Voir la source de Dasein

{{Titre en italique}}
{{article général|Être et Temps|Martin Heidegger|La philosophie de Martin Heidegger}}

Le mot [[allemand]] '''''{{lang|de|Dasein}}''''' {{MSAPI|ˈdaːzaɪn}}, littéralement l'« être-là », est l'[[infinitif]] [[substantivation|substantivé]] du verbe allemand ''{{lang|de|dasein}}'', qui signifie, dans la tradition philosophique, « être présent ». Comme [[substantif]], le mot apparut au {{s-|XVII|e}} avec le sens de « présence », et est employé depuis le {{s-|XVIII|e}} dans sa traduction française en substitution au terme « existence »<ref>{{article|périodique=Le Débat|titre=Traduire Heidegger : Le mot ''Dasein''|auteur=François Vezin|année=1986|numéro=40}}</ref>. Avec le philosophe allemand [[Martin Heidegger]], ce terme est devenu, à partir de son maître ouvrage ''[[Être et Temps]]'' (''{{lang|de|Sein und Zeit}}''), un [[concept (philosophie)|concept]] majeur au moyen duquel l'auteur cherche à distinguer la manière d'être spécifique de l'« [[Être humain (philosophie)|être humain]] », qui n'est pas celle des choses ordinaires<ref group="N">Le terme de ''Dasein'' apparaît pour la première fois dans le dernier cours donné à Fribourg, l'été 1923, intitulé ''Herméneutique de la facticité'' alors que jusque là Heidegger ne parlait que de la vie dans sa facticité note [[Françoise Dastur]]-{{harvsp|Françoise Dastur|1990|p=21}}</ref>. Ainsi le ''{{lang|de|Dasein}}'' est cet étant particulier et paradoxal, à qui son propre être importe, qui est confronté à la possibilité constante de sa mort<ref group="N">[[Jean Grondin]] note que le  ''{{lang|de|Dasein}}'' n'est plus un « ''{{lang|la|cogito sum}}'' », mais « ''{{lang|la|sum moribundis}}'' » si bien que c'est le ''[[wikt:moribundus|moribundis]]'' qui donne sens au ''sum'', à l'être que je suis {{harvsp|Jean Grondin|1987|p=87,note 17}}.</ref>, en a conscience, vit en relation étroite avec ses semblables et qui, tout en étant enfermé dans sa solitude, « [[Lexique de Martin Heidegger#Être-au-monde|est toujours au monde]] », auprès des choses.
[[File:Heidegger 4 (1960) cropped.jpg|thumb|Heidegger en 1960.]]

== Présentation générale ==
Le terme  ''{{lang|de|Dasein}}'' apparaît pour la première fois au paragraphe 9 de ''[[Être et Temps]]'' (SZ {{p.|42}})<ref group="N">les références renvoyant à ''[[Être et Temps]]'' sont toujours données, sous la forme (SZ p) par rapport à la pagination du texte allemand toujours signalées dans les traductions françaises</ref>. Le principe de la traduction est de laisser ''{{lang|de|Dasein}}'' non-traduit, lorsque Dasein qualifie sans ambiguïté le « mode d’être » de l’« [[Être humain (philosophie)|être humain]] », et de le traduire par « être-là » , lorsqu’il a son sens métaphysique traditionnel ou s’applique aux choses. C'est toute l'analyse [[Ontologie (philosophie)|ontologique]], la recherche du sens de l' « être », à laquelle se livre Heidegger, qui lui aurait imposé de substituer le concept de  ''{{lang|de|Dasein}}'' aux concepts traditionnels d'homme et de sujet. Ces derniers seraient encombrés, d'après lui, de présupposés ou d'''a priori'' ontologiques cachés, relevant d'un choix inconscient quant au {{citation|sens de l'être}}, faisant loi depuis [[Aristote]] et sa [[Métaphysique]] ; sens qu'il se propose justement de  mettre au jour, de « [[Déconstruction (Heidegger)|déconstruire]] » (exposer leur origine) et de surmonter<ref name="Derrida31-32">{{harvsp|Jacques Derrida|1990|p=31-32}}</ref>. L'entrée du concept de ''{{lang|de|Dasein}}'' à l'orée d''<nowiki/>'[[Être et Temps]]'' n'est pas immédiatement accompagnée de sa définition, car tout ''[[Être et Temps]]'' serait consacré à cette analyse, note [[Christian Dubois]]<ref>{{harvsp|Christian Dubois|2000|p=23}}.</ref>.

Dans l'esprit de Heidegger, le terme de ''{{lang|de|Dasein}}'' serait en partie équivalent (en partie seulement) au terme d'[[Lexique de Martin Heidegger#Existence|existence]], ''{{lang|de|Existenz }}'' appliquée à l'« [[Être humain (philosophie)|être humain]] ». C'est d'ailleurs en ce sens que [[Georg Wilhelm Friedrich Hegel|Hegel]] l'avait déjà utilisé. Le fait d'introduire la notion d'existence témoigne déjà de l'écart qui ne va cesser de se creuser entre la traduction qui se veut littérale de ''{{lang|de|Dasein}}'' par « être-là »<ref group="N">que l'on trouve dans la première traduction française de ''{{lang|de|Sein und Zeit}}'', celle de [[Rudolf Boehm]] et [[Alphonse De Waelhens]] de 1964. {{harvsp|Heidegger|1972|p=}}</ref>, qui peut s'appliquer à l'ensemble des choses dites présentes (''{{lang|de|Vorhandenes}}'') ou réelles (ce à quoi l'existence humaine ne peut se résumer), et le développement conceptuel qu'en ont fait [[Hegel]] et plus tard Heidegger .
[[Fichier:Da Vinci Vitruve Luc Viatour.jpg|vignette|alt=Dessin dans un texte manuscrit illustrant les proportions humaines avec un homme bras et jambes écartés|L’''[[Homme de Vitruve]]'' par [[Léonard de Vinci]].]]
Heidegger, sans jamais donner de définition au sens classique (genre et espèce), présente ce concept dans une formule particulièrement ramassée, dans ''[[Être et Temps]]'', {{citation|l'étant à analyser (le  ''{{lang|de|Dasein}}''), nous le sommes « à chaque fois » nous-mêmes<ref group="N">{{citation|Il s'agit de bien comprendre que le Dasein n'est pas l'être humain, mais cet « être-le-là », d'où jaillit historialement l'être humain dans son appartenance à la vérité de l'être}}{{harvsp|texte='' article Être humain dans Le Dictionnaire Martin Heidegger''|id=Dictionnaire|p=450}}</ref>. L'être de cet étant est à chaque fois le mien}} texte cité par [[Jean Greisch]]<ref name="Greisch1994p112">{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=112}}</ref> où les termes importants sont « à chaque fois » et « [[Lexique de Martin Heidegger#Mienneté|mien]] ».

Avec ce nouveau concept, Heidegger tente de rendre métaphysiquement compte des [[Lexique de Martin Heidegger#Phénomène|phénomènes]] complexes liés à l'analyse de la vie humaine dans son « [[Lexique de Martin Heidegger#Monde|monde]] », de la « [[Lexique de Martin  Heidegger#Vie facticielle|vie facticielle]] » (la vie réelle avec sa contingence), comme la dispersion, la [[Lexique de Martin Heidegger#Temporalité|temporalité]], la perte et la reprise de soi, la [[finitude]], et surtout la familiarité avec l'« être », tels qu'ils étaient apparus dans les travaux qu'il avait menés antérieurement<ref name="Jollivet2009">{{harvsp|Sevanne Jollivet|Claude Romano|2009|p=}}</ref>{{,}}<ref name="Heidegger1996">{{harvsp|Heidegger|1996|p=}}</ref>{{,}}<ref group="N">. Le mot présente en outre l'avantage de rompre avec le concept de Vie dont la toute récente philosophie de la vie, celle de [[Wilhelm Dilthey]], a montré, de son point de vue, les insuffisances{{harvsp|texte='' article Dasein dans Le Dictionnaire Martin Heidegger''|id=Dictionnaire|p=302}}</ref>, mais aussi de répondre à la question du [[Lexique de Martin Heidegger#Question de l'être|sens de l'être]] ou ''{{lang|de|Seinfrage}}''.

Or l'homme, dans son [[Lexique de Martin Heidegger#Existence|existence]] quotidienne, manifeste toujours une certaine [[Lexique de Martin Heidegger#Comprendre|compréhension]] spontanée de l'être des [[étant]]s qui l'entourent, comme aussi, de son être propre (autrement dit, il sait pré-conceptuellement, si une chose est, et quand elle est) : le terme de ''{{lang|de|Dasein}}'' va prendre en charge cette capacité ontologique, « ''{{lang|de|die seinsmöglichkeit des fragens}}'' », qui est le privilège de l'homme, et dont il est souvent question dans l'œuvre de Heidegger sous l'appellation de {{citation|privilège ontologique}}<ref>{{harvsp|Jean Greisch|1994|loc=§12}}</ref>. [[Emmanuel Levinas]] apporte dans son livre<ref group="N">[[Emmanuel Levinas]] En découvrant l'existence avec [[Edmund Husserl]] et Heidegger VRIN 1988 page 60-61, l'être qui apparaît au ''{{lang|de|Dasein}}'', ne lui apparaît pas sous forme d'une notion théorique qu'il contemple, mais, dans une situation de tension intérieure dans le [[Lexique de Martin Heidegger#Souci|souci]] que le ''{{lang|de|Dasein}}'' prend de sa propre existence</ref>, des précisions quant aux contours de cette compréhension pré-ontologique de l'être par le ''{{lang|de|Dasein}}'', qui va constituer sa première et peut-être plus importante détermination.

Afin de répondre à la question du [[Lexique de Martin Heidegger#Question de l'être|sens de l'être]], la seule voie qui reste ouverte, une fois écartés les [[Lexique de phénoménologie#A priori|a priori]] classiques<ref group="N">L'inutilité de la question en raison de la nature trop universelle ou très générale de l'être. Voir la page qu'y consacre Christian Dubois dans {{harvsp|Christian Dubois|2000|p=19}}.</ref>, va consister à interroger l'étant qui parmi tous les étants se pose cette question, c'est-à-dire l'étant que nous sommes nous-mêmes, qui, en posant cette question, manifeste qu'il a une connaissance au moins courante et vague de l'être<ref>Voir § 2 ''[[Être et Temps]]'' SZ {{p.|5}})</ref>{{,}}<ref group="N">La première définition du  ''{{lang|de|Dasein}}'' dans ''{{lang|de|Sein und Zeit}}'' figure à la page 7. {{citation|Cet étant que nous sommes chaque fois nous-mêmes et qui a entre autres possibilités d'être celle de questionner, nous lui faisons place dans notre terminologie sous le nom de ''{{lang|de|Dasein}}''.}}</ref>{{,}}<ref group="N">Accessoirement, Heidegger encore imprégné à cette période de sa vie de l'approche métaphysique, va tenter de trouver à travers le ''{{lang|de|Dasein}}'' le sol originaire, autrement dit le « fondement », à partir duquel le tout premier sens du mot « [[être]] » sera manifeste et incontestable, le ''{{lang|de|Dasein}}'' fera alors office, de ce fondement . Toutefois, avec l'analytique existentiale qui s'avère tout aussi [[wikt:ontique|ontique]] que les autres sciences, Heidegger, dès le §4 de ''[[Être et Temps]]'' (SZ {{p.|12}}), n'ambitionne plus de plus mettre à jour quelque chose comme un fondement scientifique à l'existence (voir ce qui est dit de La [[Heidegger et la question de l'existence#La Résolution anticipante|Résolution anticipante]])-{{harv|Nancy|1989|p=230}}</ref>{{,}}<ref group="N">Cette démarche s'apparente à celle de [[René Descartes]] qui fait du ''{{lang|la|[[Cogito ergo sum]]}}'', le principe premier de sa métaphysique. Toutefois, Heidegger, en [[Phénoménologie (philosophie)|phénoménologue]], conteste absolument la démarche de l'ontologie cartésienne, trop rationnelle à son goût, pour questionner concrètement l'existence qu'éclaire l’étymologie même de ce mot : « être tiré de », tiré de la « [[Lexique de Martin Heidegger#Quotidienneté|quotidienneté]] », tiré surtout de l’anonymat rassurant du « [[Lexique de Martin Heidegger#On|on]] » qui est sa réalité habituelle, et dont il a le sentiment qu'elle peut dans sa pure naturalité et son [[Lexique de Martin Heidegger#Accomplissement|accomplissement]] le plus banal révéler quelque chose du sens du mot « être »{{harvsp|Jean Greisch|1994|loc=Introduction}}</ref>. À noter que son importance, jointe à la difficulté perçue dans sa réception, a conduit Heidegger à reprendre et à préciser ce concept de ''{{lang|de|Dasein}}'' au long d'une soixantaine de pages dans un cours de 1941, ''La métaphysique de l'idéalisme allemand (Schelling)'' (récemment traduit par [[Pascal David]])<ref>{{harvsp|Martin Heidegger|2015|p=43-101}}</ref>.

Une première partie de l'article sera consacrée à l'analyse préparatoire du ''{{lang|de|Dasein}}'', issue de la première section du livre ''[[Être et Temps]]'' dénommée aussi « analytique existentiale » comprenant un petit exposé des structures, une introduction à la phénoménologie de l'existence et un aperçu sur le concept de « [[Lexique de Martin Heidegger#Monde|monde]] » dans ses liens avec le ''{{lang|de|Dasein}}''. Une deuxième partie destinée à exposer le concept fondamental d' « [[Lexique de Martin Heidegger#Être-au-monde|Être-au-monde]] » et une troisième partie consacrée à la notion de « [[Lexique de Martin Heidegger#Souci|Souci]] ». Viendront ensuite les thèmes de la « [[Lexique de Martin Heidegger#Temporalité|Temporalité]] » du ''{{lang|de|Dasein}}'', de sa « Dynamique » et de sa « [[Lexique de Martin Heidegger#Finitude|Finitude]] ». Pour finir sur la question du ''{{lang|de|Dasein}}'', en rapport avec la « Subjectivité » et un aperçu du destin de ce concept dans la suite du travail du philosophe.

[[Fichier:Être et Temps.jpg|vignette|alt=Couverture de l'essai de Heidegger publié chez Gallimard|Être et Temps]]

== L'analytique existentiale ==
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<center>'''Sommaire de la section'''</center>
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* [[#La tâche d'une analyse préparatoire du Dasein|La tâche d'une analyse préparatoire du Dasein]]
* [[#Première approche|Première approche]]
** [[#Le Da du Dasein|Le ''Da'' du Dasein]]
** [[#Le là de « être-le-là »|Le là de « être-le-là »]]
** [[#Le Sein du Dasein|Le ''Sein'' du ''Dasein'']]
* [[#Les structures fondamentales|Les structures fondamentales]]
**[[#Les modes fondamentaux de l'exister|Les modes fondamentaux de l'exister]]
***[[# Être-au-monde|Être-au-monde]]
***[[#Être-là et quotidienneté|Être-là et quotidienneté]]
**[[#Les différentes figures de l'existence|Les différentes figures de l'existence]]
**[[#Le décèlement du monde|Le décèlement du monde]]
***[[#Le monde du Soi, notre monde|Le monde du Soi, notre monde]]
***[[#Le concept de monde|Le concept de monde]]
***[[#Le phénomène de l'outil|Le phénomène de l'outil]]
***[[#Le phénomène de l'angoisse|Le phénomène de l'angoisse]]
* [[#La centralité du Dasein|La centralité du Dasein]]
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=== La tâche d'une analyse préparatoire du Dasein ===
Heidegger appelle {{citation|analyse ou analytique existentiale}}, ou encore {{citation|analyse fondamentale préparatoire du ''{{lang|de|Dasein}}''}}, en allemand ''{{lang|de|Die vorbereitende Fundamentalanalyse des Daseins}}'', l'analyse préliminaire du ''{{lang|de|Dasein}}'' qui aurait pour but de rendre caduque la question du sujet, qui à ses yeux, combine un double héritage philosophique et théologique<ref>{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=117 }}</ref>. Le concept de ''{{lang|de|Dasein}}'' demande de mettre de côté la vision traditionnelle, d'abandonner la classique définition de l'[[Essence et accident|essence]] de l'homme, comme {{citation|animal raisonnable}}<ref group="N">[[Franco Volpi (philosophe)|Franco Volpi]] écrit : {{citation|Heidegger considère tous les concepts et les définitions traditionnels insuffisants pour saisir l'essence de l'homme qui ne le réduise pas à une chose parmi d'autres choses ; sa détermination traditionnelle comme vivant doué de {{grec ancien|[[wikt:λόγος|λόγος]]}}, ne saurait donc le satisfaire car elle laisse échapper la « [[wikt:motilité|motilité]] » , ''{{lang|de|Bewegtheit}}'' propre à la vie humaine.}}-{{harvsp|Franco Volpi|1996|p=35}}</ref>. Pour Heidegger, il s'agit d'abandonner avec la [[Dualisme (philosophie de l'esprit)|dualité]] du corps et de l'esprit, la dualité du sujet et de l'objet, mais aussi la dualité entre l'essence et l'existence ainsi que l'ensemble des concepts développés par les sciences contemporaines, que ce soit, l'anthropologie ou la psychologie, c'est tout l'objet du chapitre intitulé {{citation|la critique heideggerienne de l'anthropologisme}} de [[Françoise Dastur]] dans son livre « ''Heidegger et la pensée à venir'' »<ref name="Dastur2011p79">{{harvsp|Françoise Dastur|2011|p=79 sq}}</ref>{{,}}<ref name="Derrida31-32"/>.

Martin Heidegger affirme<ref name="Heidegger1970">{{harvsp|Heidegger|1970|id=Lettre sur l'humanisme|p=}}</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Heidegger|1990|id=QuestionsIIIetIV|p=130}}</ref> que {{Citation|être-là}}, ou {{Citation|réalité humaine}} qui furent les tentatives pionnières de transposition du mot ''{{lang|de|Dasein}}'' par les premiers traducteurs français comme [[Henry Corbin]] dans sa traduction du texte ''Qu'est-ce que la métaphysique?''<ref>{{harvsp|Heidegger|1990|id=QuestionsIetII|p=21-84}}</ref> correspondent à une interprétation incorrecte de sa pensée, et qu'il faudrait plutôt oser en français la traduction qu'il a lui-même proposé , ''a priori'' surprenante, d' {{citation|Être-le-là}}. La traduction littérale « être-là » reviendrait à comprendre la présence du ''{{lang|de|Dasein}}'' à l'image d'un objet dans sa permanence temporelle et spatiale. {{Citation|Rien n'est plus étranger au ''{{lang|de|Dasein}}'', qui n'a aucune permanence parce qu'il a, à chaque fois, à être son être}}. Cette interprétation/traduction devait se trouver justifiée avec la description des attributs et contours du ''{{lang|de|Dasein}}'', tout au long d{{'}}''[[Être et Temps]]''. [[Jean Beaufret]] écrit citant Heidegger : {{citation|penser autrement est manquer le point de départ}}<ref name="Beaufretp212">{{harvsp|Jean Beaufret|1983|p=212}}</ref>. Heidegger n'aurait donc rien à voir avec le courant de l'[[existentialisme]] qui tout en procédant de lui, l'aurait mal interprété, comme il eut l'occasion de s'en plaindre dans la ''[[Lettre sur l'humanisme]]'', en [[1946]].

Si l'on suit [[Hadrien France-Lanord]]<ref name="Heidegger 304">{{harvsp|texte=article Dasein ''Le Dictionnaire Martin Heidegger''|id=Dictionnaire|p=304}}</ref>, en centrant son analyse sur le concept de ''{{lang|de|Dasein}}'', ''[[Être et Temps]]'' est le premier livre qui ferait véritablement droit à la spécificité de l'« [[Être humain (philosophie)|être humain]] », qui en aucun cas, ne pourrait être abordé comme un « [[Lexique de Martin Heidegger#Étant|étant]] » ordinaire et selon les mêmes [[Catégories (Aristote)|catégories métaphysiques]] en usage, depuis [[Platon]] et [[Aristote]]<ref group="N">[[Hadrien France-Lanord]]  note que ''{{lang|de|das Dasein}}'' révèle la dimension la plus propre de l'existence humaine qui échapperait à toute ''conceptualité'', elle serait ''inconceptuelle'' (''{{lang|de|unbegriffliche}}''), alors qu'elle se révèle être le foyer de notre [[Lexique de Martin Heidegger#Ouverture|ouverture]] au monde{{harvsp|texte=article Concept ''Le Dictionnaire Martin Heidegger''|id=Dictionnaire|p=271}}</ref>. [[Marlène Zarader]]<ref name="ref1">{{harvsp|Marlène Zarader|2012|p=420}}</ref> met en évidence que « l'analytique » du {{lang|de|Dasein}} ouvre une voie d'accès qui privilégie son « mode d'être » dans son être « [[Lexique de Martin Heidegger#Quotidienneté|quotidien]] » le plus banal, « mode d'être » qui ne peut être exposé que selon une « conceptualité » et une terminologie adaptée<ref group="N">Les contours formels de ce concept peuvent être tirés de son appellation allemande, ''{{lang|de|Das Dasein}}''. [[Jacques Derrida]] s'interroge sur ce choix terminologique, qui lui apparaît quelque peu brutal et elliptique et qui trouverait sa meilleure justification dans un cours donné simultanément à [[Marbourg]] où il apparaîtrait que ce choix découlerait de la nécessité de faire signe vers une essentielle neutralité sexuelle. Plutôt que l'« être-là » classique le sens en français devrait prendre appui sur la surprenante traduction française que Heidegger a lui-même proposée, à savoir « [[Lexique de Martin Heidegger#Être-le-là|être-le-là]] » . Ce sont donc les sens du « Da », du « Là », et du « Sein » ainsi que celui que donne Heidegger au concept associé de « [[Lexique de Martin Heidegger#Monde|Monde]] » qui sont à considérer comme plans successifs de cette investigation sommaire.</ref>. En effet, {{citation|le Dasein a une manière d'être spécifique qui sera nommée ''existence''}}<ref name="ref1" />, mot auquel Heidegger donnera une toute nouvelle acception (voir [[Lexique de Martin Heidegger#Existence|existence]]). Il en découle la nécessité d'écarter les concepts traditionnels de la métaphysique (sujet, substance, propriété) pour une nouvelle {{citation|terminologie adaptée à la distinction entre les deux grands modes d'être de l'étant : existentiaux et catégories}}<ref>{{harvsp|Marlène Zarader|2012|p=94}}</ref>.

=== Première approche ===
[[Fichier:Henri Edmond Cross - Une clairière en Provence (Étude) - Google Art Project.jpg|vignette|gauche|alt=Peinture dans un style pointilliste avec des couleurs sombres pour représenter la forêt et vives pour la lumière dans une clairière|Henri Edmond Cross - Une clairière en Provence (Étude).]]
La constitution du terme allemand ''{{lang|de|Dasein}}'' et sa transposition en français par l'expression « [[Lexique de Martin Heidegger#Être-le-là|être-le-là]] » suggérée par Heidegger lui-même, autorisent une première approche de l'analytique.

==== Le ''Da'' du Dasein ====
Dans le « ''Da'' », allemand, littéralement ''Là'' en français ou même « ''l'ici-bas'' » selon [[Emmanuel Levinas]]<ref>{{harvsp|Emmanuel Levinas|1988|p=65}}</ref>, on trouve l'expression d'une [[Lexique de Martin Heidegger#Situation|situation]] de fait, l'idée d'un positionnement qui s'imposerait au ''{{lang|de|Dasein}}''. C'est ce que Heidegger veut exprimer quand il caractérise le ''{{lang|de|Dasein}}'' comme « [[Lexique de Martin Heidegger#Être-jeté|être-jeté]] »<ref name="Heidegger1990§38">{{harvsp|Heidegger|1990|p=§38}}</ref>. Si comme [[être-jeté]] le ''{{lang|de|Dasein}}'' se trouve dans une situation qui s'impose à lui, il n'est, néanmoins pas dans la situation d'un objet, comme une boule dans un jeu de quille mais {{citation|il est là, à chaque fois, en vertu de son être et non pas sur un mode aléatoire et contingent}}, il est l'héritier de son passé, riche de son « [[Lexique de Martin Heidegger#Être-été|être-été]]»<ref name="Heidegger2011p25">{{harvsp|Heidegger|2011|p=25}}</ref>.

#L'homme est un être historique qui ne choisit pas le lieu et le comment de son insertion dans la vie. Cette vie se caractérise par sa brièveté, comme la présence de tous les étants, dans l'espace étroit d'une entrée en présence et d'un retrait<ref group="N">Heidegger interprète le séjour comme un état transitoire, « d'à chaque fois » (pas de substance permanente), pour en faire le trait fondamental de l'étant qui est là pour un temps dans la présence. Ainsi il lui confère une « limite » (''{{lang|grc|peiras}}''), de sorte qu'il demeure dans l'« [[wikt:ajointement|ajointement]] » qui dispose tout étant présent de manière transitoire entre la double absence qui est celle de sa provenance et de son déclin{{harvsp|Françoise Dastur|2011|p=183}}</ref>. La constatation triviale de l'impermanence des choses, n'épuise pas la profondeur de l'analyse du philosophe, voir à ce propos l'article « ''[[La Parole d'Anaximandre]]'' ».
#C'est à tout moment, et dans tous ses extases et « pro-jets » successifs, dans sa « [[Heidegger et la question de l'existence#La Résolution anticipante|résolution devançante]] » qu'il en est ainsi : il a toujours et à chaque fois déjà réalisé certaines de ses possibilités qu'il doit à chaque fois prendre en charge, qu'il le veuille ou non, dans une nouvelle [[Lexique de Martin Heidegger#Situation|situation]]<ref name="Levinasp83">{{harvsp|Emmanuel Levinas|1988|p=83}}</ref>. Il y a dans cette expression l'idée d'un caractère irrécupérable de la vie<ref name="Dastur1990p63">{{harvsp|Françoise Dastur|1990|p=63}}</ref> et aussi celle d'une vie ressentie comme un fardeau.
#Dans cette situation à laquelle il doit faire face « il a « à être » le plus [[Lexique de Martin Heidegger#Propriété|propre]] de son être ». Le ''{{lang|de|Dasein}}'' est son « avoir-à-être », autrement dit il est constamment « sa [[Lexique de Martin Heidegger#Possibilité|possibilité]] », tendu vers son futur et comptable de son être, rien d'autre. [[Jean Grondin]]<ref>{{harvsp|Jean Grondin|1996|p=187|id=Grondin1996}}</ref> écrit {{citation|Être un ''Dasein'', cela veut dire que je puis être là où et quand tombent les orientations fondamentales quant à mon être}}.

==== Le là de « être-le-là » ====
Dans le « là », signification reprise aussi du ''Da'' allemand il y a un sens topologique fort qui ne doit pas être ignoré, écrit [[Françoise Dastur]]<ref>{{harvsp|Françoise Dastur|2007|p=223|id=DasturVrin}}</ref> l'idée d'un lieu prend de l'ampleur dans sa transposition française, l'horizon s'élargit<ref name="Dastur2011p46">{{harvsp|Françoise Dastur|2011|p=46}}</ref>{{,}}<ref name="Beaufretp212"/>. On rentre dans l'« [[Lexique de Martin Heidegger#Éclaircie|éclaircie]] », ou la {{citation|clairière}}  en allemand ''{{lang|de|Lichtung}}'' de l'être (expressions heidegeriennes : ce qui se donne à voir au ''{{lang|de|Dasein}}''). Comme le remarque [[Emmanuel Levinas]]<ref>{{harvsp|Marlène Zarader|1986|id=Marlène Zarader1986|p=11}}</ref> la topologie va, chez Heidegger, jusqu'à basculer en ontologie lorsqu'il est avancé  dans une formule choc, la thèse audacieuse que l'{{citation|''être est'' son ''là''}}.

Le ''{{lang|de|Dasein}}'' se comprend comme « étant-le-Là » de l’être ; non point comme le lieu réceptacle de l’être, mais comme le lieu dimensionnel, l’espace de déploiement propre, le champ de manifestation et de dispensation de la présence de l’être ; lequel champ n’est donc pas l’homme lui-même, mais bien ce qui, de l’être, constitue l’homme comme capable d’une compréhension de l’être ; c’est l’existence singulière concrète de l’homme. [[Hans-Georg Gadamer]]<ref name="Gadamer42">{{harvsp|Hans-Georg Gadamer|2002|p=42}}</ref> précise plus concrètement, que {{citation|ce « là » est, tout à la fois, un ici, un maintenant, un présent dans l'instant, une plénitude de temps et le lieu de rassemblement de tout ce qui est}} ; le ''{{lang|de|Dasein}}'' est un tel « ''là'' »<ref group="N">On trouvera en ligne un développement sur cette notion dans une conférence de Gérard Guest-{{harvsp|Gérard Guest|23/01/2010|loc=vidéo 8|id=Guest15s}} écouter en ligne</ref>.

Cependant, même en étant son « là », le ''{{lang|de|Dasein}}'' n'ouvre pas pour autant un espace au sens physique. Le ''{{lang|de|Dasein}}'' est son « là » veut seulement dire : il est son « [[Lexique de Martin Heidegger#Ouverture|ouverture]]», en allemand ''{{lang|de|Erschlossenheit}}''; ce qui n'a rien à voir avec « l'ici et le là-bas » de la physique : mais « [[Lexique de Martin Heidegger#Ouverture|ouverture]] » doit être pris au sens de totalité indéterminée du monde ; ''{{citation|la totalité des possibilités et de l'espace de jeu qui sont ouvertes au ''{{lang|de|Dasein}}''}}''.

« Être son ouverture » est donc dans l'esprit de Heidegger à prendre au pied de la lettre, l'ouverture est comme un existential, un attribut du ''{{lang|de|Dasein}}'', c'est pourquoi [[François Vezin]]<ref name="Heidegger1990">{{harvsp|Heidegger|1990|p=}}</ref>, a proposé de transposer le mot allemand ''{{lang|de|Erschlossenheit}}'' en {{citation|ouvertude}}, expression que [[Hadrien France-Lanord]]<ref name="Heidegger 304"/> reprend dans le ''Dictionnaire'' ; terminaison enfin que le français peut autoriser et qui rend bien cette idée fonctionnelle à l'image d'autres mots en « ude » tels inquiétude, solitude, finitude, que Heidegger veut susciter<ref group="N">Cette détermination de l'ouverture comme attribut ressort particulièrement de cette annotation de {{Lien|trad=John Sallis|fr=John Sallis|texte=John Sallis}} {{citation|une telle ouverture ne doit pas être assimilée, du côté de ce qui est ouvert (l'être), à une simple présence qui ne serait pas problématique, ni du côté de l'étant (le ''Dasein'') à qui il s'ouvre, à un regard paisible sur l'être. Avec et selon la modalité d'être du ''Dasein'', cet être se déclôt ; plus précisément, la façon qu'a le ''Dasein'' d'être son être s'identifie à l'ouverture de l'être du ''Dasein''}}-{{harvsp|John Sallis|1989|p=37|id=Sallis1989}}</ref>.

Si le « monde ontologique » n'est pas un espace, une sommation d'objets, le ''{{lang|de|Dasein}}'' par contre existe sur un mode spatialisant : il dispose et oriente toutes choses. La spatialisation est un mode d'être du ''{{lang|de|Dasein}}'', qui est une autre détermination de son essence selon une autre formule choc « ''L'essence du ''{{lang|de|Dasein}}'' réside dans son existence'' »<ref>{{harvsp|Heidegger|1990|p=73}}</ref>.

==== Le ''Sein'' du ''Dasein'' ====
Dans le ''{{Lang|de|Sein}}'', est en question l'idée de l'être (sens verbal comme vivre sa vie) et non de l'essence. Dans ''[[Être et Temps]]'', l'être du ''{{lang|de|Dasein}}'', « [[Lexique de Martin Heidegger#Être-le-là|être-le-là]] », n'est ni une substance, ni un sujet, mais celui qui est à « chaque fois le mien »  ''{{lang|de| Die Jemeinigkeit}}'', celui dont j'ai à me préoccuper, qui a « à être » et qui n'est jamais qu'une pure possibilité<ref>{{harvsp|Heidegger|1990|p= 74}}</ref>. [[Hadrien France-Lanord]]<ref>{{harvsp|texte=''Le Dictionnaire Martin Heidegger article Être-Le-Là''|id=Dictionnaire|p=454}}</ref> remarque {{citation|Le mérite d'« [[Lexique de Martin Heidegger#Être-le-là|être-le-là]] » est d'abord de n'être pas un substantif et d'obliger ainsi à entendre « être » comme Heidegger entendait  ''{{lang|de|sein}}'' dans ''{{lang|de|Dasein}}'', c'est-à-dire de manière verbale}}.

Le terme de ''{{lang|de|Dasein}}'' n’est pas une simple périphrase pour remplacer celui de conscience (''{{lang|de|Bewusstsein}}''), mais une dénomination topologique<ref group="N">Nous sommes d'abord présents aux choses mêmes, et en second lieu seulement nous nous rapportons représentativement aux objets qui en deviennent les lieutenants. {{harvsp|Jean Beaufret|1983|p=214}}</ref>. L'être du ''{{lang|de|Dasein}}'' réside tout entier dans cette formule réflexive qui ne désigne pas une substance : {{citation|L'être dont il y va pour cet étant en son être est à chaque fois sien }}<ref group="N">Le philosophe John Sallis apporte les précisions suivantes :  le ''Dasein'' est cet étant que nous sommes nous-mêmes, qui se caractérise par son comportement questionnant vis-à-vis de lui-même et vis-à-avis des étants autres que lui . Plutôt que de questions soulevées il faut parler d'une questionnabilité vis-à-vis de lui-même qui ne cesse d'être vécue. Quelle que soit la déterminité que l'on puisse lui accoler, le ''Dasein'' n'est pas seulement ancré dans cette déterminité, il se rapporte à son être (ancré dans une certaine détermination) de telle sorte qu'il en va pour lui de son être, ce qui signifie que le comportement appartient à l'être du ''Dasein'' (exemple l'être courageux du ''Dasein'' est quelque chose qui est en jeu dans chaque décision). Le ''Dasein'' a un rapport à son être qui n'est pas un savoir conceptuel mais la compréhension qu'il en a la façon d'être de son être. Que le ''Dasein'' comprenne son être et son comportement révèle l'ouverture du ''Dasein'' à son être qui autorise d'affirmer le Dasein est en son être manifestement ou le ''Dasein'' est lieu (le Da ) où son propre être s'ouvre. John Sallis poursuit {{citation|Un questionner philosophique explicite portant sur l'être du ''Dasein'' est simplement une forme développée du comportement que le ''Dasein'' a toujours déjà par rapport à son être [...] L'essence du ''Dasein'' repose plutôt dans le comportement particulier qu'il a à l'égard de son être, dans le fait qu'il a son être pour être. Cet être auquel le ''Dasein'' se rapporte, cet être du ''Dasein'', Heidegger l'appelle ''existence'' ; l'essence du ''Dasein'' repose dans son existence}}{{harvsp|John Sallis|1989|p=35-38|id=Sallis1989}}</ref>.

La plupart du temps cet « avoir-à-être », cette possibilité ou cette existence, termes équivalents, n'implique aucun caractère exceptionnel ; le ''{{lang|de|Dasein}}'', autre précision, vit constamment, dans sa « [[Lexique de Martin Heidegger#Quotidienneté|quotidienneté]] » , comme un « être-dans-la-moyenne »<ref>{{harvsp|Heidegger|1990|p=75}}</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|texte=''Le Dictionnaire Martin Heidegger article Quotidienneté''|id=Dictionnaire|p=1106}}</ref>.

L'essence du ''{{lang|de|Dasein}}'' réside dans son « [[Lexique de Martin Heidegger#Avoir à être|avoir à être]] », dans la mesure où il reste possible de parler d'essence, dans ce cas là, les caractères qui peuvent être dégagés ne sont pas des propriétés du ''{{lang|de|Dasein}}'' mais ses modes d'être<ref>{{harvsp|Jean-Luc Nancy|1989|p=230-232}}</ref>. Christoph Jamme<ref>{{harvsp|Christoph Jamme|1996|p=227}}</ref> définit ainsi l'existence {{citation|La possibilité propre (suprêmement propre pour elle-même) de soi-même, qu'est chaque ''{{lang|de|Dasein}}'' comme tel, Heidegger l'appelle existence}}. Exister se dit de multiples manières

=== Les structures fondamentales ===
==== Les modes fondamentaux de l'exister ====
===== Être-au-monde =====
L' « [[#L'Être-au-monde|être-au-monde]]<ref name="Greisch1994p121"/>» ou ''{{lang|de|Das In-der-Welt-sein}}'', est un mode d'être dit « [[Lexique de Martin Heidegger#Existential|existential]] », fondamental et unitaire du ''{{lang|de|Dasein}}'', qui est attesté par le constat du [[Lexique de Martin Heidegger#Dévalement|dévalement]] (immersion dans le monde du Dasein). Cette formule, nous dit [[Emmanuel Levinas]], est [[Ontologie (philosophie)|ontologique]], elle ne signifie pas simplement que le ''{{lang|de|Dasein}}'' est « dans » le monde, elle caractérise la manière dont nous comprenons l'existence à partir des possibilités ouvertes d'ores et déjà saisies. C'est la « [[Lexique de Martin Heidegger#Disposition|disposition]] », ou ''{{lang|de|Befindlichkeit}}'', (en gros notre humeur) et non l'intellect, qui nous ouvre primairement le « [[Lexique de Martin Heidegger#Monde|monde]] ». Ce à quoi le ''{{lang|de|Dasein}}'' est de prime abord ouvert, ce n'est pas la réalité sensible, mais la signification qu'elle revêt pour lui<ref>{{harvsp|Françoise Dastur|2011|p=47}}</ref>.

« Être privé de [[Substance (philosophie)|substance]] », le ''{{lang|de|Dasein}}'' ne possède pas de qualités, au sens classique, ses déterminations propres, l'[[Lexique de Martin Heidegger#Affect|affection]] et la [[Lexique de Martin Heidegger#Comprendre|compréhension]], sont appelées des « [[Lexique de Martin Heidegger#Existential|existentiaux]] », c'est-à-dire des modes d'être<ref name="Greisch1994p115">{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=115}}</ref> qui correspondent à diverses figures de l'existence. Il ne s'agit pas d'un être qui aurait en outre la compréhension de l’être en général, {{citation|compréhension qui tantôt nous échoirait, et tantôt nous serait refusée}}, mais d'un étant {{citation|dont l'être, ''Est'' cette compréhension elle-même}}. En définitive, cette compréhension naturelle est pour le ''{{lang|de|Dasein}}'' une {{citation|détermination constitutive de son être}} à travers laquelle, ajoute Heidegger, dans une formule ramassée et répétée à plusieurs passages {{citation| dans son être il y va de cet être}}<ref>{{harvsp|Alain Boutot|1989|p=24}}</ref>.

===== Être-là et quotidienneté =====
Au « [[Lexique de Martin Heidegger#Quotidienneté|quotidien]] » , l’étant apparaît au ''{{lang|de|Dasein}}'' à travers la « [[Lexique de Martin Heidegger#Préoccupation|préoccupation]] », en allemand ''{{lang|de|Besorgen}}'', et non à la suite d'une réflexion théorique. L' « [[Heidegger et la phénoménologie#Le concept d'Intentionnalité|intentionnalité]] » husserlienne est réinterprétée comme une manière de  {{citation|se-soucier-de}} l'étant, qui pourra, dans une deuxième étape, devenir un objet de connaissance, note [[Jean Greisch]]<ref>{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=66}}</ref>. Le ''{{lang|de|Dasein}}'' utilise l’étant qui se donne à lui comme « [[Lexique de Martin Heidegger#Outil|util]] » selon l'expression et la traduction faite par [[François Vezin]] de ''{{lang|de|Zeug}}'' pour le distinguer de la notion banale d'outil qui serait trop restreinte en français, tout étant pouvant de fait, devenir « util », {{citation|moyen de}} . Cette relation est dominée par la finalité pratique {{citation|l'en vue de…}}, on se saisit d'un étant dit {{citation|à-portée-de-la-main}}, ''{{lang|de|Zuhandenheit}}'' pour réaliser quelque chose.

La préoccupation, englobe les activités les plus diverses. Dans l'optique d{{'}}''[[Être et Temps]]'', la distinction qui importe n'est plus celle qui se fait entre le pratique et le théorique, mais entre la préoccupation qui discerne, et le dévoilement théorique de l'étant<ref name="Heidegger1990p544">{{harvsp|Heidegger|1990|loc=note [[François Vezin]] |p=544 }}</ref>.

==== Les différentes figures de l'existence ====
[[Fichier:Wheel of Existence.jpg|vignette|alt=Représentation bouddhiste de la roue de l'existence, avec l'affichage des six royaumes d'existence. Représentation sur un tissu de soie|{{Langue|en|texte=Wheel of Existence}}]]
Toujours au « [[Lexique de Martin Heidegger#Monde|Monde]] », l'existence du ''{{lang|de|Dasein}}'' se déploie simultanément selon cinq moments structurels qui font l'objet d'articles séparés à savoir :
#L' « [[Être-jeté]] » qui exprime le fait qu'à tout moment dans son existence le ''{{lang|de|Dasein}}'' est toujours et déjà enfermé dans un horizon de possibilités en deçà desquelles il ne saurait remonter, il « est » ces possibilités<ref name="Heidegger1990p448">{{harvsp|Heidegger|1990|loc=note [[François Vezin]] {{p.|448}} }}</ref>, et qu'il doit impérativement assumer.
#L'« [[Être-avec]] » ou « être-avec-autrui », le ''{{lang|de|Dasein}}'' est essentiellement « être-avec ». Il n'y a pas un « moi » au milieu des autres, des autres qui sont aussi des ''{{lang|de|Dasein}}'', mais un monde donné les uns « avec » les autres, indissolublement.
#L'« [[Être-en-faute]] » ou « être-en-dette ». Aucune connotation morale plutôt l'idée d'un manque, d'un déficit. Le ''{{lang|de|Dasein}}'' a « à-être » ce qu'il n'est pas, mais qu'il est néanmoins, au titre de la possibilité à laquelle Heidegger accorde une grande valeur ontologique.
#L'« [[Être-vers-la-mort]] » qui est à prendre au sens d'être exposé à..., coordonné à... . L'« [[être-vers-la-mort]] » est un existential, un mode d'être essentiel et permanent, dans lequel, s'expose le rapport de l'homme à sa propre mort, rapport qui est constitutif de son être. Dans notre être, nous sommes mortels, nous ne mourons pas « en plus » comme le pensait [[Jean-Paul Sartre]], cité par [[Jean-Luc Nancy]]<ref>{{harvsp|texte=''Les Nouveaux chemins de la connaissance'', France Culture, 17 mai 2011.|id=Enthoven2011b}}</ref>.
#Le « [[Lexique de Martin Heidegger#Monde du Soi|Monde du Soi]] » et la « [[Lexique de Martin Heidegger#Mienneté|Mienneté]] ». Le Soi ne s'éprouve pas dans un « je » souverain (le [[cogito ergo sum|cogito]] cartésien), donné ''[[a priori et a posteriori|a priori]]'', mais à même l'expérience concrète et à chaque fois renouvelée d'une suite d'expériences recueillies et rassemblées sur un mode narratif par le ''{{lang|de|Dasein}}'', selon la formule de Heidegger, {{citation|l'étant à analyser (le  ''{{lang|de|Dasein}}''), nous le sommes à chaque fois nous-mêmes. L'être de cet étant est à chaque fois le mien, ''{{lang|de|jemein }}'' }} cité par [[Jean Greisch]]<ref name="Greisch1994p112"/> ; ce qui, note [[Didier Franck]]<ref name="Franck1986p31">{{harvsp|Didier Franck|1986|p=31}}</ref>, a pour signification première que cet être (mien) n'est ni posé par moi, ni séparé en un « Je » individualisé, qu'il est en son entier manifestation de l' « Être ». Sophie-Jan Arrien<ref>{{harvsp|Sophie-Jan Arrien|2014|p=73|id=Arrien2014}}</ref> précise {{citation|[…] le « ''Je'' » n'apparaît que dans le monde et avec lui ; l'expérience du « ''Je'' » n'a lieu que dans la mesure où le monde « mondanise »}}<ref group="N">L'expression « Cela mondanise », ''{{lang|de|Es weltet}}'' exprime le fait que dans la donation du monde , dans le « Il-y-a », ''{{lang|de|Es Gibt}}'' la signifiance est première-qu'elle ne vient pas se greffer sur un fait brut-{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=29}}</ref>.

==== Le décèlement du monde ====
===== Le monde du Soi, notre monde =====
Le monde qui fait originairement  [[Lexique de Martin Heidegger#Laisser être|encontre]], c'est-à-dire qui se dévoile en premier lieu, est toujours [[Lexique de Martin Heidegger#Comprendre|entendu]], à travers le phénomène de la « [[Lexique de Martin Heidegger#Mienneté|mienneté]] », le « [[Lexique de Martin Heidegger#Monde du Soi|monde du Soi]] », qui manifeste les toutes premières significations dans un monde qui a du sens, ''{{lang|de|Bedeutsamkeit}}''. Cela veut dire que la question du sens se pose toujours à la première personne. C'est ce [[Lexique de Martin Heidegger#Phénomène|phénomène]] centripète général de l'« à-partir de Soi » que Heidegger va désigner sous le terme de ''{{lang|de|Jemeinigkeit}}'' ou « mienneté ». Cela ne signifie pas que ce sens soit produit par lui, par le Soi, mais qu'un sens circule à même les choses avant que le ''{{lang|de|Dasein}}'' se saisisse [[Lexique de Martin Heidegger#Explicitation|explicitement]] des choses. {{citation|Il n'est de monde que comme toujours déjà gros de sens}}<ref>{{harvsp|Marlène Zarader|2012|p=157}}</ref>. On constate que cette « [[Lexique de Martin Heidegger#Significativité|significativité]] » en tant que structure ontologique n'est pas la somme des valeurs, mais que tout au contraire une « [[Valeur (philosophie)|valeur]] », un rang, une signification particulière ne peut être donnée que dans le cadre d'une ''significativité'' globale du monde auquel cette valeur appartient.

D'où les formulations suivantes pour décrire l'« [[Lexique de Martin Heidegger#Être-le-là|être-là]] en [[Lexique de Martin Heidegger#Situation|situation]] : {{citation|Je suis présent à moi-même concrètement dans une expérience déterminée de la vie, je suis dans une [[Lexique de Martin Heidegger#Situation|situation]]}}<ref name="Arrien2001p63">{{harvsp|Sophie-Jan Arrien|2001|p=63}}</ref>{{,}}<ref group="N">Le « "Je" » n'est plus une fonction première et spontanée-psychique ou transcendantale-apte à constituer du sens et de la connaissance, il advient à lui-même dans l'expérience du monde ; il apparaît avec la « [[Lexique de Martin Heidegger#Significativité|significativité]] » du monde plutôt qu'il ne la constitue-{{harvsp|Sophie-Jan Arrien|2001|p=60}}</ref> ; {{citation|Il n'y a jamais de sujet sans monde et isolé}}<ref name="Greisch1994p159">{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=159}}</ref> ; {{citation|Ce qui est premier ce ne sont pas les vécus psychiques, mais des « [[Lexique de Martin Heidegger#Situation|situations]] » changeantes qui déterminent autant de lieux spécifiques de compréhension de soi-même…}}<ref name="Greisch19969142">{{harvsp|Jean Greisch|1996|p=142}}</ref> ;  {{citation|De même que toute parole sur le monde implique que l'être-là s'exprime sur lui-même, tout comportement qui se préoccupe est une préoccupation au sujet de l'être de l'« être-là ». Ce dont je m'occupe, ce à quoi j'ai affaire, ce à quoi mon métier m'enchaîne je le suis d'une certaine mesure moi-même}}<ref name="Haar1983p40">Heidegger, ''Le concept de temps, 1924'', dans {{harvsp|texte=''Cahiers de l'Herne'', N° 45, 1983|Michel Haar|1983|p=40}}</ref>. [[Alexander Schnell]]<ref name=schnell169>{{harvsp|Alexander Schnell|2017|id=beitrage|p=169}}</ref> rajoute sur une remarque d'Heidegger {{p.|52}} d' ''[[Être et temps]]'' : {{citation|dans la mesure où le monde est un constituant du ''{{lang|de|Dasein}}'', celui-ci dans son caractère extatique est et reste dans tous les cas avec lui-même}}<ref group="N"> Après ''[[Être et Temps]]'', tout l'effort de Heidegger va se tourner vers {{citation|la pensée de l'intime identité du monde et du ''{{lang|de|Dasein}}''}}. Alors que dans ''Être et Temps'', l'ouverture du « là », (« [[#Le là de « être-le-là »|le là de l'« être-le-là »]] » du ''{{lang|de|Dasein}}'' ), est conçue comme centrée sur le « [[Lexique de Martin Heidegger#Monde du Soi|monde du Soi]] », l'homme va maintenant  déployer son être de telle sorte qu'il devient le « là » (le lieu) de l'éclaircie de l'Être, {{citation|de sorte qu'elle ne puisse plus être considérée comme la contrepartie de l'immanence d'un sujet, mais comme le fait pour le ''{{lang|de|Dasein}}'' de se tenir ouvert pour l'ouverture de l'être [...]Le monde n'est plus une espèce de projection du ''{{lang|de|Dasein}}'' mais la « [[Lexique de Martin Heidegger#Éclaircie|clairière]] » en quoi le ''{{lang|de|Dasein}}'' « ''[[Lexique de Martin Heidegger#Ek-sistence|ek-siste]]'' »}}-{{harvsp|Françoise Dastur|2011|p=34-35}}</ref>.

Heidegger met en évidence ce phénomène étroitement lié à l'existence, de la « [[Lexique de Martin Heidegger#Mienneté|mienneté]] », la ''{{lang|de|Jemeinigkeit }}'', par lequel le ''{{lang|de|Dasein}}'' se rapporte continuellement à « lui-même », ce « lui-même » qui ne lui est pas indifférent et qui va rendre possible le pronom « Je » de telle manière que celui-ci dérive de celle-là et non l'inverse. Ce « lui-même » auquel se rapporte le ''{{lang|de|Dasein}}'' n'est pas originellement un « Je », « mais son rapport essentiel à l'être en général ». La « mienneté » va devenir le principe d'individuation remarque [[Didier Franck]]<ref name="Franck1986p31"/>. La « Mienneté » appartient à l'existence, elle est « à être ». Ce qui veut dire que l'« être » du ''{{lang|de|Dasein}}'' est à « chaque fois » en jeu, à conquérir, il peut être dans le souci du "Soi" , plus précisément le souci de son être, ou se fuir (être [[Lexique de Martin Heidegger#Propriété|propre]] ou impropre). Comme le note [[Paul Ricœur]]<ref name="Bréhier">{{harvsp|Émile Bréhier|1954|id=Histoire de la philosophie allemande|p=250}}</ref>, {{citation|ce qui vient à jour dans cette expression c'est l'universelle « mienneté »-, le chacun dans le mien- et non le moi vécu }}.

Mais il ne suffira pas de faire appel à une expérience renouvelée pour rendre compte de l'« [[wikt:ipséité|ipséité]] » qui comprend de plus le phénomène de la continuité du Soi. Comme le souligne [[Marlène Zarader]]<ref>{{harvsp|Marlène Zarader|2012|p=185}}</ref>, {{citation|je ne me découvre pas primairement comme sujet de mes propres vécus ou pôle de mes actes, je me découvre primairement à même le monde, dans le disponible intra-mondain dont je me préoccupe}}. Ce sont les phénomènes du « [[Lexique de Martin Heidegger#Souci|Souci]] », de l' « [[Lexique de Martin Heidegger#Voix de la conscience|appel de la conscience]] » et de la [[Heidegger et la question de l'existence#La Résolution anticipante|Résolution]], qui vont intervenir dans l'[[Lexique de Martin Heidegger#Explicitation|explicitation]] qu'en donne [[Jean Greisch]]<ref name="Greisch1994p313-317">{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=313-317}}</ref>. [[Dominique Janicaud]]<ref>{{harvsp|Jean-Luc Nancy|1989|p=55}}</ref> notera lui aussi la persistance de cette question de la subjectivité dans ''[[Être et Temps]]'', qui ne se laisse pas si facilement écarter, malgré les efforts de Heidegger.

===== Le concept de monde =====
{{article détaillé|Monde et mondéité}}
[[Image:Plato's Academy mosaic from Pompeii.jpg|left|thumb|L'Académie de [[Platon]] (mosaïque romaine trouvée à [[Pompéi]]).]]
Le « [[Lexique de Martin Heidegger#Monde|Monde]]» du ''{{lang|de|Dasein}}'' renvoie à une double appartenance réciproque<ref name="Greisch1994p121">{{harvsp|JeanGreisch|1994|p=121}}</ref>{{,}}<ref name="Jollivetp84-93">{{harvsp|Servanne Jollivet|2009|p=84-93}}</ref>. Le concept de « monde » fait signe  à la fois vers l'idée d'« [[Lexique de Martin Heidegger#Ouverture|ouverture]] » et vers celle d'habitabilité. En tant qu'[[Lexique de Martin Heidegger#Éclaircie|éclaircie]] cet « ouvert » n'est pas à penser au sens aristotélicien, comme un contenant comprenant une collection d'étants, mais relève plutôt de l'approche platonicienne de la lumière. En liaison avec l'expression controversée d' {{citation|ouvertude}} utilisée par [[François Vezin]] pour signifier l'étroite « co-appartenance » entre l'idée d'ouverture et le mode d'être du ''{{lang|de|Dasein}}'' ; ouverture singulière au « monde » qui selon ''[[Être et Temps]]'' peut être définie comme le champ où s'exerce la [[Lexique de Martin Heidegger#Préoccupation|préoccupation]] soucieuse de l'«[[Lexique de Martin Heidegger#Être-le-là|être-là]] ». Heidegger ose la formule {{citation|le monde est une détermination de l'être du ''Dasein''}}, formule citée par Rudolf Bernet<ref>{{harvsp|Rudolf Bernet|1987|p=520}} lire en ligne</ref>.

Inversement le ''{{lang|de|Dasein}}'' se tient dans une totalité ouverte de significations à partir de laquelle il « [[Lexique de Martin Heidegger#Comprendre|comprend]] », au sens particulier de ce mot chez le penseur, l'étant « intra mondain » qu'il n'est pas, c'est-à-dire les choses, les autres et par contre-coup « lui-même »<ref>{{harvsp|Christian Dubois|2000|p=49}}</ref>. ''{{citation|Autrement dit en comprenant son monde on comprend le ''{{lang|de|Dasein}}''}}''.

En travaillant sur la « [[Lexique de Martin Heidegger#Vie facticielle|vie facticielle]] », le [[Lexique de Martin  Heidegger#Phénomène|phénomène]] du monde se donne selon trois moments distincts, l{{'}}''{{lang|de|Umwelt}}'' (le monde naturel et social qui nous entoure), le ''{{lang|de|Mitwelt}}'' (les autres les proches et les étrangers auxquels nous avons affaire), le ''{{lang|de|Selbstwelt}}'', le « [[Lexique de Martin Heidegger#Monde du Soi|monde du soi]] » (ce à quoi j'ai affaire et le mode personnel selon lequel je le rencontre)<ref>{{harvsp|Michel Haar|1996|p=67}}</ref>.

===== Le phénomène de l'outil =====
Dans le champ de « [[Lexique de Martin Heidegger#Préoccupation|préoccupation]] » qui, dans ''[[Être et Temps]]'', constitue son monde, le ''{{lang|de|Dasein}}'', ne rencontrait pas à strictement parler des objets, mais des « [[Lexique de Martin Heidegger#Outil|outils]] », ''{{lang|de|Zeug }}'', au sens large, des {{citation|choses qui servent-à-}} ou {{citation|qui sont produites-pour}}. Heidegger élargit considérablement le concept, bien des choses, y compris naturelles pouvant servir de {{citation|moyen pour}}, c'est pourquoi [[François Vezin]] tente le recours au terme « ''[[Lexique de Martin Heidegger#Outil|util]]'' » pour en manifester l'extension. En étant essentiellement pour quelque chose d'autre que pour eux-mêmes, les outils ou ustensiles, ont la caractéristique de « renvois » ; dans chaque « outil », s'annonce une multitude de « renvois » dont la totalité va de proche en proche constituer ce que Heidegger, appelle un « [[Lexique de Martin Heidegger#Monde|monde]] »<ref>{{harvsp|Alain Boutot|1989|p=28}}</ref>. En montrant que la découverte de l'« [[Lexique de Martin Heidegger#Chose|être de la chose]] » dépend de la mise à jour préalable du sens de la structure de renvoi qui la contient, Heidegger donne à ce phénomène un sens ontologique radical. {{citation|La chose n'acquiert sa forme déterminée, ses caractères qu'en vertu du  ''{{lang|de|Dasein}}'' qui l'utilise et l'use, en jouit ou la méprise, élabore des théories à son sujet}} écrit Marco Ruggenini<ref>{{harvsp|Mario Ruggenini|1996|id=Ruggenini1996|p=154}} </ref> Ce qui est important dans l'analyse phénoménologique, souligne [[Didier Franck]]<ref name="Franck 43">{{harvsp|Didier Franck|1986|p=43}}</ref> c'est que le complexe organisé auquel appartient l'outil (l'établi du menuisier par exemple), doit être préalablement découvert, insiste Heidegger, pour que chaque ustensile puisse apparaître pour ce qu'il est.

===== Le phénomène de l'angoisse =====
Le [[Lexique de Martin Heidegger#Phénomène|phénomène]] de l'« [[Lexique de Martin Heidegger#Angoisse|angoisse]] » détruit, selon Heidegger, toutes les déterminations (familiarité, [[Lexique de Martin Heidegger#Significativité|significativité]], habitation), qui faisaient du monde un Monde pour le ''{{lang|de|Dasein}}''. Avec l'angoisse, les structures, les réseaux et les finalités apaisants disparaitraient, il ne resterait que l'idée d'une perte, d'une absence qui jetterait le ''{{lang|de|Dasein}}'' face à la pure nudité de son existence et qui par contre-coup lui dévoilerait, non le monde mais sa propre existence comme « [[Lexique de Martin Heidegger#Être-au-monde|être au monde]] », écrit [[Marlène Zarader]]<ref>{{harvsp|Marlène Zarader|2012|p=407-408}}</ref>{{,}}<ref group="N">Qu'est-ce à dire ? sinon que se transportant mentalement dans la situation incontournable du « devoir mourir », c'est à cet aune, que le Monde, ses valeurs et ses attaches affectives vont être jugés et donc disparaître dans le néant pour libérer l' « être-en-propre » dans sa nudité Le ''{{lang|de|Dasein}}'' est mis en face de sa propre vérité lorsqu'il est renvoyé au néant de son fondement. Il reste à bien préciser que cet appel de la conscience ne consiste pas à présenter une option à la manière du « [[libre-arbitre]] » mais à « laisser apparaître la « [[Lexique de Martin Heidegger#Possibilité|possibilité]] » d'un se-laisser-appelé hors de l'égarement du « [[Lexique de Martin Heidegger#On|On]] » » {{harvsp|Christian Sommer|2005|p=247}}. Entendre l'appel de sa conscience c'est donc rester aux aguets. qui est le mode d'être authentique du ''{{lang|de|Dasein}}''</ref>.

=== La centralité du Dasein ===
Au paragraphe (§ 4) d{{'}}''Être et Temps'' , Heidegger entreprend de montrer que le ''{{lang|de|Dasein}}'', a un privilège parmi l'« [[Lexique de Martin Heidegger#Étant|Étant]] » qui lui permet de servir d'« étant exemplaire » à la « [[Lexique de Martin Heidegger#Question de l'être|question de l'être]] »<ref>{{harvsp|John Sallis|1989|p=29|id=Sallis1989}}</ref>, privilège qui s'appuie sur les  quatre caractères suivants qui selon [[Jean Greisch]]<ref name="Greisch1994p85">{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=85}}</ref>, caractérisent le « [[Heidegger et la question de l'existence#Le déploiement de l'existence|déploiement de l'existence]] ». [[Jean Greisch]] et [[Marlène Zarader]] en font dans leur livres respectifs de larges commentaires :
#Le ''{{lang|de|Dasein}}'' est un étant pour lequel {{citation|il y va en son être de cet être}} ; formule de base apparaissant dans d'innombrables variantes qui exprime l'idée que l'être pour le ''{{lang|de|Dasein}}'', n'est pas une donnée, mais selon [[Jean Greisch]]<ref name="Greisch1994p86">{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=86}}</ref>, une tâche<ref group="N">{{citation|L'homme est ''{{lang|de|Dasein}}'', un étant tel que son « être-au-monde », tout comme les modes d'être de l'étant autre que lui-même, sont éternellement en question dans son propre être. En question : en possibilité de sens, ou dont le sens est en suspens}}-{{harvsp|Michel Haar|2002|p=98}}</ref>.
#La constitution même de cet être implique un « rapport à l'être », son être même, (du ''{{lang|de|Dasein}}'') {{Citation|est ce rapport}} ;
#Le ''{{lang|de|Dasein}}'' {{citation|véhicule une compréhension d'être}}<ref name="Greisch1994p86"/>  qui lui est propre ;
#En raison de cette compréhension, l'être (en général) , de par son être (à lui), lui est ouvert ''{{lang|de|Erschlossenheit}}''. {{citation|Le thème de l'ouverture va trouver sa place et son sens dans les paragraphes (§29) et (§31) consacrés aux notions jumelles très importantes d' « [[être-jeté]] », ''{{lang|de|Gewofenheit}}'' et de projet ''{{lang|de|Enwurf}}''}} remarque Jean Greisch<ref name="Greisch1994p86"/>.

Enfin, toutes choses apparaissent en prenant place dans une structure de renvois plus ou moins complexes qui mènent ultimement au ''{{lang|de|Dasein}}'' en passant par le « [[Lexique de Martin Heidegger#Monde|monde]] ». Tous ces renvois conduisant au ''{{lang|de|Dasein}}'', il apparaît que c'est à partir de lui que s'organise cette structure signifiante à dominante utilitaire. {{citation|Pas de monde sans ''{{lang|de|Dasein}}''}}.

== L'Être-au-monde ==
[[Fichier:La Foule illuminee 02.jpg|vignette|alt=sculpture figurative réalisée en 1985 représentant un groupe semblant interloqué |''La Foule illuminée'', par Raymond Mason.]]
{{article connexe|Monde et mondéité|Heidegger et le problème de l'espace }}
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<center>'''Sommaire de la section'''</center>
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* [[#L'appartenance au monde|L'appartenance au monde]]
** [[#Le phénomène fondamental : la transcendance|Le phénomène fondamental : la transcendance]]
** [[#La structure|La structure]]
** [[#Les existentiaux|Les existentiaux]]
* [[#La non-appartenance au monde|La non-appartenance au monde]]
* [[# Les modes de l'être au monde|Les modes de l'être au monde]]
** [[#La quotidienneté|La quotidienneté]]
*** [[#Déterminations positives|Déterminations positives]]
*** [[#Déterminations négatives|Déterminations négatives]]
*** [[#Trait général de la quotidienneté|Trait général de la quotidienneté]]
** [[#La question de l'authenticité|La question de l'authenticité]]
*** [[#Neutralité et liberté|Neutralité et liberté]]
*** [[#La voix de la conscience|La voix de la conscience]]
*** [[#Le pouvoir être authentique|Le pouvoir être authentique]]
*** [[#La Résolution anticipante|La Résolution anticipante]]
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C'est dans la structure d'« [[Lexique de Martin Heidegger#Être-au-monde|être-au-monde]] » que le ''{{lang|de|Dasein}}'' nous est primitivement donné. Le rapport à une extériorité à une totalité est ce qui apparaît en priorité lorsque l'on cherche à caractériser l'homme en son être<ref>{{harvsp|Marlène Zarader|2012|p=102}}</ref>. Comme le remarquent Annie Larivée et Alexandra Leduc<ref name="Larivée Leduc 48">{{harvsp|Larivée|Leduc|2001|p=48}}</ref> le ''{{lang|de|Dasein}}'' {{citation|n'est pas d'abord au-dedans de lui-même dans une sphère de considérations théoriques pour ensuite tomber dans le monde et avoir à se rattraper par le souci de lui-même, mais il est toujours, déjà absorbé par sa [[Lexique de Martin Heidegger#Préoccupation|préoccupation]] de quelque ordre qu'elle soit}}.

Toutefois, comprise de prime abord comme appartenance au monde, l'étude de la constitution et de la mobilité du ''{{lang|de|Dasein}}'' mettra à jour une structure plus complexe encore, une structure [[wikt:dual|duale]], comme quoi, en quelque sorte, le ''{{lang|de|Dasein}}'' « appartient » et en même temps « n'appartient pas » au-monde<ref group="N">On trouvera dans ''Vom Wewen des Grundens'' Questions I Tel Gallimard un développement théorique approfondi sur cette notion fondamentale page 108 et sq</ref>.

=== L'appartenance au monde ===
S'agissant de l'homme, Heidegger prend position contre la tradition qui y voit un être possédant une substance au milieu de tous les autres « étants » ; en faisant appel au terme de ''{{lang|de|Dasein}}'' il fait signe vers, tout autre chose, un être sans substance, toujours « dans » ou « auprès du » monde ''{{lang|de|In-der-Welt-sein}}''<ref>{{harvsp|Alain Boutot|1989|p=27}}</ref>. [[Jean Grondin]]<ref>{{harvsp|Jean Grondin|2008|id=Grondin2008|p=235}}</ref> écrit {{citation|pour Heidegger, je suis ce lieu, je ne suis pas dans ce lieu, et l'être n'est pas en face de moi, comme un objet dont voudrait s'emparer ma pensée.[...] [[Emmanuel Levinas]] ajoutait je suis le là où advient et m'advient la merveille de l'être}}.
==== Le phénomène fondamental : la transcendance ====
Par « [[Lexique de Martin Heidegger#Transcendance|transcendance]] » on entend, en phénoménologie, le mouvement par lequel le ''{{lang|de|Dasein}}'' « constitutivement » transcende l’étant en direction du « [[Lexique de Martin Heidegger#Monde|monde]] ». Ce dont Heidegger s'est avisé, après le [[Lexique de Martin Heidegger#Tournant|Tournant]], c'est que cette « transcendance » en direction de l'être de l'étant devait elle-même être surmontée et dépassée en direction de l'être lui-même, en tant que tel, et de sa vérité<ref>{{harvsp|texte=article Transcendance ''Le Dictionnaire Martin Heidegger''|id=Dictionnaire|p=1331}}</ref>.

[[Christian Dubois]]<ref>{{harvsp|Christian Dubois|2000|p=357-358}}</ref> écrit {{citation|le ''{{lang|de|Dasein}}'' n'est pas sous la forme d'une subjectivité consciente d'elle-même et de son monde comme sa représentation. Il se donne au contraire comme originairement au monde, cette structure d'être est méticuleusement explorée tout au long d' ''[[Être et Temps]]''}}. « [[Lexique de Martin Heidegger#Être-au-monde|Être-au-monde]] » est le nom même de la transcendance propre au ''{{lang|de|Dasein}}'', qui n'est auprès des choses, d'autrui et de lui-même qu'en se tenant déjà au-delà, soutenant le monde comme [[Lexique de Martin Heidegger#Ouverture|ouverture]]. Le point décisif écrit [[Alexander Schnell]]<ref name=schnell169/> est cela même qui dans cette structure met en rapport le ''Dasein'' et le monde à savoir l'« [[Lexique de Martin Heidegger#Être-le-là|être-là]] » l' ''{{lang|de|In-Sein}}''. Pour Heidegger la transcendance visée n'est plus celle de l'[[ego]], mais la transcendance de l'être, dont il dit {{citation|qu'il est le ''transcendens'' pur et simple}}<ref>{{harvsp|texte=article Transcendance ''Le Dictionnaire Martin Heidegger''|id=Dictionnaire|p=1330}}</ref>. La philosophie a pour rôle de mettre au jour ce [[Lexique de Martin Heidegger#Phénomène|phénomène]] inaperçu qui se produit en permanence et qui est la condition même de possibilité d'accès à l'étant. {{citation|La rencontre de l’étant dans le monde dépend ainsi de ce que le ''{{lang|de|Dasein}}'' ait préalablement dépassé l’étant vis-à-vis duquel il se comporte}}<ref>{{harvsp|François Jaran|2006|id=Jaran1|p=20}} lire en ligne</ref>.

==== La structure ====
L'« [[Lexique de Martin Heidegger#Être-au-monde|être-au-monde]] » devient un [[Lexique de Martin Heidegger#Existential|existential]], c'est-à-dire une détermination « [[Lexique de phénoménologie#Intuition catégoriale|catégoriale]] » constitutive de l'exister humain, la plus fondamentale d'entre toutes ; il n'y a plus d'existence sans monde, ni de monde sans existence<ref group="N">La première chose incontestable qui se donne au regard et de laquelle il faut partir impérativement, c'est que lorsqu'il y a ''{{lang|de|Dasein}}'', celui-ci est d'ores et déjà en situation de « rapport à ». Il n'y a pas de ''{{lang|de|Dasein}}'' sans monde comme d'ailleurs il n'y a pas de monde sans ''{{lang|de|Dasein}}'' {{harvsp|Marlène Zarader|2012|p=102}}</ref>. Selon [[Christian Dubois]]<ref>{{harvsp|Christian Dubois|2000|p=45}}</ref> {{citation|Le monde est bel et bien un existential, il est de l'ordre d'un projet du ''{{lang|de|Dasein}}'', ouvert par la [[Lexique de Martin Heidegger#Comprendre|compréhension]] qu'il a de son « Soi » . Il est l'[[Lexique de Martin Heidegger#Ouverture|ouverture]] du soi : l'intériorité même}}.
 
Au sens « [[Lexique de Martin Heidegger#Existential|existential]] » le « dans » signifie un {{citation|être-auprès-de}} (partageant la familiarité ou l'intimité de quelqu'un), un {{citation|se préoccuper}}<ref group="N">Parmi les manières possibles de l'{{citation|être-àu-quotidien}}, il y a par exemple : s'affairer à quelque chose avec quelque chose, produire quelque chose, se servir de quelque chose, prendre soin et garder quelque chose, interroger, discuter, mener à bien apprendre etc [[Martin Heidegger]] {{harvsp|texte=Heidegger,''Prolégomènes à l'histoire du concept de temps''|Heidegger|2006|p=23}}</ref>. Le monde dans {{citation|être-au-monde}} n'est pas un « supercontenant »<ref group="N">La relation d'inclusion d'un être dans un autre : "est une détermination catégoriale qui ne peut, comme telle, s'appliquer à « l'être-là ». L'{{citation|être-dans-le-monde}} est un existential, c'est-à-dire une détermination constitutive de l'exister humain, un mode d'être propre à l'« être-là » (…) L'{{citation|être-dans-le-monde}}, en tant qu'existential, est une relation originaire. L'« être-là » n'existe pas d'abord isolément, à la façon du sujet cartésien par exemple, pour entrer ensuite en relation avec quelque chose comme le monde, mais se rapporte d'emblée au monde qui est le sien. Le [[Lexique de Martin Heidegger#Phénomène|phénomène]] de l'{{citation|être-dans-le-monde}}  n'est pas assimilable, en particulier, à la relation de connaissance d'un objet par un sujet. Loin d'être interprétable comme une relation [[gnoséologique]], l'{{citation|être-dans-le-monde}}  est bien plutôt ce qui précède et rend possible toute connaissance, c'est-à-dire la saisie thématique de l'étant comme tel" {{harvsp|Alain Boutot|1989|p=127}}</ref>. C'est pourquoi la formule : {{citation|Le ''{{lang|de|Dasein}}'' existe toujours en commerce avec un monde qui l'accapare, l'assiège, l'assaille, l'investit au point de l'obnubiler ou de l'hébéter complètement}} qui semble par ailleurs préserver l'autonomie de ''{{lang|de|Dasein}}'' et du monde n'atteint pas, selon Heidegger, la radicalité de la symbiose<ref>{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=126}}</ref> »{{,}}<ref group="N">[[Jean Greisch]], note page 126 que Heidegger est dans la crainte que ses lecteurs comprennent l'{{Citation|être au monde}} comme ils y sont naturellement portés, à savoir d'un côté un sujet et de l'autre côté le monde. Heidegger est attaché à la structure unitaire de l'{{Citation|être au monde}} qui doit être vue comme indissoluble, un unique mode d'être, il n'y a pas un face à face mais un seul phénomène quitte à ce que la notion de monde perde de sa substantialité. C'est pourquoi [[Jean Greisch]] récuse cette formule comme dangereuse en laissant croire que le monde en tant que tel accapare et assiège ce qui serait autre que lui</ref>.

Heidegger remarque par ailleurs, que l'« [[Lexique de Martin Heidegger#Ouverture|ouverture]] » d'un monde présuppose la possibilité de son absence à savoir la possibilité du « néant »<ref group="N">C'est l'[[Lexique de Martin Heidegger#Angoisse|angoisse]] qui nous fait prendre du recul à l'égard de l'étant dans son ensemble ; ce qui qualifie l'angoisse à nous présenter le néant c'est ce « glissement » ou ce « recul » qu'elle induit à l'égard de tout étant. Le « néant » n'en est pas pour autant substantivé (il n'y a pas d'un côté l'étant et de l'autre le néant), l'expulsion du monde expulse du même coup le ''{{lang|de|Dasein}}'' avec l'étant glissant dans son ensemble ; le processus de « néantisation » apparaît d'un seul et même coup avec l'étant. Voir l'étude de [[Jean-Michel Salanskis]], ''Heidegger et la logique'' {{harvsp|Jean-Michel Salanskis|2009|p=191-192}}</ref>, et donc il apparaît que cette « ouverture » du monde, comme structure constitutive du ''{{lang|de|Dasein}}'', « être-au monde », {{citation|n'est possible que lorsqu'elle est rapportée à une fermeture plus originelle qu'elle, une fermeture qui ne disparaît pas dans et avec l'ouverture, mais demeure au contraire sa source impérissable}}, comme le note [[Françoise Dastur]]<ref name="Dastur1990p60">{{harvsp|Françoise Dastur|1990|p=60}}</ref>.

La diversité infinie des comportements humains peut et doit être regroupée dans une unité sous-jacente que [[Martin Heidegger|Heidegger]] reprend de ses études sur la [[phénoménologie de la vie (Heidegger)|phénoménologie de la vie]] qui au plan existential, celui de l'être, prendra comme nom, le « [[Lexique Heidegger#Souci|Souci]] », ''{{lang|de|Die Sorge}}'', entendu dans le double sens, empressement auprès du monde et, souci pour son être propre.

==== Les existentiaux ====
Les « [[Lexique de Martin Heidegger#Existential|existentiaux]] », correspondant à la diversité de ces comportements humains, tiennent pour le ''{{lang|de|Dasein}}''  le rôle des [[Catégories (Aristote)|catégories]] de la métaphysique qui ne conviennent pas pour un vivant. [[Marlène Zarader]] note par exemple que l'homme qui est dans sa chambre ne l'est pas à la manière de l'eau dans un verre<ref>{{harvsp|Marlène Zarader|2012|p=104}}</ref>. [[Jean Greisch]]<ref>{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=115-116}}</ref> fait aussi le parallèle entre [[Aristote]] qui {{citation|attache une importance particulière aux figures de la prédication ou catégories}}, et Heidegger dont {{citation|les existentiaux correspondent à autant de manières d'interroger le ''{{lang|de|Dasein}}''}}.Cristian Ciocan<ref>{{harvsp|Cristian Ciocan|2013|p=23-24}}</ref>, en fait une étude exhaustive. Heidegger distingue :
[[Fichier:Catalepsie, bruit de cloche, tristesse (5389364093).jpg|vignette|alt=Photographie d'une femme assise, la tête courbée, le visage caché dans une main|tristesse]]
#L'affection ou « [[Lexique de Martin Heidegger#Disposition|disposition]] », dans le cas présent, sont deux mots qui tentent de traduire le terme allemand de ''{{lang|de|Befindlichkeit}}'' ou aussi, dans un français plus douteux encore, {{Citation|disposibilité}}, tous ces mots font signe vers l'humeur (au sens de la bonne-humeur), en allemand ''[[Lexique de Martin Heidegger#Être accordé|Stimmung]]'', c'est-à-dire, la manière de « se sentir » à l'aise ou non, état psychologique qui traduit soit un accord (joie de vivre) ou un désaccord (tristesse) du ''{{lang|de|Dasein}}'', conscient ou non, vis-à-vis d'une [[Lexique de Martin Heidegger#Situation|situation]] donnée<ref group="N">. Heidegger prendra successivement appui sur toute une série d'[[Lexique de Martin Heidegger#Affect|affects]] '' les {{lang|de|Stimmungen }}'', l'[[Lexique de Martin Heidegger#Angoisse|angoisse]] (1927), la nostalgie, le deuil, l'ivresse et la retenue, et surtout l'effroi et la crainte vers la fin de son œuvre. Cette humeur ou ''{{lang|de|Stimmung}}'', n'est pas à comprendre comme un acte volontaire, tout un chacun sait, par exemple, que l'humeur (tristesse, joie) est d'abord, une manière de faire l'expérience de soi-même, elle commande, constate ensuite Heidegger, l'{{citation|ouverture au monde}}-{{harvsp|Christian Dubois|2000|p=50}}</ref>. La disposition, la joie de vivre par exemple, augmente ou rétrécit l'[[Lexique Heidegger#Ouverture|ouverture du]] ''{{lang|de|Dasein}}'' au monde<ref group="N"> ([[Emmanuel Martineau]] dans sa traduction d'[[Être et temps]] parle d'{{citation|affection compréhensive}} {{p.|153}})</ref>. Elle a à voir avec cette « entente primordiale » dont fait état [[François Vezin]] dans ses notes<ref name="Heidegger1990p562">[[François Vezin]], dans {{harvsp|Heidegger|1990|loc=note {{p.|562}} }}</ref>{{,}}<ref group="N">. Il faut souligner que pour Heidegger, il ne s'agit pas ici seulement d'affects psychologiques ou sentimentaux mais d'un véritable existential ou mode d'être du ''{{lang|de|Dasein}}''-{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=178}}</ref>. Dans la lignée de ses études [[Saint Augustin|augustiniennes]]<ref> (voir [[phénoménologie de la vie (Heidegger)]]</ref>, la situation de désaccord peut selon Heidegger, accabler le ''{{lang|de|Dasein}}'' au point de faire de l'existence un véritable fardeau<ref name="Heidegger1990p178">.{{harvsp|Heidegger|1990|texte=Heidegger, ''Être et Temps''|p=178}}</ref>. En rappelant, d'autre part, ce qu'est « la peur » et en quoi elle diffère de l'« [[Lexique de Martin Heidegger#Angoisse|angoisse]] », Heidegger nous donne une illustration parlante du [[Lexique Heidegger#Phénomène|phénomène]] de l'affection (§30 ''Être et Temps'').
#La compréhension ou [[Lexique de Martin Heidegger#Disposition|disposibilité]] est une structure dans laquelle se tient l'« [[Lexique de Martin Heidegger#Être-le-là|être-là]] »<ref>{{harvsp|Christian Dubois|2000|p=354}}</ref>; l'essence de cette « [[Lexique de Martin Heidegger#Disposition|disposibilité]] » est l'« [[Lexique de Martin Heidegger#Comprendre|entendre]] » (''{{lang|de|Verstehen}}''). L{{'}}''entendre'' intervient dans la constitution même du ''{{lang|de|Dasein}}'' qui « est à chaque fois ce qu'il peut être et sa manière d'être, sa possibilité<ref name="Greisch1994p188">{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=188}}</ref> ». L'« ''entendre'' » selon Heidegger est {{citation|l'être de la disposibilité}} de la ''{{lang|de|Befinlichkeit}}''. Il n'y a d'« entente », précise Heidegger, que lorsque l'« être-là » établit avec la chose visée {{citation|un rapport où son être est proprement engagé}}<ref name="Heidegger1990p219">.{{harvsp|Heidegger|1990|texte=Heidegger, ''Être et Temps''|p=219}}</ref>. La « [[Lexique Heidegger#Disposition|disposibilité]] » (l'humeur par exemple), a, à chaque fois son « entente », quand bien même elle la refoulerait ; exemples : {{citation|maîtriser une situation}}, {{citation|être à la hauteur}}, {{citation|pouvoir faire face}}, {{citation|être amoureux}}, {{citation|avoir peur}}, {{citation|être débordé}} sont autant d'ententes amplifiant ou réduisant le monde. Entendre est inséparable de {{citation|vibrer}}<ref group="N">{{citation|Ce que nous comprenons en vérité, ce n’est jamais que ce que nous éprouvons et subissons, ce dont nous pâtissons dans notre être même}} remarque [[Henry Corbin]], premier traducteur de Heidegger-{{harvsp|Philippe Nemo|id=CorbinNemo}} lire en ligne</ref>.
#Le [[Lexique de Martin Heidegger#Discours|discours]] ou les mots pour le dire, ''{{lang|de|die Rede}}'', que l'on doit comprendre comme le dire silencieux, qui précède le langage parce qu'il en est la condition. Le « discours » est co-originaire avec « l'affection » et le « [[Lexique Heidegger#Comprendre|comprendre]] ». Ce qui vient au langage c'est toujours une certaine affection, une manière de se sentir en phase, une certaine compréhension impliquant un certain mode d'être. {{citation|Aux significations primaires viennent se greffer des mots. Jamais des « mots-choses » ne se voient assortis après coup de significations}} (traduction [[François Vezin]]). Chez Heidegger, la fonction « découvrante » du langage l'emporte sur sa fonction « communicante ». Dans son commerce avec le monde les {{citation|possibles que révèle l'affection et le comprendre}} sont à prendre en un sens « [[Lexique Heidegger#Existential|existential fort]] », comme mode fondamental d'être du ''{{lang|de|Dasein}}'' qui {{citation|n'existe que dans et à travers ses possibles}}.
{{citation|Le ''{{lang|de|Dasein}}'' est un être « [[Lexique Heidegger#Possibilité|possible]] » remis à lui-même, une possibilité de part en part jetée (voir [[Être-jeté]]). Le ''{{lang|de|Dasein}}'' est la possibilité de l'être-libre pour le « [[Lexique de Martin Heidegger#Pouvoir-être|pouvoir-être]] » le plus propre (voir [[Lexique de Martin Heidegger#Propriété|propriété]]}}<ref name="Greisch1994p191">{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=191}}</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Heidegger|1990|texte=Heidegger,''Être et Temps''|p=189}}.</ref>

Toutes ces possibilités [[wikt:ontique|ontiques]] élevées au niveau [[Ontologie|ontologique]] traduisent un « [[Lexique de Martin Heidegger#Pouvoir-être|pouvoir-être]] », un {{citation|être possible}} . Ainsi, l'« [[Lexique de Martin Heidegger#Comprendre|entendre]] » intervient dans la constitution même du ''{{lang|de|Dasein}}'' comme le remarque [[Jean Greisch]]<ref name="Greisch1994p188"/>. Constamment en avance sur lui-même l'« être-là » se découvre essentiellement « pouvoir-être » dans une anticipation constante<ref name="Larthomas1989p102">{{harvsp|Jean-Paul Larthomas|1989|p=102}}</ref>. L'« [[Lexique de Martin Heidegger#Comprendre|entendre]] » heideggerien est donc bien loin du « comprendre » du sens commun, ainsi que de la [[théorie de la connaissance]]. Heidegger dit textuellement {{citation|l'entendre constitue lui-même un genre fondamental de l'être du ''{{lang|de|Dasein}}''}}  ''Être et Temps'' (§63) (SZ {{p.|315}}). Le contraire de cet « ''entendre'' » c'est la « curiosité » qui se préoccupe de voir pour avoir vu, et qui se caractérise par l'« instabilité » et la « dispersion », en révélant un genre d'être du ''{{lang|de|Dasein}}'' qui se déracine continuellement<ref name="Heidegger1990p220">.{{harvsp|Heidegger|1990|texte=Heidegger, ''Être et Temps''|p=220}}</ref>.

Ce [[Lexique de Martin Heidegger#Comprendre|comprendre]] heideggérien est d'abord un « [[Lexique Heidegger#Possibilité|possible]] », en tant que capacité, un « savoir-faire », par exemple, un « tour de main » rendant utilisable pour la « [[Lexique de Martin Heidegger#Préoccupation|préoccupation]] », l’étant immédiat, devenu disponible, qui dès lors se dévoile dans son être à travers l’utilisation, et aussi un possible en tant que {{citation|pro-jet}}, un {{citation|à-venir}}, qui dévoile un horizon possible d'actions. Le comprendre « oriente » le champ des possibles du ''{{lang|de|Dasein}}''. Absorbé dans une [[Lexique de Martin Heidegger#Préoccupation|préoccupation]], par exemple dans un travail déterminé, je suis {{citation|aspiré}} dans un « [[Lexique de Martin  Heidegger#Pouvoir-être|pouvoir-être]] » lié à cette préoccupation ; aussi dans cet état, toute autre opportunité se présentant à moi sera dénuée de sens à mes yeux, je ne l'entends positivement pas {{citation|si elle ne s’inscrit pas}} dans l’orientation du « [[Lexique de Martin Heidegger#Pouvoir-être|pouvoir-être]] » dans lequel je me meus. D'expérience commune je ne peux résoudre un problème mathématique et regarder simultanément une série policière.

À noter, que tout « [[Lexique de Martin Heidegger#Comprendre|entendre]] », comme le rappelle [[Jean Grondin]]<ref>{{harvsp|Jean Grondin|1996|p=186}}</ref> faisant référence à ''[[Être et Temps]]'' (§ 32), obéit à une structure d'anticipation, une ''{{lang|de|Vorstruktur }}'', préjugés ou lieux communs, contre lesquels il convient de se prémunir si l'on veut viser les choses elles-mêmes. À cela s'ajoute que le [[Lexique de Martin Heidegger#Phénomène|phénomène]] ne se montre pas spontanément de lui-même et qu'il se trouve le plus souvent « dissimulé »<ref group="N">{{citation|Dégager l'être original du ''{{lang|de|Dasein}}''  réclame en revanche qu'il lui soit ''extorqué à contre-courant'' de la tendance au dévalement[…] la mise en évidence phénoménale de l'être de cet étant en luttant contre sa propre tendance à se dissimuler}} ''[[Être et Temps]]''  (§ 63) (SZ {{p.|311}})</ref>, et c'est à la [[Phénoménologie (philosophie)|phénoménologie]] que reviendra la tâche de mettre en lumière ce qui justement se cache<ref>{{harvsp|Jean Grondin|1996|p=184}}</ref>.

=== La non-appartenance au monde ===
[[Fichier:Adam and Eve Driven out of Eden.png|vignette|gauche|alt=Gravure montrant un ange au bord d'une zone baignée dans la lumière pointant du doigt, pour un couple, une direction vers la pénombre|Adam et Ève chassés d'Eden. Gravure de [[Gustave Doré]].]]
Avec la  « [[Lexique de Martin Heidegger#Unheimlichkeit|Unheimlichkeit]] », traduit par l'expression « non appartenance », on vise un trait essentiel du ''{{lang|de|Dasein}}'' comme quoi il reste fondamentalement toujours un étranger dans son monde comme pour lui-même. [[Françoise Dastur]] a travaillé, en particulier, sur un concept limite apparenté tel la [[finitude]]<ref name="Dasturp102">{{harvsp|Françoise Dastur|2011|p=102}}</ref>. Il y a d'abord l'importance accordée au phénomène de l'[[Lexique de Martin Heidegger#Angoisse|angoisse]] qui défait le sentiment de familiarité que le ''{{lang|de|Dasein}}'' entretenait avec son monde. Lui qui croyait « habiter » jusque-là en toute « quiétude » le monde quotidien qui était le sien, avec l'angoisse, s'en trouve subitement expulsé. Dans l'angoisse, l'ensemble de la « [[Lexique de Martin Heidegger#Conjointure|tournure]] » du monde apparaît indéfinissable et absurde, le ''{{lang|de|Dasein}}'' n'est plus à l'aise avec les choses et les êtres qui l'entourent. Or pour Heidegger l'étrangeté de cette situation, la {{citation|''Die Unheimlichkeit''}} est aussi un mode essentiel de notre rapport au monde.

Pour le ''{{lang|de|Dasein}}'', dans l'angoisse il n'y a pas d'un côté le [[Lexique de Martin Heidegger#Néant|néant]] et de l'autre le réel auquel il s'agirait de rester accroché mais le risque d'un sentiment permanent de glissement de toutes choses vers le néant. Le processus de « néantification » et d'expulsion du ''{{lang|de|Dasein}}'' hors de toute familiarité est un processus qui apparaît d'un seul et même coup avec les choses ; Heidegger en tire la conclusion que le néant appartient , à la substance de l'être, note [[Jean-Michel Salanskis]]<ref>{{harvsp|Jean-Michel Salanskis|2009|p=191-192}}</ref>.

Heidegger nous dit que la structure de ce comportement qui « [[Lexique de phénoménologie#Constitution|constitue]] » le ''{{lang|de|Dasein}}'' comme « étranger au monde » est même plus originelle (au sens de plus essentielle), que la situation de « quiétude » et de « familiarité », et il serait donc préférable de traduire comme le fait [[Jean-François Courtine]]<ref>{{harvsp|Jean-François Courtine|1990|p=104|id=Courtine1990}}</ref>  par {{citation|jeté hors de toute quiétude}}<ref group="N">L'homme est celui qui est jeté hors de tout rapport avec la quiétude familière […] et dont l' ''{{lang|de|Un-heimlichkeit }}'', constitue précisément le trait fondamental</ref>, témoin déjà, selon Heidegger, ce dire ancien d'[[Héraclite]] sur la présence de l'insolite au sein même du plus familier<ref group="N">{{citation|Ici aussi les dieux sont présents}}{{harvsp|texte=Heidegger,Lettre sur l'humanisme trad Roger Munier|1970|pages=145-149|id=Lettre sur l'humanisme }}</ref>{{,}}<ref>Gérard Guest Séminaire Paroles des Jours Conférence {{31e}} 05/2013 vidéo 5 : L'« [[Être humain (philosophie)|être humain]] » comme ''deinotaton'', violence et contre-violence http://parolesdesjours.free.fr/seminaire.htm</ref>. Ce serait paradoxalement, la familiarité qui serait un mode « [[Lexique Heidegger#Dévalement|déchéant]] » et dérivé, du ne pas « être-chez-soi »<ref>{{harvsp|Françoise Dastur|2011|p=129}}</ref> ; on est « chez soi » en se masquant que l'on est toujours essentiellement « pas chez soi », y compris dans le monde ambiant, le monde rassurant du quotidien<ref group=N>''Dans le cercle immédiat de l'étant qui nous entoure, nous nous croyons chez nous. L'étant y est familier, solide, assuré. Néanmoins, une perpétuelle réserve court à travers l'éclaircie sous la double forme du refus et de la dissimulation. L'assuré ou fondé n'est ni assuré, ni fondé ; il n'est pas rassurant du tout-{{harvsp|texte=Heidegger,''De l'origine de l'Œuvre d'art Chemins qui ne mènent nulle part''|Heidegger|1962|p=59|id=Chemins qui ne mènent nulle part }}''</ref>. Ce « non chez soi », le ''{{lang|de|Dasein}}'' le fuit inlassablement, c'est ce que Heidegger comprend comme « [[Lexique Heidegger#Dévalement|chute]] » ou ''{{lang|de|Verfallenheit}}'' qui correspond à une fuite de l'étrangeté vers la familiarité, autrement dit une recherche de quiétude, de certitude et de sécurités.

En son fond le ''{{lang|de|Dasein}}'' de l'« [[être-jeté]] » ne trouve jamais de fondement, ni de sol natal il est ''{{lang|de|Heimatlosigkeit }}'', sans patrie<ref group="N">Heidegger constate dans la [[Lettre sur l'humanisme]] : {{citation|l'absence de patrie devient un destin mondial}}{{harvsp|texte=Lettre sur l'humanime|p=101|1970|id=Lettre sur l'humanisme}}</ref> ; le toujours « ne pas être chez soi » appartient à son essence la plus propre<ref group="N">« Dans sa volonté farouche de perpétuel « auto-dépassement » fait qu'il n'y a plus de chez soi, plus d'appartenance, le ''{{lang|de|Dasein}}'' est devenu une sorte de {{citation|clochard métaphysique}} : un ''{{lang|de|der unberhauste Mensch }}'', selon le titre d'un ouvrage célèbre » {{harvsp|Jean Greisch|1994|p=220}}.</ref>. L'habiter « [[Lexique Heidegger#Authenticité|authentique]] » prend une tout autre signification que la réception (la compréhension) traditionnelle (la familiarité avec le monde), l'habiter « authentique » de l'homme devient l'ouverture à l'étrangeté, à l'insolite<ref name="Dastur2011p130">{{harvsp|Françoise Dastur|2011|p=130}}</ref>, à la négativité même (voir [[Être-en-faute]])<ref group="N">[[Emmanuel Levinas]] dans ''[[Totalité et Infini]]'' reproche, l'enfermement de Heidegger et l'impossibilité d'ouvrir le  ''{{lang|de|Dasein}}'' à une éthique de l'autre. Emmanuel Levinas, Totalité et Infini, Nijhoff, Lahaye, 1961, notamment {{p.|17}} : {{citation|L'ontologie heidegerienne qui subordonne le rapport avec autrui à la relation avec l'être en général [...] demeure dans l'obédience de l'anonyme}}</ref>. Sur toute cette question de l'homme sans abri livré à la violence de l'être, voir Gérard Guest dans ses conférences sur Paroles des Jours<ref group="N">Gerard Guest Séminaire Paroles des Jours Conférence {{31e}} 05/2013 vidéo 4 : L'épreuve grecque de l'afflux de l'Être et vidéo 5 : L'[[Être humain (philosophie)|être humain]] comme ''{{lang|grc-Latn|deinotaton }}'', violence et contre-violence http://parolesdesjours.free.fr/seminaire.htm</ref>.

=== Les modes de l'être au monde ===
==== La quotidienneté ====
[[Hadrien France-Lanord]]<ref>{{harvsp|texte='' article quotidienneté dans Le Dictionnaire Martin Heidegger''|id=Dictionnaire|p=1106}}</ref>, parle de véritable réhabilitation, pour des raisons philosophiques de fond, de la « [[Lexique Heidegger#Quotidienneté|quotidienneté]] » par Heidegger. C'est seulement dans la quotidienneté de l'existence du  ''{{lang|de|Dasein}}'' le plus concret, que l'on prend la juste mesure de la signification de l'expression« être-au-monde ». On y relève les déterminations suivantes :
===== Déterminations positives =====
#L'« habiter » (parfois demeurer) dont la toute première signification donnée par l'étymologie réside dans la familiarité soit au sens d'habitude ou d'habiter. Le « dans » ou le « au » dans cette expression « être-au... », signe la proximité, la familiarité. La particule de liaison revêt des significations multiples qui correspondent à autant de manières de se comporter (sentir, toucher, aimer, manier, manipuler). {{citation|De même que l'étant ainsi défini est de telle manière qu'il y va de son être dans son être au monde quotidien}}  dit Heidegger, {{citation|de même que toute parole sur le monde implique que l'être-Là s'exprime sur lui-même, tout comportement qui se préoccupe est une préoccupation au sujet de l'être-Là}}<ref name="Haar1983p40"/>.
#La « [[Lexique Heidegger#Préoccupation|préoccupation]] » ou ''{{lang|de|Besorgen}}'' exprime un rapport au monde qui n'est jamais désintéressé, le ''{{lang|de|Dasein}}'' est toujours pris par le monde, il entre en commerce avec lui, le manipule et en jouit. Le ''{{lang|de|Dasein}}'', absorbé dans la préoccupation du monde, dans le langage d' ''[[Être et temps]]'', « déchoit » ; déchéance ontologique ou encore [[Lexique Heidegger#Authenticité|inauthenticité]], qui n'est pas à prendre dans un sens négatif, car comme l'écrit [[Hans-Georg Gadamer]]<ref>{{harvsp|Hans-Georg Gadamer|2002|p=149}}</ref> pour Heidegger cette tendance déchéante {{citation|n'est pas un simple manque, mais qu'elle est tout aussi originaire que l'authenticité du ''{{lang|de|Dasein}}'' et qu'elle en fait essentiellement partie}}.

===== Déterminations négatives =====
La [[Lexique de Martin Heidegger#Quotidienneté|quotidienneté]] est l'un des traits qui constituent, avec l'« auto-identification » du ''{{lang|de|Dasein}}'' aux choses du monde, ce que Heidegger appelle : la « déchéance » ou le « [[Lexique de Martin Heidegger#Dévalement|dévalement]] », ''{{lang|de|Die Verfallenheit}}''  sans qu'il y soit accolé une connotation péjorative et qui renvoient à la notion d'[[Être-jeté]], il distingue :
#Le « [[Lexique de Martin Heidegger#Bavardage|bavardage]] », ''{{lang|de|Das Gerede}}'', le [[bavardage]] qui alimente, le sens commun des interprétations sur la vie. Nous parlons avec des formules toutes faites et des images qui flottent dans un « milieu ». On comprend sur la base d'une compréhensibilité moyenne qui est déjà incluse dans la langue que l’on parle en s’ex-primant, sans que l’auditeur ait à se transporter dans un {{citation|être originairement compréhensif}} vis-à-vis de l'étant dont il est question, autrement dit on comprend le « parlé » et non pas la chose elle-même (''Être et Temps'' §35) et ceci d'autant plus que ce [[Lexique de Martin Heidegger#Bavardage|bavardage]] répandu à la ronde acquiert de ce fait, un caractère d'autorité.
#La « curiosité », ''{{lang|de|Die Neugier }}'' débouche sur le désir insatiable, de voir, de savoir qui va de celui de la concierge au savoir théorique du savant. [[Marlène Zarader]]<ref group="N">[[Marlène Zarader]] détaille en instabilité, dispersion et agitation les caractères de cette curiosité insatiable. {{harvsp|Marlène Zarader|2012|p=222}}</ref> note ainsi les réminiscences de la description augustinienne de la  [[Phénoménologie de la vie religieuse#Augustin et le néoplatonisme|concupiscence]].
#L'« équivoque », ''{{lang|de|Die Zweideutigkeit}}'' fait d'abord allusion aux masques que le ''{{lang|de|Besorgen}}'' en situation, est amené à porter et qui embrassent toutes les situations possibles, mais aussi à la situation du langage et de la parole qui dans la médiocrité quotidienne voit la différence entre « ce qui est puisé et conquis à la source et ce qui est re-dit » s'effacer ''Être et Temps'' (SZ {{p.|169 }}) (tr.[[Emmanuel Martineau]], {{p.|133}}). Cette indécidabilité, constitue l'équivoque de la parole de « l'[[être-avec]] » quotidien. Le « ''{{lang|de|Dasein}}'' » perd son caractère de « [[Lexique de Martin Heidegger#Éclaircie|clairière]] de l'être », pour se refermer dans la relation et la re-dite de la publicité. C'est pourquoi il n'y a ni enrichissement mutuel, ni découverte de notre être en propre (par l'échange avec les autres)  dans la « [[Lexique Heidegger#Quotidienneté|quotidienneté]] »<ref>{{harvsp|Michel Haar|1989|p=215}}</ref>. L'absence de fond se voile dans l'évidence et la certitude de la quotidienneté, qui constituent à l'aide du « [[Lexique de Martin Heidegger#Bavardage|bavardage]] » la « réalité » la plus quotidienne et la plus tenace du ''{{lang|de|Dasein}}''<ref name="psychanalyse.lu">{{article|auteur=Thierry Simonelli |titre=De Heidegger à Lacan |périodique=psychanalyse.lu |url=http://www.psychanalyse.lu/articles/SimonelliHeideggerLacan.htm |année=1998 |consulté le=21 avril 2014}}</ref>.

===== Trait général de la quotidienneté =====
D'après Heidegger, le mode de compréhension du ''{{lang|de|Dasein}}'' pris dans la vie [[Lexique de Martin Heidegger#Quotidienneté|quotidienne]] est le plus souvent, celui de la « médiocrité », de la ''{{lang|de|Die Durchschnittlichkeit}}''<ref group="N">[[Christian Dubois]] remarque que la quotidienneté, c'est-à-dire le fait d'être dans la moyenne, n'est pas une caractéristique propre à la foule, tout ''{{lang|de|Dasein}}'' a comme tel sa quotidienneté-{{harvsp|Christian Dubois|2000|p=35}}</ref>. Il ne faut pas confondre « quotidienneté » et « impropriété » (voir [[Lexique de Martin Heidegger#Propriété|Propriété]]), même si le plus souvent la quotidienneté, se caractérise par son indifférence et par le nivellement des différences, [[Martin Heidegger]] ''[[Être et Temps]]'' § 9(SZ {{p.|44 }}) . {{citation|Cette médiocrité est à chaque fois celle de l'être-public, de l'entourage, du courant dominant, du « comme tout le monde »}}<ref>{{harvsp|texte=Martin Heidegger Interprétations Phénoménologiques d'Aristote bilingue|1992|id=Interprétations phénoménologiques d'Aristote 1992|p=24}}</ref>. [[Hadrien France-Lanord]]<ref>{{harvsp|texte='' article quotidienneté dans Le Dictionnaire Martin Heidegger''|id=Dictionnaire|p=1107}}</ref> relève toutefois que rien n'empêche le ''{{lang|de|Dasein}}'', même si c'est difficile, d'être proprement « lui-même » en son [[Lexique de Martin Heidegger#Pouvoir-être|pouvoir être]] authentique dans la quotidienneté la plus banale.

La médiocrité dispense le ''{{lang|de|Dasein}}'' d'une compréhension originelle. Le rapport originel à ce qui est en question dans la parole humaine se perd donc dans l'opinion moyenne, le {{citation|on-dit}} et le communiqué<ref name="psychanalyse.lu"/>. La première section note [[Michel Haar]]<ref>{{harvsp|Michel Haar|1989|p=215-217}}</ref>, montre que le « ''[[Lexique Heidegger#On|On]]'' » est une structure [[Lexique Heidegger#Existential|existentiale]] indépassable du ''{{lang|de|Dasein}}''. On peut voir dans ce ravalement au niveau de l'opinion moyenne, un moyen de défense par immersion du ''{{lang|de|Dasein}}'' angoissé face à  l'{{Citation|[[Être-vers-la-mort|être-en-vue-de-la-mort]]}} qu'il est, c'est-à-dire, par une immersion dans quelque chose (la foule) qui, contrairement à lui, ne meurt jamais. Édouard Jolly écrit<ref>{{harvsp|Édouard Jolly|2010|p=43|id=Nihilisme et technique}} lire en ligne</ref> {{citation|Le quotidien, atténue le sentiment d’inquiétude du monde, en fait de même avec l’angoisse de la mort. L’élément moteur du quotidien est la transformation de l’étrange en familier}}.

[[Marlène Zarader]]<ref>{{harvsp|Marlène Zarader|2012|p=200}}</ref> précise si le « ''[[Lexique Heidegger#On|On]]'' » est le mode d'être du ''{{lang|de|Dasein}}'' dans la [[Lexique Heidegger#Quotidienneté|quotidienneté]], alors cela signifie que dans cette quotidienneté le ''{{lang|de|Dasein}}'' n'est pas lui-même, et par suite, l'autre, autrui, n'est pas non plus proprement ''Autre'' (n'est pas ''{{lang|de|Dasein}}'', mais un étant, parmi d'autres).

==== La question de l'authenticité ====
{{article connexe|Heidegger et la question de l'existence}}
En régime de [[Lexique de Martin Heidegger#Quotidienneté|quotidienneté]], le ''{{lang|de|Dasein}}'' est, le plus souvent, perdu dans le « ''[[Lexique de Martin Heidegger#On|On]]'' »<ref group="N">L'introduction du ''On'' au paragraphe 27 d' Être et Temps, fait référence à l'individu dans le moyenne, comme dans l'expression « français moyen », soumis à ou opinion générale dont il lui est quasiment impossible de s'abstraire. Il ne faut pas réduire le sens de ce mot à un simple négatif de l'être-là, dans la conception d'Heidegger le ''On'' a valeur d'existential, autrement dit le ''On'' est une structure de l'« être-là »-[[Hadrien France-Lanord]]-{{harvsp|texte=article On ''Le Dictionnaire Martin Heidegger''|id=Dictionnaire|p=916}}</ref>. [[Christian Dubois]]<ref>{{harvsp|Christian Dubois|2000|p=35}}</ref> attire l'attention sur ce paradoxe apparent d'un ''{{lang|de|Dasein}}'' {{citation|qui ne serait pas indifférent à son être alors que l'analyse part de la quotidienneté, soit, précisément, d'un exister indifférent et moyen}}.

En régime de [[Lexique de Martin Heidegger#Quotidienneté|quotidienneté]], le ''{{lang|de|Dasein}}'' se plie à d'innombrables règles de comportement. La question n'est plus de savoir si dans telle situation le ''{{lang|de|Dasein}}'' aurait pu agir autrement qu'il ne l'a fait, ce que l'on appelle traditionnellement la question du « [[libre arbitre]] », mais de savoir si le ''{{lang|de|Dasein}}'' a pu « choisir ce choix », et se {{citation|décider pour un pouvoir-être puisé dans le soi-même le plus propre}}<ref>{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=284}}</ref>. Pour Heidegger, la possibilité d'un tel pouvoir-être [[Lexique de Martin Heidegger#Authenticité|authentique]], assise sur la neutralité du concept de  ''{{lang|de|Dasein}}''  lui est attestée par la « [[Lexique de Martin Heidegger#Voix de la conscience|voix de la conscience]] », voix qui n'a ni le sens théologique ni le sens moral qu'on lui attribue habituellement.

===== Neutralité et liberté =====
Dans un chapitre terminal [[Jean Greisch]]<ref>{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=499-506}}</ref> fait état d'un travail d'auto-interprétation tardif de Heidegger dans lequel celui-ci précise plusieurs points quant à la signification du  ''{{lang|de|Dasein}}'', sa « neutralité » constitutive, et son incidence sur la possibilité de se choisir. [[Alexander Schnell]] lie expressément liberté et neutralité, il consacre trois pages à la description de cette détermination fondamentale que l'on peut résumer ainsi<ref>{{harvsp|Alexander Schnell|2005|p=154-156}}</ref> :

Contrairement à l'idée d'homme le concept de ''{{lang|de|Dasein}}''  est radicalement neutre, n'impliquant aucune détermination anthropologique (sexe, âge, culture), mais cette neutralité n'est pas une neutralité d'indifférence en ce sens qu'il y va toujours pour le ''{{lang|de|Dasein}}'' {{citation|de son être}}. {{citation|L'« être-là » neutre n'est pas l'existant, mais la source originaire de toute humanité factuelle et concrète}}<ref>{{harvsp|Alexander Schnell|2005|p=154}}</ref>. Le ''{{lang|de|Dasein}}''  est neutre vis-à-vis de toute concrétion factuelle, en tant qu'il y va de son existence, lieu de compréhension de l'être, il n'est ni masculin ni féminin. De cette neutralité radicale, il résulte que toutes les déterminations « [[Lexique Martin Heidegger#Vie facticielle|facticielles]] » de la vie concrète y sont contenues en leur origine possible. Le  ''{{lang|de|Dasein}}'' ne se confond jamais avec tel ou tel existant concret.

Enfin à titre d'ultime visage de cet {{citation|isolement métaphysique}}, le  ''{{lang|de|Dasein}}''  est la condition de possibilité de toute rencontre et de tout rapport à autrui précise [[Jean Greisch]]<ref>{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=502}}</ref>.

===== La voix de la conscience =====
Ce que conserve Heidegger dans l'idée de conscience c'est uniquement le phénomène de la « voix », la « [[Être-en-faute#La voix de la conscience|voix de la Conscience]] » ''Stimme des Gewissens'', qu'il va soumettre à une analyse ontologique et reconnaître en tant que [[Lexique Heidegger#Phénomène|phénomène]] originaire du ''{{lang|de|Dasein}}'', c'est-à-dire comme un [[Lexique de Martin Heidegger#Existential|existential]]<ref name="Greisch1994p285" />. Cet appel intérieur dit quelque chose de spécifique quant au mode d'être de l'« être-au-monde », il est donc une modalité particulière du « [[Lexique de Martin Heidegger#Disposition|comprendre]] », qui possède à ce titre un pouvoir de révélation propre. Cet appel pressant et particulier vient interrompre tout le bavardage public qui entoure le ''{{lang|de|Dasein}}''<ref>{{harvsp|Greisch|1994|p=286}}</ref>.
Ce qui se donne à « comprendre » dans cet advocation c'est justement le « pouvoir-être [[Lexique de Martin Heidegger#Authenticité|authentique]] ».

===== Le pouvoir être authentique =====
#L'appel à être proprement « Soi » ou « [[Heidegger et la question de l'existence#Le pouvoir être authentique|être authentique]] », se présente comme une voix étrangère<ref group="N">L'appel provient de moi, tout en me tombant dessus(trad Vezin Der ruf kommt aus mir und doch über mich). Ici, note [[Jean Greisch]], surgit au cœur même de l'ipséité, une altérité dont il faudrait bien définir le statut {{harv|Jean Greisch|1994|p=288}}.</ref>, or le ''{{lang|de|Dasein}}'' est aussi, dans son être, étranger à lui-même et au monde, comme on voit plus loin dans la notion de « [[Lexique de Martin Heidegger#Unheimlichkeit|Unheimlichkeit]] ». C'est ce caractère fondamental du ''{{lang|de|Dasein}}'' comme être originairement toujours jeté dans le « non-chez-soi » qui permet de rendre compte du phénomène de « [[Être-en-faute#La voix de la conscience|l'appel de la conscience]] », ''{{lang|de|Gewissen}} ''qui sinon en tant qu'appel à soi-même, nous resterait parfaitement inexplicable. Le ''{{lang|de|Dasein}}'' vivant sur un mode impropre, se convoque lui-même au nom de son étrangeté essentielle à quitter le « ''[[Lexique de Martin Heidegger#On|On]]'' », à quitter sa fascination pour le [[Lexique de Martin Heidegger#Monde|monde]]<ref>{{harvsp|Françoise Dastur|1990|p=60-61}}</ref>. Cet appel, lui parle de lui, au milieu de tous les divertissements et affairements qui tendent à l'étourdir.
# Dans son contenu l'appel fait entendre {{citation|une voix qui ne dit rien, qui ne communique aucun message mais qui renvoie le ''{{lang|de|Dasein}}'', vers la seule nudité de son existence}}<ref>{{harvsp|Michel Haar|2002|p=15}}</ref> La voix appelle le ''{{lang|de|Dasein}}'' à sa « [[#Le Dépassement de la Subjectivité|singularité insubstituable]] » et non à un idéal de vie, ni ne lui adresse aucune injonction par exemple d'avoir à se dépasser. La « voix », nous dit Heidegger appelle le ''{{lang|de|Dasein}}'', à son « [[Être-en-faute|être-en-dette]] » ''{{lang|de|Schuld}}'' (traduction [[Emmanuel Martineau]]) ou « en faute » (traduction [[François Vezin]])<ref group="N">« La décision stratégique de Heidegger consiste à concevoir l'idée d' « [[Être-en-faute|être-en-dette]] » à partir du mode d'être propre du ''{{lang|de|Dasein}}'' » que lui révèle le devancement de la mort note [[Jean Greisch]] {{harv|Jean Greisch|1994|p=293}}. Voir article [[Être-en-faute]].</ref>.

===== La Résolution anticipante =====
Comme souvent Heidegger utilise des mots comme ''{{lang|de|Entschlossenheit}}'' qui, surtout dans leur traduction française, paraissent mettre en jeu la subjectivité et la volonté . Ici encore la « [[Heidegger et la question de l'existence#La Résolution anticipante|Résolution]] » ou la {{Citation|décision d'existence}}  selon la traduction de [[Jean-Luc Nancy]]<ref>{{harvsp|Jean-Luc Nancy|1989|p=227}}</ref>, n'a rien à voir avec la volonté. La [[Heidegger et la question de l'existence#La Résolution anticipante|Résolution]] c'est l'expression pour dire l'ouverture propre à la « [[Lexique de Martin Heidegger#Voix de la conscience|voix de la conscience]]». Mais comme le remarque Florence Nicolas<ref>{{harvsp|texte=article Laisser ''Le Dictionnaire Martin Heidegger''|id=Dictionnaire|p=738}}</ref>, afin d'écarter toute référence à la volonté {{citation|Heidegger montre que la « résolution » signifie - se laisser appeler- ''{{lang|de|Sich-aufrufenlassen}}'', hors de la perte dans le ''[[Lexique de Martin Heidegger#On|On]]'' pour qui tout est par avance décidé et fixé}}.

Ce mot de « résolution » tente de dire, selon [[François Vezin]], la manière authentique pour le ''{{lang|de|Dasein}}'' d'être dans sa vérité<ref>{{harvsp|Heidegger|1990|texte=Heidegger, ''Être et Temps''|loc=Note de Vezin, {{p.|572}}}}</ref>. Qu'est-ce à dire ? sinon que se transportant mentalement dans la situation incontournable du « devoir mourir », c'est dans cet horizon, que le Monde, ses valeurs et ses attaches affectives vont être soupesés et jugés et par conséquent disparaître dans le néant pour libérer l' « être-en-propre » dans sa nudité. [[Christian Dubois]]<ref name="Christian Dubois p85">{{harvsp|Christian Dubois|2000|p=85}}</ref> note{{citation|le ''{{lang|de|Dasein}}'' devançant, vient ainsi à être lui-même, en soutenant comme possible l'impossibilité de l'existence}} Le ''{{lang|de|Dasein}}'' est mis en face de sa propre vérité lorsqu'il est renvoyé au néant de son fondement. Il reste à bien préciser que cet {{citation|appel de la conscience}} ne consiste pas à présenter une option à la manière du libre-arbitre mais à {{citation|laisser apparaître la possibilité d'un se-laisser-appeler hors de l'égarement du « On » }}<ref name="Sommer2005p247">{{harvsp|Christian Sommer|2005|p=247}}</ref>. Entendre l'« [[Être-en-faute#La voix de la conscience|appel de la conscience]] », implique de rester aux aguets, tout en continuant le commerce avec le monde.

La prise en charge de l'[[être-jeté]], de l'être en situation, dans la « [[Lexique de Martin Heidegger#Résolution anticipante|résolution devançante]] » ne signifie rien de moins pour le  ''{{lang|de|Dasein}}'', que le fait d'être en propre ce qu'il était déjà sur un mode impropre<ref>{{harvsp|Françoise Dastur|2011|p=233}}</ref>, autrement dit son existence est transfigurée, au lieu d'«[[Lexique de Martin Heidegger#Être-au-monde|être-au-monde]] » à partir des autres il l'est dorénavant à partir de lui-même<ref name="Dubois2000p81" />.

== L'Être comme Souci ==
[[Fichier:Charlier Inquiétude maternelle.jpg|vignette|upright=0.8|alt=Sculpture représentant une femme assise, un enfant la tête sur ses genoux, observant cet enfant de façon anxieuse|Inquiétude maternelle, de Guillaume Charlier.]]
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<center>'''Sommaire de la section'''</center>
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* [[#L'origine|L'origine]]
* [[#Le travail herméneutique|Le travail herméneutique]]
** [[#De l'angoisse « devant » à l'angoisse « pour »|De l'angoisse « devant » à l'angoisse « pour »]]
** [[# L'ontologisation du concept de souci|L'ontologisation du concept de souci]]
** [[#La structure du concept de Souci|La structure du concept de Souci]]
* [[#Le rôle de ce concept de Souci|Le rôle de ce concept de Souci]]
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{{citation bloc|L'[[Lexique de Martin Heidegger#Être-au-monde|être-au-monde]] est essentiellement [[Lexique de Martin Heidegger#Souci|Souci]]<ref>{{harvsp|Jacques Taminiaux|1985|p=101}}</ref> (''Sorge'')|Heidegger, ''Être et Temps''<ref name="Heidegger1990p242">{{harvsp|Heidegger|1990|p=242}}</ref>}}

Si l'on donne au mot son sens ordinaire, il se réfère à la précarité de l'avenir et ce qu'il désigne est lié à l'expérience de l'échec. Mais si le souci est lié inséparablement à toute pensée de l'avenir, alors il faut lui donner le sens général et vague de présence continuellement penchée sur l'avenir.

L'« être-au-monde », tendu vers son [[Lexique de Martin Heidegger#Pouvoir-être|pouvoir être]] le plus propre, prend ontologiquement la forme d'un {{citation|être en avance sur lui-même}}, le « [[Lexique de Martin Heidegger#Devancement|devancement]] ». Heidegger tente de regrouper dans une unité sous-jacente la diversité infinie des comportements humains. C'est le phénomène du « [[Lexique de Martin Heidegger#Souci|Souci]] » (au second sens), ''{{lang|de|Die Sorge}}'', qui va remplir dans toute la première section de ''[[Être et Temps]]'', un rôle fondamental (§.41) et apparaître comme un moment essentiel de la [[Lexique de Martin Heidegger#Comprendre|compréhension]] du ''{{lang|de|Dasein}}''. Élevé à la dignité d'[[Lexique de Martin Heidegger#Existential|existential]], par Heidegger, ce phénomène va jouer, à travers la [[Lexique de Martin  Heidegger#Préoccupation|préoccupation]] existentiale (''{{lang|de|Besorgen}}''), et la sollicitude pour autrui ''{{lang|de|Fürsorge}}''<ref group="N">{{article détaillé|Être-avec}}</ref>, pour l'« être toujours en avant de soi », qu'est toujours le ''{{lang|de|Dasein}}'', un rôle prépondérant et unifiant<ref name="g237">{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=237}}</ref>.

=== L'origine ===
Avant ''[[Être et Temps]]'', dans son ouvrage ''Prolégomènes à l'histoire du concept du Temps'', Heidegger avait posé, dans une première équation, l'identité du « Souci » et du concept husserlien d'[[Lexique de phénoménologie#Intentionnalité|Intentionnalité]], note [[Jean Greisch]]<ref group="N">« Le vrai visage vu de l'intérieur, de l'intentionnalité n'est pas un « se diriger-vers », mais le devancement de soi du souci » comprend {{harvsp|Jean Greisch|1994|p=66}}</ref>. Dans cette nouvelle interprétation, le concept de « Souci » ne peut en aucun cas être compris et réduit, à son sens commun de pulsions psychologiques, comme le « vouloir », le « souhait » ou le « penchant »<ref name="LarivéeLeduc2001p45">{{harvsp|Larivée|Leduc|2001|p=45}}</ref>. En effet ce dont se convainc Heidegger, c'est {{citation|l'intérêt herméneutique du concept et que la compréhension d'être présente dans le ''{{lang|de|Dasein}}'' s'exprime pré-ontologiquement sous cette forme}} comme le prouverait une très vieille fable (la {{220e}} du corpus des fables d'[[Caius Julius Hyginus|Hygin]]) souligne [[Jean Greisch]]<ref>{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=241}}</ref>  dans son commentaire.

D'autre part, c'est aussi dans la préoccupation inquiète du chrétien chez [[Augustin d'Hippone|Saint Augustin]] qu'étudie Heidegger dans les années 1920<ref name="Heidegger2011Phénoménologie">{{harvsp|Heidegger|2011|texte=Heidegger, ''Phénoménologie de la vie religieuse''|p=}}</ref>, qu'apparaît le thème du « Souci », thème qui sera progressivement amplifié et étendu, jusqu'à devenir la détermination essentielle et le fondement du ''{{lang|de|Dasein}}''.

=== Le travail herméneutique ===
Cette notion de « Souci » (''{{lang|de|Die Sorge}}''), qu'une vieille tradition lui offre, va prendre chez Heidegger une tonalité particulière, très éloignée du sens usuel de trouble psychologique, qu'exprime l'inquiétude ou la simple préoccupation, et qui ne pourra être comprise qu'en prenant en compte le sens entier de l'existence : ainsi {{citation|le mot existence nomme l'être de cet étant qui se tient [[Lexique Heidegger#Comprendre|ententif]] à l'ouverture de l'être qu'il soutient}} . Ce « soutenir » ainsi ressenti, cette attention à l'« être » a le nom de « Souci »<ref name=Heidegger1990p34>{{harvsp|texte=Heidegger, ''Questions I et II''|Heidegger|1990|p=34|id=QuestionsIetII}}</ref> (Question I {{p.|34}}), {{citation|car tout Souci est, souci de l'être}}.

S'il s'agit de partir d'expériences concrètes de la « [[Lexique de Martin Heidegger#Vie facticielle|vie facticielle]] », la construction du concept ne procède pas cependant d'une sorte de généralisation. Pour Heidegger, il s'agit toujours d'une structure ''[[Lexique de phénoménologie#A priori|a priori]]'', préalablement donnée, entendue comme condition de possibilité des « soucis de la vie » et des « actes de dévouement »<ref>{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=242}}</ref>.

==== De l'angoisse « devant » à l'angoisse « pour » ====
Il a été vu que le phénomène de l'[[Lexique de Martin Heidegger#Angoisse|angoisse]] peut susciter un comportement de fuite du  ''{{lang|de|Dasein}}'' « devant » l'« être-en-propre » . L'angoisse n'est pas seulement angoisse « devant » mais en tant qu'« affection ententive » elle est aussi bien angoisse « pour » ; pour l'« être-au-monde » lui-même qui ne peut plus, esseulé, se comprendre à partir du monde et des explications convenues et traditionnelles<ref>''[[Être et Temps]]'' (SZ {{p.|187}})</ref>{{,}}<ref name="Levinasp74"/>.
{{citation bloc|L'angoisse fait éclater au cœur du ''{{lang|de|Dasein}}'' l'être envers le « [[Lexique de Martin Heidegger#Pouvoir-être|pouvoir-être]] » le plus propre, c'est-à-dire l'être libre pour la liberté de se choisir et de se saisir soi-même<ref>{{harvsp|Heidegger|1990|p=237}}</ref>}}. Comme le souligne [[Marlène Zarader]], {{citation|le souci usuel s'enracine dans un plus haut sens qui est le soin que l'homme prend de son être}}<ref>{{harvsp|Marlène Zarader|2012|p=357}}</ref>.

==== L'ontologisation du concept de souci ====
Ainsi que le remarquent Annie Larivée et Alexandra Leduc<ref name="Larivée Leduc 46">{{harvsp|Larivée|Leduc|2001|p=46}}</ref>, se référant aux conditions de [[Lexique Heidegger#Possibilité|possibilité]] {{citation|[…] l'éveil à la vigilance et le souci de soi (souci pour son propre être), ne peuvent faire sens que pour un être qui est déjà fondamentalement souci}}. Pour Heidegger, élargissant le champ du concept, le « souci ontologisé », va apparaître, non plus comme une simple disposition psychologique mais comme le mode premier de tout homme dans son rapport au monde<ref name="LarivéeLeduc2001p45"/>, {{citation|il est l'élan à la source de tous les comportements humains possibles, qu'ils soient pratiques ou théoriques, conscients ou non}}, il est, en résumé, à travers sa mobilité, ce qui procure au monde sa [[Lexique Heidegger#Significativité|significativité]]<ref name="Larivée Leduc 46"/>.

Dans les ''Interprétations phénoménologiques d'Aristote''<ref>{{harvsp|texte=Martin Heidegger Interprétations Phénoménologiques d'Aristote bilingue|1992|id=Interprétations phénoménologiques d'Aristote 1992|p=23}}</ref> de 1922 Heidegger ajoutait déjà {{citation|dans la mobilité du souci est vivante une inclination au monde, à titre de disposition à se perdre à s'y laisser prendre}}. Le « Souci », qui est {{citation|compréhension du monde}}, entend sa possibilité à partir de sa propre possibilité d'exister, c'est-à-dire conformément à sa situation d'« [[être-jeté]] », et non plus à partir du maniement des objets extérieurs<ref name="Levinasp75">{{harvsp|Emmanuel Levinas|1988|p=75}}</ref>. Le ''{{lang|de|Dasein}}'' angoissé n'en restera pas moins « empêtré » et « empêché » de retrouver son être le plus propre que seule la conscience authentique de la mort lui fera retrouver.

C'est sous ce terme de « Souci » que Heidegger va regrouper l'ensemble des traits du ''{{lang|de|Dasein}}''  {{citation|qui est un étant pour qui dans son « être-au-monde », il y va de son être}} écrit Jean Greisch<ref name="g237" /> reprenant la formule de Heidegger. Parce qu'{{citation|il y va de son être}}, autrement dit que son être fait question que le  ''{{lang|de|Dasein}}'' est voué à la question de l'être précise [[Jean Grondin]]<ref>{{harvsp|Jean Grondin|2006|p=5}}lire en ligne</ref>. Dans ce concept de « Souci » dont la structure ontologique est : {{citation|le devancement de soi}}, Heidegger pense trouver l'articulation originaire permettant d'unifier la « plurivocité » des modes d'être du ''{{lang|de|Dasein}}'' expose encore [[Jean Greisch]]<ref>{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=137}}</ref>. Toutes les manières d'avoir commerce avec l'étant, -la contemplation, la curiosité, le savoir théorique, le savoir faire, le moment propice, - tirent leur origine d'un souci de l'homme, témoignent de la diversité des modes de ses préoccupations qui dévoilent au ''{{lang|de|Dasein}}'' le [[Lexique de Martin Heidegger#Monde|monde]]<ref>{{harvsp|Larivée|Leduc|2001|p=47}}</ref>.

C'est aussi le « Souci » qui va permettre à  Heidegger de rendre compte du concept usuel de « réalité ». {{citation|seul un étant ayant ce genre d'être peut buter sur du résistant en tant qu'étant à l'intérieur du monde. La conscience de la réalité est elle-même une variété de l'« être-au-monde »}} ''[[Être et Temps]]'' (SZ {{p.|211}}).

Le « Souci » considérablement élargi et «[[Lexique de Martin Heidegger#Quotidienneté|quotidiennisé]] », perd sa tonalité tragique, témoin le recul dans les autres œuvres du penseur, du thème du « souci-inquiétude » sans toutefois que {{citation|Heidegger délaisse complètement le souci-inquiétude, car cette dimension, apparue lors des analyses de la spiritualité chrétienne, jouera toujours un rôle dans sa pensée}} selon Annie Larivée et Alexandra Leduc<ref>{{harvsp|Larivée|Leduc|2001|p=49}}</ref>.

==== La structure du concept de Souci ====
Destiné à fournir une base phénoménale unique permettant d'appréhender le ''{{lang|de|Dasein}}'' dans la diversité et la totalité de ses modes d'être, le Souci reste un [[Lexique Heidegger#Phénomène|phénomène]] originaire complexe qui sera considéré comme l'avant dernier phénomène avant l'étude de la temporalité dans la deuxième section de ''Être et Temps''<ref>{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=240}}</ref>.

=== Le rôle de ce concept de Souci ===
L'insistance de Heidegger sur cette détermination, et la place qu'il lui attribue, montre que le « Souci » doit être considéré comme un mode fondamental de l'« être de l'homme », et gardien de sa plurivocité<ref>{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=313}}</ref>. Il ne doit pas, par exemple, être compris comme « Souci de Soi » au sens égoïste<ref name="Dastur2011p128-132">{{harvsp|Françoise Dastur|2011|p=128-132}}</ref>, car, comme le fait remarquer [[Jean Greisch]], le Soi, en lui-même, est déjà ontologiquement entièrement défini comme « retour sur soi » et y rajouter le souci serait écrire une tautologie<ref name="g237"/>{{,}}<ref group="N">Parailleurs, pour bien marquer la différence entre le plan ontique égoïste, et le plan ontologique dans lequel se situe Heidegger, [[Jean Greisch]] note qu'il est impossible de mettre en concurrence « souci de soi » et « souci de l'autre » car tous deux manifestent l'être pour qui il y va de son être {{harvsp|Jean Greisch|1994|p=237}}</ref>.

Heidegger peut se permettre de qualifier de « tautologique » l'expression de « Souci de Soi », en raison de la connexion originaire qu'il établit entre « Souci » et « Ipséité » souligne Jean Greisch<ref>{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=314}}</ref>. L'« être-là » n'a plus ici, la constance d'un « étant-sous-la main », une constance substantielle, simplement soumise à {{Citation|différentes altérations, il faut penser}}, écrit Greisch<ref>{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=315}}</ref>, le sens de la constance, la  ''{{lang|de|Ständigkeit }}'', de l'ipséité à partir du Souci : L'ipséité ne peut être déchiffrée existentialement que sur le ''pouvoir-être soi-même authentique'', c'est-à-dire sur l'[[Lexique Heidegger#Authenticité|authenticité]] de l'être du ''{{lang|de|Dasein}}''  comme souci.

Au sens [[Lexique Heidegger#Existential|existential]] {{citation|tout souci, qualifié de « pour soi » ou « pour autrui », ne peut être originairement que « souci de soi », car il y va pour l'« être-au-monde », de son être même}}<ref name="g237"/>. Le ''{{lang|de|Dasein}}'', n'« est », qu'en étant préoccupé par le monde et sollicité par autrui. Le souci va être, l'élan premier qui procure au monde sa [[Lexique Heidegger#Significativité|significativité]]<ref name="Larivée Leduc 46"/>. C'est enfin par le « Souci » que l'expression, maintes fois répétée dans ''[[Être et Temps]]'' {{citation|Il y va de son être}}, que l'on doit comprendre précisément comme ''{{citation|souci de se perdre}}'', prend tout son sens.

Il porte attention à l'étant qu'il est lui-même, mais aussi à l'étant qu'il n'est pas, et qui peut être de l'ordre du ''{{lang|de|Dasein}}'' lui aussi, c'est-à-dire autrui. Pour le ''{{lang|de|Dasein}}'', il faut interpréter le « Souci » comme une ouverture originaire, à son être en propre et aux autres et c'est cette ouverture à soi et aux autres que l' « être-là » inauthentique fuit pour se réfugier dans la familiarité et dans l'intimité déchéante du chez soi<ref name="Dastur2011p129">{{harvsp|Françoise Dastur|2011|p=129}}.</ref>.

== La temporalité du Dasein ==
[[Fichier:Temps réel.gif|vignette|upright=0.40|alt=Animation graphique représentant un sablier se vidant de son sable|Temps réel]]
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<center>'''Sommaire de la section'''</center>
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* [[#L'analyse existentielle|L'analyse existentielle]]
* [[#L'analyse existentiale|L'analyse existentiale]]
* [[#Le temps comme structure intime du Dasein|Le temps comme structure intime du Dasein]]
**[[#Temporalité extatique|Temporalité extatique]]
**[[#Temporalité kairologique|Temporalité kairologique]]
* [[#L'historialité ou l'historicité du Dasein|L'historialité ou l'historicité du Dasein]]
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La « [[Lexique de Martin Heidegger#Temporalité|Temporalité]] » du ''{{lang|de|Dasein}}'' comme la temporalité en général sont en tant que questions fondamentales, abordées à travers les travaux de [[Françoise Dastur]]<ref name="Dastur1990">{{harvsp|Françoise Dastur|1990|p=}}</ref>. La question que se pose Heidegger est, quelle est la temporalité qui est impliquée dans les structures [[Lexique de Martin Heidegger#Existential|existentiales]] qui caractérisent de l' « [[#L'Être-au-monde|être-au-monde]] » ?

Rudolf Bernet<ref>{{harvsp|Rudolf Bernet|1987|p=510}}lire en ligne</ref> repère dans la [[Revue philosophique de Louvain]], trois niveaux de temporalité {{citation|qui dérivent les uns des autres en vertu d'un rapport de fondation}}.
#Le temps de l'énonciation et de la [[Lexique de Martin Heidegger#Préoccupation|préoccupation]] qui se nivellent dans le temps vulgaire de la nature, le temps des horloges, qui relève de [[#L'analyse existentielle|l'analyse existentielle]].
#Le temps de la possibilité ''[[Lexique de phénoménologie#A priori|a priori]]'' de ce qui précède dans l'unité ek-statique du ''présentifier'' qui ouvre [[#L'analyse existentiale|l'analyse existentiale]].
#La « [[Lexique de Martin Heidegger#Temporation|temporation]] » originaire de la temporalité ek-statique dans l'existence propre du ''{{lang|de|Dasein}}'' revenant sur soi qui conduit et clôt [[#L'analyse existentiale|l'analyse existentiale]].

=== L'analyse existentielle ===
{{article détaillé|phénoménologie de la vie (Heidegger)}}
Pour l'appréhender, le philosophe doit [[Lexique Martin Heidegger#Explicitation|expliciter]] en tant que tels les aspects de la mobilité du ''{{lang|de|Dasein}}'' : comme projet en vue de soi-même, le ''{{lang|de|Dasein}}'' quotidien s'explicite « existentiellement » (soit dans le monde concret) en une suite de moments qui sont ses modes d'être.

L'« [[#L'Être-au-monde|être-au-monde]] » quotidien existe d'abord, toujours et à chaque fois, sur le mode de la « dispersion », du « hors de soi », où le « soi propre » ne se distingue pas de la moyenne, du « [[Lexique Martin Heidegger#On|On]] » (« on » pense comme les autres pensent) : c'est la « déchéance » (''{{lang|de|Verfallen}}'')<ref group="N">Le ''{{lang|de|Verfallen}}'' ne produit aucun énoncé [[Lexique de Martin Heidegger#Ontique|ontique]] il s'agit seulement d'un concept ontologique de mouvement. Ontiquement on ne décide pas si l'homme est « noyé dans le péché » selon l'expression de [[Martin Luther]].</ref>, qui signifie un mode d'être, éloigné de son moi propre, un « être-déchu » en immersion dans le monde (affaires ou divertissement). Pour Heidegger, ce mode en immersion n'est rien d'autre qu'un refus et un recul devant la marche vers le propre « soi-même », ordonné par la « [[#La voix de la conscience|voix de la conscience]] » au sens heideggerien<ref name="Greisch1994p285">{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=285}}</ref> d'où il résulte un sentiment de défaut permanent, de manque, d'incomplétude<ref name="Dastur1990p57">{{harvsp|Françoise Dastur|1990|p=57}}</ref> de l'être qui se sent alors « en faute » (voir [[Être-en-faute]] ou « en dette} ».

Cependant, il ne peut y avoir fuite devant soi-même que si, en quelque façon, le ''{{lang|de|Dasein}}'' est déjà mis en présence de son soi-même en propre, de son être possible car on ne peut fuir que devant ce que l'on connaît déjà en quelque manière. Or, il n'y a rien dans la préoccupation quotidienne y compris la méditation solitaire, qui puisse expliquer ce face-à-face, rendre compte de cette connaissance anticipée, ni de l'angoisse qui en résulte : au contraire, puisque le but de cette immersion dans le quotidien, de l'affairement et de l'étourdissement dans le monde comme des comportements de retrait visent justement à l'éviter, à l'oublier<ref name="Dastur1990p48_49">{{harvsp|Françoise Dastur|1990|p=48-49}}</ref> ; c'est dans une autre dimension qu'il faut rechercher les conditions et modalités de cette confrontation. La [[Heidegger et la question de l'existence#La Résolution anticipante|résolution]] et la décision pour le Soi n'impliquent ''[[Lexique de phénoménologie#A priori|a priori]]'', aucun renoncement mais seulement un autre regard sur le « [[Monde dans la pensée de Martin Heidegger|monde]] ».

=== L'analyse existentiale ===
L'« [[Lexique de Martin Heidegger#Angoisse|angoisse]] », qui libère momentanément de la fascination du monde, transporte bien le ''{{lang|de|Dasein}}'' devant son « être-possible » le plus propre, mais, le plus souvent, mal comprise, elle conduit à accélérer la fuite et à un redoublement de la «[[Lexique de Martin Heidegger#Préoccupation|préoccupation]] », au sens où elle n'est pas la modalité d'existence qui assure l'appropriation du « soi » dans sa vérité<ref name="Dastur1990"/>.

C'est le phénomène anticipé de la conscience de sa mort qui va assurer au ''{{lang|de|Dasein}}'' la base phénoménologique de cette compréhension, et lui donner la possibilité d'exister en mode propre, par la «[[Heidegger et la question de l'existence#La Résolution anticipante|Résolution anticipante]] »<ref name="Dastur1990"/>. La mort endurée « ici et maintenant » comme une pure possibilité n'est alors plus un événement lointain mais, , selon l'expression de [[Françoise Dastur]]  pure {{citation| possibilité de l'impossibilité sans mesure de l'existence » qui est aussi la conquête de son « être en propre »}}. L'« [[Être-vers-la-mort]] », où le ''{{lang|de|Dasein}}'' a à faire face à la « [[wikt:déréliction|déréliction]] » la plus complète, mais qui en contrepartie, est aussi le fondement nécessaire de son « [[wikt:ipséité|ipséité]] », de son « être-soi ».

=== Le temps comme structure intime du ''{{lang|de|Dasein}}'' ===
{{article détaillé|Heidegger et la question du temps}}
C'est dans l'analytique du ''{{lang|de|Dasein}}'' menée dans son ouvrage '' [[Être et Temps]] '' que Heidegger expose le caractère [[Lexique de Martin Heidegger#Temporalité|temporal]] du ''{{lang|de|Dasein}}'' et donc de l'« [[Être humain (philosophie)|être humain]] », à travers la mise à jour des divers moteurs de sa mobilité comme l'anticipation de la mort, son « avoir-à-être » à partir de son « être-jeté » et son exposition au monde, qui se manifestent conjointement dans ce que Heidegger appelle sa triple [[Lexique de Martin Heidegger#Ektase|extase]] temporelle ou temporalité « ek-statique » ou [[Lexique de Martin Heidegger#Originaire|originaire]] , originaire au sens où le temps physique, le temps des horloges, ne serait qu'un dérivé.

L'exposition de la « temporalité » est complexe, difficile à cerner, parce que tout à fait étrangère à la perception traditionnelle du temps. En suivant la démarche de [[Christian Dubois]] on peut prendre comme point de départ le ''{{lang|de|Dasein}}'', ouvert à lui-même, qui se comprend comme pur « [[Lexique de Martin Heidegger#Pouvoir-être|pouvoir être]] ». La thèse qu'Heidegger soutient c'est que seul un phénomène comme la « temporalité » rend cette pré-compréhension possible. Que faut-il entendre ici par temporalité ? s'interroge alors [[Christian Dubois]]<ref name="Christian Dubois p85" />  Le ''{{lang|de|Dasein}}'' soucieux et « [[Lexique de Martin Heidegger#Devancement|devançant]] » , vient à être lui-même en faisant face à la possibilité de sa mort (l'[[être-vers-la-mort]]), c'est-à-dire que cette venue à soi provient en quelque sorte de l'« a-venir » en un sens tout à fait particulier. L'« a-venir » ''{{lang|de|Zu-kunft}}'' ici évoqué n'est pas le « non-encore-présent » mais pour le ''{{lang|de|Dasein}}''{{citation|la modalité d'un possible accomplissement de soi-même}}. De plus le passé n'a de sens que pour autant que le ''{{lang|de|Dasein}}'' puisse être son passé. {{citation|Le passé, ici, n'est pas ce je traîne derrière moi ou un souvenir , mais une possibilité d'être qui assume ce passé}}<ref name="Christian Dubois p85" />.

En résumé, cette temporalité n'a rien à voir avec l'intra-temporalité des choses, c'est une temporalité [[Lexique de Martin Heidegger#Originaire|originaire]] qui se temporalise selon trois directions ou trois « [[Lexique de Martin Heidegger#Ektase|ektases]] », l'avenir, le passé, le présent avec prédominance de l'avenir et qui à elles trois vont constituer le phénomène unitaire de la temporalité selon [[Alain Boutot]]<ref>{{harvsp|Alain Boutot|1989|p=34-35}}</ref>. Le temps classique le temps des horloges dérivera dans l'esprit d'Heidegger de cette temporalité authentique originaire. [[Françoise Dastur]] présente, dans son livre<ref name="Dastur1990"/>, un long commentaire sur ce [[Lexique de Martin Heidegger#Phénomène|phénomène]] difficile de la temporalité.

La vraie rupture avec la tradition consiste à considérer que l'être de l'homme n'est pas seulement dans le temps, temporel comme l'on dit habituellement, mais qu'il est en quelque sorte, dans sa substance propre, constitué de Temps, qu'il est « temporal », ou « historial ». [[Jean-François Courtine]]<ref>{{harvsp|Jean-François Courtine|1990|p=145|id=Courtine1990}}</ref> écrit que c'est dans son interprétation de la doctrine platonicienne de la « Réminiscence » que Heidegger va tirer l'idée d'une {{citation|relation originaire de l'être et du temps}} qui est à l'œuvre dans l'étant qui comprend l'être<ref group="N">{{citation|L'être- temporel devient ainsi une dimension ontologique qu'un ''{{lang|de|Dasein}}'' (existant ouvert au monde) peut tenter d'appréhender dans sa réalité, celle d'une condition d'être qui interdit tout repos métaphysique dans une conscience stabilisée, « ''hors-temps'' » vers laquelle Husserl semble revenir avec ses ''[[Méditations cartésiennes]]'' (1929)}}-{{harvsp|texte=article Phénoménologie ''Dictionnaire des concepts philosophiques''|2013|p=616|id=Concepts}}</ref>.
==== Temporalité extatique ====
La [[Lexique de Martin Heidegger#Temporalité|temporalité]] nous permettrait d'atteindre le phénomène originaire et unitaire rendant compte de toutes les structures du ''{{lang|de|Dasein}}'', lesquelles sont toutes des modes de temporalisation de la temporalité, note [[Françoise Dastur]]<ref>{{harvsp|Françoise Dastur|1990|p=67}}</ref>. La difficulté consiste pour Heidegger à chercher à unifier les trois dimensions du temps en évitant de donner comme tous les prédécesseurs un privilège particulier au « présent ». Pour lui c'est l'« [[Lexique de Martin Heidegger#Existence|existentialité]] », c'est-à-dire ontologiquement l' «[[Lexique de Martin Heidegger#Avoir à être|avoir à être]] » qui porte tout le poids de la temporalité d'où le primat accordé non plus au présent mais à l'« avenir » dans la « [[Heidegger et la question du temps#La temporalité extatique|temporalité extatique]] ».

==== Temporalité kairologique ====
Le temps kairologique c'est le temps du choix, [[Heidegger et la question du temps#Modes de temporalité du Dasein|le temps {{Citation|kaïrologique}}]], c'est à l'origine, l'occasion, le moment propice que la vieille sagesse grecque apprenait à reconnaître, à discerner grâce à la vertu de prudence, et à saisir par les cheveux<ref>{{harvsp|Michel Haar|1996|p=67-91}}.</ref>.

=== L'historialité ou l'historicité du ''{{lang|de|Dasein}}'' ===
{{article détaillé|Heidegger et la question du temps|Heidegger et la question de l'histoire}}
Dire que le ''{{lang|de|Dasein}}'' est historial, c'est dire que le ''{{lang|de|Dasein}}'' n'a pas simplement une histoire mais qu'il est lui-même « [[Lexique de Martin Heidegger#Historial|historial]] », et ceci en deux sens distincts :

1/-Comme il est spatialisant, le ''{{lang|de|Dasein}}'' est aussi un être « temporalisant » ou mieux « temporant », il est d'abord cet « {{citation|être-étendu}} » entre sa naissance et sa mort, d'une extension qui lui est consubstantielle<ref name="Rivelaygue1989p264">{{harvsp|Jacques Rivelaygue|1989|p=264}}</ref>, ce qui veut dire qu'il vit d'une vie qui embrasse co-originairement et toujours, dans la temporalité extatique l'ensemble de sa vie. Heidegger combat ainsi de toutes ses forces le risque qui pèse sur une représentation temporelle comprise en termes de spatialité ou de successivité qui supposerait l'existence d'un « Soi », subsistant auquel il échoirait en outre de s'étendre dans le temps par le souvenir et le projet<ref>{{harvsp|Françoise Dastur|1990|p=81}}</ref> ; mais comme pour la spatialité le ''{{lang|de|Dasein}}'' est d'emblée dans son être « constitué en extension » et non comme un soi statique avec une relation au temps problématique. C'est dans cette mesure seulement que le ''{{lang|de|Dasein}}'' peut être dit la source du « temps ».

2/-Dans la mesure où le ''{{lang|de|Dasein}}'' reçoit librement en héritage la tradition, que, pour ainsi dire, il « {{citation|se la délivre à lui-même}} » pour l'accomplissement de son « destin », alors seulement c'est dans cette possibilité que le ''{{lang|de|Dasein}}'' va être dit [[Lexique de Martin Heidegger#Historial|historial]] précise [[Jacques Rivelaygue]]<ref>{{harvsp|Jacques Rivelaygue|1989|p=265}}</ref>.

Dans le débat entre [[Lexique de Martin Heidegger#Historicité|historicité]] et [[Lexique Martin Heidegger#Historial|historialité]] trois points peuvent être soulignés :

{{citation|Dans son être toujours en avant, toujours hors de lui ce que Heidegger nomme son « pro-jet », n'est rien d'autre que ce temps même, antérieur à tout temps mesurable, le « pro-jet » n'est pas dans le temps des horloges, dont il en est au contraire la source}} écrit Jean-Paul Larthomas<ref>{{harvsp|Jean-Paul Larthomas|1989|p=101}}</ref>.

[[Jacques Rivelaygue]] fait la remarque que la temporalité horizontale ([[Lexique de Martin Heidegger#Ektase|Ek-statique]]) serait à elle seule toutefois insuffisante pour attester l'unité du Soi dans le temps concret, il y faut l'approche historiale comprenant à la fois l'implication réciproque de la [[Heidegger et la question de l'existence#La Résolution anticipante|Résolution anticipante]] et de la reprise de l'héritage<ref name="Rivelaygue1989p264"/>.

Servanne Jollivet<ref>{{harvsp|Servanne Jollivet|2009|p=122}}</ref> note que la prévalence du temps vulgaire, celui des horloges, pousse la science historique à se fermer à la force du possible, alors que l'historial préserve une possibilité d'être, qui ouvre par la reprise d'une tradition une possibilité inédite, au « [[Heidegger et la question de l'histoire#Historialité et histoire commune|vivre ensemble]] ». En son absence, la science historique seule, voue ce « vivre ensemble » au bavardage et à l'équivoque<ref>{{harvsp|Jacques Rivelaygue|1989|p=269}}</ref>.

== La Dynamique du ''Dasein'' ==
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<center>'''Sommaire de la section'''</center>
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* [[#La Mobilité du Dasein|La Mobilité du Dasein]]
** [[#La mienneté|La mienneté]]
** [[#Le devancement|Le devancement]]
** [[#Le dévalement|Le dévalement]]
** [[#Le projet-jeté|Le projet-jeté]]
** [[#L'être-en-dette|L'être-en-dette]]
** [[#L'être-vers-la-mort|L'être-vers-la-mort]]
** [[# L'être-en-retrait|L'être-en-retrait]]
* [[#La Spatialité du Dasein|La Spatialité du Dasein]]
* [[#Être-en-faute, Conscience et Résolution|Être-en-faute, Conscience et Résolution]]
* [[#Facticité et Contingence|Facticité et Contingence]]
* [[# L'être le plus inquiétant, le Dasein|L'être le plus inquiétant, le Dasein]]
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=== La Mobilité du Dasein ===
{{article détaillé|Phénoménologie de la vie religieuse|Heidegger et la question de l'existence}}

Plutôt que de « [[Mouvement (philosophie)|mouvement]] », qui est une catégorie traditionnelle, il est question ici de « mobilité », que l'[[Lexique de Martin Heidegger#Herméneutique|herméneutique]] et la phénoménologie des mouvements propres à la vie s'appliquent à pénétrer tels que celui de « [[Lexique de Martin Heidegger#Devancement|devancement]] », d'« [[Lexique de Martin Heidegger#Avoir à être|avoir à être]] », de « [[Lexique de Martin Heidegger#Dévalement|dévalement]]»<ref>{{harvsp|Sevanne Jollivet|2009|p=96}}</ref>.

À noter que cette « mobilité » n'est ni spatiale, ni temporelle, elle ne se déroule pas dans le temps, elle n'est donc pas non plus redevable de la psychologie ni de la volonté : il s'agit d'un « mouvement » immobile dans l'être même. Il faut comprendre les expressions : « être-hors-de-Soi » ou en « avant-de-Soi », comme être spécifiquement sur le mode du « [[Lexique de Martin Heidegger#Pouvoir-être|pouvoir-être]] », qui constitue leur caractère « [[Lexique de Martin  Heidegger#Historial|historial]] ». [[Didier Franck]]<ref>{{harvsp|Didier Franck|2004|p=20}}</ref>, parle à ce propos {{citation|d'un mouvement sans mobile, d'un mouvement qui ne déplace aucune ligne, dont ni l'espace, ni le temps ne sauraient donner la mesure. Non pas mouvement de l'être mais « mouvement d'être » qui est lui-même}}.

C'est spécialement à l'[[Heidegger et l'herméneutique|herméneutique]] appliquée à l'expérience de la vie religieuse<ref name="Heidegger2011">{{harvsp|Heidegger|2011|p=}}</ref> qu'il a intensément étudiée, que Heidegger doit selon [[Jean Greisch]]<ref name="Greisch2000p22-29">{{harvsp|Jean Greisch|2000|p=22-29}}</ref>, sa compréhension de la « mobilité » spécifique du ''{{lang|de|Dasein}}'' ; expérience marquée par la découverte de {{citation|la pesanteur, de la tentation, de la fuite devant soi et du dévalement à travers la notion religieuse de chute}}, tous éléments de la [[Lexique de Martin Heidegger#Vie facticielle|vie facticielle]] du croyant qu'il voit comme exemple [[wikt:Paradigmatique|paradigmatique]] du comportement « soucieux » de l'homme envers son propre être (voir [[Phénoménologie de la vie religieuse]]).

L'herméneutique nous découvre les divers moments de cette mobilité qui se rejoignent dans l'unité structurelle du « [[Lexique de Martin Heidegger#Souci|Souci]] » :
==== La mienneté ====
Ce phénomène, de la « [[Lexique de Martin Heidegger#Mienneté|mienneté]] » correspond à la traduction de [[Emmanuel Martineau]] de l'expression heideggérienne, ''{{lang|de|Jemeinnigkeit }}'' dont une traduction plus fidèle devrait être selon [[Hadrien France-Lanord]]<ref>{{harvsp|texte=article Être-chaque-fois-à-moi ''Le Dictionnaire Martin Heidegger ''|id=Dictionnaire|p=440}}</ref> {{citation|être-chaque-fois-à moi}} pour en rendre le sens dynamique : {{citation|c'est à chaque fois à moi qu'il revient d'être ou de ne pas être ce que j'ai à être}} (on trouvera un autre développement sur ce concept central à [[Heidegger et la question de l'existence|La Mienneté]]). Ce concept étroitement lié à l'existence est celui par lequel le ''{{lang|de|Dasein}}'' se rapporte continuellement à « lui-même ». Appartenant à l'existence, la « mienneté », est à chaque fois « [[Lexique de Martin Heidegger#Avoir à être|à être]] ». Ce qui veut dire que l'« être » du ''{{lang|de|Dasein}}'' est à « chaque fois » en jeu, à conquérir. Le retour sur soi - est le [[Lexique de Martin Heidegger#Phénomène|phénomène]] principal : le ''{{lang|de|Dasein}}'' se rapporte constamment à lui-même, comme à son « [[Lexique de Martin Heidegger#Pouvoir-être|pouvoir-être]] », d'où il ressort toujours en avance sur lui-même, deux directions de mouvements sont alors possibles, la fuite dans l'affairement auprès du monde et la dispersion<ref name="Larivée2001p30-50">{{harvsp|Larivée|Leduc|2001|p=30-50}}</ref>, ou, a contrario, le retour sur son pouvoir-être le plus propre (caractère de ce qui est propre), l'[[Lexique de Martin Heidegger#Authenticité|authenticité]], ou la perte dans l'inauthenticité<ref name="Greisch1994p114">{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=114}}</ref>.

==== Le devancement ====
Dans son existence, le ''{{lang|de|Dasein}}'' apparaît comme un être éternellement tendu vers son « [[Lexique de Martin Heidegger#Pouvoir-être|pouvoir-être]] » le plus [[Lexique de Martin Heidegger#Propriété|propre]] ; cela se traduit ontologiquement par l'idée d'un être toujours et par essence en « avance sur lui-même », qui se découvre « pouvoir-être », pure possibilité en se devançant. Ce mouvement qui le porte « en-avant de soi », en vue de son « pouvoir-être » authentique, sous l'injonction de l' « [[Lexique de Martin Heidegger#Avoir à être|avoir à être]] » de la « [[Être-en-faute#La voix de la conscience|voix de la conscience]] », Heidegger l'appelle [[Lexique de Martin Heidegger#Résolution anticipante|Résolution]] (''{{lang|de|Die vorlaufende Entschlossenheit}}''). Heidegger décrit cette Résolution comme {{citation|l'envol du  ''{{lang|de|Dasein}}'' à même ce qui se rencontre dans la situation en fait de possibilité dont il puisse se préoccuper.}} ''Être et Temps'' (SZ {{p.|338 }}). [[Françoise Dastur]]<ref>{{harvsp|Françoise Dastur|1990|p=65}}</ref> note que le devancement (''{{lang|de|Vorlaufen}}'') au sens heideggérien, en vue du « pouvoir-être » est directement en connexion avec l'être {{citation|proprement en vue de la mort}}, les deux mouvements se trouvant réunis dans la « [[Lexique Heidegger#Résolution anticipante|résolution devançante]] ».

==== Le dévalement ====
Le mouvement le plus caractéristique est celui de la chute du Soi dans l'impropriété du monde qui ne doit pas être conçu comme extérieur au ''{{lang|de|Dasein}}'' mais comme un mode d'être de celui-ci, le monde impropre est aussi au même titre, celui du ''{{lang|de|Dasein}}'' (''Être et Temps'' §38). Le ''{{lang|de|Die Verfallenheit}}'', ou « [[Lexique de Martin Heidegger#Dévalement|dévalement]] » et aussi comme autres traductions possibles « chute », « déchéance »  [du ''{{lang|de|Dasein}}'']. Ces termes doivent être purgés de leur sens dépréciatif note [[François Vezin]], il s'agirait soit d'un penchant naturel, d'un laisser-aller, soit d'un vouloir vivre sa vie, dans un rapport de plus en plus étroit avec le monde, qui se paye en contrepartie d'un éloignement vis-à-vis de son « [[Lexique de Martin Heidegger#Être-en-propre|être-en-propre]] », c'est-à-dire du centre de soi-même. La « pro-priété », ce qu'est le ''{{lang|de|Dasein}}'', en raison de ce qui lui appartient en propre, ou « l'être-authentique » est toujours perdu de vue et inlassablement à reconstituer. L' « être-là » de la [[Lexique Heidegger#Quotidienneté|quotidienneté]] verse immanquablement dans l'[[wikt:errance|errance]] et l'inauthenticité, il est toujours fini, toujours incomplet, toujours dispersé et accaparé dans le monde<ref group="N">. Ce caractère de dispersion est directement issu chez Heidegger de sa lecture des épîtres pauliniennes. On trouvera un long commentaire de cette influence dans-{{harvsp|Larivée|Leduc|2001}}</ref>.

==== Le projet-jeté ====
« [[Lexique de Martin Heidegger#Être-jeté|Être-jeté]] », ''{{lang|de|Die Geworfenheit }}'' le ''{{lang|de|Dasein}}'' a « toujours-déjà-été » : cet « [[Lexique de Martin Heidegger#Être-été|avoir-été]] » est partie intégrante de son existence, il porte ainsi comme toujours la charge de son « [[Lexique Heidegger#Être-été|être-été]] », toujours amputé d'un certain pouvoir-être originel<ref group="N">« L'« être-là » en tant qu'il est au monde, y est jeté ; il n'est jamais la cause (l'origine) de son « [[Lexique de Martin Heidegger#Être-au-monde|être-au-monde]] », et il en ignore la fin (dans les deux sens du terme »-{{harvsp|Alexander Schnell|2005|p=69}}</ref> ; comme projet, ''{{lang|de|Enwurf}}'', correspondant à quelque chose comme « être-jeté-se-projetant », il renonce à certaines possibilités de Soi. Dans son entente du monde, le ''{{lang|de|Dasein}}'', projette son être vers des possibilités<ref>{{harvsp|Jean-Pierre Cometti|1989|p=88}}</ref> comme projet en vue de soi-même, mais comme le remarque Jean-Paul Larthomas<ref name="Larthomas1989p102"/>, c'est dans une reprise de l'« [[Lexique de Martin Heidegger#Être-été|être-été]] », en revenant sur « l'[[Lexique de Martin Heidegger#Être-jeté|être-jeté]] » initial, que le ''{{lang|de|Dasein}}'' va chercher ses possibilités les plus propres.

[[Jean Greisch]] écrit<ref name="Greisch1994p191"/> {{citation|Le ''{{lang|de|Dasein}}'' n'existe qu'en se projetant vers des possibles, […] il est constamment plus qu'il n'est [[Lexique de Martin Heidegger#Facticité|factuellement]], […] il est donc «[[Lexique de Martin Heidegger#Existential|existentialement]] » ce qu'il n'est pas encore en son pouvoir-être factuel }}.

==== L'être-en-dette ====
Le ''{{lang|de|Dasein}}'' est, de par sa constitution, toujours en manque de quelque chose. Il se comprend, ''{{citation|mais se comprend mal}}'', comme une chose au milieu d'autres choses. Pour autant, l'erreur sur le « soi » ne concerne que la vision existentielle de la vie (l'affairement au monde), et nullement la pré-science ontologique qu'a le ''{{lang|de|Dasein}}'' de lui-même à travers l'appel lancinant de la conscience qui le somme, en étant à la hauteur de sa tâche, de se préoccuper de son « [[Lexique de Martin Heidegger#Être-en-propre|être en propre]] ». Cet appel qui s'adresse au ''{{lang|de|Dasein}}'' perdu dans le « ''[[Lexique de Martin Heidegger#On|On]]'' » que Heidegger attribue dans un mouvement de rétroversion au ''{{lang|de|Dasein}}'' lui-même, à celui qu'il pourrait être.

==== L'être-vers-la-mort ====
C'est en découvrant la « temporalité du ''{{lang|de|Dasein}}'' » que Heidegger va mettre à jour le fondement de sa mobilité essentielle qu'il attribue à l'expérience limite de ''[[Être-vers-la-mort|l'Être-pour-la-mort]]''<ref name="Dastur1990p56-73">{{harvsp|Françoise Dastur|1990|p=56-73}}</ref>.

==== L'être-en-retrait ====
Dans un de ses livres<ref>''De l’essence de la vérité. Approche de l’allégorie de la caverne et du Théétète de Platon''</ref>, Heidegger fait appel à [[Homère]] pour exposer un autre trait essentiel de l'homme, le « demeurer-en-retrait ». [[Didier Franck]]<ref>{{harvsp|Didier Franck|2004|p=52-53}}</ref> souligne un [[Lexique de Martin Heidegger#Phénomène|phénomène]] notable relevé par Heidegger à propos d'un épisode de l'[[Odyssée]] relatant {{citation|les larmes cachées d'Ulysse}}, loin de sa patrie, lors d'un repas festif, offert en son honneur {{citation|Alors que pour nous, Ulysse pleure sans être remarqué par les autres convives, à l'inverse il apparaît aux Grecs comme nimbé d'un retrait qui le soustrait aux regards de l'assistance}}. Pour Heidegger ce n'est pas Ulysse qui se cache mais l'« être-pleurant » qui reste en retrait et qui est donc une manifestation du « [[Lexique de Martin Heidegger#Retrait|retrait de l'être]] ».

=== La Spatialité du Dasein ===
{{article détaillé|Heidegger et le problème de l'espace}}
La question de la « spatialité » du ''{{lang|de|Dasein}}'' est abordée à partir des livres de [[Didier Franck]]<ref>{{harvsp|Didier Franck|1986}}</ref> et de Françoise Dastur<ref name="Dastur2011">{{harvsp|Françoise Dastur|2011|p=45, sq}}</ref>, ainsi que l'ouvrage de référence ''[[Être et Temps]]''<ref name="Heidegger1990§70">{{harvsp|Heidegger|1990|p=§70}}</ref>.

#Parler de la « spatialité » du ''{{lang|de|Dasein}}'' c'est s'interroger sur son « sens spatial », et pas seulement de l'occupation d'un certain espace. Pour aborder ce « sens spatial » il convient ici aussi remiser momentanément la notion d'espace au sens physique, c'est-à-dire celui d'un espace habité par une quantité d'[[étant]]s. Le « sens spatial », dont il est question, ressort avec vigueur de la transposition française du ''{{lang|de|Dasein}}'' en « [[Lexique Heidegger#Être-le-là|être-le-là]] », ce « là » qui appartient à la définition du ''{{lang|de|Dasein}}'' lui-même, évoque un lieu, un [[Lexique Heidegger#Décèlement|décèlement]], une [[Lexique Heidegger#Ouverture|ouverture]]<ref>{{harvsp|Didier Franck|1986|p=18}}</ref>. C'est à même ce lieu que s'expose le monde. Mais cet être n'est pas abstrait, il est à chaque fois « le mien », celui qui est l'objet de mon souci, « la [[Lexique Heidegger#Mienneté|mienneté]] » est le rapport du ''{{lang|de|Dasein}}'' à son être qui rend possible le « je », « spatialement incarné et sexué »<ref name="Franck1986p31"/>.
#Le phénomène fondamental est toujours l'« [[Lexique Heidegger#Être-au-monde|être-au-monde]] » à partir de quoi une détermination spatiale doit pouvoir être exposée. {{citation|L'espace n'est compréhensible qu'à partir de la « [[Lexique de Martin Heidegger#Monde|mondéité]] » parce que l'espace est dans le monde et non le monde dans l'espace}} nous dit [[Didier Franck]]<ref>{{harvsp|Didier Franck|1986|p=41}}</ref>. Ce monde, c'est l{{'}}''{{lang|de|Umwelt}}'', « le monde ambiant » qui s'étend sur tous les étants dont le ''{{lang|de|Dasein}}'' a le souci. Les ''étants'' s'organisent en complexes d'outils, en contrées (exemple : la table de travail avec livre, cahier, stylo…). Jamais il n'y a primitivement perception d'objet séparé<ref name="Franck 43"/>. C'est la [[Lexique Heidegger#Préoccupation|préoccupation]] qui assure le discernement du ''{{lang|de|Dasein}}'' quotidien, c'est elle qui se heurtant au dysfonctionnement, découvre tout à coup l'objectivité de l'objet, cachée à ses yeux jusqu'ici.
#La finalité est prioritairement ce qui se dévoile dans la préoccupation du ''{{lang|de|Dasein}}'' auprès du monde (le marteau sert à enfoncer un clou, le clou à réparer une semelle, la semelle complète le soulier, etc.). Il n'y a d'« [[Lexique Heidegger#Comprendre|entente]] », note Didier Franck<ref>{{harvsp|Didier Franck|1986|p=50}}</ref> d'un étant intra-mondain au sens ontologique que {{citation|après avoir compris, c'est-à-dire, projeté l'ensemble du complexe référentiel dont il constitue l'ancrage dernier}} et {{citation|ces rapports, cramponnés les uns aux autres en une totalité originaire, sont ce qu'ils sont en tant que référer-signifiant par lequel le ''{{lang|de|Dasein}}'' se donne d'avance à comprendre son être-au-monde}}<ref>{{harvsp|Didier Didier Franck|1986|p=51}}</ref>. Si l'on considère que l'expression « être-au-monde » n'a nullement le sens d'une inclusion (dans un espace), mais celui d'un « habiter »<ref>{{harvsp|Didier Franck|1986|p=58}}</ref> : autrement dit, une façon d'être à l'espace, un mode de spatialisation, alors le ''{{lang|de|Dasein}}'' va habiter un monde dans lequel il a ses aises (''{{lang|de|Wesen}}'', voir [[Lexique Heidegger#Wesen|Wewen]]), monde qui se distribue en contrées fonctionnelles dans lesquelles les étants, comme {{citation|outils respectent leur appartenance finalisée à un ensemble}}<ref>{{harvsp|Didier Franck|1986|p=67}}</ref>. Dans son commerce avec le monde ambiant, le ''{{lang|de|Dasein}}'' est essentiellement « é-loignant » qui dans le sens que lui donne Heidegger, correspond à une constitution d'être du ''{{lang|de|Dasein}}'' signifiant une propension à {{citation|abolitir le lointain}} en laissant venir à son encontre ([[Lexique Heidegger#Laisser être|laisser être]]) dans la proximité<ref>{{harvsp|Didier Franck|1986|p=82}}</ref>. C'est à partir de la préoccupation quotidienne que les lieux, les places et les voies de passage sont dévoilés, pour donner spontanément un espace articulé faisant sens. L'espace en tant que pur espace quantitatif, celui de l'expérience quotidienne, homogène, isotrope, continu et illimité, disparaît, pour le retrouver nous devons faire un sérieux effort d'abstraction.
#Les deux traits fondamentaux du caractère spatialisant du ''{{lang|de|Dasein}}'' sont sa tendance à la proximité et aussi son caractère orientant à travers l'organisation de contrées. {{citation|La proximité ou la distance ne sont pas des grandeurs fixes ..car elles se plient à un critère très précis : la [[Lexique Heidegger#Préoccupation|préoccupation]] circonspecte décide de ce qui lui est proche ou lointain}} écrit Jean Greisch<ref name="Greisch1994p151">{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=151}}</ref>. Le plus éloigné physiquement peut ainsi être le plus proche. La possibilité de penser la spatialité et notamment l'orientabilité du ''{{lang|de|Dasein}}'' soulève la question du corps que les deux commentateurs Jean Greisch et Françoise Dastur reconnaissent manquer dans l'analyse existentiale et ce manque poser problème.
#Françoise Dastur<ref>{{harvsp|Françoise Dastur|2011|p=51}}</ref> écrit : {{citation|le ''{{lang|de|Dasein}}'' ne peut jamais être présent dans l'espace à la manière d'une chose, Il n'est, en effet, pas seulement présent dans l'espace que remplit son corps, mais il « occupe », au sens littéral du terme, de l'espace}} sur le fond de sa préoccupation. [[Hans-Georg Gadamer|Gadamer]]<ref name="Gadamer42" /> écrit {{citation|dans sa finitude et son historicité, ''{{lang|de|Dasein}}'' n'en est pas moins un « là », un « ici » }} mais aussi un « là-bas », un proche et un lointain, ''{{lang|de|Nähe und Ferne }}'') comme il est dans sa temporalité, {{citation|un présent dans l'instant, un « à-venir » et un « avoir-été », une plénitude de temps et un lieu de rassemblement de tout ce qui est}}. Le ''{{lang|de|Dasein}}'' porte son « espace » et son « temps » avec lui.

=== Être-en-faute, Conscience et Résolution ===
[[File:Skrik 1893.jpg|thumb|left|Le cri d'[[Edvard Munch]].]]
{{article détaillé|Être-en-faute|Être-avec}}
C'est à travers l'expérience de sa [[Lexique Heidegger#Finitude|finitude]] que le ''{{lang|de|Dasein}}'' se découvre, selon l'expression de Heidegger, « [[Lexique Heidegger#Être-en-faute|en faute]] ». Du jour de son existence, Heidegger parle d'existence [[Lexique Heidegger#Être-jeté|jetée]], il est remis à lui-même et responsable de lui-même, sans jamais avoir été maître de son propre fondement<ref name="Dubois2000p79">{{harvsp|Christian Dubois|2000|p=79}}</ref>. De plus, comme « être jeté-se-projetant » (ayant des projets), il renonce par contre-coup, à certaines possibilités de « Soi » qui auraient pu être, renoncement qui représente une seconde source de négativité. Or jeté dans l'existence, il existe comme vivant comprenant toujours déjà « QUI, il peut être », « QUI, il est » et « QUI, il a à être »<ref name="Heidegger1990p333">.{{harvsp|Heidegger|1990|p=333}}</ref>. La conscience qui lui révèle son être possible n'est autre que l'appel du ''{{lang|de|Dasein}}'' lui-même en tant {{citation|qu'il a à être et qu'il n'est pas '''à''' ce qu'il est<ref name="Greisch1994p284_298">{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=284-298}}</ref>}}. À noter que cette conscience, qui n'est pas autre chose que le ''{{lang|de|Dasein}}'' lui-même dans ses profondeurs, n'a dans l'esprit d'Heidegger, aucun caractère moral, juridique ou psychologique.

La conscience ''{{lang|de|Gewissen }}'' ramène le ''{{lang|de|Dasein}}'', perdu dans le « ''[[Lexique Heidegger#On|On]]'' », à son être en propre, qui est l{{'}} ''[[Être-en-faute]]'', pétri de négativité<ref name="Dubois2000p80_81">{{harvsp|Christian Dubois|2000|p=80-81}}</ref>. Sur l'injonction de « [[Lexique Heidegger#Voix de la conscience|la voix de la conscience]] » {{citation|qui n'est pas l'attribut de quelque chose qui serait comme une conscience}}, le ''{{lang|de|Dasein}}'' s'ouvre à lui-même comme il est ouvert au monde. C'est cette « [[Lexique Heidegger#Ouverture|ouverture]] » à soi-même, dans son intime vérité, qu'Heidegger nomme ''[[Lexique Heidegger#Résolution anticipante|Résolution]]'', cette Résolution, qui est aussi transparence, fait écho, {{citation|la décision volontaire en moins}}, à l'injonction augustinienne {{citation|à ne pas s'en laisser conter}}. À noter qu'il ne s'agit pas d'un enfermement sur Soi et que le ''{{lang|de|Dasein}}'' [[Heidegger et la question de l'existence#La Résolution anticipante|résolu]], inquiet pour son être, reste toujours « [[#L'Être-au-monde|être-au-monde]] », il est toujours auprès des autres mais dorénavant, à partir de lui-même, et non plus sur la base d'un comportement moyen public et dans cette mesure il devient apte à accueillir le ''[[Lexique Heidegger#Propriété|propre]]'' d'autrui, c'est-à-dire autrui dans sa vérité non mondaine<ref name="Dubois2000p81">{{harvsp|Christian Dubois|2000|p=81}}</ref>.Il reste à bien préciser que cet appel de la conscience ne consiste pas à présenter une option à la manière du libre-arbitre mais à « laisser apparaître la possibilité d'un se-laisser-appeler hors de l'égarement du « [[Lexique Heidegger#On|On]] » »<ref name="Sommer2005p247"/>. Entendre l'appel de la « [[Lexique Heidegger#Voix de la conscience|voix de la conscience]] » correspond donc à rester « éveillé ».

=== Facticité et Contingence ===
L'analyse des modes marquants de l'« [[Lexique Heidegger#Vie facticielle|existence facticielle]] », autrement dit les [[Lexique Heidegger#Situation|situations]] concrètes successives du ''{{lang|de|Dasein}}'' dans son quotidien est potentiellement infinie<ref name="Greisch2000p17">{{harvsp|Jean Greisch|2000|p=17}}.</ref>.

Il suffit de décliner les termes de peur, d'emballement, de tentation, de désir, de répulsion, de culpabilité, de fragilité, de chute, de dispersion, de fuite, de fardeau, de faillibilité et d'empêtrement dans des situations impossibles, tous ces termes recouvrent des vécus qui correspondent à l'emportement et à la confusion de la vie concrète de l'homme, dans la tribulation de l'existence, d'un homme qui ne cesse pas de se perdre et de se retrouver. [[Jean Greisch]] fait dans son ouvrage « ''L'Arbre de vie et l'arbre du savoir''<ref>{{harvsp|Jean Greisch|2000|p=}}</ref> » une ample description du contenu de ces phénomènes. [[Michel Haar]]<ref>{{harvsp|Michel Haar|1996|p=71}}</ref>  résume ainsi {{citation|le mouvement fondamental de la [[Lexique Heidegger#Vie facticielle|vie facticielle]], c'est-à-dire de notre vie d'aujourd'hui est penchant ou inclination : l'inclination du souci est éparpillement dans les activités ou les préoccupations et mouvement vers soi...la facticité dispersée s'efforce de se masquer le vide de sa constante fuite de soi et perte de soi}}.

=== L'être le plus inquiétant, le Dasein ===
{{article connexe|Introduction à la métaphysique}}
Autre trait particulièrement mis en évidence par [[Martin Heidegger|Heidegger]] dans ''[[Introduction à la métaphysique]]''<ref>{{harvsp|Heidegger|1987|p= }}</ref>{{,}}<ref group="N">« Pour tous les lecteurs de Heidegger depuis des générations, l’''Introduction à la métaphysique'' aura été un document décisif pour comprendre le chemin parcouru, par Heidegger dans les années trente et cerner le fameux tournant ; le cours inaugurait -en effet en rupture tranchée avec les cours de [[Marbourg]] et ''Sein un Zeit''- une nouvelle lecture de la pensée grecque à travers le retour aux paroles les plus anciennes de la philosophie (Parménide, Héraclite) mais aussi des Tragiques, Eschyle mais surtout Sophocle » . ''L'Introduction à la métaphysique de Heidegger'' [http://www.vrin.fr/html/main.htm?action=loadbook&isbn=2711619346 {{p.|13}}.], publié par Jean-Francois Courtine.</ref>, le caractère terrible, effrayant et violent « ''{{lang|de|Gewalt-tätigkeit}}'' » du ''{{lang|de|Dasein}}'' dans son essence.

<center>πολλὰ τὰ δεινὰ κοὐδὲν ἀνθρώπου δεινότερον πέλει.
τοῦτο καὶ πολιοῦ πέραν πόντου χειμερίῳ νότῳ….</center>
<center>Multiple l'inquiétant, rien cependant au-delà de l'homme, plus inquiétant…</center>
<center> Traduction par Heidegger du 1 chœur d'Antigone (ve 332-375)</center>
Parmi tous les étants, l’homme est celui qui est le plus {{citation|in-quiétant}} ; parce qu'il surgit hors de ses limites, transgresse les frontières du familier, il est, essentiellement, expulsé au dehors de toute possibilité de quiétude. La sentence prononcée par le « chœur » n'énoncerait pas une qualité particulière de l'homme mais donnerait, ici, ce qui peut être considéré comme la véritable vision grecque de l'homme<ref>Gerard Guest Paroles des Jours {{30e}} Conférence 03/2013 vidèo 11 http://parolesdesjours.free.fr/seminaire30.htm</ref>.

== La Finitude du Dasein ==
{{article connexe|Être-en-faute|Finitude|Phénoménologie de la vie religieuse}}
Comme pour l'être chez Aristote, la [[Finitude]] ou ''{{lang|de|Endlichkeit}}'' se dit de multiples manières, la plupart d'entre elles apparaissent chez Heidegger comme une transposition d'origine religieuse. Dans la pensée chrétienne, la [[Finitude]] désigne chez les Pères grecs, ce qui {{Citation|dans la création est marqué par l’imperfection radicale de ne pas être Dieu}}<ref>{{harvsp|Franz-Emmanuel Schürch|2010|p=7}}</ref>. Plus tard, chez  [[Martin Luther|Luther]], la corruption assimilée au péché  et au néant, qui pour Heidegger constitue le pendant religieux du concept existential de la « [[Lexique Heidegger#Dévalement|déchéance]] », ''{{lang|de|Verfallen}}'', occupe une place exorbitante<ref>{{harvsp|texte=''Le problème du péché dans Le jeune Heidegger1909-1926''|id=Le jeune Heidegger|loc=notes4-5-6}}</ref>.

Comme le remarque Christian Sommer<ref name="Sommer2005p122">{{harvsp|Christian Sommer|2005|p=122}}</ref>, tout '' [[Être et Temps]] '' est imprégné de motifs [[nouveau Testament|néotestamentaires]] ; ainsi dans toute l'analytique du ''{{lang|de|Dasein}}'', le thème de la [[Finitude]], d'origine paulinienne, y tourne autour du même constat de la « Nihilité » ou de l'« insondable vacuité » du vivant humain qui s'expose à travers des thèmes fondamentaux, comme ceux d'[[Être-en-faute]] ou d'[[Être-vers-la-mort]].

=== Les thèmes classiques fondamentaux de la Finitude ===
Le concept de « finitude » reprend plus ou moins, jusqu'à ''[[Être et Temps]]'' l'idée traditionnelle d'imperfection déclinée selon les thèmes suivants :
==== L'entente ou compréhension ====
L'« [[Lexique Heidegger#Comprendre|entente]] » ou compréhension, qui d'un côté ouvre le monde et le possible mais qui aussi, en son sens primordial, dévoile à l'homme, qui sait de son propre chef, à tout moment, dans un esprit augustinien, {{citation|où il en est avec lui-même}}, son insécurité fondamentale et le danger que court « son pouvoir être authentique». Hans-Georg Gadamer<ref>{{harvsp|Hans-Georg Gadamer|id=Interprétations phénoménologiques d'Aristote 1992|p=14}}</ref> note que si le jeune Heidegger est sensible à cet « éclairement », à ce qu'il appelle à plusieurs reprises sa ''{{lang|de|Durchsichtigmachen }}'' il prend ultérieurement conscience {{citation|de ce qu'une opacité irréductible constitue l'essence propre de l'histoire et du destin humains}}. Il y a donc ce rapport de l'homme à l'être en tant que seul l'homme a une entente de l'être mais aussi en retour souligne Dominique Saatdjian<ref>{{harvsp|texte=article Finitude ''Le Dictionnaire Martin Heidegger ''|id=Dictionnaire|p=489}}</ref>. la relation de l'être à l'homme en tant que l'être a besoin de l'homme. D'où cette idée étonnante d'une double finitude et notamment de la finitude de l'être qui fera scandale dans la théologie chrétienne. Emilio Brito souligne<ref>{{harvsp|Emilio Brito|1997|p=352-374}}-lire en ligne</ref> {{citation|être « ''il n'y a'' », qu'avec la révélation ''{{lang|de|Erschlossenheit }}'' spécifique qui caractérise la compréhension de l'être. Dans cette optique, l'être est toujours référé au  ''{{lang|de|Dasein}}''  et ne peut être pensé sans rapport à lui}}.

==== L'angoisse ====
L'« [[Lexique Heidegger#Angoisse|angoisse]] » {{citation|qui revêt dans l'analyse existentiale un sens tout à fait neuf}}<ref name="Dicop75">{{harvsp|texte=''Le Dictionnaire Martin Heidegger'' article Angoisse|id=Dictionnaire|p=75}}.</ref> révèle l'insignifiance du monde et la futilité de tous les projets de la préoccupation quotidienne. Par contrecoup, cette impossibilité amène au jour, la possibilité d'un {{citation|pouvoir-être propre}}, dégagé des préoccupations mondaines. [[Emmanuel Levinas]]<ref name="Levinasp74">{{harvsp|Emmanuel Levinas|1988|p=74}}</ref> note {{citation|En faisant disparaître les choses intra-mondaines l'angoisse interdit la compréhension de soi-même à partir des possibilités ayant trait à elles et elle amène ainsi le  ''{{lang|de|Dasein}}'' à se comprendre à partir de lui-même, le ramène à soi-même}} . Guillaume Fagniez<ref name="Dicop75"/> souligne {{citation|ce qui fait de l'angoisse une tonalité unique, c'est qu'elle offre un aperçu saisissant direct et complet, sur l'existence, découvrant du même coup son être comme « souci »}}

==== La déchéance ou dévalement ====
Le [[Lexique Heidegger#Dévalement|dévalement]], ''{{lang|de|Die Verfallenheit}}'', correspond à la « [[Lexique Heidegger#Vie facticielle|vie facticielle]] » qui se dissout et s'aliène dans la multiplicité et l'affairement, auquel tente de s'opposer un contre mouvement de retenue et de retour à l'unité. Le ''{{lang|de|Dasein}}'' responsable de lui-même souffre d'un « verrouillage » du chemin d’accès à soi-même que lui impose l'opinion moyenne en l'enfermant dans des « évidences » qui se présentent comme un abri construit de fausses théories et d'illusoires sécurités<ref name="Sommer2005p122"/>.

==== La mort ====
Le ''[[Lexique Heidegger#On|On]]'', l'opinion commune, cherche à surmonter la mort en faisant miroiter le réconfort d'un au-delà ou bien en disant que la mort n'est pas encore là<ref>{{harvsp|Jean Grondin|1987|p=85-86}}</ref>. C'est l'angoisse qui nous délivre de cette pression, qui nous fait passer d'emblée d'un mode d'être déchu à l'autre, au mode "authentique". Une telle angoisse nous projette face au [[Néant (philosophies occidentales)|Néant]] devant lequel le plus intime de nous-même (l'essence de notre être) se trouve définitivement ''annihilé''. Le ''{{lang|de|Dasein}}'' promis au Néant, existe de façon finie. Avec le ''mourir'', le ''{{lang|de|Dasein}}'' authentique comprend qu'à chaque instant, la vie a un sens et que la seule certitude qui lui reste c'est que ce sens ne sera jamais parachevé. Le sens de l'existence n'est alors plus à penser comme un accomplissement<ref>JL Nancy, dans {{harvsp|texte=''Les Nouveaux chemins de la connaissance'', France Culture, 17 mai 2011.|id=Enthoven2011b}}</ref>.

La [[Finitude]] du ''{{lang|de|Dasein}}'' s'affirme, sans le dire expressément, de bien d'autres manières que détaille sommairement Maurice Corvez<ref group="N">ainsi citées en vrac : le fait que tout pro-jet se trouve jeté, c'est-à-dire déterminé par le déjà existant, la négativité lui étant constitutive ; le constat que la temporalité mise en œuvre est circulaire et finie ; la position d'écoute du ''{{lang|de|Dasein}}'' vis-à-vis des injonctions de l'Être ; le fait que pour s'entendre le ''{{lang|de|Dasein}}'' ait besoin du monde ; c'est l'histoire de la « [[Heidegger et la question de la vérité|vérité]] » de l'Être qui commande sa propre compréhension ; le constat que toute possibilité existentielle de l'être-jeté implique le retrait d'autres possibilités ; enfin et en toute rigueur la ''« [[Lexique Heidegger#Unheimlichkeit|Die Unheimlichkeit]] »'', le à jamais « ne pas être chez Soi » examiné plus haut est un des traits les plus caractéristiques de la finitude humaine-{{harvsp|Corvez|1961|p=}}</ref>.

=== La radicalisation du thème de la Finitude ===
{{article connexe|Finitude}}
Dans ses œuvres tardives, la pensée de la « finitude » se trouve mis en rapport avec celle de « liberté ».

Parce que nous « avons à être », que l'être dont nous avons à répondre n'est jamais définitivement acquis, la finitude devient notre espace de liberté, en l'exerçant, en nous y « [[Lexique Heidegger#Appropriation|ap-propriant]] » à l'être, nous faisons l'épreuve de notre condition humaine. Devenant le garant de notre liberté, notre « finitude » essentielle, prend une tout autre signification, comme le note Dominique Saatdjian<ref>{{harvsp|texte=''Article Finitude,Le Dictionnaire Martin Heidegger''|id=Dictionnaire|p=490}}</ref>. À travers la « [[Être-vers-la-mort#La mort assumée dans la conscience authentique|conscience authentique de la mort]] » la « [[Lexique Heideggr#Voix de la Conscience|voix de la conscience]] » va être l'instrument qui va se charger de ramener l'existant perdu dans le « [[Lexique Heideggr#On|On]] » à son être même, en l'invitant à s'assumer dans sa finitude radicale d'être sans fondement et sans lieu, c'est-à-dire dans sa vérité<ref>{{harvsp|Christian Dubois|2000|p=80}}</ref>.

[[Hans-Georg Gadamer]]<ref>{{harvsp|Hans-Georg Gadamer|2002|p=151}}</ref>, note que {{citation|ce n'était pas malgré, mais à cause de sa finitude et de son historicité, que le ''{{lang|de|Dasein}}'' incarnait le sol authentique à partir duquel il devenait possible de comprendre des modes dérivés comme ceux de l'étant-subsistant ou de l'objectivité}} et les modes dérivés de la métaphysique classique le Monde, le Temps, le Sujet.

Dans les années 1930, Heidegger en arrive à dire que l’homme est plus grand qu’aucun dieu ne pourra jamais être, thème qu'il confirmera dans les ''[[Apports à la philosophie : De l'avenance|Beitrage]]'' ; disant cela on ne voit plus comment il pourrait continuer à définir la Finitude comme une imperfection<ref>{{harvsp|Franz-Emmanuel Schürch|2010|p=9}}</ref>(voir sur ce sujet l'article [[Finitude]]).
{{citation bloc|Plus originelle que l'homme est la Finitude du ''{{lang|de|Dasein}}'' en lui.|{{harvsp|Heidegger|1990|id=QuestionsIetII|texte=Heidegger, Questions I & II|p=32}}}}

Dans le Kantbuch, il opère un renversement saisissant, {{Citation|il n’y a d’être et il ne peut y en avoir que là où la finitude s’est faite existence}} . La finitude conclut Schurch est ainsi {{citation|non pas ce qui empêche la connaissance, mais ce qui la rend possible}}<ref>{{harvsp|Franz-Emmanuel Schürch|2010|p=15}}</ref>.

== Le Dépassement de la Subjectivité ==
[[Fichier:Descartes2.jpg|upright=0.70|vignette|alt=Gravure ancienne|Le philosophe [[René Descartes]], auteur de cette célèbre formule.]]
Remontant en deçà de [[René Descartes|Descartes]] qui avait découvert le « Je » du [[Cogito ergo sum|Cogito]] tout armé dans l'évidence du « Je pense », Heidegger reprend la vieille question [[Scolastique]] de l'origine du « Soi » et de la subjectivité. Tout en visant la destruction de la conception du sujet souverain cartésien, pour lui dépourvue de fondement, Heidegger, n'en a pas moins travaillé surtout dans ''Être et Temps'' à pousser progressivement le ''{{lang|de|Dasein}}'' vers un « isolement » et une « singularisation » encore plus radicale, souligne [[Jean-François Marquet]]<ref>{{harvsp|Jean-François Marquet|1996|p=193}}</ref>, alors que, à l'inverse, Guillaume Badoual<ref>{{harvsp|texte=''Le Dictionnaire Martin Heidegger article Anthropologie''|2013|id=Dictionnaire|p=80}}</ref> écrit dans le Dictionnaire {{citation|toute orientation cherchant à faire de l'analytique du  ''{{lang|de|Dasein}}'' le point de départ d'une compréhension rénovée de la subjectivité et à refonder la métaphysique sur cette base est définitivement récusée}}.

=== Récusation de l'ego cartésien ===
Christian Dubois<ref>{{harvsp|Christian Dubois|2000|p=46}}</ref> souligne que pour Heidegger la possibilité même de dire « Je » dans la formule de l'« ego cogito » cartésien {{citation|présuppose la permanence d'un fond qui reste constant sous le change des vécus, c'est-à_dire un « sujet » comme ''{{lang|grc-Latn|hypokeimenon}}'' . Le sens ontologique général auquel on se réfère est ici la « subjectité ou subjectivité », or ce sens d'être c'est celui qui caractérise l'« étant sous-la-main » quelconque, c'est-à-dire substantiel et présent, et non pas le ''{{lang|de|Dasein}}'' qui n'est rien de tout ça}}. Jean Greisch<ref name="Greisch1994p159" /> précise que {{citation|quelle que soit la légitimité [[Lexique Heidegger#Ontique|ontique]] de cette identification, elle est ontologiquement inadéquate, parce qu'elle ne nous apprend rien sur la manière d'être du ''{{lang|de|Dasein}}''. Il n'y a jamais de sujet sans monde et isolé}} ''Être et Temps'' (SZ {{p.|117}}). L'ego reste inquestionné quant à son sens « [[Lexique Heidegger#Existential|existential]], c'est-à-dire quant à ses conditions de possibilité »<ref group="N">L'« existentiel » rattaché à ''ontique'' concerne l'activité concrète d'un ''{{lang|de|Dasein}}'' déterminé ainsi que toutes les espèces de comportement qu'il peut avoir dans la vie quotidienne. L'« existential » est l'approche [[ontologie (philosophie)|ontologique]] qui recouvre le ''{{lang|de|Dasein}}'' en général et son rapport privilégié à l'être.</ref>. En définitive, {{citation|les concepts directeurs de la philosophie moderne de la « conscience », ceux de « sujet » et d' « objet », mais aussi leur identité dans la pensée spéculative apparaissent de la même manière comme des constructions dogmatiques}} écrit Gadamer<ref>{{Harvsp|Hans-Georg Gadamer|2002|p=144}}</ref>.

=== Du monde vécu au monde du soi ===
Pour Heidegger, dans son approche de la « [[Phénoménologie de la vie (Heidegger)|phénoménologie de la vie]] », la première articulation, le premier donné de la « [[Lexique Heidegger#Vie facticielle|vie facticielle]] », c'est sa familiarité avec le monde du vécu<ref>{{harvsp|Jean Greisch|2000|p=61}}</ref>. Ce qui s'avère premier ce ne sont pas des vécus psychiques isolés mais des « [[Lexique Heidegger#Situation|situations]] » toujours changeantes, qui vont déterminer autant de lieux spécifiques de compréhension de ce « moi-même » ; ce que l'on rencontre en premier, ce n'est pas l'« ''ego'' », c'est l'« aiguisement », ''Zugespitzheit''<ref group="N">souvenir de lecture de [[Søren Kierkegaard|Kierkegaard]]</ref> de la vie facticielle autour du monde propre, du « [[Lexique Heidegger#Monde du Soi|monde du Soi]] » (''Selbstwell'')<ref>{{harvsp|Jean Greisch|2000|p=63}}</ref>.

Dans cette approche, ce qui est phénoménologiquement premier n'est pas le « Je », mais seulement  {{citation|un vécu de quelque chose}}, {{citation|un vivre vers quelque chose}} (''{{lang|de|etwas }}'')<ref>{{harvsp|Sophie-Jan Arrien|2001|p=59}}</ref>. Avec la réduction phénoménologique, le « Comment » va l'emporter sur le « Quoi », il ne s'agit pas de revenir sur le soi en tant qu'étant, mais sur ce qui dans le soi est proprement soi-même, une certaine manière de {{citation|vivre le monde}}, dans sa plénitude<ref>{{harvsp|Jean-François Marquet|1996|p=196}}</ref>.

Heidegger exprime cette priorité du vécu sur l'expérience théorique à travers la pré-séance de la [[Lexique Heidegger#Significativité|significativité]] du monde ambiant, alors que le « Je » ne se reçoit que dans l'expérience vécue du monde. Sophie Jan-Arrien a cette phrase : {{citation|le Je apparaît dans le décentrement même qu'exige de lui l'expérience vécue}}. On ne peut que constater, à ce stade, ce phénomène qui veut qu'à toute expérience vécue s'installe un monde du Soi « approprié » (au sens de conforme), le ''{{lang|de|Selbstwelt }}'', qui va chez Heidegger se substituer au terme ambiguë du « Je ».

Le « Je » ou Monde du Soi n'est plus une fonction première et spontanée -- psychique ou transcendantale -- apte à constituer du sens et de la connaissance, il advient à lui-même dans une expérience déterminée du monde qui est l'expression d'une situation qui porte une [[intentionnalité]] complexe propre à la vie ; {{citation|le « Je » apparaît avec la significativité du monde ambiant plutôt qu'il ne la constitue-}}<ref>{{harvsp|Sophie-Jan Arrien|2001|p=60-63}}</ref>. Ce retour au soi-même ne veut pas dire sous forme de substrat ou de fondement mais dans une expérience incessante et renouvelée qui constituera la seule réalité originaire.

Avec l'apparition du ''{{lang|de|Dasein}}'' {{citation|mortel}}, la question de la « subjectivité » ou de l'« individualisation » va prendre une tout autre tournure.

=== La question de l'individuation ===
[[Fichier:La Solitude.JPG|vignette|gauche|alt=Peinture représentant une grotte dans des couleurs sombres s'ouvrant sur une forêt, avec au loin l'horizon et la lumière|La Solitude, tableau de [[Théodore Caruelle d'Aligny]].]]
Face à la multiplicité des expériences vécues et successives, Heidegger s'interroge : qu'en est-il de l'unité du ''{{lang|de|Dasein}}'', s'il se rapporte de diverses façons à des mondes multiples ? Comment comprendre la cohésion de toute une vie entre naissance et mort ? Peut-on simplement postuler une succession ininterrompus de vécus psychiques qui s'enchaînent les uns après les autres pour former le moi<ref name="Greisch 354">{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=354}}</ref> ? Faut-il consentir à réintroduire le « Je », l'« ego », le « moi substantiel » de la métaphysique ? Par quel biais comprendre l'unité incontestable du ''{{lang|de|Dasein}}'' sans l'identifier à de la présence constante ?

==== Souci et individuation ====
Avec ''[[Être et Temps]]'' l'« isolement », la ''{{lang|de|Vereinzelung}}'' ( à le pas confondre avec la « solitude » l{{'}}''{{lang|de|Einsamkeit }}'') ou la singularisation apparaît dans un premier temps liée (§ 40), à la thématique du « [[#L'Être comme Souci|Souci]] » et de l'« [[Lexique Heidegger#Angoisse|angoisse]] » puis à partir du (§ 62) s'y rajoute celle de l'« [[Être-en-faute#La voix de la conscience|appel de la conscience]] » qui conduit au repli solitaire du ''{{lang|de|Dasein}}'' en le ramenant, à son être au monde le plus propre. Quoi qu'il en soit c'est dans l'individuation opérée par l'angoisse, au prix de l'anéantissement du monde quotidien, que l' « être-là » est réduit à ses possibilités fondamentales<ref>{{harvsp|Christian Sommer|2005|p=162}}</ref>. [[Emmanuel Levinas]]<ref name="Levinasp74"/> note {{citation|Le souci angoissé fournit la condition ontologique de l'unité de structure de l' « être-au-monde »}}. Heidegger ira jusqu'à dire que l'angoisse ouvre le ''{{lang|de|Dasein}}'' comme '' {{citation|solus ipse}}''<ref>{{harvsp|Jean-François Marquet|1996|p=200}}</ref>{{,}}<ref group="N">{{citation|Quand bien même la faute n'existerait pas, il faudrait l'inventer, pour créer le drame qui aiderait le sujet à se constituer en tant que singularité}}-{{harvsp|Abdelwahab Meddeb|2005|p=190}}</ref>.

La dissolution par l'angoisse, qui est la condition du dévoilement de la totalité de l'étant en tant que telle, conduit aussi le  ''{{lang|de|Dasein}}'' à un face à face avec l'étrangeté, l{{'}} ''{{lang|de|Unheimlichkeit }}'' confirmant ainsi  l'« être-au-monde » en tant qu'énigme. En raison de cette énigme que l'« être-au-monde » est vis-à-vis de lui-même, le ''{{lang|de|Dasein}}''  ne peut éviter de ressentir comme une menace, l'expérience de son « être propre » remarque Ryan.D.Coyne<ref>{{harvsp|Ryan.D.Coyne|2011|p=189}}</ref>.

À noter que le ''{{lang|de|Dasein}}'' préoccupé, qui se projette dans des mondes divers, vit cependant, toujours-déjà, dans une certaine entente de l'être, un horizon unique de compréhension des choses mais aussi de lui-même (voir le concept de [[Lexique Heidegger#Mienneté|mienneté]])<ref group="N">{{citation|En tant que compréhension le ''{{lang|de|Dasein}}'' projette son être sur des possibilités, par où entente de soi et entente du monde sont liées dans un cercle positif}} {{harvsp|Cristoph Jamme|1996|p=230}}</ref>. Si de cet horizon unique dépend la propre compréhension qu'il peut avoir à l'instant « t » de son unité et de sa singularité, cela n'implique aucunement la cohésion et la continuité dans l'espace d'une vie.

L'individuation présuppose une « cohésion » de la vie, une reprise constante du passé, qui prenne en compte tout l'espace entre la naissance et la mort. La consistance du Soi réclame la reprise d'un « [[Lexique de Martin Heidegger#Pouvoir-être|pouvoir-être]] » qui fut là souligne Jean-Paul Larthomas<ref name="Larthomas1989p102"/>.
{{citation|À travers ce moment de retour à soi-même, l'« être-là » se ''répète'' dans tout ce qu'il est, ce qu'il a été et tel qu'il a été}}, c'est ce que Heidegger appelle la [[Déconstruction (Heidegger)#La Répétition|Répétition]], ''{{lang|de|Wiederholung}}''.

Cette cohésion, Heidegger, va tenter de l'expliciter à travers le concept d'« extension » dont il avait fait un large usage dans son approche de la spatialité (voir [[Heidegger et le problème de l'espace]]). Il ne s'agira pas cependant de comprendre cette extension comme une succession de vécus avec un sujet, selon l'expression de [[Jean Greisch]]<ref name="Greisch 354"/>, sautant d'un maintenant à un autre, pas plus que de faire appel, comme [[Paul Ricœur]]<ref name="Greisch 354"/>, à une expérience renouvelée (itérative) pour justifier l'existence de l'« ipséité » ou de la continuité du Soi. Ce sont les phénomènes du « Souci », de l'« appel de la conscience » et de la [[Lexique Heidegger#Résolution anticipante|Résolution]], qui vont intervenir dans l'explicitation qu'en donne [[Jean Greisch]].
Pour répondre à cette question, Heidegger tente, dans un premier temps, de penser une constitution du propre « être soi-même » comme une « extension », car {{citation|c'est dans l'être du ''{{lang|de|Dasein}}''  que se trouve déjà le « ''entre'' » de la naissance et de la mort}}<ref name="Greisch 354"/>, visé par le terme ''{{lang|de|Zwischen }}'', cette extension doit être cherchée, nous dit Heidegger, comme tout le reste dans l'horizon de la constitution temporelle du  ''{{lang|de|Dasein}}''.

{{citation|Le ''{{lang|de|Dasein}}'' factice existe nativement, et c’est nativement encore qu’il meurt au sens de l’[[Être-vers-la-mort|être pour la mort]]. L’une et l’autre fins, ainsi que leur « entre-deux » ''{{citation|sont}}'', aussi longtemps que le ''{{lang|de|Dasein}}'' existe facticement, et elles sont comme il leur est seulement possible d’être sur la base de l’être du ''{{lang|de|Dasein}}'' comme souci. Dans l’unité de l’[[être-jeté]] et de l’[[Être-vers-la-mort|être pour la mort]] fugitif – ou devançant –, naissance et mort « s’enchaînent » à la mesure du ''{{lang|de|Dasein}}''. En tant que Souci, le ''{{lang|de|Dasein}}'' est l’« entre-deux}}  traduction [[Emmanuel Martineau]]<ref>{{harvsp|Martineau|1985|p=122}}</ref> (SZ, § 72 (SZ {{p.|374}}).

==== Le sens historique du vécu ====
Il ne s'agit pas ici d'un renvoi à la discipline historique mais de l'« historicité intime » ou « historialité » dans le langage des principaux traducteurs de Heidegger. Le caractère historique du vécu est à saisir phénoménologiquement, c'est-à-dire qu'il néglige la préexistence d'un « Je » car comme le note Sophie Jan Arrien<ref>{{harvsp|Sophie-Jan Arrien|2001|p=58}}</ref> aucune expérience facticielle ne me donnera à connaître un « Je » mais seulement un vécu de quelque chose, un vivre vers quelque chose.

On trouve dans une étude de Jacques Gino<ref name="Gino194-196">{{harvsp|Jacques Gino|1989|id=Gino1989|p=194-196}}</ref> un exposé qui s'efforce d'être le plus concret possible de cette question complexe. Il ressort que phénoménologiquement, si l'on fait l'effort difficile de s'abstraire de la vision traditionnelle du temps, on ne peut opposer le passé et l'avenir, tous deux sont pour le ''{{lang|de|Dasein}}'' qui toujours s'en vient jusqu'à Soi, « une venue ». {{citation|Le passé comme l'avenir s'en viennent et c'est cette venue et non l'avenir, voire le passé, qui sont décisifs}}<ref name="Gino194-196"/>. Le ''{{lang|de|Dasein}}'' ne peut authentiquement « [[Lexique Heidegger#Être-été|être été]]» que pour autant qu'il est à venir en s'en venant de toutes les façons vers lui-même. Autre citation {{citation|Le temps ne sera plus une succession de maintenant, mais la contemporanéité du présent, du passé et de l'advenir advenant}}. [[Jean Greisch]]<ref>{{harvsp|Jean Greisch|1994|p=355}}</ref> constate que Heidegger se contente de réaffirmer sa thèse centrale que l'élucidation de l'extension du ''{{lang|de|Dasein}}'' {{citation|doit s'effectuer à partir de la constitution temporelle de cet étant}}.

Toutefois, [[Jacques Rivelaygue]] fait ressortir de son côté, que la temporalité horizontale ([[Heidegger et la question du temps#La temporalité extatique|extatique]]), qui participe de la répétition des possibilités du passé, serait à elle seule insuffisante pour assurer l'unité du Soi dans le temps, il y faut l'approche historiale comprenant à la fois l'implication réciproque de la [[#La Résolution anticipante|Résolution anticipante]] et de la {{citation|reprise de l'héritage}}, constitutive de l'[[Être-jeté]]<ref name="Rivelaygue1989p264"/>.

==== La mort comme principe d'individuation ====
{{citation|Si je peux me rapporter de multiples manières au monde sans perdre mon identité, c'est parce que je peux assurer à partir du passé, en attente de mon présent, ma mort}} affirme Jacques Gino<ref>{{harvsp|Jacques Gino|1989|p=196}}</ref>
{{citation|Le ''{{lang|de|Dasein}}'' est l'étant qui n'a d'autre essence que d' être et son statut va donc être celui d'un isolement radical}} note [[Jean-François Marquet]]<ref>{{harvsp|Jean-François Marquet|1996|p=198}}</ref>. Si l'individuation se mesure à l'isolement alors souligne Heidegger {{citation|C'est seulement devant la mort que le ''{{lang|de|Dasein}}'' est radicalement isolé}}<ref>{{harvsp|Heidegger|2006|p= }}</ref>.

Ce sont donc l'«[[Lexique de Martin Heidegger#Historial|historialité]] » qui n'est ni agrégat de vécus, ni permanence substantielle, qui est chargée de garantir le « maintien du moi-même », à travers le temps. Dans ''[[Être et Temps]]'' l'historialité sera établie au fil de la recherche sur l'entiéreté du ''{{lang|de|Dasein}}''. Le ''{{lang|de|Dasein}}'' devient entièrement ce qu'il est et présente une certaine unité parce qu'il anticipe en quelque sorte sa mort<ref name="Gino193">{{harvsp|Jacques Gino|1989|p=193}}</ref>.

{{citation|Pour Heidegger la mort est la seule puissance individualisante}}<ref name="Gino193"/>, thèse qu'il développe au long de deux types d'arguments :
# Notre mort se révèle être pour le ''{{lang|de|Dasein}}'' que nous sommes, la possibilité (à être) la plus individuelle, non-relative et indépassable et à ce titre cette présence de la mort nous forge et nous établit en brisant toutes les sécurités superficielles, dans notre unicité et notre singularité. {{citation|Le ''{{lang|de|Dasein}}'' dans son ipséité impliquée dans la «[[Lexique de Martin Heidegger#Mienneté|mienneté]] » n'est possible que comme mortel. {{citation|Une personne immortelle est contradictoire dans les termes}} va jusqu'à dire [[Emmanuel Levinas]]<ref name="Levinas 50">{{harvsp|Emmanuel Levinas|1991|p=50}}</ref>}}.{{citation|En vertu de cette imminence de ma mort, imminence que je suis moi-même, l'anticipation de soi, moment structurel du souci, trouve dans l'être rapporté à la mort ( [[Être-vers-la-mort]]) sa concrétion la plus originale ; l'être rapporté à la fin est l'être-rapporté-à-la-mort comme possibilité extrême qui réduit radicalement l'être-là à son être le plus individuel et anéantit tous ses rapports avec autrui et avec le monde<ref name="Sommer 177">{{harvsp|Christian Sommer|2005|p=177}}</ref>}}.
# Mais plus encore, poursuit Heidegger, dans le ''{{citation|Sum moribundus}}'', je suis mortel, c'est le ''moribundus'' qui donne au ''sum'' préalablement son sens, rappelle [[Michel Haar]]<ref>{{harvsp|Michel Haar|2002|p=30}}</ref> ; ce qui, d'après lui représente, un ''cogito'' bien étrange, inversé, car le « devoir mourir » pour le ''{{lang|de|Dasein}}'' possède un degré de certitude plus élevé que le ''cogito''. Sur un plan purement existentiel l'homme a  à se forcer pour devancer sa mort, et ainsi trouver à s'établir dans sa singularité propre, ce qui n'est possible que parce que le ''{{lang|de|Dasein}}'' y a toujours déjà « [[être-jeté|été jeté]] » ; « été-jeté » dans sa mort, dans cet « être-possible » si particulier. [[Michel Haar]] parle d'un « vouloir s'ouvrir » jusqu'à la limite, jusqu'à la perte de soi, jusqu'à l' {{citation|abîme de la liberté}}  dans ce face à face avec le [[Lexique de Martin Heidegger#Néant|néant]] où même le « propre » ultime est délaissé<ref group="N">Mais pour Heidegger, un « [[Lexique de Martin Heidegger#Devancement|devancement]] » de la mort qui ne serait que l'effet d'une volonté, conduit à l'« être-esseulé » mais celui-ci reste encore et toujours, en tant qu'esseulé, un être quelque chose, bien en deçà de l'essence originaire pour un ''{{lang|de|Dasein}}'' recherché  qui doit pour exister comme pur « pouvoir-être », comme « Oui » affirmatif, se confronter, non à la mort, mais au Néant</ref>.

== Le destin du concept de Dasein ==
Les premières analyses du concept avaient pu faire croire, et ce fut là l'erreur de tous les [[Existentialisme|existentialistes]] et notamment de [[Jean-Paul Sartre]], à un ''{{lang|de|Dasein}}'', identifié à tort comme « réalité humaine », et qui dans son existence se présentait comme le fondement à la « [[Lexique de Martin Heidegger#Question de l'être|question du sens de l'être]] ». Face à la réception de ce concept, Philipe Arjakovsky<ref>{{harvsp|texte=''article Être et Temps. Le Dictionnaire Martin Heidegger''|id=Dictionnaire|p=447}}</ref> rappelle cette réflexion de Heidegger  {{citation|Tout ce fatras de contresens qui s'est amoncelé sur le concept de ''{{lang|de|Dasein}}'', le pire est peut-être celui qui a transformé ''[[Être et temps]]'' en porte-drapeau d'une philosophie de l'existence }}.

La ''[[Lettre sur l'humanisme]]''   met en garde contre une lecture subjective après ''[[Être et Temps]]'' du concept de ''{{lang|de|Dasein}}'', qui doit être compris, non comme un sujet mais à partir de la relation [[Lexique de Martin Heidegger#Ektase|extatique]] à la [[Lexique de Martin Heidegger#Éclaircie|clairière]] de l'être<ref>{{harvsp|Jean Grondin|1987|p=19}}</ref>. C'est à partir de la ''[[Lettre sur l'humanisme|Lettre]]'' que Heidegger comprend l' « ''[[Lexique de Martin Heidegger#Ek-sistence|ek-sistence]]'' » non plus comme une projection [[Lexique Heidegger#Transcendance|transcendantale]], une transcendance, mais comme une « ''endurance'' », le ''{{lang|de|Dasein}}'' devient l'ouvert pour l'ouverture de l'Être et c'est dorénavant l'Être lui-même qui destine l’''[[Lexique de Martin Heidegger#Être-le-là|être-le-là]]'' à son essence. Le ''{{lang|de|Dasein}}'' s'inscrit dans une passivité constitutive, passivité à l'écoute de l'Être<ref>{{harvsp|Françoise Dastur|2011|p=35}}</ref>.

[[Hadrien France-Lanord]] observe que pour Heidegger, même dans ''[[Être et Temps]]'', la « question du sens de l'être » débute avec l'existence mais qu'elle n'est pas entièrement incluse en elle et qu'elle la déborde<ref>{{harvsp|texte=''article Dasein. Le Dictionnaire Martin Heidegger''|id=Dictionnaire|p=302}}</ref>. De fait, tout au long de son œuvre ultérieure, remarque-t-il, Heidegger n'aura de cesse de creuser ce concept d'une manière toujours plus {{Citation|abyssale}} pour explorer le {{Citation|sans-fond}} que va progressivement être à ses yeux le ''{{lang|de|Dasein}}''. Dans cette exploration, Heidegger n'utilise le langage pathétique que pour s'en dégager et le dépasser dans une structure d'où va être bannie toute complaisance pour le « Soi », constate [[Paul Ricœur]]<ref name="Bréhier"/>.

=== Le Dasein en l'homme ===
{{citation|Dès 1929, dans le livre consacré à Kant<ref>{{harvsp|Heidegger|1981|p=}}</ref>, ''[[Kant et le problème de la métaphysique]]'', il n'était déjà plus question, pour [[Martin Heidegger|Heidegger]] du ''{{lang|de|Dasein}}'' de l'homme, mais tout à coup du ''{{lang|de|Dasein}}'' « dans » l'homme}}<ref>{{harvsp|Hans-Georg Gadamer|2002|p=134}}</ref>, la conception de l'« être » et du « là » à partir de l'« [[L'alètheia dans la philosophie de Martin Heidegger|Alètheia]] », pour un penseur dont la réflexion retournait vers le « [[Lexique de Martin Heidegger#Commencement|commencement]] », vers [[Héraclite]] et [[Parménide]], ne pouvait plus être ignorée, dit encore [[Hans-Georg Gadamer]]<ref>{{harvsp|Hans-Georg Gadamer|2002|p=135}}</ref>. Plutôt que l'homme, le ''{{lang|de|Dasein}}'' veut désigner, à ce stade non pas précisément l'être de l'homme, qui n'a pas à ses yeux de consistance métaphysique, mais l'idée que s'agissant de l'« [[Être humain (philosophie)|être humain]] » ce dont il s'agit essentiellement c'est de l'« être ».

Avec la période dite du « [[Lexique de Martin Heidegger#Tournant|Tournant]] », la ''{{lang|grc-Latn|kehre}}'', l'effacement de l'homme, sa soumission au règne de l'Être qui se précise, va interdire dorénavant de donner au ''{{lang|de|Dasein}}'' le rôle de fondement qui lui avait été attribué dans ''[[Être et Temps]]''<ref name="Caye 160">{{harvsp|Pierre Caye|2005|p=160-161}}.</ref>. Alors que dans ''[[Être et Temps]]'', l'accent était mis sur le ''{{lang|de|Sein}}'' du ''{{lang|de|Dasein}}'', avec le « [[Lexique Heidegger#Tournant|Tournant]] », c'est au contraire le ''{{lang|de|Da}}'', c'est-à-dire l'expérience spatio-temporelle qui prime, constate Pierre Caye<ref name="Caye 160"/>. Pour rendre compte de cette modification de perspective certains interprètes français (Gérard Guest, [[François Fédier]]) font usage du vieux mot de ''[[Lexique de Martin Heidegger#Aître|aître]]'' au lieu d'essence ou même d'être pour rendre compte de l'aspect verbal. Il y a dans l'emploi de l'allemand ''{{lang|de|Wesen}}'' les sens de « séjourner », « demeurer », « habiter » (en un lieu) et aussi temporellement ceux de « durer », « rester », « séjourner » qui caractérisent la manière d'être de l'« [[Être humain (philosophie)|être humain]] ».

Le ''{{lang|de|Dasein}}'' devient le lieu de la percée de l'« Être », dans laquelle l'homme se tient<ref>{{harvsp|Françoise Dastur|1990|p=121}}</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|texte=''Martin Heidegger Être et Temps,traduction Vezin, note Dasein''|id=Heidegger1990|p=523}}</ref>. Si le ''{{lang|de|Dasein}}'' demeure « exemplaire », nous dit [[Hans-Georg Gadamer]] ce n'est plus parce que c'est un être qui se distinguerait par son activité de pensée, mais comme « [[Lexique de Martin Heidegger#Avoir à être|avoir à être]] » {{citation|dont le mode d'être consiste à être son là (Le « là » est à entendre comme le lieu où il se passe quelque chose.)}} ; ce qu'il s'agit de préserver à toute force c'est l'idée de mouvement et l'absence de toute autre détermination<ref>{{harvsp|texte=''article Dasein. Le Dictionnaire Martin Heidegger''|id=Dictionnaire|p=303}}</ref>. C'est ainsi que lorsque Heidegger parle de « Dasein en l'homme », cette formulation ne désigne pas seulement une simple présence, mais aussi un événement, pour signifier la « [[finitude]] », le passage, la traversée de la « clairière », la ''{{lang|de|Lichtung}}''<ref>{{harvsp|Hans Georg Gadamer|2002|p=43}}</ref>.

Pour autant, l'homme, définitivement sans-fond, garde son statut privilégié, car sans lui, en l'absence d'un ''{{lang|de|Dasein}}'', même sans feu ni lieu, l'ouverture de l'être, l'être comme ouverture, le don de l'être, n'auraient aucun sens. L'être n'advient, ne se destine que dans le « là », que l'homme assume dans « l'[[Lexique de Martin Heidegger#Ek-sistence|ek-sistence]] » -voir sur ce sujet la Préface de [[Roger Munier]] à la « ''[[Lettre sur l'humanisme]]'' »<ref group="N">« L'existence, qui désignait dans [[Être et Temps]], l'être du ''{{lang|de|Dasein}}''  en tant que celui-ci se rapporte à lui-même, s'écrit maintenant ''[[Lexique de Martin Heidegger#Ek-sistence|ek-sistence]]'' et signifie le rapport du ''{{lang|de|Dasein}}'' non plus à soi-même mais à l'ouvert, l'exposition à la « désoccultation » de l'étant comme tel » {{harvsp|Françoise Dastur|2011|p=61-62}}.</ref>.

=== {{Ancre|ancre}}Le berger de l'être ===
[[Fichier:Le berger.jpg|vignette|alt=gravure d'un homme appuyé sur son bâton, avec son chien, au milieu d'un troupeau de moutons|Le berger, gravure de Victor Dedoncker.]]
La perspective qui faisait du ''{{lang|de|Dasein}}'' un véritable configurateur de Monde change progressivement après ''[[Être et Temps]]'' ; l'homme perd ce qui lui restait de caractère auto-centré pour devenir, dans son ''{{lang|de|Dasein}}'', le lieu où peut se déployer l'événement de l'être : l'''{{lang|de|[[Beiträge zur Philosophie (Vom Ereignis)|Ereignis]]}}'' ; il se fait {{citation|gardien de la vérité de l'être}} (''{{lang|de|der Wätcher der Wahrheit }}''<ref>[[Beiträge zur Philosophie (Vom Ereignis)]].</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Jean Gourdain|2010|p=90}}.</ref> et {{citation|sentinelle du [[Lexique de Martin Heidegger#Néant|néant]]}}<ref>{{harvsp|texte=''Questions IetII, Qu'est-ce que la métaphysique?''|id=QuestionsIetII|p=66}}</ref>. {{citation|À la garde de l'être, correspond le berger  ''{{lang|de|der Hirtt des Seins}}'' qui a si peu à faire avec une idyllique bergerie et une mystique de la nature qu'il ne peut devenir berger de l'être (''{{lang|de|der Hirtt des Seins}}''), qu'en demeurant celui qui fait face au [[Lexique de Martin Heidegger#Néant|néant]]}} rapporte [[Didier Franck]]<ref>{{harvsp|Didier Franck|2004|p=23}}</ref>.

Mais berger n'est pas passivité, l'homme redevenu {{citation|mortel}} dans la langue du philosophe, comme l'expose [[Françoise Dastur]]<ref>{{harvsp|Dastur|2011|p=92-93}}.</ref>, participe dans une relation de réciprocité essentielle avec l'être. L'homme n'est dorénavant plus compris comme le {{citation|fondement-jeté}} de l'éclaircie au sens d'« ''[[Être et Temps]]'' », mais comme celui qui se tient en elle et qui lui est redevable de son propre être<ref name="Dastur 62">{{harvsp|Françoise Dastur|2011|p=62}}</ref>.

Cette dépendance inversée de l'homme à l'être est exacerbée et portée à son point le plus extrême avec la thèse que l'homme est par essence ''[[Lexique de Martin Heidegger#Unheimlichkeit|Unheimlich]]'', sans abri et sans foyer, livré sans défense aux turbulence]s de l'être, thèse que Heidegger retire de la lecture des tragédies de Sophocle, l' ''[[Antigone (Sophocle)|Antigone]]''<ref>{{harvsp|Françoise Dastur|2007|p=215}}</ref>  et surtout '''[[Œdipe roi]]'', interprétation qui sera reprise avec force dans la ''[[Lettre sur l'humanisme]]''.

=== L'homme du quadriparti ===
Après-guerre, Heidegger va adopter une nouvelle graphie du terme « ''{{lang|de|Da-sein}}'' » avec un trait d'union, valant comme signe d'évolution dans sa compréhension de l'essence humaine. Dans la ''[[Lettre sur l'humanisme]]'' de 1946 Heidegger accentue la thématique de la [[#La Finitude du Dasein|Finitude]] et de l'errance<ref>{{Harvsp|Heidegger|1957|p=145 et sq}}</ref>. De quasi-configurateur de monde dans ''Être et Temps'', le ''{{lang|de|Dasein}}'' est alors perçu comme « ''ek-sistant dans l'ouverture de l'être''<ref name="Dastur2011p92">{{Harvsp|Françoise Dastur|2011|p=92}}</ref> ». Gerard Guest, en introduction de sa conférences consacrée à la [[Lettre sur l'humanisme]], souligne la volonté de Heidegger d'inscrire l'ouverture du ''{{lang|de|Dasein}}'' dans l'éclaircie de l'être<ref>Gerard Guest Séminaire sur Heidegger Paroles des Jours 23/01/2010 {{15e}} séance http://parolesdesjours.free.fr/seminaire15.htm</ref>. Avec les ''[[Beiträge zur Philosophie (Vom Ereignis)]]'', le  ''{{lang|de|Dasein}}'' prend définitivement place, comme articulation, dans la constellation du « [[Lexique de Martin Heidegger#Quadriparti|Quadriparti]] », , où tous les termes s'entre-appartiennent et qui va constituer la dernière appellation de l'Être. {{citation|La relation du Da-sein à l’Être appartient au déploiement de l’Être (die Wesung des Seyns) lui-même, ce qui peut aussi se dire ainsi : l’Être requiert le Da-sein et ne se déploie (west) pas sans cette venue à soi (Ereignung)}} (paragraphe. 135 [[Beiträge zur Philosophie (Vom Ereignis)]]).

L'homme n'est dorénavant plus compris comme le « fondement-jeté » de l'éclaircie mais comme celui qui se tient en elle, dans ''{{lang|de|Ereignis}}'' (voir [[Beiträge zur Philosophie (Vom Ereignis)]]) et qui lui est redevable de son propre être<ref name="Dastur 62"/>. Tout cet effort de rupture avec la métaphysique de la subjectivité, remarque [[Michel Haar]], aboutit, selon son expression, {{citation|à la figure ténue, minimale, exsangue du mortel}}<ref>{{harvsp|Michel Haar|2002|p=13}}</ref>. Le ''{{lang|de|Dasein}}'' des débuts, en ce qui lui reste de l'homme métaphysique, s'efface définitivement devant le qualificatif de « mortel » pour être compris sur un pied d'égalité, dans l'unité du « Quadriparti » : {{citation|les hommes, les dieux, la terre et le ciel}}.

== Références ==
{{Références nombreuses|taille=30}}

== Notes ==
{{Références|groupe=N}}
== Liens externes ==
*{{lien web|auteur=Rudolf Bernet|titre=Origine du temps et temps originaire chez Husserl et Heidegger|périodique=Revue philosophique de Louvain |volume=85|numéro=68|année=1987|passage=499-521|lire en ligne=http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1987_num_85_68_6471}}.
*{{article|auteur=Franz-Emmanuel Schürch|périodique=Klêsis-Revue philosophique|titre=HEIDEGGER ET LA FINITUDE|numéro=15|titre numéro=Später Heidegger|année=2010|passage=6-27|lire en ligne=http://www.revue-klesis.org/pdf/1-F-Schurch.pdf}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Hans-Georg Gadamer]]|titre=Les Chemins de Heidegger|éditeur=Vrin|collection=Textes Philosophiques|lieu=Paris|année=2002|format=les références suivant la pagination de l'édition en ligne|isbn=|lire en ligne=http://www.mapageweb.umontreal.ca/grondinj/pdf/chemins_de_heidegger.pdf}}.
* {{article|prénom1=Jean|nom1=Grondin|lien auteur=Jean Grondin|périodique=Philopsis édition numérique|titre=''Heidegger et le problème de la métaphysique''|titre numéro=La Métaphysique|éditeur=Université de Montréal|année=2006|lire en ligne=http://www.philopsis.fr/IMG/pdf_metaphysique_heidegger_grondin.pdf}}.
*{{article|prénom1=Sylvaine|nom1=Gourdain|périodique=Klêsis-Revue philosophique|titre=Heidegger et le « Dieu à venir »|sous-titre=s'il y a être pourquoi dieu?|numéro=15|titre numéro=Später Heidegger|année=2010|passage=89-103|lire en ligne=http://www.revue-klesis.org/pdf/6._Sylvaine.pdf|consulté le=3 octobre 2013}}.
*{{article|auteur=Emilio Brito|périodique=NRT Nouvelle revue théologique|titre= La réception de la pensée de Heidegger dans la théologie catholique|numéro=49|année=1997|passage=352-374|lire en ligne=http://www.nrt.be/fr/La-r%C3%A9ception-de-la-pens%C3%A9e-de-Heidegger-dans-la-th%C3%A9ologie-catholique-article-49}}.
*{{lien web|auteur=[[Philippe Nemo]]|titre=De Heidegger à Sohravardi, entretien avec Philippe Nemo|site numérique=Les amis d'Henry Corbin|année=1976|id=CorbinNemo|lire en ligne=http://www.amiscorbin.com/biographie/de-heidegger-a-sohravardi}}.
*{{lien web|auteur=François Jaran|titre=Compte-rendu. Onto-théologie et analogie de l’être Autour de Inventio analogiae. Métaphysique et ontothéologie de Jean-François Courtine|année=2015|id=Jaran2|lire en ligne=http://roderic.uv.es/bitstream/handle/10550/42797/078551.pdf?sequence=1}}.
*{{lien web|auteur=François Jaran|titre=La pensée métaphysique de Heidegger.La transcendance du Dasein comme source d’une métaphysica naturalis|éditeur=Université d Montréal|année=2006|id=Jaran1|lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-les-etudes-philosophiques-2006-1-page-47.htm}}.
*{{lien web|Gérard Guest|titre=Séminaire Gérard Guest Parole des Jours 15 séance|année=23/01/2010|vidéo14|séance=15|id=Guest15s|url=http://parolesdesjours.free.fr/seminaire15.htm}}.
*{{lien web|auteur=François Jaran|titre=La métaphysique du Dasein: Heidegger et la possibilité de la métaphysique (1927-1930)|préface=Jean Grondin|éditeur=Zéta books|année=2010|isbn=978-973-1997-49-0|id=Jaran3|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=MWzLBAAAQBAJ&pg=PA11&lpg=PA11&dq=heidegger+kant+et+le+probl%C3%A8me+de+la+m%C3%A9taphysique&source=bl&ots=gchpf2Ki6_&sig=wvq4T2diaa8zMRUeTRKDtIn0xtg&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiC7u2O3t7KAhUBzhoKHTh-CrY4HhDoAQg0MAQ#v=onepage&q=heidegger%20kant%20et%20le%20probl%C3%A8me%20de%20la%20m%C3%A9taphysique&f=false}}.

== Bibliographie ==
{{colonnes|nombre=2|
* {{Ouvrage|auteur1=[[Martin Heidegger]]|traducteur=[[Rudolf Boehm]] et [[Alphonse De Waelhens]]|titre=L'être et le temps|éditeur=[[Gallimard]]|lieu=Paris|année=1972|pages totales=324|isbn=}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Martin Heidegger]]|traducteur=[[François Vezin]]|titre=Être et Temps|éditeur=[[Gallimard]]|lieu=Paris|année=1990|pages totales=589|isbn=2-07-070739-3}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Martin Heidegger]]|traducteur=Emmanuel Martineau|titre=Être et Temps|éditeur=Authentica|lieu=Paris|année=1985|isbn=|lire en ligne=http://t.m.p.free.fr/textes/Heidegger_etre_et_temps.pdf|id=Martineau1985}} (éd. hors-commerce). Traduction française de référence.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Martin Heidegger]]|traducteur=Kōstas Axelos, Jean Beaufret, Walter Biemel {{et al.}}|titre=Questions I et II|éditeur=Gallimard|collection=Tel|lieu=Paris|numéro dans collection=156|année=1990|pages totales=582|isbn=2-07-071852-2|bnf=350674510|id=QuestionsIetII}}.
*{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Martin Heidegger]]|traducteur=jean Beaufret,François Fédier,Julien Hervier,Jean Lauxerois,Roger Munier,André Préau,Claude Roëls|titre=Questions III et IV|éditeur=Gallimard|collection=Tel|lieu=Paris|année=1990|pages totales=488|isbn=2-07-072130-2|id=QuestionsIIIetIV}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|langue originale=de|auteur1=[[Martin Heidegger]]|traducteur=[[Pascal David]]|titre=La métaphysique de l'idéalisme allemand|sous-titre=Schelling|éditeur=Gallimard|lieu=Paris|année=2015|pages totales=245|isbn=978-2-07-014836-3}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Martin Heidegger]]|traducteur=Gilbert Kahn|titre=Introduction à la métaphysique|éditeur=Gallimard|collection=Tel|numéro dans collection=49|année=1987|pages totales=226|isbn=2-07-020419-7}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|langue originale=de|auteur1=[[Martin Heidegger]]|titre=Les problèmes fondamentaux de la phénoménologie|éditeur=Gallimard|lieu=Paris|année=1989|pages totales=410|isbn=2-07-070187-5}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|langue originale=de|auteur1=[[Martin Heidegger]]|traducteur=Jean Greisch|titre=Phénoménologie de la vie religieuse|éditeur=[[Gallimard]]|collection=Œuvres de Martin Heidegger|lieu=Paris|année=2011|pages totales=415|isbn=978-2-07-074516-6}}.
*{{Ouvrage|prénom1=Michel|nom1=Blay|titre=Dictionnaire des concepts philosophiques|éditeur=Larousse|année=2013|pages totales=880|isbn=978-2-03-585007-2|id=Concepts}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Martin Heidegger]]|traducteur=Wolfgang Brokmeier|titre=Chemins qui ne mènent nulle part|éditeur=Gallimard|collection=Tel|lieu=Paris|année=1962|id=Chemins qui ne mènent nulle part}}. Comprend 'L'origine de l'œuvre d'art'. 'L'époque des conceptions du monde'. 'Hegel et son concept de l'expérience'. 'Le Mot de Nietzsche "Dieu est mort"'. 'Pourquoi des poètes ?'. 'La Parole d'Anaximandre'.
* [[Martin Heidegger]] et [[Eugen Fink]], ''Héraclite, Séminaire du semestre d'hiver - 1966-1967''
* {{Ouvrage|auteur1=[[Martin Heidegger]]|traducteur=Roger Munier|postface=Lettre à Jean Beaufret de 11/1945|titre=Lettre sur l'humanisme-Über den Humanismus|éditeur=Aubier éditions Montaigne|collection=bilingue|lieu=Paris|année=1970|isbn=|id=Lettre sur l'humanisme}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Martin Heidegger]]|titre=De l'herméneutique de la facticité à la métaphysique du Dasein|sous-titre=actes du colloque (1919-1929)|éditeur=[[J. Vrin]]|collection=Problèmes et Controverses|lieu=Paris|année=1996|pages totales=236|isbn=2-7116-1273-2}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Martin Heidegger]]|traducteur=[[Alain Boutot]]|titre=Prolégomènes à l'histoire du concept de temps|éditeur=Gallimard|collection=Bibliothèque de philosophie|année=2006|pages totales=475|isbn=978-2-07-077644-3}}
* {{Ouvrage|langue=fr|langue originale=de|auteur1=[[Martin Heidegger]]|traducteur=[[Alain Boutot]]|titre=Ontologie. Herméneutique de la facticité|éditeur=[[Gallimard]]|collection=Bibliothèque de Philosophie|lieu=Paris|année=2012|pages totales=176|isbn=978-2-07-013904-0}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Martin Heidegger]]|traducteur=Alphonse de Waelhens et Walter Biemel|titre=Kant et le problème de la métaphysique|éditeur=Gallimard|collection=Tel|année=1981|pages totales=308|isbn=}}.
*{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Alain Boutot]]|titre=Heidegger|éditeur=[[PUF]]|collection=Que sais-je?|lieu=Paris|numéro dans collection=2480|année=1989|pages totales=127|isbn=2-13-042605-0}}.
*{{Ouvrage|langue=de|langue originale=de|auteur1=[[Martin Heidegger]]|traducteur=Jean-François courtine|préface=Hans-georg Gadamer Un écrit théologique de jeunesse|titre=Interprétations phénoménologiques d'Aristote|éditeur=TER|collection=bilingue|lieu=Mauvezin|année=1992|pages totales=59|isbn=978-2-905670-32-8|isbn2=2-905670-32-0|id=Interprétations phénoménologiques d'Aristote 1992}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|langue originale=de|auteur1=[[Martin Heidegger]]|traducteur=[[Alain Boutot]]|titre=De l’essence de la vérité|sous-titre=Approche de l’allégorie de la caverne et du Théétète de Platon|éditeur=Gallimard|collection=Tel|lieu=Paris|année=2001|pages totales=382|isbn=2-07-073278-9}}.
*{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Philippe|nom1=Arjakovsky|auteur2=[[François Fédier]]|auteur3=[[Hadrien France-Lanord]]|directeur3=oui|titre=Le Dictionnaire Martin Heidegger|sous-titre=Vocabulaire polyphonique de sa pensée|éditeur=[[Éditions du Cerf]]|lieu=Paris|année=2013|pages totales=1450|isbn=978-2-204-10077-9|id=Dictionnaire}}.
*{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Cristian Ciocan|titre=Heidegger et le problème de la mort : existentialité, authenticité, temporalité|éditeur=Springer|collection=Phaenomenologica|lieu=Paris|année=2013|pages totales=297|isbn=978-94-007-6838-3|isbn2=94-007-6838-9}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Sophie-Jan Arrien|auteur2=Sylvain Camilleri|directeur2=oui|titre=Le jeune Heidegger (1909-1926). Herméneutique, phénoménologie, théologie|éditeur=[[J. Vrin]]|collection=Problèmes et controverses|lieu=Paris|année=2011|pages totales=289|isbn=978-2-7116-2302-0|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=_a0O0vlnCe0C&printsec=frontcover}}.
**{{chapitre|auteur=Ryan D Coyne|titre chapitre=Herméneutique et confession|auteurs ouvrage=Sophie-Jan Arrien et Sylvain Camilleri (dir.) |titre ouvrage=Le jeune Heidegger (1909-1926). Herméneutique, phénoménologie, théologie |éditeur=[[J. Vrin]] |collection=Problèmes et controverses |lieu=Paris |passage=185-213|année=2011|isbn=978-2-7116-2302-0}}.
* {{article|auteur=Sophie-Jan Arrien |titre=Vie et histoire (Heidegger, 1919-1923) |périodique=Revue Philosophie |numéro=69 |éditeur=Les Éditions de Minuit|année=2001 |pages=51-69 |issn=1968-391X |doi=10.3917/philo.069.0051}}.
* {{chapitre|auteur=[[Jean Beaufret]] |titre chapitre=En chemin avec Heidegger |auteurs ouvrage=Michel Haar (dir.) |titre ouvrage=Martin Heidegger |éditeur=L'Herne |collection=Cahier de L'Herne |numéro dans collection=45 |année=1983 |passage=225-238 |isbn=2-85197-049-6}}.
* {{chapitre|auteur=Pierre Caye |titre chapitre=Destruction de la métaphysique et accomplissement de l'homme |auteurs ouvrage=[[Bruno Pinchard]] (dir.) |titre ouvrage=Heidegger et la question de l'humanisme : Faits, concepts, débats |collection=Themis philosophie |éditeur=[[PUF]] |lieu=Paris |année=2005 |passage=153-183 |isbn=2-13-054784-2 }}.
* {{Ouvrage|auteur1=Cristian Ciocan|auteur2=collectif|titre=Le jeune Heidegger 1909-1926|éditeur=[[J. Vrin]]|collection=Problèmes et controverses|année=2011|isbn=}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Maurice Corvez|titre=La philosophie de Heidegger|éditeur=PUF|année=1961}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Françoise Dastur]]|titre=Heidegger et la question du temps|éditeur=PUF|collection=Philosophies|année=1990|pages totales=127|isbn=2-13-042954-8}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Jacques Derrida]]|titre=Heidegger et la question de l'esprit et autres essais|éditeur=Flammarion|collection=Champ|lieu=Paris|année=1990|pages totales=222|isbn=2-08-081235-1}}.
*{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Françoise Dastur]]|titre=Heidegger|éditeur=[[J. Vrin]]|collection=Bibliothèque des Philosophies|lieu=Paris|année=2007|pages totales=252|isbn=978-2-7116-1912-2|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=-2AW_zleVMgC&printsec=frontcover|id=DasturVrin}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Françoise Dastur]]|titre=Heidegger et la pensée à venir|éditeur=[[J. Vrin]]|année=2011|pages totales=252|isbn=978-2-7116-2390-7|isbn2=2-7116-2390-4}}.
*{{Chapitre|auteur=[[Françoise Dastur]]|titre chapitre=La question de l'être de l'homme dans l’Introduction à la métaphysique|auteurs ouvrage=Jean-François Courtine (dir.)|titre ouvrage=L'Introduction à la métaphysique de Heidegger|collection=Études et Commentaires|lieu=Paris|éditeur=[[J. Vrin]]|année=2007|page début chapitre=213|passage=213-234|isbn=978-2-7116-1934-4}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Christian Dubois|titre=Heidegger, Introduction à une lecture|éditeur=Seuil|collection=Points Essais|lieu=Paris|numéro dans collection=422|année=2000|pages totales=363|isbn=2-02-033810-6}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Didier Franck]]|titre=Heidegger et le problème de l'espace|éditeur=Éditions de Minuit|collection=Arguments|lieu=Paris|année=1986|pages totales=132|isbn=2-7073-1065-4}}.
*{{Ouvrage|auteur1=[[Didier Franck]]|titre=Heidegger et le Christianisme|sous-titre=L'explication silencieuse|éditeur=[[PUF]]|collection=Epiméthée|lieu=Paris|année=2004|pages totales=144|isbn=978-2-13-054229-2}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Hans-Georg Gadamer]]|titre=Les chemins de Heidegger|éditeur=[[J. Vrin]]|collection=Bibliothèque des textes philosophiques|lieu=Paris|année=2002|pages totales=289|isbn=978-2-7116-1575-9}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Jean Greisch]]|titre=L'Arbre de vie et l'arbre du savoir, le chemin phénoménologique de l'herméneutique heideggérienne (1919-1923)|éditeur=Éditions du Cerf|lieu=Paris|année=2000|pages totales=335|isbn=2-204-06184-0}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Jean Greisch]]|titre=Ontologie et temporalité. Esquisse systématique d'une interprétation intégrale de Sein und Zeit|éditeur=PUF|lieu=Paris|année=1994|pages totales=522|isbn=2-13-046427-0}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Jean Grondin]]|titre=Le tournant dans la pensée de Martin Heidegger|éditeur=[[PUF]]|collection=Epiméthée|lieu=Paris|année=1987|pages totales=136|isbn=2-13-039849-9}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Michel Haar]]|directeur1=oui|titre=Martin Heidegger|éditeur=L'Herne|collection=Cahier de L'Herne|lieu=Paris|numéro dans collection=45|année=1983|pages totales=534|isbn=2-85197-049-6}}.
*{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Michel Haar]]|titre=Heidegger et l'essence de l'homme|éditeur=Jérôme Million|collection=Krisis|lieu=Grenoble|année=2002|numéro d'édition=2|année première édition=1990|pages totales=254|isbn=2-905614-39-0|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=Yf53ZHov_JQC&printsec=frontcover}}.
*{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Dominique Janicaud]]|titre=Heidegger en France|éditeur=Hachette Littérature|collection=Pluriel|lieu=Paris|année=2005|pages totales=291|isbn=2-01-279185-9|isbn2=2-01-279282-0}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Servanne Jollivet|auteur2=[[Claude Romano]]|titre=Heidegger en dialogue (1912-1930)|éditeur=[[J. Vrin]]|collection=Problèmes et Controverses|année=2009|pages totales=304|isbn=978-2-7116-2203-0|isbn2=2-7116-2203-7|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=I_PpmIxksvgC&printsec=frontcover}}.
**{{chapitre|auteur=[[Jean-Michel Salanskis]]|titre chapitre=Heidegger et la logique|auteurs ouvrage=S.Jollivet Cl.Romano (éd)|titre ouvrage=Heidegger en dialogue (1912-1930). Rencontres, affinités, confrontations |éditeur=[[J. Vrin]] |lieu=Paris |année=2009 |passage=175-213|isbn=978-2-7116-2203-0}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Servanne Jollivet|titre=Heidegger, Sens et histoire (1912-1927)|éditeur=[[PUF]]|collection=Philosophies|lieu=Paris|année=2009|pages totales=160|isbn=978-2-13-056259-7}}
* {{article|auteur1=Annie Larivée |auteur2=Alexandra Leduc |titre=Saint Paul, Augustin et Aristote comme sources gréco-chrétiennes du souci chez Heidegger |périodique=Revue philosophie |numéro=69 |éditeur=Éditions de Minuit |année=2001 |pages=30-50 |doi= 10.3917/philo.069.0030 |issn=1968-391X}}.
* {{article|auteur=Sophie-Jan Arrien|titre=Vie et Histoire(Heidegger,1919-1923)|périodique=Revue philosophie |numéro=69 |éditeur=Éditions de Minuit |année=2001 |passage=51-69|doi= 10.3917/philo.069.0030 |issn=1968-391X}}.
*{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Sophie-Jan Arrien|titre=L'inquiétude de la pensée|sous-titre=L'herméneutique de la vie du jeune Heidegger (1919-1923)|éditeur=PUF|collection=Épiméthée|lieu=Paris|année=2014|pages totales=385|isbn=978-2-13-062453-0|id=Arrien2014}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Emmanuel Levinas]]|titre=En découvrant l’existence avec Husserl et Heidegger|éditeur=[[J. Vrin]]|collection=Bibliothèque d'histoire de la philosophie|année=1988|pages totales=236|isbn=2-7116-0488-8}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Emmanuel Levinas]]|titre=La mort et le Temps|éditeur=Le Livre de poche|collection=Biblio essai|lieu=Paris|année=1991|pages totales=155|isbn=2-253-05943-9}}.
*{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Jean-François Courtine]]|titre=Heidegger et la phénoménologie|éditeur=VRIN|collection=Bibliothèque d'Histoire de la Philosophie|lieu=Paris|année=1990|pages totales=405|isbn=978-2-7116-1028-0|isbn2=2-7116-1028-4|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=hWPy4RnHHdMC&printsec=frontcover|id=Courtine1990}}.
*{{Ouvrage|auteur1=[[Jean-François Courtine]]|directeur1=oui|titre=Heidegger 1919-1929 : De l'herméneutique de la facticité à la métaphysique du Dasein|éditeur=[[J. Vrin]]|collection=Problèmes et controverses|lieu=Paris|année=1996|pages totales=236|isbn=978-2-7116-1273-4|lire en ligne={{Google Livres|F89We6XAPGQC}}}}.
**{{chapitre|auteur=[[Jean Greisch]] |titre chapitre=La «tapisserie de la vie», le phénomène de la vie et ses interprétations dans les ''Grundprobleme des Phänomenologie'' (1919/20) de Martin Heidegger |passage=131-152 |auteurs ouvrage=Jean-François Courtine (dir.)|titre ouvrage=Heidegger 1919-1929 : De l'herméneutique de la facticité à la métaphysique du Dasein |éditeur=[[J. Vrin]] |collection=Problèmes et controverses |lieu=Paris |année=1996 |isbn=978-2-7116-1273-4 |lire en ligne={{Google Livres|F89We6XAPGQC|page=131}} }}.
**{{chapitre|prénom1=Franco|nom1=Volpi|titre chapitre=La question du Logos dans l'articulation de la facticité chez le jeune Heidegger lecteur d'Aristote|passage=33-66|titre ouvrage=Heidegger 1919-1929: De l'herméneutique de la facticité à la métaphysique du Dasein |éditeur=[[J. Vrin]] |collection=Problèmes et controverses |lieu=Paris |année=1996 |isbn=978-2-7116-1273-4}}.
**{{chapitre|auteur=[[Jean Grondin]] |titre chapitre=L'herméneutique dans Sein und Zeit |auteurs ouvrage=Jean-François Courtine (dir.) |titre ouvrage=Heidegger 1919-1929: De l'herméneutique de la facticité à la métaphysique du Dasein |passage=179-192 |isbn=978-2-7116-1273-4|lire en ligne={{Google Livres|F89We6XAPGQC|page=179}} |id=Grondin1996 }}.
** {{chapitre|auteur1=[[Jean-François Marquet]] |titre chapitre=Genèse et développement d'un thème : l'isolement dans Heidegger 1919-1929 |auteurs ouvrage=[[Jean-François Courtine]] (dir.)|titre ouvrage=Heidegger 1919-1929: De l'herméneutique de la facticité à la métaphysique du Dasein |éditeur=[[J. Vrin]] |collection=Problèmes et controverses |lieu=Paris |année=1996 |passage=193-204 |isbn=978-2-7116-1273-4 |lire en ligne={{Google Livres|F89We6XAPGQC}} }}.
**{{chapitre|auteur=[[Michel Haar]]|titre chapitre=Le moment, l’instant et le temps-du-monde|auteurs ouvrage=Jean-François Courtine (dir.)|titre ouvrage=Heidegger 1919-1929|sous-titre ouvrage=De l’herméneutique de la facticité à la métaphysique du Dasein|collection=Problèmes & Controverses|lieu=Paris|éditeur=[[J. Vrin]]|année=1996|page début chapitre=67|passage=67-91|isbn=978-2-7116-1273-4|id=Haar1996}}
**{{chapitre|auteur=Cristoph Jamme |titre chapitre=Être et Temps de Heidegger dans le contexte de l'histoire de sa genèse |auteurs ouvrage=Jean-François Courtine (dir.)|année=1996 |titre ouvrage={{opcit}} |passage=221-236 |id=Jamme1996 }}.
* {{chapitre|auteur=[[Jean-Luc Nancy]]|titre chapitre=La décision d'Existence |auteurs ouvrage=Jean-Pierre Cometti et Dominique Janicaud (dir.)|titre ouvrage=''Être et temps'' de Martin Heidegger|sous-titre ouvrage=questions de méthode et voies de recherche|lieu=Marseille|éditeur=Sud|année=1989|isbn erroné=2-86446-105-8 |id=Nancy1989}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Bruno Pinchard|directeur1=oui|titre=Heidegger et la question de l'humanisme|sous-titre=Faits, concepts, débats|éditeur=[[PUF]]|collection=Themis philosophie|lieu=Paris|année=2005|pages totales=388|isbn=2-13-054784-2}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Christian Sommer|titre=Heidegger, Aristote, Luther : Les sources aristotéliciennes et néo-testamentaires d'Être et temps|éditeur=[[PUF]]|collection=Épiméthée|année=2005|pages totales=335|isbn=978-2-13-054978-9}}.
* {{article|auteur=[[Jacques Taminiaux]] |titre=Heidegger et les Grecs à l'époque de l'ontologie fondamentale |périodique=Études phénoménologiques |numéro=1 |année=1985 |pages=95-112 |url=http://secure.pdcnet.org/85257744004FA811/file/EDC69C8D13708EBA8525777C006A8F45/$FILE/etudphen_1985_0001_0001_0097_0114.pdf }}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Marlène Zarader]]|titre=Heidegger et les paroles de l'origine|éditeur=[[J. Vrin]]|année=1986|pages totales=319|isbn=978-2-7116-0899-7|id=Marlène Zarader1986}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Marlène Zarader]]|titre=Lire Être et Temps de Heidegger|éditeur=[[J. Vrin]]|collection=Histoire de la philosophie|lieu=Paris|année=2012|pages totales=428|isbn=978-2-7116-2451-5}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Jean-Pierre Cometti|auteur2=Dominique Janicaud|directeur2=oui|titre=''Être et temps'' de Martin Heidegger|sous-titre=questions de méthode et voies de recherche|éditeur=Sud|lieu=Marseille|année=1989|isbn=|isbn erroné=2864461058|bnf=35026983x}}.
**{{Chapitre|auteur=Jean-Pierre Cometti |titre chapitre=Situation herméneutique et ontologie fondamentale|auteurs ouvrage=Jean-Pierre Cometti et Dominique Janicaud (dir.)|titre ouvrage=''Être et temps'' de Martin Heidegger|sous-titre ouvrage=questions de méthode et voies de recherche|lieu=Marseille|éditeur=Sud|année=1989|passage=77-96|isbn erroné=2-86446-105-8 |bnf=35026983x}}.
**{{chapitre|auteur=[[Jacques Rivelaygue]]|titre chapitre=Le problème de l'Histoire dans Être et temps|auteurs ouvrage=Jean-Pierre Cometti et Dominique Janicaud (dir.)|titre ouvrage=''Être et temps'' de Martin Heidegger|sous-titre ouvrage=questions de méthode et voies de recherche|lieu=Marseille|éditeur=Sud|année=1989|isbn erroné=2-86446-105-8 |id=Rivelaygue1989}}.
** {{Chapitre|auteur=Jean-Paul Larthomas|auteurs ouvrage=Jean-Pierre Cometti et [[Dominique Janicaud]] (dir.)|titre ouvrage=Etre et Temps de Martin Heidegger: Questions de méthode et voies de recherches|titre chapitre=La question de la Répétition dans Être et Temps|lieu=Paris|éditeur=Sud|année=1989 |bnf=35026983x}}.
** {{chapitre|auteur=Jacques Gino |titre chapitre=Le Dasein à la recherche de sa problématique unité |auteurs ouvrage=Jean-Pierre Cometti et Dominique Janicaud (dir.)|titre ouvrage=''Être et temps'' de Martin Heidegger|sous-titre ouvrage=questions de méthode et voies de recherche|lieu=Marseille|éditeur=Sud|année=1989|isbn erroné=2-86446-105-8 |id=Gino1989|bnf=35026983x}}.
** {{chapitre|auteur=[[Michel Haar]]|titre chapitre=L'énigme de la quotidiennet|auteurs ouvrage=Jean-Pierre Cometti et Dominique Janicaud (dir.)|titre ouvrage=''Être et temps'' de Martin Heidegger|sous-titre ouvrage=questions de méthode et voies de recherche|lieu=Marseille|éditeur=Sud|année=1989|isbn erroné=2-86446-105-8|bnf=35026983x}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Sophie-Jan Arrien|auteur2=Sylvain Camilleri|directeur2=oui|titre=Le jeune Heidegger (1909-1926). Herméneutique, phénoménologie, théologie|éditeur=[[J. Vrin]]|collection=Problèmes et controverses|lieu=Paris|année=2011|pages totales=289|isbn=978-2-7116-2302-0|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=_a0O0vlnCe0C&printsec=frontcover|id=Le jeune Heidegger}}.
*{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Alexander Schnell]]|titre=De l'existence ouverte au monde fini|sous-titre=Heidegger 1925-1930|éditeur=[[J. Vrin]]|collection=Bibliothèque d'histoire de la philosophie|lieu=Paris|année=2005|pages totales=255|isbn=2-7116-1792-0|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=cmpcvZadVKwC&printsec=frontcover}}.
*{{Ouvrage|titre=[[Les Temps modernes (revue)]]|sous-titre=Heidegger.Qu'appelle-t-on le lieu?|éditeur=Claude Lanzmann|année=2008|pages totales=320|isbn=|numéro chapitre=650|id=Temps Modernes650}}.
**{{chapitre|auteur=[[Jean Grondin]]|titre=Heidegger et le défi du nominalisme|passage=234-247|année=2008|titre ouvrage=[[Les Temps modernes (revue)]]|sous-titre ouvrage=Heidegger.Qu'appelle-t-on le lieu?|éditeur=Claude Lanzmann|numéro chapitre=650|pages totales=320|id=Grondin2008}}.
*{{Ouvrage|auteur1=[[Émile Bréhier]]|auteur2=[[Paul Ricœur]]|titre=Histoire de la philosophie allemande troisième édition mise à jour P.Ricœur|éditeur=VRIN|collection=Bibliothèque d'histoire de la philosophie|année=1954|pages totales=262|id=Histoire de la philosophie allemande}}.
{{citation épisode |titre=Être et temps 2/5 : L'être-pour-la-mort.|url=http://www.franceculture.fr/emission-les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance-10-11-etre-et-temps-25-l-etre-pour-la-mort-2011-05-|série=Les Nouveaux chemins de la connaissance |crédits=[[Raphaël Enthoven]]|réseau=[[France Culture]] |ville= |diffusion=17 mai 2011|début= |fin= |saison= |numéro= |durée=59’10|id=Enthoven2011b}}.
*{{Ouvrage|auteur1=[[Martin Heidegger]]|traducteur=Roger Munier|titre=Lettre sur l'humanisme'', trad. franç. de ''Über den Humanismus|éditeur=Éditions Montaigne|lieu=Paris|année=1957|pages totales=189}} (texte suivi d'une ''Lettre à Monsieur Beaufret'', de l'auteur, datée du 23 novembre 1945, en allemand avec traduction française).
*{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=collectif|directeur1=[[Alexander Schnell]]|titre=Lire les Beiträge zur Philosophie de Martin Heidegger|éditeur=Hermann|lieu=Paris|année=2017|pages totales=356|isbn=978-2-7056-9346-6|id=beitrage}}.
*{{chapitre|auteur=John Sallis |titre chapitre=Où commence Être et Temps ?|auteurs ouvrage=Jean-Pierre Cometti et Dominique Janicaud (dir.)|titre ouvrage=Être et Temps de Martin Heidegger|sous-titre ouvrage=questions de méthode et voies de recherche|lieu=Marseille|éditeur=Sud|année=1989|isbn erroné=2-86446-105-8 |id=Sallis1989|bnf=35026983x}}.
*{{Ouvrage|auteur1=[[Abdelwahab Meddeb]]|titre=La maladie de l'islam|éditeur=Édition du Seuil|année=2005|pages=222|isbn=978-2-02-078847-2}}.
*{{chapitre|auteur=Mario Ruggenini|titre=La finitude de l'existence et question de la vérité. Heidegger 1925-1929|auteurs ouvrage=Jean-François Courtine (dir.)|titre ouvrage=Heidegger 1919-1929 : De l'herméneutique de la facticité à la métaphysique du Dasein |éditeur=J. Vrin |lien éditeur=Librairie philosophique J. Vrin |collection=Problèmes et controverses |lieu=Paris |année=1996 |passage=153-178|id=Ruggenini1996|isbn=978-2-7116-1273-4 }}.
}}

{{Palette|Heidegger}}
{{Portail|Martin Heidegger|Philosophie|Allemagne}}

[[Catégorie:Concept heideggérien]]