« Viande artificielle » : différence entre les versions

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=== Introduction ===
#REDIRECTION [[Viande cultivée]]
La viande artificielle est crée à partir d'une biotechnologie permettant de reproduire artificiellement des produits d’origine animale par la culture de microorganismes ou de cellules. Parmi ces produits, on distingue les produits « acellulaires » (lait, blanc d’œuf) des produits « cellulaires » (viandes, poissons et fruits de mer).

==== Différences avec la viande d'origine animale ====
La viande, telle qu’elle est définie par le Parlement européen<ref>{{Lien web |auteur= |titre=Rectificatif au règlement (CE) n° 853/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 fixant des règles spécifiques d’hygiène applicables aux denrées alimentaires d’origine animale (JO L 139 du 30.4.2004)’. |url=http://data.europa.eu/eli/reg/2004/853/corrigendum/2004-06-25/oj/fra. Consulté le 18 mai 2022. |date=2004}}</ref>, est un « muscle squelettique avec graisse et tissu conjonctif naturellement inclus ou adhérents ». C’est un alliage complexe de différents éléments, dont des muscles squelettiques, des tissus conjonctifs, des vaisseaux sanguins et des nerfs. A l’inverse, la viande cellulaire se contente de reproduire principalement les myocytes, aussi appelés fibres musculaires, car ce sont les principaux constituants de la viande<ref>{{Lien web |auteur=Stephens, N., Di Silvio, L., Dunsford, I., Ellis, M., Glencross, A., & Sexton, A. |titre=Bringing cultured meat to market : Technical, socio-political, and regulatory challenges in cellular agriculture |url=https://doi.org/10.1016/j.tifs.2018.04.010 |date=2018}}</ref>. La viande artificielle se rapproche ainsi davantage d’un « tissu musculaire » que de la viande à proprement parler. Dès lors, il semble plus approprié de parler d’amas cellulaires<ref>{{Lien web |auteur=INRAE Institutionnel |titre=La viande in vitro, une voie exploratoire controversée |url=https://www.inrae.fr/actualites/viande-vitro-voie-exploratoire-controversee}}</ref> tant le résultat issu des laboratoires est éloigné de la viande. La chercheuse Marie-Pierre Ellies explique quant à elle que « dans le milieu de la recherche on a plutôt tendance à parler de fibres musculaires en culture », plutôt que de viande. »<ref>{{Lien web |auteur=Radio France |titre=Agriculture cellulaire, viande de synthèse : La nourriture de demain ? |url=https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-meilleur-des-mondes/le-meilleur-des-mondes-emission-du-vendredi-10-septembre-2021-3295155}}</ref>.

Une autre étape incontournable de ce qui constitue la viande réside dans le processus de maturation. Après l’abattage de l’animal, les muscles se contractent et se rigidifient et le glycogène est converti en lactate en raison de l’absence d’alimentation en oxygène par le sang. La production de lactate conduit à une baisse du pH. Diverses enzymes s’activent alors et coupent les protéines musculaires ce qui a pour effet d’attendrir la viande et de lui donner une texture particulière<ref>{{Ouvrage|auteur1=G. Monin|titre=Facteurs biologiques des qualités de la viande bovine|passage=pp.151-160.|date=1991}}</ref>.

Ce phénomène, pourtant analysé durant des décennies par les chercheurs en viande, reste cependant mal compris et donc négligé par l’agriculture cellulaire en raison de sa complexité et du manque de connaissance qui persistent pour les cellules cultivées Cela explique, en partie, l’ajout de nombreux ingrédients tels que la chapelure, la poudre d'œuf, ou encore le jus de betterave, afin de masquer les défauts sensoriels de la viande artificielle<ref>{{Lien web |auteur=Hocquette, J.-F. |titre=Is in vitro meat the solution for the future? |url=https://doi.org/10.1016/j.meatsci.2016.04.036 |date=2016}}</ref>.

Enfin, la production cellulaire n’est pas considérée comme de la viande d’un point de vue réglementaire car la « viande de culture » rentre dans la catégorie des nouveaux aliments sur un plan réglementaire<ref>{{Lien web |auteur=Boler, D. D., & Woerner, D. R. |titre=What is meat? A perspective from the american meat science association |url=https://doi.org/10.2527/af.2017.0436 |date=2017}}</ref>.

=== Techniques de production ===

==== Lignées cellulaires ====
Eva et al. <ref>{{Lien web |auteur=Ramboer, E., De Craene, B., De Kock, J., Vanhaecke, T., Berx, G., Rogiers, V., & Vinken, M. |titre=Strategies for immortalization of primary hepatocytes. Journal of hepatology |url=https://doi.org/10.1016/j.jhep.2014.05.046 |date=2014}}</ref> expliquent que de telles « lignées cellulaires » peuvent être obtenues de deux manières différentes : par induction ou par sélection de mutations spontanées. La première méthode consiste en la modification génétique ou chimique de cellules quand la seconde technique consiste à sélectionner des mutations spontanées. Dans les deux cas, l’innocuité n’est pas assurée puisqu’il s’agit de cultiver des cellules cancérigènes pouvant avoir des pouvoirs tumorigènes <ref>{{Lien web |auteur=Wang, Y., Chen, S., Yan, Z., & Pei, M. |titre=A prospect of cell immortalization combined with matrix microenvironmental optimization strategy for tissue engineering and regeneration |url=https://doi.org/10.1186/s13578-018-0264-9 |date=2019}}</ref> comme en témoigne un brevet de Memphis Meats<ref>{{Lien web |auteur=Mosa |titre=Meat Compositions and methods for increasing the culture density of a cellular biomass within a cultivation infrastructure. |url=https://patentimages.storage.googleapis.com/ae/46/f9/4b0f92532c1dab/WO2018208628A1.pdf |date=2018}}</ref>.


Jean-François Hocquette <ref>{{Lien web |auteur=Hocquette, J.-F. |titre=Is in vitro meat the solution for the future? |url=https://doi.org/10.1016/j.meatsci.2016.04.036 |date=2016}}</ref> s’inquiète tout particulièrement des conséquences possibles de l’ingestion de cellules cancéreuses, dans la mesure où elles risquent de ne pas être identifiées parmi toutes les autres cellules. Il a d’ailleurs été démontré que l'ADN des cellules végétales génétiquement modifiées peut être transféré dans la microflore du tractus gastro-intestinal humain, ce qui pourrait aussi être le cas avec les lignées cellulaires. Ce risque fait ainsi dire à Nawaz et ali. <ref>{{Lien web |auteur=Nawaz, M. et ali. |titre=Addressing concerns over the fate of DNA derived from genetically modified food in the human body : A review. Food and Chemical Toxicology |url=https://doi.org/10.1016/j.fct.2018.12.030 |date=2019}}</ref> qu’une « diligence raisonnable exigerait des recherches supplémentaires sur les cellules animales génétiquement modifiées ».


Soice et ali <ref>{{Lien web |auteur=Soice, E., & Johnston, J. |titre=Immortalizing cells for human consumption |url=https://doi.org/10.3390/ijms222111660 |date=2021}}</ref> soulignent que « la confirmation de la sécurité des futurs produits fabriqués à partir de cellules animales immortalisées exprimant des oncogènes, que ce soit par immortalisation spontanée ou par génie génétique, représente une lacune dans les connaissances dans ce domaine » et qu‘ « aucune lignée cellulaire immortelle disponible dans le commerce et pertinente pour l'agriculture n'a été confirmée comme étant sûre pour les aliments. ». La question de l’innocuité des cellules souches n'est pas résolue.


Par ailleurs, quand bien même les connaissances scientifiques permettraient d’affirmer que ces techniques sont sans risques, il faudrait encore surveiller les cellules pour éviter toute contamination et dérive génétique dans la mesure où la contamination des lignées cellulaires peut être courante en culture cellulaire<ref>{{Lien web |auteur=Geraghty, R. J et ali. |titre=Guidelines for the use of cell lines in biomedical research. |url=https://doi.org/10.1038/bjc.2014.166 |date=2014}}</ref>.La capacité des acteurs industriels à assurer la sanité de leurs produits est donc remise en question.

=== Santé ===
Il est extrêmement difficile de prévoir les effets, les risques et les dangers possibles qui découlent de cette nouvelle forme de production<ref>{{Lien web |auteur=Bhat, Z. F., Morton, J. D., Mason, S. L., Bekhit, A. E. A., & Bhat, H. F. |titre=Technological, regulatory, and ethical aspects of in vitro meat : A future slaughter‐free harvest. |url=https://doi.org/10.1111/1541-4337.12473 |date=2019}}</ref>.

Des chercheurs pointent ainsi le fait que la littérature scientifique soit lacunaire et incomplète sur certains thèmes, et qu’elle omette de s’attarder sur certaines critiques. Le nombre d’études scientifiques recensées en 2020 s’élevait à seulement 300 contre plus de 12 000 articles de presse<ref>{{Lien web |auteur=Chriki, S., Ellies-Oury, M.-P., Fournier, D., Liu, J., & Hocquette, J.-F. |titre=Analysis of scientific and press articles related to cultured meat for a better understanding of its perception |url=https://www.frontiersin.org/article/10.3389/fpsyg.2020.01845 |date=2020}}</ref>, ce qui représente un vivier très peu fourni.

Ketelings<ref>{{Lien web |auteur=Ketelings, L., Kremers, S., & de Boer, A. |titre=The barriers and drivers of a safe market introduction of cultured meat : A qualitative study |url=https://doi.org/10.1016/j.foodcont.2021.108299 |date=2021}}</ref> abonde en ce sens et souligne que « le manque de recherches approfondies liées à la caractérisation des dangers et des risques de la viande cultivée est considéré comme le plus grand obstacle à l'introduction d'un produit sûr sur le marché ».

La communauté scientifique reste donc globalement très réservée, et ne s’est pas prononcée sur les nombreuses incertitudes qui planent encore. Une des raisons à ce manque d’études, est l’absence d’un processus de fabrication unique ainsi que l’immaturité des technologies actuelles<ref>{{Lien web |auteur=Ketelings, L., Kremers, S., & de Boer, A. |titre=The barriers and drivers of a safe market introduction of cultured meat : A qualitative study. |url=https://doi.org/10.1016/j.foodcont.2021.108299 |date=2021}}</ref>

De plus, il est légitime de douter de la capacité de l’agriculture cellulaire à se passer d’antibiotiques<ref>{{Lien web |auteur=Tomiyama, A. J., Kawecki, N. S., Rosenfeld, D. L., Jay, J. A., Rajagopal, D., & Rowat, A. C. |titre=Bridging the gap between the science of cultured meat and public perceptions |url=https://doi.org/10.1016/j.tifs.2020.07.019 |date=2020}}</ref>. Pour appuyer leur argumentaire, les promoteurs de l’agriculture cellulaire soulignent que « les animaux d’élevage industriel consomment aujourd’hui environ la même quantité d’antibiotiques que les humains »<ref>{{Lien web |auteur=Agriculture Cellulaire France |titre=Les bénéfices de l’agriculture cellulaire |url=https://agriculturecellulaire.fr/benefices-agriculture-cellulaire/}}</ref>. Et, s’il est vrai que l’agriculture contribue principalement au développement de l’antibiorésistance, la présentation de cet argument est fallacieuse. Ils omettent en effet de préciser que, si certains pays comme les États-Unis encadrent assez peu l’utilisation d’antibiotiques, « les niveaux d'utilisation varient considérablement d'un pays à l'autre ; par exemple, certains pays d'Europe du Nord utilisent des quantités très faibles pour traiter les animaux. »<ref>{{Lien web |auteur=European Medicines Agency |titre=Sales of veterinary antimicrobial agents in 30 European countries in 2015 : Trends from 2010 to 2015  |url=http://publications.europa.eu/publication/manifestation_identifier/PUB_TCAE17001ENN |date=2017}}</ref>.

=== Économie ===
De nombreux pays contribuent à l'économie de la viande cellulaire car guidés par des considérations de sécurité alimentaire. C’est notamment le cas de Singapour qui importe 90% de ses biens alimentaires<ref>{{Lien web |auteur=Trésor, D. générale du. |titre=Commerce extérieur de Singapour : Bilan de l’année 2020 et du S1 2021 |url=https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2021/08/02/commerce-exterieur-de-singapour-bilan-de-l-annee-2020-et-du-s1-2021}}</ref>, tout comme pour Israël<ref>{{Lien web |auteur=Mancini, M. C., & Antonioli, F. |titre=The future of cultured meat between sustainability expectations and socio-economic challenges |url=https://doi.org/10.1016/B978-0-323-91001-9.00024-4 |date=2022}}</ref>. Singapour est ainsi le premier État à autoriser la mise sur le marché de nourriture cellulaire<ref>{{Lien web |auteur=Le Monde.fr. |titre=Singapour autorise la vente de viande artificielle, une première mondiale. |url=https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/12/02/singapour-autorise-la-vente-de-viande-artificielle-une-premiere-mondiale_6061926_3244.html}}</ref>.

Paul Ariès, spécialiste de l’alimentation et de l’élevage paysan qui a publié plusieurs essais sur le sujet, synthétise en une phrase tout l’enjeu de cette problématique : « les champions de la viande sale d’aujourd’hui sont les champions de la fausse viande de demain »<ref>{{Lien web |auteur=Hadjadji, N. |titre=Google prendra-t-il le contrôle de nos assiettes ? |url=https://www.ladn.eu/tech-a-suivre/clean-meat-economie-numerique-industrie-food/}}</ref>.

==== Financement ====



=== Droit ===
La France a d’ores et déjà interdit la « viande artificielle » des services de restauration scolaire, universitaires, des établissements de santé, des établissements sociaux et médico-sociaux et des établissements pénitentiaires<ref>{{Lien web |titre=Amendement N°896 à la loi dite de Lutte contre le dérèglement climatique - (N° 3875) |url=https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements_alt/3875/CSLDCRRE/896}}</ref>.



=== Environnement ===
Les arguments mis en avant par les tenants de l’agriculture cellulaire sont, assez souvent des arguments « largement spéculatifs » <ref>{{Lien web |auteur=Santo, R. E., Kim, B. F., Goldman, S. E., Dutkiewicz, J., Biehl, E. M. B., Bloem, M. W., Neff, R. A., & Nachman, K. E. |titre=Considering plant-based meat substitutes and cell-based meats : A public health and food systems perspective |url=https://www.frontiersin.org/article/10.3389/fsufs.2020.00134 |date=2020}}</ref> sans réelle valeur scientifique et ne reposant que sur des données déclaratives<ref>{{Lien web |auteur=Ipes food |titre=Report {{!}} the politics of protein |url=https://www.ipes-food.org/pages/politicsofprotein}}</ref>. Dans ces conditions, les limites techniques et technologiques que l’industrie rencontre pourraient conduire l’agriculture cellulaire à ne jamais tenir ses promesses. Le fait d’affirmer que l’agriculture cellulaire serait bénéfique pour l’environnement, car moins polluante que l’agriculture d’élevage, est aujourd’hui remis en cause<ref>{{Lien web |auteur=Rodríguez Escobar, M. I., Cadena, E., Nhu, T. T., Cooreman-Algoed, M., De Smet, S., & Dewulf, J. |titre=Analysis of the cultured meat production system in function of its environmental footprint : Current status, gaps and recommendations |url=https://doi.org/10.3390/foods10122941 |date=2021}}</ref>.

Version du 23 juin 2022 à 12:16

Introduction

La viande artificielle est crée à partir d'une biotechnologie permettant de reproduire artificiellement des produits d’origine animale par la culture de microorganismes ou de cellules. Parmi ces produits, on distingue les produits « acellulaires » (lait, blanc d’œuf) des produits « cellulaires » (viandes, poissons et fruits de mer).

Différences avec la viande d'origine animale

La viande, telle qu’elle est définie par le Parlement européen[1], est un « muscle squelettique avec graisse et tissu conjonctif naturellement inclus ou adhérents ». C’est un alliage complexe de différents éléments, dont des muscles squelettiques, des tissus conjonctifs, des vaisseaux sanguins et des nerfs. A l’inverse, la viande cellulaire se contente de reproduire principalement les myocytes, aussi appelés fibres musculaires, car ce sont les principaux constituants de la viande[2]. La viande artificielle se rapproche ainsi davantage d’un « tissu musculaire » que de la viande à proprement parler. Dès lors, il semble plus approprié de parler d’amas cellulaires[3] tant le résultat issu des laboratoires est éloigné de la viande. La chercheuse Marie-Pierre Ellies explique quant à elle que « dans le milieu de la recherche on a plutôt tendance à parler de fibres musculaires en culture », plutôt que de viande. »[4].

Une autre étape incontournable de ce qui constitue la viande réside dans le processus de maturation. Après l’abattage de l’animal, les muscles se contractent et se rigidifient et le glycogène est converti en lactate en raison de l’absence d’alimentation en oxygène par le sang. La production de lactate conduit à une baisse du pH. Diverses enzymes s’activent alors et coupent les protéines musculaires ce qui a pour effet d’attendrir la viande et de lui donner une texture particulière[5].

Ce phénomène, pourtant analysé durant des décennies par les chercheurs en viande, reste cependant mal compris et donc négligé par l’agriculture cellulaire en raison de sa complexité et du manque de connaissance qui persistent pour les cellules cultivées Cela explique, en partie, l’ajout de nombreux ingrédients tels que la chapelure, la poudre d'œuf, ou encore le jus de betterave, afin de masquer les défauts sensoriels de la viande artificielle[6].

Enfin, la production cellulaire n’est pas considérée comme de la viande d’un point de vue réglementaire car la « viande de culture » rentre dans la catégorie des nouveaux aliments sur un plan réglementaire[7].

Techniques de production

Lignées cellulaires

Eva et al. [8] expliquent que de telles « lignées cellulaires » peuvent être obtenues de deux manières différentes : par induction ou par sélection de mutations spontanées. La première méthode consiste en la modification génétique ou chimique de cellules quand la seconde technique consiste à sélectionner des mutations spontanées. Dans les deux cas, l’innocuité n’est pas assurée puisqu’il s’agit de cultiver des cellules cancérigènes pouvant avoir des pouvoirs tumorigènes [9] comme en témoigne un brevet de Memphis Meats[10].


Jean-François Hocquette [11] s’inquiète tout particulièrement des conséquences possibles de l’ingestion de cellules cancéreuses, dans la mesure où elles risquent de ne pas être identifiées parmi toutes les autres cellules. Il a d’ailleurs été démontré que l'ADN des cellules végétales génétiquement modifiées peut être transféré dans la microflore du tractus gastro-intestinal humain, ce qui pourrait aussi être le cas avec les lignées cellulaires. Ce risque fait ainsi dire à Nawaz et ali. [12] qu’une « diligence raisonnable exigerait des recherches supplémentaires sur les cellules animales génétiquement modifiées ».


Soice et ali [13] soulignent que « la confirmation de la sécurité des futurs produits fabriqués à partir de cellules animales immortalisées exprimant des oncogènes, que ce soit par immortalisation spontanée ou par génie génétique, représente une lacune dans les connaissances dans ce domaine » et qu‘ « aucune lignée cellulaire immortelle disponible dans le commerce et pertinente pour l'agriculture n'a été confirmée comme étant sûre pour les aliments. ». La question de l’innocuité des cellules souches n'est pas résolue.


Par ailleurs, quand bien même les connaissances scientifiques permettraient d’affirmer que ces techniques sont sans risques, il faudrait encore surveiller les cellules pour éviter toute contamination et dérive génétique dans la mesure où la contamination des lignées cellulaires peut être courante en culture cellulaire[14].La capacité des acteurs industriels à assurer la sanité de leurs produits est donc remise en question.

Santé

Il est extrêmement difficile de prévoir les effets, les risques et les dangers possibles qui découlent de cette nouvelle forme de production[15].

Des chercheurs pointent ainsi le fait que la littérature scientifique soit lacunaire et incomplète sur certains thèmes, et qu’elle omette de s’attarder sur certaines critiques. Le nombre d’études scientifiques recensées en 2020 s’élevait à seulement 300 contre plus de 12 000 articles de presse[16], ce qui représente un vivier très peu fourni.

Ketelings[17] abonde en ce sens et souligne que « le manque de recherches approfondies liées à la caractérisation des dangers et des risques de la viande cultivée est considéré comme le plus grand obstacle à l'introduction d'un produit sûr sur le marché ».

La communauté scientifique reste donc globalement très réservée, et ne s’est pas prononcée sur les nombreuses incertitudes qui planent encore. Une des raisons à ce manque d’études, est l’absence d’un processus de fabrication unique ainsi que l’immaturité des technologies actuelles[18]

De plus, il est légitime de douter de la capacité de l’agriculture cellulaire à se passer d’antibiotiques[19]. Pour appuyer leur argumentaire, les promoteurs de l’agriculture cellulaire soulignent que « les animaux d’élevage industriel consomment aujourd’hui environ la même quantité d’antibiotiques que les humains »[20]. Et, s’il est vrai que l’agriculture contribue principalement au développement de l’antibiorésistance, la présentation de cet argument est fallacieuse. Ils omettent en effet de préciser que, si certains pays comme les États-Unis encadrent assez peu l’utilisation d’antibiotiques, « les niveaux d'utilisation varient considérablement d'un pays à l'autre ; par exemple, certains pays d'Europe du Nord utilisent des quantités très faibles pour traiter les animaux. »[21].

Économie

De nombreux pays contribuent à l'économie de la viande cellulaire car guidés par des considérations de sécurité alimentaire. C’est notamment le cas de Singapour qui importe 90% de ses biens alimentaires[22], tout comme pour Israël[23]. Singapour est ainsi le premier État à autoriser la mise sur le marché de nourriture cellulaire[24].

Paul Ariès, spécialiste de l’alimentation et de l’élevage paysan qui a publié plusieurs essais sur le sujet, synthétise en une phrase tout l’enjeu de cette problématique : « les champions de la viande sale d’aujourd’hui sont les champions de la fausse viande de demain »[25].

Financement

Droit

La France a d’ores et déjà interdit la « viande artificielle » des services de restauration scolaire, universitaires, des établissements de santé, des établissements sociaux et médico-sociaux et des établissements pénitentiaires[26].


Environnement

Les arguments mis en avant par les tenants de l’agriculture cellulaire sont, assez souvent des arguments « largement spéculatifs » [27] sans réelle valeur scientifique et ne reposant que sur des données déclaratives[28]. Dans ces conditions, les limites techniques et technologiques que l’industrie rencontre pourraient conduire l’agriculture cellulaire à ne jamais tenir ses promesses. Le fait d’affirmer que l’agriculture cellulaire serait bénéfique pour l’environnement, car moins polluante que l’agriculture d’élevage, est aujourd’hui remis en cause[29].

  1. « Rectificatif au règlement (CE) n° 853/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 fixant des règles spécifiques d’hygiène applicables aux denrées alimentaires d’origine animale (JO L 139 du 30.4.2004)’. »,
  2. Stephens, N., Di Silvio, L., Dunsford, I., Ellis, M., Glencross, A., & Sexton, A., « Bringing cultured meat to market : Technical, socio-political, and regulatory challenges in cellular agriculture »,
  3. INRAE Institutionnel, « La viande in vitro, une voie exploratoire controversée »
  4. Radio France, « Agriculture cellulaire, viande de synthèse : La nourriture de demain ? »
  5. G. Monin, Facteurs biologiques des qualités de la viande bovine, , pp.151-160.
  6. Hocquette, J.-F., « Is in vitro meat the solution for the future? »,
  7. Boler, D. D., & Woerner, D. R., « What is meat? A perspective from the american meat science association »,
  8. Ramboer, E., De Craene, B., De Kock, J., Vanhaecke, T., Berx, G., Rogiers, V., & Vinken, M., « Strategies for immortalization of primary hepatocytes. Journal of hepatology »,
  9. Wang, Y., Chen, S., Yan, Z., & Pei, M., « A prospect of cell immortalization combined with matrix microenvironmental optimization strategy for tissue engineering and regeneration »,
  10. Mosa, « Meat Compositions and methods for increasing the culture density of a cellular biomass within a cultivation infrastructure. »,
  11. Hocquette, J.-F., « Is in vitro meat the solution for the future? »,
  12. Nawaz, M. et ali., « Addressing concerns over the fate of DNA derived from genetically modified food in the human body : A review. Food and Chemical Toxicology »,
  13. Soice, E., & Johnston, J., « Immortalizing cells for human consumption »,
  14. Geraghty, R. J et ali., « Guidelines for the use of cell lines in biomedical research. »,
  15. Bhat, Z. F., Morton, J. D., Mason, S. L., Bekhit, A. E. A., & Bhat, H. F., « Technological, regulatory, and ethical aspects of in vitro meat : A future slaughter‐free harvest. »,
  16. Chriki, S., Ellies-Oury, M.-P., Fournier, D., Liu, J., & Hocquette, J.-F., « Analysis of scientific and press articles related to cultured meat for a better understanding of its perception »,
  17. Ketelings, L., Kremers, S., & de Boer, A., « The barriers and drivers of a safe market introduction of cultured meat : A qualitative study »,
  18. Ketelings, L., Kremers, S., & de Boer, A., « The barriers and drivers of a safe market introduction of cultured meat : A qualitative study. »,
  19. Tomiyama, A. J., Kawecki, N. S., Rosenfeld, D. L., Jay, J. A., Rajagopal, D., & Rowat, A. C., « Bridging the gap between the science of cultured meat and public perceptions »,
  20. Agriculture Cellulaire France, « Les bénéfices de l’agriculture cellulaire »
  21. European Medicines Agency, « Sales of veterinary antimicrobial agents in 30 European countries in 2015 : Trends from 2010 to 2015  »,
  22. Trésor, D. générale du., « Commerce extérieur de Singapour : Bilan de l’année 2020 et du S1 2021 »
  23. Mancini, M. C., & Antonioli, F., « The future of cultured meat between sustainability expectations and socio-economic challenges »,
  24. Le Monde.fr., « Singapour autorise la vente de viande artificielle, une première mondiale. »
  25. Hadjadji, N., « Google prendra-t-il le contrôle de nos assiettes ? »
  26. « Amendement N°896 à la loi dite de Lutte contre le dérèglement climatique - (N° 3875) »
  27. Santo, R. E., Kim, B. F., Goldman, S. E., Dutkiewicz, J., Biehl, E. M. B., Bloem, M. W., Neff, R. A., & Nachman, K. E., « Considering plant-based meat substitutes and cell-based meats : A public health and food systems perspective »,
  28. Ipes food, « Report | the politics of protein »
  29. Rodríguez Escobar, M. I., Cadena, E., Nhu, T. T., Cooreman-Algoed, M., De Smet, S., & Dewulf, J., « Analysis of the cultured meat production system in function of its environmental footprint : Current status, gaps and recommendations »,