« Pseudorationalisme » : différence entre les versions

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Contenu supprimé Contenu ajouté
Tisma08 (discuter | contributions)
Traduction anglaise de page "Pseudorationalism"
(Aucune différence)

Version du 9 mars 2024 à 17:06

Pseudorationalisme est le terme utilisé par l'économiste et philosophe Otto Neurath pour désigner une approche qu'il critiquait, qui selon lui repose sur une compréhension erronée de la réflexion et de l'action morale. Neurath a exprimé ses critiques à travers divers écrits, principalement dans son article de 1913 intitulé "Les promeneurs perdus de Descartes, et le motif auxiliaire" et, dans son compte-rendu du livre de Karl Popper, La logique de la découverte scientifique (Pseudorationalismus der Falsifikation", traduit en français en 2008[1]).

Descartes et le 'navire en haute mer'

Dans "Les promeneurs perdus de Descartes et le motif auxiliaire" (The lost wanderers of Descartes and the auxiliary motive (On the Psychology of Decision)), Neurath écrit que "Descartes était d'avis que, dans le domaine théorique, en formant des séries successives d'énoncés que l'on a reconnus comme absolument vrais, on pourrait atteindre une image complète du monde"[2] . Dans les Principes de la philosophie, Descartes fait une nette distinction entre pensée et action, et rejette la possibilité d'avoir des règles provisoires dans le domaine moral et pratique, une hypothèse que Neurath rejette.

L'approche de Descartes peut donc être métaphoriquement décrite comme celle des "promeneurs perdus", suggérant un voyage solitaire et introspectif vers la certitude et la connaissance, partant d'un point de scepticisme total.

Neurath a introduit la parabole du navire dans un autre article, "Les énoncés protocolaires" (1932), et non dans son texte de 1913. Cette métaphore décrit la science et la connaissance comme un voyage sans fin où nous devons réparer notre navire en mer, sans jamais pouvoir le démonter à sec et le reconstruire à partir de ses meilleurs composants. Elle souligne le caractère collectif, provisoire et fragmentaire de l'entreprise scientifique, contrastant fortement avec la quête de Descartes d'un fondement indubitable pour la connaissance :

"Il n'y a aucun moyen d'établir des énoncés de protocole totalement sécurisés et ordonnés comme points de départ des sciences. Il n'y a pas de 'tabula rasa'. Nous sommes comme des marins qui doivent reconstruire leur navire en haute mer, sans jamais pouvoir le démonter à sec et le reconstruire à partir de ses meilleurs composants."[1],[3]

Ainsi, le pseudorationalisme peut être compris comme une mécompréhension des principes de Descartes, et peut conduire à une forme de cynisme. "Le pseudorationalisme conduit en partie à l'auto-illusion, en partie à l'hypocrisie"[2]. C'est une "croyance en des pouvoirs qui régulent l'existence et prédisent l'avenir" et selon Neurath, est similaire à la superstition. Il peut être identifié à une forme particulière de scientisme naïf.

Une croyance naïve dans les capacités de la pensée rationnelle

Le deuxième texte mentionnant le pseudorationalisme était une critique du premier livre de Karl Popper, "Logik der Forschung" (La logique de la recherche scientifique), contrastant cette approche avec sa propre vision de ce que devrait être le rationalisme.

Neurath critique la conception cumulative de la connaissance promue par Popper. Par exemple, Popper écrit que : "Pour qu'une théorie qui a été bien corroborée puisse être supplantée, il faut qu'elle le soit par une théorie d'un niveau de généralité supérieur ; c'est-à-dire par une théorie qui est mieux testable et qui, en plus, 'contient' l'ancienne théorie bien corroborée — ou du moins une bonne approximation de celle-ci. Il pourrait donc être plus juste de décrire cette tendance — l'avancée vers des théories d'un niveau de généralité toujours plus élevé — comme 'quasi-inductive'."[4]

La critique de Neurath souligne le fait que les différentes étapes de la théorie gravitationnelle peuvent à peine être comprises comme des approximations dune seule' théorie. Il s'appuie sur l'œuvre de Pierre Duhem La théorie physique : son objet, sa structure.

Un autre aspect de sa critique suggère que Popper plaide pour une forme d'absolutisme traditionnel, dans lequel toutes les théories scientifiques convergent progressivement vers une compréhension globale du monde. Selon Neurath, les pseudorationalistes, bien plus en succès dans les années 1930 qu'auparavant, commettent l'erreur de supposer une image complète de la réalité, une impossibilité qui les conduit à d'autres fausses suppositions.

Par conséquent, la nécessité d'une calcul en nature a introduit une demande pour une approche alternative du raisonnement pratique. Cette nouvelle approche divergeait significativement des idéaux astronomiques précis incarnés par Laplace, ainsi que des principes rationalistes et individualistes associés à Descartes en philosophie. Il a qualifié ce départ de "pseudorationalité", un concept qu'il a plus tard identifié dans les perspectives de Popper.

Le rationalisme, en tant que doctrine épistémologique et politique, est donc destinée à combattre ces avatars du rationalisme.

Le rationalisme voit son principal triomphe dans la reconnaissance claire des limites de la compréhension actuelle. Je tends à dériver la tendance répandue vers le pseudorationalisme des mêmes efforts inconscients que la tendance vers la superstition.[2]

Le pseudorationalisme fait également référence à la conception de l'économie par Neurath et à sa critique du mauvais usage du concept de rationalité[5].

  1. a et b L'âge d'or de l'empirisme logique: Vienne, Berlin, Prague, 1929-1936: textes de philosophie des sciences, Gallimard, coll. « Bibliothèque de philosophie », (ISBN 978-2-07-077186-8, OCLC 173182731, lire en ligne)
  2. a b et c (en) Otto Neurath, « The Lost Wanderers of Descartes and the Auxiliary Motive », dans Philosophical Papers 1913–1946: With a Bibliography of Neurath in English, Springer Netherlands, coll. « Vienna Circle Collection », (ISBN 978-94-009-6995-7, DOI 10.1007/978-94-009-6995-7_1, lire en ligne), p. 8
  3. (en) Otto Neurath, « Protocol Statements », dans Philosophical Papers 1913–1946, Springer Netherlands, (ISBN 978-94-009-6997-1, DOI 10.1007/978-94-009-6995-7_7, lire en ligne), p. 91–99
  4. Karl Popper, The logic of scientific discovery, Routledge, (ISBN 978-0-415-27844-7), p. 250
  5. John O'Neill, The market: ethics, knowledge and politics, Routledge, coll. « Economics as social theory », (ISBN 978-0-415-09827-4 et 978-0-415-15422-2)