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« Pseudorationalisme » : différence entre les versions

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'''Pseudorationalisme''' est le terme utilisé par l'économiste et philosophe [[Otto Neurath]] pour désigner une approche qu'il critiquait, qui selon lui repose sur une compréhension erronée de la réflexion et de l'action morale. Neurath a exprimé ses critiques à travers divers écrits, principalement dans son article de 1913 intitulé ''"''Les promeneurs perdus de Descartes, et le motif auxiliaire''"'' et, dans son compte-rendu du livre de [[Karl Popper]], La logique de la découverte scientifique ''(Pseudorationalismus der Falsifikation",'' traduit en français en 2008<ref name=":0">{{Ouvrage|titre=L'âge d'or de l'empirisme logique: Vienne, Berlin, Prague, 1929-1936: textes de philosophie des sciences|éditeur=Gallimard|collection=Bibliothèque de philosophie|date=2006|isbn=978-2-07-077186-8|oclc=173182731|lire en ligne=https://www.worldcat.org/title/173182731|consulté le=2024-03-09}}</ref>).
'''Pseudorationalisme''' est le terme utilisé par l'économiste et philosophe [[Otto Neurath]] pour désigner une approche qu'il critiquait, qui selon lui repose sur une compréhension erronée de la réflexion et de l'action morale. Neurath a exprimé ses critiques à travers divers écrits, principalement dans son article de 1913 intitulé ''"''Les promeneurs perdus de Descartes, et le motif auxiliaire''"'' et, dans son compte-rendu du livre de [[Karl Popper]], La logique de la découverte scientifique ''(Pseudorationalismus der Falsifikation",'' traduit en français en 2008<ref name=":0">{{Ouvrage|titre=L'âge d'or de l'empirisme logique: Vienne, Berlin, Prague, 1929-1936: textes de philosophie des sciences|éditeur=Gallimard|collection=Bibliothèque de philosophie|date=2006|isbn=978-2-07-077186-8|oclc=173182731|lire en ligne=https://www.worldcat.org/title/173182731|consulté le=2024-03-09}}</ref>).
== Descartes et le 'navire en haute mer' ==
== Descartes et le 'navire en haute mer' ==
Dans "Les promeneurs perdus de Descartes et le motif auxiliaire" (''The lost wanderers of Descartes and the auxiliary motive (On the Psychology of Decision))'', Neurath écrit que "Descartes était d'avis que, dans le domaine théorique, en formant des séries successives d'énoncés que l'on a reconnus comme absolument vrais, on pourrait atteindre une image complète du monde"<ref name=":1">{{Chapitre|langue=en|prénom1=Otto|nom1=Neurath|titre chapitre=The Lost Wanderers of Descartes and the Auxiliary Motive|titre ouvrage=Philosophical Papers 1913–1946: With a Bibliography of Neurath in English|éditeur=Springer Netherlands|collection=Vienna Circle Collection|date=1983|pages totales=|passage=p. 8|isbn=978-94-009-6995-7|doi=10.1007/978-94-009-6995-7_1|lire en ligne=https://doi.org/10.1007/978-94-009-6995-7_1|consulté le=2024-03-09}}</ref> . Dans les ''Principes de la philosophie'', Descartes fait une nette distinction entre pensée et action, et rejette la possibilité d'avoir des règles provisoires dans le domaine moral et pratique, une hypothèse que Neurath rejette.
Dans "Les promeneurs perdus de Descartes et le motif auxiliaire" (''The lost wanderers of Descartes and the auxiliary motive On the Psychology of Decision)'', Neurath écrit que "Descartes était d'avis que, dans le domaine théorique, en formant des séries successives d'énoncés que l'on a reconnus comme absolument vrais, on pourrait atteindre une image complète du monde"<ref name=":1">{{Chapitre|langue=en|prénom1=Otto|nom1=Neurath|titre chapitre=The Lost Wanderers of Descartes and the Auxiliary Motive|titre ouvrage=Philosophical Papers 1913–1946: With a Bibliography of Neurath in English|éditeur=Springer Netherlands|collection=Vienna Circle Collection|date=1983|pages totales=|passage=p. 8|isbn=978-94-009-6995-7|doi=10.1007/978-94-009-6995-7_1|lire en ligne=https://doi.org/10.1007/978-94-009-6995-7_1|consulté le=2024-03-09}}</ref> . Dans les ''Principes de la philosophie'', [[René Descartes|Descartes]] fait une nette distinction entre pensée et action, et rejette la possibilité d'avoir des règles provisoires dans le domaine moral et pratique, une hypothèse que Neurath rejette.


L'approche de Descartes peut donc être métaphoriquement décrite comme celle des "promeneurs perdus", suggérant un voyage solitaire et introspectif vers la certitude et la connaissance, partant d'un point de scepticisme total.
L'approche de Descartes peut donc être métaphoriquement décrite comme celle des "promeneurs perdus", suggérant un voyage solitaire et introspectif vers la certitude et la connaissance, partant d'un point de scepticisme total.


Neurath a introduit la parabole du navire dans un autre article, "Les énoncés protocolaires" (1932), et non dans son texte de 1913. Cette métaphore décrit la science et la connaissance comme un voyage sans fin où nous devons réparer notre navire en mer, sans jamais pouvoir le démonter à sec et le reconstruire à partir de ses meilleurs composants. Elle souligne le caractère collectif, provisoire et fragmentaire de l'entreprise scientifique, contrastant fortement avec la quête de Descartes d'un fondement indubitable pour la connaissance : <blockquote>"Il n'y a aucun moyen d'établir des énoncés de protocole totalement sécurisés et ordonnés comme points de départ des sciences. Il n'y a pas de 'tabula rasa'. Nous sommes comme des marins qui doivent reconstruire leur navire en haute mer, sans jamais pouvoir le démonter à sec et le reconstruire à partir de ses meilleurs composants."<ref name=":0" />,<ref>{{Chapitre|langue=en|prénom1=Otto|nom1=Neurath|titre chapitre=Protocol Statements|titre ouvrage=Philosophical Papers 1913–1946|éditeur=Springer Netherlands|date=1983|pages totales=|passage=91–99|isbn=978-94-009-6997-1|doi=10.1007/978-94-009-6995-7_7|lire en ligne=http://link.springer.com/10.1007/978-94-009-6995-7_7|consulté le=2024-03-09}}</ref></blockquote>Ainsi, le pseudorationalisme peut être compris comme une mécompréhension des principes de Descartes, et peut conduire à une forme de cynisme. "Le pseudorationalisme conduit en partie à l'auto-illusion, en partie à l'hypocrisie"<ref name=":1" />. C'est une "croyance en des pouvoirs qui régulent l'existence et prédisent l'avenir" et selon Neurath, est similaire à la superstition. Il peut être identifié à une forme particulière de scientisme naïf.
Neurath a introduit la parabole du navire en mer dans un autre article, "Les énoncés protocolaires" (1932), et non dans son texte de 1913. Cette métaphore décrit la science et la connaissance comme un voyage sans fin où nous devons réparer notre navire en mer, sans jamais pouvoir le démonter à sec et le reconstruire à partir de ses meilleurs composants. Elle souligne le caractère collectif, provisoire et fragmentaire de l'entreprise scientifique, contrastant fortement avec la quête de Descartes d'un fondement indubitable pour la connaissance : <blockquote>"Il n'y a aucun moyen d'établir des énoncés de protocole totalement sécurisés et ordonnés comme points de départ des sciences. Il n'y a pas de 'tabula rasa'. Nous sommes comme des marins qui doivent reconstruire leur navire en haute mer, sans jamais pouvoir le démonter à sec et le reconstruire à partir de ses meilleurs composants."<ref name=":0" /><sup>,</sup><ref>{{Chapitre|langue=en|prénom1=Otto|nom1=Neurath|titre chapitre=Protocol Statements|titre ouvrage=Philosophical Papers 1913–1946|éditeur=Springer Netherlands|date=1983|pages totales=|passage=91–99|isbn=978-94-009-6997-1|doi=10.1007/978-94-009-6995-7_7|lire en ligne=http://link.springer.com/10.1007/978-94-009-6995-7_7|consulté le=2024-03-09}}</ref></blockquote>Ainsi, le pseudorationalisme peut être compris comme une mécompréhension des principes du rationalisme énoncés par Descartes, et peut conduire à une forme de cynisme. "Le pseudorationalisme conduit en partie à l'auto-illusion, en partie à l'hypocrisie"<ref name=":1" />. C'est une "croyance en des pouvoirs qui régulent l'existence et prédisent l'avenir" et selon Neurath, est similaire à la superstition. Il peut être identifié à une forme particulière de [[scientisme]] naïf.


== Une croyance naïve en la raison ==
== Une croyance naïve en la raison ==
Le deuxième texte mentionnant le pseudorationalisme est une critique du premier livre de Popper, ''La logique de la recherche scientifique'', contrastant cette approche avec sa propre vision de ce que devrait être le rationalisme.
Le deuxième texte mentionnant le pseudorationalisme est une critique du premier livre de Popper, ''La logique de la recherche scientifique'', contrastant cette approche avec sa propre vision de ce que devrait être le rationalisme.


Neurath critique la conception cumulative de la connaissance promue par Popper. Par exemple, Popper écrit que : "Pour qu'une théorie qui a été bien corroborée puisse être supplantée, il faut qu'elle le soit par une théorie d'un niveau de généralité supérieur ; c'est-à-dire par une théorie qui est mieux testable et qui, en plus, 'contient' l'ancienne théorie bien corroborée — ou du moins une bonne approximation de celle-ci. Il pourrait donc être plus juste de décrire cette tendance — l'avancée vers des théories d'un niveau de généralité toujours plus élevé — comme 'quasi-inductive'."<ref>{{Ouvrage|prénom1=Karl|nom1=Popper|titre=The logic of scientific discovery|éditeur=Routledge|date=2010|passage=250|isbn=978-0-415-27844-7|consulté le=2024-03-09}}</ref>
Neurath critique la conception cumulative de la connaissance promue par Popper. Par exemple, Popper écrit que : "Pour qu'une théorie qui a été bien corroborée puisse être supplantée, il faut qu'elle le soit par une théorie d'un niveau de généralité supérieur ; c'est-à-dire par une théorie qui est mieux testable et qui, en plus, 'contient' l'ancienne théorie bien corroborée — ou du moins une bonne approximation de celle-ci. Il pourrait donc être plus juste de décrire cette tendance — l'avancée vers des théories d'un niveau de généralité toujours plus élevé — comme 'quasi-inductive'."<ref>{{Ouvrage|prénom1=Karl|nom1=Popper|titre=The logic of scientific discovery|éditeur=Routledge|date=2010|passage=250|isbn=978-0-415-27844-7|consulté le=2024-03-09}}</ref> Or Neurath souligne le fait que les différentes étapes de la théorie gravitationnelle peuvent à peine être comprises comme des approximations d'une seule théorie, ce qui infirme la thèse de Popper. Il s'appuie pour ce faire sur l'œuvre de [[Pierre Duhem]] ''La théorie physique : son objet, sa structure''.

Sa critique souligne le fait que les différentes étapes de la théorie gravitationnelle peuvent à peine être comprises comme des approximations dune seule' théorie. Il s'appuie sur l'œuvre de [[Pierre Duhem]] ''La théorie physique : son objet, sa structure''.


Un autre aspect de sa critique suggère que Popper plaide pour une forme d'absolutisme traditionnel, dans lequel toutes les théories scientifiques convergent progressivement vers une compréhension globale du monde. Selon Neurath, les pseudorationalistes, bien plus en succès dans les années 1930 qu'auparavant, commettent l'erreur de supposer une image complète de la réalité, une impossibilité qui les conduit à d'autres fausses suppositions.
Un autre aspect de sa critique suggère que Popper plaide pour une forme d'absolutisme traditionnel, dans lequel toutes les théories scientifiques convergent progressivement vers une compréhension globale du monde. Selon Neurath, les pseudorationalistes, bien plus en succès dans les années 1930 qu'auparavant, commettent l'erreur de supposer une image complète de la réalité, une impossibilité qui les conduit à d'autres fausses suppositions.


Par conséquent, la nécessité d'une calcul en nature a introduit une demande pour une approche alternative du raisonnement pratique. Cette nouvelle approche divergeait significativement des idéaux astronomiques précis incarnés par [[Pierre-Simon de Laplace|Laplace]], ainsi que des principes rationalistes et individualistes associés à Descartes en philosophie. Il a qualifié ce départ de "pseudorationalité", un concept qu'il a plus tard identifié dans les perspectives de Popper.
Le pseudorationalisme fait également référence à la conception de l'économie par Neurath et à sa critique du mauvais usage du concept de rationalité<ref>{{Ouvrage|prénom1=John|nom1=O'Neill|titre=The market: ethics, knowledge and politics|éditeur=Routledge|collection=Economics as social theory|date=1998|isbn=978-0-415-09827-4|isbn2=978-0-415-15422-2|consulté le=2024-03-09}}</ref>. La nécessité d'un calcul naturel (''Naturalrechnung'') en économie a nécessité une approche alternative du raisonnement pratique<ref>{{Chapitre|langue=en|prénom1=Otto|nom1=Neurath|titre chapitre=The Conceptual Structure of Economic Theory and its Foundations|titre ouvrage=Otto Neurath Economic Writings Selections 1904–1945|éditeur=Springer Netherlands|collection=Vienna Circle Collection|date=2004|pages totales=312–341|isbn=978-1-4020-2274-6|doi=10.1007/1-4020-2274-3_11|lire en ligne=https://doi.org/10.1007/1-4020-2274-3_11|consulté le=2024-03-09}}</ref>. Cette nouvelle approche divergeait significativement des idéaux astronomiques précis incarnés par [[Pierre-Simon de Laplace|Laplace]], ainsi que des principes rationalistes et individualistes associés à Descartes en philosophie, et plus tard repris par Popper, selon lui.


Le rationalisme, en tant que doctrine épistémologique et politique, est donc destinée à combattre ces avatars du rationalisme.<blockquote>Le rationalisme voit son principal triomphe dans la reconnaissance claire des limites de la compréhension actuelle. Je tends à dériver la tendance répandue vers le pseudorationalisme des mêmes efforts inconscients que la tendance vers la superstition.<ref name=":1" /></blockquote>Le pseudorationalisme fait également référence à la conception de l'économie par Neurath et à sa critique du mauvais usage du concept de rationalité<ref>{{Ouvrage|prénom1=John|nom1=O'Neill|titre=The market: ethics, knowledge and politics|éditeur=Routledge|collection=Economics as social theory|date=1998|isbn=978-0-415-09827-4|isbn2=978-0-415-15422-2|consulté le=2024-03-09}}</ref>.
Le rationalisme, en tant que doctrine épistémologique et politique, est donc destiné à combattre ces avatars du rationalisme et, sur le plan économique, à critiquer une conception du calcul.<blockquote>Le rationalisme voit son principal triomphe dans la reconnaissance claire des limites de la compréhension actuelle. Je tends à dériver la tendance répandue vers le pseudorationalisme des mêmes efforts inconscients que la tendance vers la superstition.<ref name=":1" /></blockquote>


== Références ==
== Références ==

Version du 9 mars 2024 à 17:19

Pseudorationalisme est le terme utilisé par l'économiste et philosophe Otto Neurath pour désigner une approche qu'il critiquait, qui selon lui repose sur une compréhension erronée de la réflexion et de l'action morale. Neurath a exprimé ses critiques à travers divers écrits, principalement dans son article de 1913 intitulé "Les promeneurs perdus de Descartes, et le motif auxiliaire" et, dans son compte-rendu du livre de Karl Popper, La logique de la découverte scientifique (Pseudorationalismus der Falsifikation", traduit en français en 2008[1]).

Descartes et le 'navire en haute mer'

Dans "Les promeneurs perdus de Descartes et le motif auxiliaire" (The lost wanderers of Descartes and the auxiliary motive – On the Psychology of Decision), Neurath écrit que "Descartes était d'avis que, dans le domaine théorique, en formant des séries successives d'énoncés que l'on a reconnus comme absolument vrais, on pourrait atteindre une image complète du monde"[2] . Dans les Principes de la philosophie, Descartes fait une nette distinction entre pensée et action, et rejette la possibilité d'avoir des règles provisoires dans le domaine moral et pratique, une hypothèse que Neurath rejette.

L'approche de Descartes peut donc être métaphoriquement décrite comme celle des "promeneurs perdus", suggérant un voyage solitaire et introspectif vers la certitude et la connaissance, partant d'un point de scepticisme total.

Neurath a introduit la parabole du navire en mer dans un autre article, "Les énoncés protocolaires" (1932), et non dans son texte de 1913. Cette métaphore décrit la science et la connaissance comme un voyage sans fin où nous devons réparer notre navire en mer, sans jamais pouvoir le démonter à sec et le reconstruire à partir de ses meilleurs composants. Elle souligne le caractère collectif, provisoire et fragmentaire de l'entreprise scientifique, contrastant fortement avec la quête de Descartes d'un fondement indubitable pour la connaissance :

"Il n'y a aucun moyen d'établir des énoncés de protocole totalement sécurisés et ordonnés comme points de départ des sciences. Il n'y a pas de 'tabula rasa'. Nous sommes comme des marins qui doivent reconstruire leur navire en haute mer, sans jamais pouvoir le démonter à sec et le reconstruire à partir de ses meilleurs composants."[1],[3]

Ainsi, le pseudorationalisme peut être compris comme une mécompréhension des principes du rationalisme énoncés par Descartes, et peut conduire à une forme de cynisme. "Le pseudorationalisme conduit en partie à l'auto-illusion, en partie à l'hypocrisie"[2]. C'est une "croyance en des pouvoirs qui régulent l'existence et prédisent l'avenir" et selon Neurath, est similaire à la superstition. Il peut être identifié à une forme particulière de scientisme naïf.

Une croyance naïve en la raison

Le deuxième texte mentionnant le pseudorationalisme est une critique du premier livre de Popper, La logique de la recherche scientifique, contrastant cette approche avec sa propre vision de ce que devrait être le rationalisme.

Neurath critique la conception cumulative de la connaissance promue par Popper. Par exemple, Popper écrit que : "Pour qu'une théorie qui a été bien corroborée puisse être supplantée, il faut qu'elle le soit par une théorie d'un niveau de généralité supérieur ; c'est-à-dire par une théorie qui est mieux testable et qui, en plus, 'contient' l'ancienne théorie bien corroborée — ou du moins une bonne approximation de celle-ci. Il pourrait donc être plus juste de décrire cette tendance — l'avancée vers des théories d'un niveau de généralité toujours plus élevé — comme 'quasi-inductive'."[4] Or Neurath souligne le fait que les différentes étapes de la théorie gravitationnelle peuvent à peine être comprises comme des approximations d'une seule théorie, ce qui infirme la thèse de Popper. Il s'appuie pour ce faire sur l'œuvre de Pierre Duhem La théorie physique : son objet, sa structure.

Un autre aspect de sa critique suggère que Popper plaide pour une forme d'absolutisme traditionnel, dans lequel toutes les théories scientifiques convergent progressivement vers une compréhension globale du monde. Selon Neurath, les pseudorationalistes, bien plus en succès dans les années 1930 qu'auparavant, commettent l'erreur de supposer une image complète de la réalité, une impossibilité qui les conduit à d'autres fausses suppositions.

Le pseudorationalisme fait également référence à la conception de l'économie par Neurath et à sa critique du mauvais usage du concept de rationalité[5]. La nécessité d'un calcul naturel (Naturalrechnung) en économie a nécessité une approche alternative du raisonnement pratique[6]. Cette nouvelle approche divergeait significativement des idéaux astronomiques précis incarnés par Laplace, ainsi que des principes rationalistes et individualistes associés à Descartes en philosophie, et plus tard repris par Popper, selon lui.

Le rationalisme, en tant que doctrine épistémologique et politique, est donc destiné à combattre ces avatars du rationalisme et, sur le plan économique, à critiquer une conception du calcul.

Le rationalisme voit son principal triomphe dans la reconnaissance claire des limites de la compréhension actuelle. Je tends à dériver la tendance répandue vers le pseudorationalisme des mêmes efforts inconscients que la tendance vers la superstition.[2]

Références

  1. a et b L'âge d'or de l'empirisme logique: Vienne, Berlin, Prague, 1929-1936: textes de philosophie des sciences, Gallimard, coll. « Bibliothèque de philosophie », (ISBN 978-2-07-077186-8, OCLC 173182731, lire en ligne)
  2. a b et c (en) Otto Neurath, « The Lost Wanderers of Descartes and the Auxiliary Motive », dans Philosophical Papers 1913–1946: With a Bibliography of Neurath in English, Springer Netherlands, coll. « Vienna Circle Collection », (ISBN 978-94-009-6995-7, DOI 10.1007/978-94-009-6995-7_1, lire en ligne), p. 8
  3. (en) Otto Neurath, « Protocol Statements », dans Philosophical Papers 1913–1946, Springer Netherlands, (ISBN 978-94-009-6997-1, DOI 10.1007/978-94-009-6995-7_7, lire en ligne), p. 91–99
  4. Karl Popper, The logic of scientific discovery, Routledge, (ISBN 978-0-415-27844-7), p. 250
  5. John O'Neill, The market: ethics, knowledge and politics, Routledge, coll. « Economics as social theory », (ISBN 978-0-415-09827-4 et 978-0-415-15422-2)
  6. (en) Otto Neurath, « The Conceptual Structure of Economic Theory and its Foundations », dans Otto Neurath Economic Writings Selections 1904–1945, Springer Netherlands, coll. « Vienna Circle Collection », , 312–341 p. (ISBN 978-1-4020-2274-6, DOI 10.1007/1-4020-2274-3_11, lire en ligne)