Voir la source de Guerre d'indépendance de l'Estonie

{{Infobox Conflit militaire    
|conflit = Guerre d'indépendance estonienne
|image   = Joala lahing 2.jpg
|légende = Représentation de la bataille de Joala le 28 novembre 1918.
|date    = {{Date|28|Novembre|1918}} – {{date|2|février|1920}}<ref>{{lien web|url=https://www.larousse.fr/encyclopedie/pays/Estonie/118528|site=larousse.fr|titre=Estonie|consulté le=28 novembre 2019}}.</ref><br><small>({{durée|28|11|1918|2|2|1920}})</small>
|lieu    = [[Estonie]]
|issue   = Victoire estonienne <br /> Indépendance de l'[[Estonie]]
|combattants1 = {{EST}}<br>{{GBR}}<br>{{LAT}}<br>{{FIN}}<br>{{SWE}}<br>{{DEN}}<br /> {{RUS-d}} [[Armées blanches]]
||combattants2 = [[Image:Flag of the Commune of the Working People of Estonia.svg|20px]][[Commune des travailleurs d'Estonie]]<br>{{pays|RSFS de Russie|1918}}
|combattants3 = [[Fichier:United Baltic Duchy flag.svg|22px]] [[Duché balte uni]]
}}
La '''guerre d'indépendance de l'Estonie''' ({{lang-et|Vabadussõda}}, c'est-à-dire « guerre de la Liberté ») également connue sous le nom de '''guerre de Libération de l'Estonie''' est une campagne défensive menée par l'[[Estonie]] et ses alliés, notamment le [[Royaume-Uni]], la [[Finlande]], la [[Suède]] et le [[Danemark]], pour repousser l'offensive de l'[[Armée rouge]] de 1918-1920 sur le front occidental déclenchée au cours de la [[guerre civile russe]]. L'Estonie défendait son indépendance nouvellement acquise après la désintégration de l'[[Empire russe]] et l'invasion par l'[[Empire allemand]]. Le conflit se conclut par la victoire de l'Estonie, formalisée par le [[traité de Tartu (russo-estonien)|traité de Tartu]].

== Contexte ==

[[Fichier:Mouvements-et-batailles-gue.png|vignette|Déroulement de la guerre d'indépendance.]]
[[Fichier:EstArmyHighCommnd1920.jpg|vignette|gauche|[[État-major|Haut commandement]] de l'armée estonienne en 1920 : [[Aleksander Tõnisson]], [[Andres Larka]], [[Johan Laidoner]], [[Karl Parts]] et [[Jaan Soots]].]]
En [[novembre 1917]], alors que l'[[Empire russe]] se désagrège, la diète de l'Estonie, dont les représentants ont été élus la même année, se proclame l'organe officiel du pouvoir en Estonie au cours de la seule session qu'elle tiendra. Peu après, un [[comité militaire révolutionnaire d'Estonie]] d'inspiration [[Bolcheviks|bolchevique]] dissout l'assemblée, prend le pouvoir et contraint le gouvernement estonien à entrer dans la clandestinité. Les négociations de paix entre Allemands et Russes traînent et l'Allemagne repasse à l'offensive, envahissant l'Estonie le {{Date|18 février 1918}}. Durant la brève vacance du pouvoir, qui sépare le départ des bolchéviques de l'arrivée des Allemands, le [[Comité de salut public (homonymie)|Comité de salut public]], qui a été désigné le [[19 février]] par le Comité des Anciens pour diriger le pays, [[Déclaration d'indépendance de l'Estonie|proclame symboliquement l'indépendance de l'Estonie]] dans ses frontières historiques et ethnographiques, le [[24 février]]. La [[République socialiste fédérative soviétique de Russie|Russie soviétique]], dont les armées ne peuvent résister à la poussée allemande, accepte le {{Date|3 mars 1918}} de signer le [[Traité de Brest-Litovsk (Empires centraux-Russie)|traité de Brest-Litovsk]]. En août de la même année, elle accepte dans le cadre d'une clause additionnelle de renoncer à sa souveraineté sur les [[Pays baltes|provinces baltes]]. Les germano-baltes reprennent les commandes de la région sous la tutelle des autorités militaires et annulent toutes les mesures prises en faveur des Estoniens depuis le début de la révolution. Environ {{unité|2000|bolchéviques}} et nationalistes estoniens sont exécutés. Le [[Duché balte uni]], dépendant de l'[[Liste des souverains d'Allemagne|empereur allemand]] et restituant le pouvoir à la minorité [[Germano-Baltes|germano-balte]] sur les territoires du [[Baltikum]], est créé en [[novembre 1918]]{{sfn|Minaudier|2007|p=234-248|loc=|id=}}.

== Déclenchement du conflit ==
Le [[11 novembre]], alors que les Allemands vaincus [[Armistice de 1918|déposent les armes]] sur le front occidental, le gouvernement provisoire estonien sort de la clandestinité et [[Konstantin Päts|Päts]], qui a été libéré, en prend la tête. Le [[21 novembre]] les occupants allemands lui remettent officiellement le pouvoir alors que le [[Révolution allemande de novembre 1918|régime impérial allemand s'effondre]]{{sfn|Minaudier|2007|p=247-248|loc=|id=}}. Les dirigeants de la Russie soviétique tentent de profiter de la nouvelle situation et dénoncent le [[Traité de Brest-Litovsk (Empires centraux-Russie)|traité de Brest-Litovsk]] le [[13 novembre]]. À la mi-novembre, un Comité révolutionnaire provisoire d'Estonie se proclame seul pouvoir légal en Estonie et demande à l'[[Armée rouge]] de {{citation|libérer le pays}}. Le gouvernement provisoire estonien tente de mobiliser sans grand succès les Estoniens et de faire appel à l'aide de la [[Finlande]] et du [[Royaume-Uni]]. Une division est mise sur pied ; [[Konstantin Päts]] est nommé ministre de la Guerre, [[Andres Larka]] chef d'état-major et le commandement de l'armée est confié à {{Lien|langue=en|fr=Aleksander Tõnisson}}.

== Offensive de l'Armée rouge à l'ouest ==
[[Image:EstRcrtPstr1918.jpg|vignette|Affiche de recrutement de l'armée estonienne de 1918 : « Frères, hâtez-vous de rejoindre l'armée de la nation ! »]]
Les soldats russes passent à l'attaque le [[22 novembre]] dans la région de [[Narva]], mais sont repoussés par les armées allemandes, qui n'ont pas encore quitté la région. Une nouvelle attaque, le [[28 novembre]], permet de {{Lien|langue=et|trad=Narva lahing (1918)|fr=Bataille de Narva (1918)|texte=prendre Narva}}. Au début du mois de janvier, l'Armée rouge occupe tout l'est de l'Estonie. [[Viktor Kingissepp|Kingissepp]] tente en vain d'organiser un soulèvement pro-bolchévique à [[Tallinn]] contre le gouvernement. Une armée estonienne est finalement mise sur pied avec, à sa tête, le lieutenant-colonel [[Johan Laidoner|Johann Laidoner]], un ancien officier de l'armée russe. Celui-ci reprend l'offensive à la tête d'une division estonienne, assistée de volontaires plus ou moins organisés. Une escadre de la [[Royal Navy]] organisée autour du petit porte-avions {{HMS|Vindictive|1918|6}} (à l'origine un croiseur de la [[Classe Hawkins]]), cinq [[croiseur léger|croiseurs légers]], neuf destroyers et d'autres petits navires, dont des sous-marins<ref name="por"/>, fait escale à [[Tallinn]] en [[décembre 1918]] pour repousser toute tentative d'attaque soviétique par la mer et apporter des munitions et des armes tandis que la [[Finlande]] envoie du matériel et consent un prêt. Des volontaires [[lettons]] et [[Scandinavie|scandinaves]] viennent prêter main-forte à l'armée estonienne.

La contre-offensive estonienne se déroule le long des voies ferrées, appuyée par des [[train blindé|trains blindés]]. L'armée estonienne reprend d'abord le contrôle de l'axe Tallinn-Narva avec l'appui de commandos débarqués sur la côte, lesquels sèment la panique sur les arrières de l'ennemi. Puis l'armée estonienne se tourne vers le sud et progresse sur la voie ferrée qui conduit à [[Riga]]. La jeune armée a le dessus au cours de deux accrochages à [[Voru]] et [[Valga]]. Le {{Date|1|février|1919}}, cette coalition est parvenue à repousser l'Armée rouge hors du territoire estonien{{sfn|Minaudier|2007|p=248-250|loc=|id=}}.

[[Fichier:Inglise laevastik Koporje lahes.jpg|vignette|gauche|Escadre britannique en octobre 1919 en mer Baltique.]]

La marine britannique, dont la base d'opérations est en Finlande, perdra en un an d'opération six navires de guerre (un [[croiseur léger]] de [[Classe C (croiseur)|classe C]], deux destroyers, un sous-marin [[Classe L (sous-marin britannique)|classe L]], deux dragueurs de mines), ainsi que trois navires auxiliaires, huit [[Vedette-torpilleur|vedettes-torpilleurs]] et 37 avions. En outre, 36 bateaux militaires et 25 [[Navire auxiliaire|navires auxiliaires]] ont été endommagés<ref>{{Lien web|langue=en|auteur1=|titre=The British and Soviet Naval War in the Baltics|url=https://warhistoryonline.com/war-articles/british-soviet-naval-war.html|date=14 juillet 2018 |site=warhistoryonline.com |consulté le=22 janvier 2018}}.</ref>. Cent-sept membres de la Royal Navy (RN) et cinq de la Royal Air Force (RAF) sont morts au combat<ref name="por">{{Lien web|langue=en|auteur1=|titre=Portsmouth Cathedral - Baltic Waters, 1918-19 |url=http://www.memorialsinportsmouth.co.uk/churches/cathedral/baltic.htm|date= |site= Memorials & Monuments In Portsmouth|consulté le=22 janvier 2019 }}.</ref>.

La RN attaque plusieurs fois le port militaire de [[Kronstadt]], coule les croiseurs soviétiques ''[[Oleg (croiseur)|Oleg]]'' et ''[[Mémoire d'Azov]]'' - ce dernier servant de navire-école à quai -, met hors de combat le cuirassé ''[[André l'Apôtre (cuirassé)|André l'Apôtre]]'', capture deux destroyers qui sont remis à la [[marine estonienne]] et endommage plusieurs autres navires de la [[flotte de la Baltique]]. Au moins 481 marins de la [[marine soviétique]] sont morts et 251 capturés<ref>{{Ouvrage|langue=et|auteur1=Mati Õun|auteur2=Hannes Walter|auteur3=Hannes Walter|titre=Võitlused Läänemerel 1918–1919|éditeur=|année=2003|pages totales=184|isbn=9985-66-345-4}}.</ref>.

== Luttes sur le front sud ==
[[Fichier:Patarei nr 1 1919.jpg|vignette|Artillerie estonienne en position contre la [[Baltische Landeswehr|''Landswehr'']].]]
En [[février 1919]], l'Armée rouge reprend l'offensive dans le sud-est. En mai, les Estoniens parviennent à la repousser en territoire russe, où ils reçoivent le soutien de l'[[armée du Nord-Ouest (Russie)|armée]] des [[Armées blanches|Russes blancs]] d'[[Nikolaï Ioudenitch|Ioudenitch]]. Mais l'entente entre les dirigeants des deux armées est loin d'être parfaite, car [[Nikolaï Ioudenitch|Ioudenitch]], qui lutte pour rétablir l'Empire russe, est hostile à l'indépendance de l'Estonie. Après l'échec d'une offensive conjointe contre [[Petrograd]], soutenue par les Alliés, l'armée estonienne réintègre ses frontières.

Au sud, l'armée estonienne doit se battre contre les [[Histoire des corps francs de la Baltique|corps-francs]] allemands et la [[Baltische Landeswehr|milice (''Landswehr'')]] composée de Germano-Baltes commandés par le général allemand [[Rüdiger von der Goltz|von der Goltz]]. Ces armées, qui ont pris le pouvoir en Lettonie et tentent de reconstituer un [[Duché balte uni|État germanique]] avec l'appui officieux des dirigeants allemands, luttent à la fois contre l'Armée rouge et les nationalistes baltes. Le {{Date|23|juin|1919}}, les Estoniens, assistés d'un bataillon letton ({{nombre|5000|hommes}} en tout), défont les Allemands au cours de la [[bataille de Wenden]]<ref group="N">Wenden est la traduction [[allemand]]e de [[Cesis]], ville proche du site de la bataille.</ref>. Cette victoire sur l'ennemi séculaire sera par la suite célébrée comme une fête nationale. En [[septembre 1919]], l'Estonie engage des pourparlers de paix avec la Russie, mais la désapprobation des puissances occidentales et de leurs alliés baltes et scandinaves, qui espèrent restaurer l'Empire russe et ne veulent pas d'une reconnaissance implicite du régime bolchevique, fait échouer les négociations.

L'Armée rouge repasse à l'{{Lien|langue=et|trad=Narva lahing (1919)|fr=Bataille de Narva (1919)|texte=attaque à Narva}} avec des effectifs renforcés {{Incise|{{nombre|160000|hommes}} et 200 pièces d'artillerie}}, qui sont difficilement repoussés par l'armée estonienne. Les négociations reprennent en [[décembre 1919]]. Après d'âpres discussions, l'Estonie et la [[République socialiste fédérative soviétique de Russie|RSFS de Russie]] signent le {{Date|2|février|1920}} le [[traité de Tartu (russo-estonien)|traité de Tartu]], qui reconnaît l'indépendance de l'Estonie.

Les combats, qui opposaient souvent des Estoniens entre eux <ref group="N">Après la [[Révolution russe|Révolution de 1917]], le mouvement bolchevique, qui bénéficiait encore d'une certaine popularité, avait pu recruter massivement en Estonie.</ref> mobilisaient des effectifs réduits {{Incise|quelques centaines d'hommes}}, ce qui explique la faiblesse très relative des pertes estoniennes : environ {{nombre|3600|tués}} en tout (sur une population totale d'environ un million){{sfn|Minaudier|2007|p=250-254|loc=|id=}}{{,}}<ref>{{Ouvrage |langue= |auteur1=S. Champonnois |titre=Dictionnaire historique de l'Estonie |sous-titre= |lieu= |éditeur= |collection= |année= 2005|volume= |tome= |pages totales= 313|passage=p.102-103 |isbn=2910878384|lire en ligne= }}.</ref>.<gallery mode="packed" caption="Images diverses de la guerre d'indépendance estonienne.">
Fichier:Soomusrong nr 1 ohvitserid.jpg|alt=
Fichier:Estonian army parade in Pskov.png|alt=|Parade des forces estoniennes dans [[Pskov]].
Fichier:Estonian soldiers at Constituent Assembly election.jpg|alt=
Fichier:Soomusrong nr 2 Valgas 1919.jpg|alt=
Fichier:Vabadussõda Erküla, 1919.jpg|alt=
Fichier:Patarei nr 1 1919 b.jpg|alt=
Fichier:Patarei nr 2 1919.jpg|alt=|Batterie estonienne près de Narva, fin 1919.
Fichier:Patarei nr 2 1919 b.jpg|alt=
Fichier:Patarei nr 5 1919 b.jpg|alt=
Fichier:Kuperjanovi partisanide patarei.jpg|alt=
Fichier:Shot down Landeswehr plane.jpg|alt=|Avion de la [[Baltische Landeswehr|''Landswehr'']] abattu.
Fichier:Tallinn24Feb1918.jpg|alt=
</gallery>

== Traité de paix de Tartu ==
[[Fichier:Eesti delegatsiooni liikmed Tartu rahu sõlmimisel. Vasakult - Jaan Poska, kindral Jaan Soots, kolonel Victor Mutt. Fotograaf Armin Lomp (1883-1936).jpg|vignette|Une partie de la délégation estonienne durant les négociations de paix.]]
Par le [[Traité de Tartu (russo-estonien)|traité de Tartu]], premier traité international reconnaissant l'existence de la Russie soviétique, la RSFS de Russie reconnaît l'indépendance de l'Estonie. La nouvelle frontière ajoute au territoire estonien une bande de terrain située sur la rive droite du [[Narva (fleuve)|fleuve Narva]], ainsi que l'ensemble du [[Setomaa (commune)|territoire de Seto]] au sud-est, soit environ 5 % de la superficie totale de l'Estonie. Les Russes d'origine estonienne, dont le nombre est estimé à {{formatnum:200000}}, sont autorisés à rentrer en Estonie, mais seulement la moitié de ceux qui présenteront une demande, soit {{nombre|37500|personnes}}, parviendront à revenir{{sfn|Minaudier|2007|p=250-254|loc=|id=}}.

== Notes et références ==
=== Notes ===
<references group="N" />

=== Références ===
{{Références|colonnes=2}}

== Voir aussi ==
=== Articles connexes ===
* [[Histoire de l'Estonie]]
* [[Pays baltes]]
* [[Événements de janvier|Événements de janvier 1991]]

=== Bibliographie ===

* {{Ouvrage | langue=fr | prénom1=Jean-Pierre | nom1=Minaudier | titre=Histoire de l'Estonie et de la nation estonienne | lieu=Paris | éditeur=L'Harmattan | année=2007 | pages totales=402 | isbn=978-2-296-04673-3 | lccn=2008410295 | lire en ligne=https://books.google.com/books?id=tmZjn_2212MC&printsec=frontcover }}.
* Jean-David Avenel et Pierre Giudicelli, ''L'indépendance des pays de la Baltique (1917-1920)'', Economica, Paris, 2004, 186 p.
* Julien Gueslin, « La France face aux indépendances baltes. De Brest-Litovsk à la conférence de la Paix (1918-1919) », ''Relations internationales'', Presses Universitaires de France, 1998, 93, en ligne sur HAL : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01405373 [archive].
* Julien Gueslin, « Un nouveau Drang nach Osten ? La France face à la menace des corps francs allemands dans les pays baltes, 1919 », ''Revue internationale d'histoire militaire'', 2003, en ligne sur HAL : [https://hal.archives-ouvertes.fr/hal- [archive] 01405399 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01405399 [archive].
{{Palette Histoire de l'Estonie}}
{{Portail|militaire|Estonie|Communisme|années 1910|Années 1920}}

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[[Catégorie:Bataille impliquant le Royaume-Uni]]
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