Discussion utilisateur:Michel Louis Lévy/EHDLT

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Le recensement de David[modifier le code]

La Torah consacre tout un livre, celui des Nombres, au recensement des adultes, soumis à de multiples règles, dont celle du « demi-shekel ». Ce ne sont pas les hommes qui sont comptés, mais les oboles, toutes égales, qu’ils déposent. Autrement dit se faire recenser est un acte volontaire. Nul ne doit être recensé à son insu. Or la Bible raconte comment (2Samuel, 24) l’Eternel tend un piège au Roi David en lui demandant de compter Israël et Juda. David ne respecte aucune des formes prescrites à Moïse ; il délègue l’affaire au général en chef, Joab, qui proteste, puis s’exécute avec ses lieutenants, qui comptent les habitants sans leur demander leur avis, comme ils le feraient d’un troupeau de bétail. Ça, c’est le recensement militaire, que symbolise le mot attribué à Staline : le Pape, combien de divisions ? Verset 8 : Et ils parcoururent tout le pays, et revinrent à Jérusalem au bout de neuf mois et vingt jours. Un temps plus long que celui d’une grossesse et d’une circoncision. Le résultat tient dans le demi-verset 9 : il y a en Israël huit cent mille hommes de guerre tirant le glaive, et en Juda cinq cent mille hommes. Cette formulation est catastrophique. Comment distinguer la population d’Israël de celle de Juda ? Aucune frontière n’a jamais été dressée, la distinction politique sera postérieure à Salomon, fils de David. La distinction est-elle entre les 800 000 hommes de guerre « tirant le glaive », c’est à dire mobilisables, et ceux de Yehoudah, Juda, nom formé sur le Tétragramme ? « 800 000 Israéliens et 500 000 Juifs » ? Au simple vu des résultats, David comprend que ses militaires sont en train de mélanger les critères nationaux et les critères religieux. Verset 10 Et il dit à l’Eternel: J’ai commis un grand péché en faisant cela! Maintenant, ô Eternel, daigne pardonner l’iniquité de ton serviteur, car j’ai complètement agi en insensé. Mais l’Éternel n’excuse rien. David encourt un châtiment, au choix : 13 Veux-tu sept années de famine dans ton pays, ou trois mois de fuite devant tes ennemis qui te poursuivront, ou trois jours de peste dans ton pays? Une nation qui pratique des discriminations religieuses s’expose à des désastres économiques, militaires, sanitaires. David choisit le fléau le plus court, précisément la peste : les résultats du recensement deviennent faux : le fléau retranche, “de Dan à Beershéba, 70 000 hommes“. On ne connaît évidemment pas le détail, la peste ne fait pas de distinction entre Israël et Juda. En hébreu, le mot « peste » est Dévèr, qui s’écrit DBR, comme la Parole. Cette peste-là est une perversion de la parole, comme lorsqu’on qualifie le nazisme de « peste brune ».

Les Annonciations faites à Sarah et à Marie[modifier le code]

Revenons au chapitre 1er de Luc.

Verset 5 : Et c’est aux jours d’Hèrôdès, roi de Iehouda, un desservant du nom de Zekharyah, de la classe d’Abyah. Il avait pour femme une des filles d’Aarôn. Son nom: Èlishèba‘

Exode, 6, 23 - Aaron prit pour femme Elishéba, fille d'Amminadab, sœur de Nachschon; et elle lui enfanta Nadab, Abihu, Eléazar et Ithamar.

La cousine enceinte que Marie « visite », Elisabeth, donne elle aussi à son fils un nom reçu par un ange. Mais ici, il y a un père.

Verset 7 : Zacharie et Élisabeth n’avaient point d’enfants, parce qu’Élisabeth était stérile ; et ils étaient l’un et l’autre avancés en âge (comme Abraham et Sarah). (…) Alors un ange du Seigneur apparut à Zacharie (et …) lui dit : Ne crains point, Zacharie ; car ta prière a été exaucée. Ta femme Élisabeth t’enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jean. Il sera pour toi un sujet de joie et d’allégresse (allusion à Isaac, On rira), et beaucoup se réjouiront de sa naissance.

et plus loin, après l’Annonciation à Marie :

Verset 57 Le temps où Élisabeth devait accoucher arriva, et elle enfanta un fils. Ses voisins et ses parents apprirent que le Seigneur avait fait éclater envers elle sa miséricorde, et ils se réjouirent avec elle. Le huitième jour, ils vinrent pour circoncire l’enfant, et ils l’appelaient Zacharie, du nom de son père. Mais sa mère prit la parole, et dit : Non, il sera appelé Jean. Ils lui dirent : “Il n’y a dans ta parenté personne qui soit appelé de ce nom”. Et ils firent des signes à son père pour savoir comment il voulait qu’on l’appelle. Zacharie demanda des tablettes, et il écrivit : “Jean est son nom”.

Jean, Yohanan, sur ‘Hen, grâce, c’est « Dieu fait grâce ».

Chaque naissance est une grâce divine, et Jean, John, Giovanni, Hans, Ivan… est devenu le prénom le plus fréquent dans le monde chrétien.

Zacharie est formé sur l’hébreu « Zakhor », se souvenir : le père n’est pas tant celui qui féconde la mère que celui qui « se souvient » avoir fécondé la mère. Et c’est celui qui, enregistrant les noms de l’enfant et de son père, permet à la société de « se souvenir » de qui est le père de qui. Zacharie enregistrant son fils Jean, c’est Abraham circoncisant puis offrant en sacrifice son fils Isaac.

Reste à substituer le baptême « au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » à la circoncision. Or le baptême est administré par le prêtre, et non par le père. Et ce n’est pas seulement une déclaration de filiation, c’est aussi une affirmation et une transmission de foi religieuse.

Le "renard"[modifier le code]

Dans les Évangiles ne figure jamais que le seul nom d'Hérode, qualifié par Jésus de « renard » (Lc 13,32)

Lc 13.32 - Il leur dit : " Allez dire à ce renard : Voici que je chasse des démons et accomplis des guérisons aujourd'hui et demain, et le troisième jour je suis consommé !

Pourquoi ce terme de renard ? Car voici : Hérode, comme Pharaon, massacre les premiers-nés. Or, Pharaon est associé à la ruse, tout simplement en vertu du fait qu’il dit en Exode 1,10 : "Prenons de sages mesures (hava nitHakma lo : littéralement : soyons rusés contre lui). Pharaon est donc un rusé. Et, en conséquence, le Hérode évangélique (qui n’a rien à voir avec le Hérode historique mais est ici un personnage purement midrashique, de la même classe que Pharaon) hérite de cet attribut, et devient donc un renard.

Une autre confirmation ? Voyez ce passage d’Exode Rabba (22,1) : L'Écriture compare les Empires étrangers à des bêtes sauvages, ainsi qu’il est écrit : quatre bêtes énormes sortirent de la mer (Dn 7, 3). Or lorsque l'Ecriture compare les Egyptiens à une bête sauvage, c'est à des renards qu'elle les compare. De même en effet que le renard est la plus petite de ces quatre bêtes sauvages, de même les Egyptiens exercèrent la plus petite des dominations, ainsi qu’il est écrit : L'Égypte sera le plus modeste des royaumes (Ez 29, 15).

Jean-Baptiste[modifier le code]

Selon Marc 6:14-29, Matthieu 14:1-12, Hérode fait arrêter Jean et « le fait lier en prison ». Allusion à la femme de Putiphar qui fait mettre Joseph en prison, accusé d'avoir voulu la violer. Sa femme Hérodiade veut faire tuer Jean mais Hérode le protége, car il le « connaissait pour un homme juste et saint » et « l'écoutait avec plaisir ». Pharaon prend de même conseil de Joseph. Cependant lors de la fête donnée pour son anniversaire (comme Pharaon en Genèse 40:20-22). la fille d'Hérodiade, dite Salomé, dansa tant que le gouverneur et tous ses convives furent subjugués, et il lui dit : « Demande-moi ce que tu voudras… Ce que tu me demanderas, je te le donnerai, fût-ce la moitié de mon royaume. » (cf Esther). "Salomé" demande pour sa mère la tête de Jean Baptiste présentée sur un plateau. Hérode, fort attristé, envoya cependant un garde décapiter Jean dans sa prison, placer sa tête sur un plateau et la présenter à Salomé qui l'offrit à sa mère Hérodiade. La fille d'Hérodiade renvoie à la fille de Pharaon, comme Marie à Myriam (Exode 2, 1-10). Voir : hemmelel.fr/blog/2005/11/09/20-rencontre/

Le surnom de Jean, (le “baptiste”, celui qui plonge, en hébreu : tobel) assonne avec le latin tabula), qui signifie tablette, petite table, tableau, écriteau.

Le récit de la mort de Jean est identique, d'un point de vue structurel, au récit de la mort de Jésus. Dans les deux cas, un homme qui vient appeler le peuple à la repentance, est arrêté et condamné à mort. Les dirigeants (Pilate ou Hérode) voudraient bien le relâcher, mais c’est le peuple qui s'y oppose, et ils sont contraints de le condamner et de l'exécuter. Pilate et Hérode présentent de nombreux points communs. Les deux compères se rapprochent d'ailleurs en Lc 23,12. • Ce sont d'abord tous deux des étrangers (des non-Juifs). • Pilate, de par son nom, est un libérateur ou un libéré. La racine plt en hébreu, signifie libérer. • Les deux hommes ont aussi en commun, d'avoir leur jour faste (yom tob) au cours duquel ils doivent faire quelque "largesse" au peuple, ou “élargir “quelque prisonnier. Mt 27, 15 à chaque Fête, le gouverneur (Pilate) avait coutume de relâcher à la foule un prisonnier, celui qu'elle voulait.

Ce redoublement de la conjonction païens-libération a pour fonction accessoire de faire entendre à un niveau presque subliminal que les païens peuvent en quelque façon constituer une libération pour les Juifs. Notre péricope est une anticipation de la Passion. C'est d'ailleurs Hérode lui-même qui assimile Jésus à Jean : Mt 14, 1 - En ce temps-là, la renommée de Jésus parvint aux oreilles d'Hérode le tétrarque, qui dit à ses serviteurs : Celui-là est Jean le Baptiste !

Jean est le précurseur de Jésus. Il en est la première étape et, en quelque sorte, la moitié du chemin. Dans la transaction entre Hérode et la fille d'Hérodiade, il représente la “moitié du Royaume”. Les deux hommes sont donc des étrangers qui font face à des Juifs vindicatifs (les foules en colère qui obtiennent finalement la mort de Jésus-Jean). Pilate et Hérode, quant à eux, auraient bien voulu les libérer. Hérode par exemple, sait que "Jean est juste et saint", il l'écoute volontiers. Hérode croit à la résurrection, puisqu’il dit que Jésus est Jean ressuscité. La manière dont le récit commence, évoque celui de la reine de Saba, dont on sait que le midrash a fait une prosélyte. Hérode entendit la renommée de Jésus. calque de : hordos shama' et shama' yeshua' ,Hérode a “entendu”.

Certes, Jean reproche à Hérode sa conduite. Mais c’est son rôle : il est venu pour plonger les hommes dans l'eau (entendez : la Loi). Jean est en effet le précurseur du messie, comme le prophète Elie. Il reproche au peuple d’être adultère à Dieu. Pour figurer cela, le midrash dispose du terme de nida (infraction aux lois sur les unions illicites, mais ici : “hérésie”). Il construit donc cette fiction d’Hérode épousant la femme de son frère. Sans le savoir, le midrash lance ainsi des générations d’historiens dans les sables mouvants de la dynastie hérodienne dont personne n’est ressorti vivant. Des Historiens qui devraient pourtant connaître Lévitique 20,21 : L'homme qui prend pour épouse la femme de son frère : c'est une nida.

Ce n'est pourtant pas à cause de ce reproche qu'Hérode l'arrête, mais "à cause d'Hérodiade" qui veut, nouvelle Jézabel, la mort du prophète (Jean/Elie). Voilà, vous commencez maintenant vraiment à comprendre comment le midrash fabrique du narratif: c’est parce que Jean-Baptiste est Elie, (comme lui précurseur du messie) qu’il fabrique une Hérodiade sur le modèle de Jézabel, l’ennemie jurée d’Elie. Le plus étonnant dans ce texte, c'est qu'il réussit de nouveau, au moment où l’on s’y attend le moins, à nous faire passer le message leitmotiv que nous ne cessons de rencontrer dans cet essai. Pilate ou Hérode, bien que païens, sont innocents, ils sont bien plus justes que les Juifs. Ils ont “entendu”, alors que les Juifs se sont endurcis. Les Chrétiens de Syrie et d’Égypte vénéraient en Pilate un saint et un martyr ; il figure encore à ce titre dans le calendrier liturgique de l’église copte. Pilate n’a-t-il pas accepté la loi en se lavant les mains ? On peut donc adresser à l'analyse structurale quelques menus reproches. Elle ne semble pas avoir prévu ceci: le midrash nous mène en bateau.

Ce n'est pas seulement le récit de leur exécution, qui est commun à Jésus et Jean. Ils partagent certains détails qui vont de leur conception à leur mort. • Le père de Jean, Zacharie, reste muet (hébreu : Heresh) or ce terme est un attribut de Joseph, le père de Jésus. (Horesh traduit par tekton, charpentier) • Après leur mort, les disciples des deux hommes s'occupent de leur corps. (guf, en hébreu, n’est pas seulement le corps, mais c’est aussi les principes essentiels de la doctrine…) • Zacharie le père de Jean écrit le nom de son fils (puisqu'il est rendu muet) sur une tablette. Cette tablette se retrouve dans la demande macabre d'Hérodiade et de sa fille, mais aussi dans l’épisode de la mort de Jésus, racontée dans l’Evangile de Jean, où il devient l’écriteau, sur lequel on inscrit la mention “Roi des Juifs”. • La mort des deux hommes est liée à la tête (décapitation pour l’un, “lieu du crâne” (golgota) pour l’autre). Notre texte traite aussi, d’une manière peu visible, du recensement (hébreu : pequda ou encore se et rosh, littéralement : “élévation de tête”, capitation). Ce recensement est de la même nature, midrashique, que celui qui intervient en Lc 2,1 : Or, il advint, en ces jours-là, que parut un édit de César Auguste, ordonnant le recensement de tout le monde habité. C'est une annonce de la fin des temps, via la racine paqad. Le “Roi” va visiter-recenser son peuple.

Jean vient annoncer au peuple que Dieu va le “visiter” (hébreu paqad, comme en Ruth 1,6). Ce verbe signifie aussi "recenser", mais recenser se dit également "la-set et rosh", littéralement : élever la tête. Le peuple s'oppose à cette annonce. Comment ? En tournant en dérision les termes de cette annonce. La dérision consiste ici à un tout petit jeu de mots sur l’expression à double sens “élever/enlever la tête”. On demande donc à ce qu’on “enlève” la tête de Jean. Et comme un recensement consiste à compter chaque tête et à en coucher le nom par écrit, on demande la tête de Jean sur une tablette. Car à l’époque, on écrit sur des tablettes. On demande en quelque sorte au baptiste de se baptiser-tabler lui-même, exactement comme les railleurs demandent à Jésus de se sauver lui-même.

Rahab et Paul[modifier le code]

Les gens qui se sauvent par la fenêtre dans un panier, ce sont les espions chez Rahab, en Josué 2, 15. Et il est question du "Seigneur Jésus" (Josué) juste avant Arétas (2Cor 11, 31). HRH, HRT, Harétas en hébreu connote la femme "enceinte" : il s'agirait de donner un père à la femme qui a couché la même nuit avec deux hommes (Arétas et son ethnarque ?). Tous les périls auxquels échappe Paul seraient ceux auxquels a échappé notre embryon, puisque nous sommes nés (sortis par la fenêtre), légitimes ou non, pratiquants ou non, croyants ou non...
PS : le verset 24 dit "cinq fois j’ai reçu des Juifs quarante coups moins un". (Peine de la flagellation). Mais la grossesse dure 39 semaines, plus une pour la circoncision. Quarante moins un, il s'agit de l'enfant qui naît, qui n'est pas (encore) circoncis.

École babylonienne[modifier le code]

Le Talmud de Babylone mêle exégèses légalistique et non-légalistique, basées sur des traditions analogues à celles de l’école galiléenne mais il n’élabore pas sur l’ensemble de Genèse 38 car il vise moins à commenter le texte biblique qu’à en tirer des ordonnances légales ou morales119. Plusieurs questions l’occupent, notamment sur la place du chapitre dans le rite et la liturgie — convient-il de le lire et traduire en public alors que les gens simples qui composent la majorité de l’assistance, ignorant des traditions de lecture rabbinique, pourraient en venir à déprécier le patriarche120 ? D’autre part, pourquoi choisit-on de raconter cette histoire, avec d’autres « choses qu’il vaut mieux ne pas mettre à la portée de toutes les oreilles (litt. faire entendre) », à des femmes soupçonnées par leur mari d’adultère121 ? Afin d’y répondre, les rabbins entendent montrer que les problèmes apparaissant lorsque l’histoire est comprise au sens simple, se révèlent après lecture adéquate comme autant d’enseignements positifs122 :

1. Le début de la lignée messianique le TB le sous-entend mais ne le dit pas explicitement

« Il arriva en ce temps-là » que c’était l’un de ces « temps » marqués pour la calamitéNote 22 : « Juda descendit de ses frères », c’est-à-dire de son statut dominant au sein ses frères, car « par la mesure avec laquelle on mesure, l’on est mesuré » or Juda était, ainsi que l’enseigne Rabbi Eléazar, « descendu » du sauvetage de Joseph avant de mener l'action à son terme lorsqu’il l'avait secouru de ses frères sans le ramener à Jacob. Cette descente le mènerait, selon Rabbi Shmouel bar Nahmani, à enterrer ses enfants et sa femme123, laquelle n’était, selon Rech Lakich, pas « la fille d’un Cananéen » mais d’un négociantNote 23. D’autres rabbins pensent toutefois qu’Er et Onan moururent de leur fait et pour la même faute, ainsi que l’indique « [il le fit mourir] lui aussi ». Cette faute a, selon Rabbi Eléazar, été d’imposer à Tamar une relation « différente » afin de ne pas la féconder (le rabbin ne vise pas tant l’intention contraceptive, admissible à la rigueur dans certains cas, que ces rapports « contre nature »)124 ; Rabbi Yohanan tire cependant des mêmes versets que « quiconque émet (litt. fait sortir) du sperme en vain, mérite la mortNote 24 » et Rabbi Ammi que « celui qui se complaît dans des imaginations lascives, ne sera pas reçu dans le domaine du Saint, béni soit-il »125,Note 25. Lorsque Juda intime à sa bru de « demeurer veuve (almana) dans la maison de [s]on père », les rabbins tiennent à préciser (sans doute parce qu’il s’agit de la première occurrence d’almana dans la Bible) que si Tamar est almana de mari, il y a aussi des almanot de fiancé voire de promis (quand bien même elle ne l’auraient pas encore rencontré), et toutes sont interdites au grand-prêtre d’Israël126.

2. Peta’h Einayim n’est pas un double-entendre sexuel mais une allusion à Abraham, modèle d’hospitalité et de piété

On informe Tamar que « ton beau père monte en ce moment à Timna pour tondre ses brebis » alors que « Samson descendit un jour à Timna » ; pour aplanir la difficulté, Rabbi Shmouel bar Nahmani propose l’existence de deux Timna et Rav Papa d’un seule Timna, à mi-chemin entre monts et vaux, mais Rabbi Eléazar préfère allégoriser : Samson « descendit » car « il y remarqua une femme entre les filles des Philistins » tandis que Juda y « monta » car il se réhabilita dans ce voyage127. Tamar se prépare et part se poster sur la route de Timna, s’asseyant à Peta’h Einaïm — la Bible ne mentionne aucun lieu de ce nom qui, pris dans son contexte, laisse entendre que Tamar, désirant capter l’attention de son beau-père, prend une pose attirant les regards ; Rav Hanin propose au nom de Rav de l’identifier à l’entrée d’Einam (Josué 15:34) et pour Rabbi Alexandri, Peta’h Einayim est « l’entrée de la tente d’Abraham c’est-à-dire […] un lieu [d’hospitalité ou de prière] où tous les yeux désirent le voir »Note 26.

3. Juda la prit pour une prostituée car, Tamar étant pudique au-delà de la mesure, il ne l’avait jamais vue auparavant ; cette vertu lui vaudra, midda kenegged midda, d’engendrer un vertueux au-delà de la mesure

« Juda, l’ayant aperçue, la prit pour une prostituée, car elle avait voilé son visage » — s’étonnant de l’association opérée par Juda entre voile et prostitution, Rabbi Eléazar et Rabbi Shmouel bar Nahmani au nom de Rabbi Yonathan enseignent qu’il n’y a pas lieu de comprendre le verset dans son sens simple mais plutôt que Juda ne reconnaît pas Tamar car elle se tenait sur la route dévoilée alors qu’« elle avait [toujours] voilé son visage » du temps où elle habitait chez son beau-père ; de fait, « toute jeune épousée qui en fait de même, mérite comme Tamar que des rois et des prophètes descendent d’elle » (Tamar compte en effet David et Isaïe parmi ses descendants car selon une tradition transmise à Rabbi Levi, le père du prophète, Amotz, était le frère du roi Amasias)Note 27. Juda dévie de sa route pour lui parler.

4. Peta’h Einayim expose les scrupules de Juda même pour une histoire de passage

Selon Rabbi Shmouel bar Nahmani, qui glose sur Peta’h Einayim, ces deux mots indiquent en filigrane qu’un dialogue préliminaire à Genèse 38:16-18 s’est tenu (le dialogue consigné dans la Bible n'est, lui, pas exploré), au cours duquel Tamar « a donné des yeux » à Juda, apaisant ses craintes alors qu’il passait prudemment en revue tout ce qui pourrait contrevenir, fût-ce pour une union passagère, aux règles du judaïsme rabbinique :

   « — Serais-tu une Gentille ?
   — […] Je suis une convertie
   — Serais-tu la femme d’un homme ?
   — Je suis libre
   — Peut-être ton père a-t-il reçu un douaire [quand tu étais encore en bas âge] ?
   — Je suis orphelineNote 28
   — Peut-être es-tu impure ?
   — Je suis pure »

5. Tamar s’est déflorée manuellement mais cela aussi est, chez elle, un signe de vertu

Rasséréné, « il vint à elle et elle conçut de lui » ; or, il avait été établi par Rabbi Eléazar qu’elle était techniquement vierge puisque ses maris n’avaient jamais fait les choses comme il faut, et les rabbins tiennent pour avéré qu’une femme ne conçoit pas de son premier rapport. Rabbi Eléazar résout la difficulté en expliquant qu’elle s’était digitalement déflorée avant de rencontrer Juda, ce qui ne lui est, contrairement à Er et Onan, pas reproché puisque, selon Rabbi Itzhak, « toutes les femmes de la maison de Rabbi qui se déflorent [car elles se séparent souvent de leur mari pour leur permettre d’étudier la Torah, et souhaitent concevoir de leurs rares rapports], sont appelées Tamar »128.

De ce qu’il est écrit (Genèse 38:20) « Juda envoya le chevreau (gdi haʿizim, litt. petit des chèvres) » ainsi que de Genèse 27:16, Rabbi Eléazar déduit que le gdi dont il est question à trois reprises dans la Torah (Exode 23:19, ibid. 34:26 et Deutéronome 14:21 : « tu ne cuiras pas le gdi dans le lait de sa mère »), ne désigne pas spécifiquement un chevreau ou un agneau mais un « petit » de n’importe quelle bête de bétail129. De même, le délai d’« environ trois mois après » au terme duquel la grossesse de Tamar devient apparente, est un argument employé par Symmaque au nom de Rabbi Meïr pour décréter un délai de trois mois avant d’autoriser le mariage d’une veuve sans enfants à son lévir, car il convient de s’assurer que le mari mort n’a laissé aucun enfant, fût-ce en gestation130.

6. Même en admettant comme Oula la prostitution de Tamar, elle l’a fait dans le but de sanctifier les cieux (!!)

On annonce à Juda que « Tamar ta bru s’est prostituée » – pour Oula, « Tamar s’est prostituée [comme] Zimri s’est prostitué » mais lui a amené la pestilence sur Israël tandis qu’elle leur a donné des rois et des prophètes ; c’est, selon Rav Nahman bar Itzhak, parce qu’

   « une transgression réalisée dans le but de sanctifier les cieux est plus grande qu’une prescription qui n’est pas réalisée dans le but de sanctifier les cieux (gdola aveira lishma mèʾasher mitzva shèlo lishma)131. »

7 Tamar enseigne par son exemple qu’il est préférable de se jeter dans une fournaise etc. L’enseignement est si central dans la morale talmudique qu’il est répété dans x endroits différents (càd chaque fois dans un contexte différent)

Lorsque Juda apprend la prostitution de sa bru, il porte l’affaire devant le tribunal de Sem car, supposent des rabbins, la bru de Juda, présumée israélite, s’est unie à un idolâtre, ce qui relève de la prostitution132. Tamar est emmenée, et les rabbins font remarquer que « comme on la faisait sortir » aurait été mieux rendu par hi mitoutset qui signifie indubitablement « on la fait sortir », alors que hi moutset pourrait se lire motset (« elle trouve ») ; c’est de fait ainsi que le comprend Rabbi Eléazar : « après que ses signes furent trouvés » — Samaël avait en effet « éloigné » les gages laissés par Juda avant que Gabriel ne les « rapproche »Note 29, ainsi qu’il est dit (Psaume 56:1) : « Pour celui qui a conquis en faveur de la colombe muette les objets éloignés, pour David Mikhtam » — au moment où les objets furent éloignés, dit Rabbi Yohanan, Tamar devint comme une colombe, rendue muette par l’éloignement des preuvesNote 30, et le Mikhtam, c’est David, issu de cette même Tamar, humble (makh) et honnête (tam) dans sa jeunesse comme dans son âge adulte, qui se tait devant les sages alors qu’il est déjà roi car il souhaite plus que tout apprendre la Torah133. Les gages récupérés, « elle envoya dire à son beau-père : de l’homme auquel appartiennent ces [objets], je suis enceinte » — l’on rapporte en quatre endroits du Talmud au nom de trois rabbins qui le rapportent au nom de trois rabbins (Rav Zoutra bar Touvia au nom de Rav, Rav Hana bar Bizna au nom de Rabbi Shimon Hassida et Rabbi Yohanan au nom de Rabbi Shimon ben Yohaï), que Tamar aurait pu dire plus directement « c’est de toi que je suis enceinte », ce qui démontre qu’

   « il est préférable de se précipiter dans une fournaise ardente que de faire pâlir son prochain en public (noa’h lo lèadam sheyapil atsmo lètokh kivshan haʾesh vèʾal yalbin pnei havero). »

8. Juda, en avouant, a sanctifié le nom divin en public. Il a aussi sauvé trois vies. Il n’a pas eu honte de le faire en public et, pour cette raison, a mérité la domination en ce monde et la vie dans le monde à venir.

Selon Rabbi Hama berabbi Hanina, « Reconnais [je te prie, à qui etc.] » rappelle à Juda que tout se règle mesure pour mesure car « Par "Reconnais" il annonça [à Jacob la mort de son fils], par "Reconnais" il lui fut annoncé »  ; « je te prie » exprime en outre une prière : « Reconnais je t’en prie ton créateur et ne détourne pas les yeux de ma personne »134. « Juda reconnut et dit […] c’est de moi » : Rav Hanin bar Bizna enseigne au nom de Rabbi Shimon Hassida qu’en avouant sa faute, Juda a sanctifié le nom divin en public, alors que Joseph, en se refusant à la femme de Potiphar, l’a seulement fait en privé, sans témoins alentour, et c’est pourquoi, si Joseph a mérité que l’une des lettres du tétragramme (Yod-Hé-Waw-Hé) soit ajoutée à son nom, Juda mérite que toutes les lettres du tétragramme figurent dans le sienNote 31. Un écho de voix résonne dans le tribunal de Sem, proclamant le mérite de Juda pour avoir sauvé Tamar et ses deux enfants, et lui promettant de sauver trois de ses descendants, les compagnons de Daniel. Selon d’autres, l’écho de voix annonce « [c’est] de moi », c’est-à-dire « C’est par moi que les secrets ont été mis au jour » car Juda n’avait pas les moyens de savoir que la grossesse de Tamar était de son fait (selon une version plus longue de cette tradition, Rabbi Eléazar suggère que Juda pourrait avoir fait valoir qu’un autre homme avait approché Tamar après lui, et conclut que « [c’est] de moi » n’est pas prononcé par lui mais par un écho de voix céleste qui annonce « C’est par moi que les secrets ont été mis au jour » ; Rava rétorque que Juda pourrait être arrivé à cette conclusion par calcul des dates)Note 32. C’est enfin parce que « Juda a avoué et n’a pas eu honte [de le faire] » que l’histoire de Juda et Tamar a d’une part échappé à la censure rabbinique, et qu’elle est d’autre part racontée aux femmes soupçonnées d’adultère avant qu’on ne les soumette à l’épreuve de l’eau amère — les prêtres, voulant éviter d’effacer le nom divin dans l’eau amère qu’ils doivent leur faire boire si elles persistent dans leurs dénégations, souhaitent leur montrer ce qu’il y a d’héroïque voire de bénéfique dans l’aveu de Juda car, pour avoir fait connaître [sa faute] sans rien dissimuler, Juda a hérité de la vie du monde à venir et de la domination sur le pays (bien qu’il ait eu besoin pour cela de l’intercession de Moïse)Note 33.

9. Contrairement à la fin en mi-teinte de la Bible (ils ont eu des enfants ensemble mais il n’a plus jamais voulu la voir), l’issue selon le Talmud est heureuse (ils vécurent heureux et eurent deux enfants)

Tout est bien qui finit bien selon les rabbins : contrairement à la lecture courante de Genèse 38:26 (litt. « il n’ajouta pas de la connaître »), Shmouel Sabba le beau-père de Rav Shmouel bar Ammi, interprète au nom de son gendre le verset à la lumière de Deutéronome 5:19, et conclut qu’en vérité, Juda « ne cessa plus dès lors de la connaître »135. Enfin, tirant précédent de l’accouchement inhabituel des jumeaux où Zera’h passe sa main avant de la retirer, Rav Houna décrète qu’une femme enceinte est considérée impure dès le moment où le fœtus sort la main et non lorsqu’il a été extrait de l’utérus136.