[Reich]]'') par certaines personnalités nazies, appuyant ainsi à la fois sur la succession au Saint-Empire romain germanique et à l'Empire allemand. Cependant, en 1939, une circulaire non destinée à la publication interdit l'usage de l'expression « Troisième Reich » pour désigner le nouveau régime<ref name="Bollmus236">Reinhard Bollmus: ''Das Amt Rosenberg und seine Gegner. Studien zum Machtkampf im nationalsozialistischen Herrschaftssystem''. Stuttgart 1970, S. 236.</ref>.
* En [[Bulgarie]], l'adoption du titre de ''tsar'' en 1908 par [[Ferdinand Ier (roi des Bulgares)|Ferdinand {{Ier}}]] était avant tout une référence aux [[Premier Empire bulgare|premier]] et [[Second Empire bulgare|deuxième empires bulgares]]{{Rp|297}} ; contrairement au titre de tsar russe, ce mot a été traduit dans les langues occidentales par « roi » plutôt que par « empereur ».

== Supranationalisme et idée impériale romaine ==
Au {{XXe siècle}}, plusieurs penseurs politiques et hommes politiques ont associé la [[Gouvernance multi-niveaux|gouvernance à plusieurs niveaux]] et [[Multilinguisme|le multilinguisme]] de l'Empire romain dans ses diverses incarnations successives aux concepts juridiques modernes du [[fédéralisme]] et [[Supranationalisme|du supranationalisme]].

=== La Société des Nations ===
{{Article détaillé|Société des Nations}}
L'historien français [[Louis Eisenmann]] décrit la toute nouvelle [[Société des Nations]], dans un article de 1926 intitulé ''L'idée impériale dans l'histoire de l'Europe'', comme l'expression moderne d'une « idée impériale » qui avait été dégradée par la dérive nationaliste des empires [[Empire allemand|allemand]], [[Autriche-Hongrie|austro-hongrois]] et [[Empire russe|russe]]. Il soutient la thèse selon laquelle la disparition définitive de ces trois empires et la création de la SDN représentent un renouveau de l'idée impériale de la ''[[Pax Romana]]''.

=== L'Union européenne ===
{{Image multiple
| align = right
| footer = Logos de la [[Cour de justice de l'Union européenne]] et de la [[Cour des comptes européenne]], tous deux en [[latin]].
| image1 = Official_Emblem_of_the_Court_of_Justice_of_the_European_Union.svg
| image2 = CURIA RATIONUM logo.svg
| total_width = 200
}}
{{Image multiple
| align = right
| footer = Comparaison territoriale de l'[[Empire carolingien]] en 814 et de la [[Communauté économique européenne]] à sa fondation en 1957.
| image1 = Francia 814.svg
| image2 = EC06-1957-58 European Community map.svg
| total_width = 300
}}
{{Article détaillé|Intégration européenne}}
Les références à l'Empire romain accompagnent l'Union européenne depuis sa naissance avec le [[plan Schuman]] de 1950. Même si le principal créateur du projet, [[Jean Monnet]], était un pragmatique clairvoyant, de nombreux autres protagonistes importants, notamment [[Konrad Adenauer]] et [[Robert Schuman]], venaient des terres qui constituaient le cœur du Saint-Empire romain germanique et considéraient son héritage de manière positive. Dans un enregistrement conservé à la [[Fondation Jean Monnet pour l'Europe]], le diplomate américain [[John J. McCloy]], témoin clé et promoteur des premiers pas de l'intégration européenne, soulignait lors de la discussion du plan Schuman qu'« Adenauer était une sorte de d'empereur du Saint-Empire romain germanique (...) [et] croyait sincèrement à l'idée d'une unité de l'Europe occidentale (...) Il considérait le Saint-Empire romain germanique comme l'un des grands moments de l'histoire<ref>{{ouvrage|auteur=Eric Roussel|titre=Jean Monnet|date=1996|éditeur=Fayard|lieu=Paris|langue=fr|p=518|ISBN=978-2213031538}}</ref>. »

Quelques années plus tard, le [[traité instituant la Communauté économique européenne]] est signé le 25 mars 1957 au [[Palazzo dei Conservatori]] du Capitole, à Rome, lieu chargé de symbolisme lié à l'Empire romain.

Le latin, l'ancienne langue de l'Empire romain, est utilisé par plusieurs institutions européennes dans leurs logos et noms de domaine, à la fois comme ''[[lingua franca]]'' et pour éviter d'avoir à lister leurs noms dans toutes les langues officielles de l'UE. Par exemple, la [[Cour de justice de l'Union européenne]] utilise le nom ''Curia'' dans son logo et son site Web<ref>{url=https://curia.europa.eu/|titre=CURIA}</ref> ; la [[Cour des comptes européenne]] utilise le nom ''Curia Rationum'' ; le [[Conseil de l'Union européenne]] utilise le nom ''Consilium''<ref>{url=http://www.consilium.europa.eu/|titre=CONSILIUM}</ref>. En 2006, pendant les six mois de présidence finlandaise du Conseil de l'Union européenne, un site Web en langue latine a été créé pour rendre compte de l'évolution de ses politiques<ref>{{article|langue=en|titre=Finns turn jargon of Unio Europaea into poetry with weekly Latin readings|auteur=Nicholas Watt|url=https://www.theguardian.com/world/2006/jul/03/eu.politics|périodique=[[The Guardian]]|date=3 juillet 2006}}</ref>.

Les sièges institutionnels de l’Union européenne sont tous situés dans des lieux associés à l’histoire du Saint-Empire romain germanique. [[Bruxelles]] était considérée par Charles Quint comme « le centre de son empire »<ref>{{article|auteur=Dafydd ab Iago|url=https://www.brusselstimes.com/brussels/42112/how-brussels-became-the-capital-of-europe-500-years-ago|titre=How Brussels became the capital of Europe 500 years ago|périodique=The Brussels Time|date=21 avril 2017}}</ref>. [[Strasbourg]] fut l'une des principales [[Ville libre d'Empire|villes libres]] de l'empire, tout comme [[Francfort]], dont la cathédrale impériale (''[[Collégiale Saint-Barthélemy de Francfort|Kaiserdom]]'') fut également le lieu de couronnement des empereurs à partir de 1562. [[Luxembourg]] fut le lieu d'origine de la dynastie du même nom qui donna plusieurs empereurs entre le {{s2-|XIV|XV}}. La reconnaissance la plus importante pour des mérites particuliers en faveur de l'Union européenne est connue sous le nom de [[Prix international Charlemagne d'Aix-la-Chapelle|prix Charlemagne]].

==== Comparaisons négatives ====
Comparer l’Union européenne avec le Saint-Empire romain germanique, que ce soit de façon négative ou positive, est un trope courant des commentaires politiques<ref>{{Lien web |auteur=Dalibor Rohac |titre=The Holy Roman Union |url=https://www.the-american-interest.com/2019/05/07/the-holy-roman-union/ |série=The American Interest |date=7 May 2019}}</ref>. L'Union européenne a été considérée comme la réincarnation d'un empire romain étranger et autoritaire dans certains pays européens, en particulier au [[Royaume-Uni]]. Le [[Retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne|retrait]] du Royaume-Uni de l'Union en 2020 a été diversement comparé à la [[Boadicée|rébellion de Boadicée]]<ref>{{Lien web |auteur=Clifford Longley |titre=Does Boudicca hold the clue to our Brexit conundrum? |url=https://www.thetablet.co.uk/blogs/1/1335/does-boudicca-hold-the-clue-to-our-brexit-conundrum- |série=The Tablet |date=9 December 2019}}</ref> ou à la fin de la domination romaine en Grande-Bretagne<ref>{{Lien web |auteur=Tom Holland |titre=Britain's first Brexit was the hardest |url=https://unherd.com/2019/04/britains-first-brexit-was-the-hardest/ |série=UnHerd |date=9 April 2019}}</ref>. Les cercles [[Fondamentalisme chrétien|fondamentalistes chrétiens]], principalement aux États-Unis, s'imaginent que l'U.E., à l'instar d'autres organismes supranationaux tels que les [[Organisation des Nations unies|Nations unies]] et [[Banque mondiale|la Banque mondiale]], tentent de faire revivre l'Empire romain, signalant par-là même l'approche de la [[Eschatologie|fin des temps]], de l'[[Enlèvement de l'Église|Enlèvement]] ou de la [[Parousie|Seconde Venue]] du Christ. Parfois, l’Union européenne est présentée comme un « [[Quatrième Reich|Quatrième ''Reich'']] », soulignant encore davantage sa nature démoniaque. Cette critique trouve un large écho parmi les évangélistes américains, depuis plusieurs décennies.

== Voir également ==
* [[César (titre)]] – Titre impérial dans l'Empire romain ;
* [[Auguste (titre)]] – Titre romain antique ;
* [[Basileus]] – Titre grec signifiant approximativement « monarque » ;
* [[Roi des Romains]] – Titre utilisé par les monarques allemands médiévaux et modernes ;
* [[Problème des deux empereurs]] ;
* ''[[Imperium]]'' – Type d'autorité dans la Rome antique ;
* [[Empereur romain]] – Souverain de l'Empire romain pendant la période impériale ;
* ''[[Renovatio imperii]]'' – Intention de restaurer l'Empire romain ;
* ''[[Translatio imperii]]'' – Succession linéaire des transferts de pouvoir ;
* ''[[Byzance après Byzance]]'' – Livre de 1935 de Nicolae Iorga ;
* {{Lien|langue=en|trad= Legacy of the Roman Empire|fr= Héritage de l'Empire romain}} ;
* [[Nova Roma (organisation)|Nova Roma]] – Organisation romaine revivaliste et reconstructionniste ;
* [[Pan-latinisme]] – Idéologie promouvant l'unification des peuples romans ;
* [[Union pour la Méditerranée]] – Organisation intergouvernementale ;
* [[Prétendant au trône byzantin|Succession à l'Empire byzantin]] – Revendications sur l'héritage et l'héritage byzantins ;
* ''Dernier empereur romain'' – Personnage légendaire qui apparaîtrait sur terre pour rétablir le Saint-Empire romain et retarder la venue de l'[[Antéchrist]], mentionné pour la première fois au {{VIIe siècle}} dans l'[[Apocalypse du pseudo-Méthode]].

== Références ==
{{Références}}

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[[Catégorie:Empire latin de Constantinople]]
[[Catégorie:Saint-Empire romain germanique]]
[[Catégorie:Empire carolingien]]
[[Catégorie:Séparation des Églises d'Orient et d'Occident]]
[[Catégorie:Régime fasciste italien]]
[[Catégorie:Risorgimento]]
[[Catégorie:Nationalisme russe]]
[[Catégorie:Politique dans l'Empire russe]]
[[Catégorie:Nationalisme allemand]]
[[Catégorie:Histoire des relations internationales]]
[[Catégorie:Empire français]]
[[Catégorie:Empire ottoman]]
[[Catégorie:Prétendant au trône]]