Système monétaire international

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Le système monétaire international (ou SMI) est l'ensemble des règles, des institutions et des pratiques qui constituent, au niveau international, le système économique mondial dans le champ de la gestion des monnaies. Ce système permet l'échange de biens, de services, d'actifs ou des devises entre des agents économiques variés. Le SMI est en constante mutation, passant de l'unipolarité à la multipolarité, utilisant l'étalon-or ou des changes flottants.

Concept[modifier | modifier le code]

Le système monétaire international ne connaît pas une définition unique. Il est généralement entendu comme l’ensemble des règles et institutions qui encadrent les décisions des États et des particuliers concernant les valeurs et les fluctuations des monnaies, les réserves de monnaie, la nature des régimes de change et la gestion des liquidités internationales[1].

La Banque de France le définit comme « l’ensemble des règles et des pratiques qui encadrent les transactions monétaires entre des pays ayant des monnaies différentes »[2]. Pour Jean-Claude Trichet, ce concept désigne « non seulement les arrangements concernant les relations de change mais aussi l’ensemble constitué par l’architecture financière internationale ou le système monétaire et financier international »[3].

Typologie[modifier | modifier le code]

Système monétaire international de compensation[modifier | modifier le code]

Un système monétaire international de compensation est un système monétaire qui fonctionne grâce à la possibilité pour les Etats de compenser entre eux leurs déséquilibres monétaires, financiers, et de balance commerciale. Un système monétaire international basé sur la compensation vise à corriger des déséquilibres macroéconomiques tels qu'un déficit commercial excessif.

La compensation désigne alors l'extinction d'une dette par la fourniture d'une marchandise ou d'une créance dans une autre devise. Cela réduit la possibilité pour les grands pays exportateurs de dégager des excédents commerciaux dans la durée.

Le système de Bretton Woods fondé par les accords homonymes ont vu s'affronter la position de John Maynard Keynes, qui soutenait un système de compensation fondé sur une monnaie internationale commune (le bancor), et la proposition d'Harry Dexter White, qui a soutenu le plan finalement adopté (voir bataille de Bretton Woods)[4].

La compensation peut toutefois exister dans un autre cadre. Il peut s'agir d'une compensation financière dans une autre devise si des conditions d'échange existent. À ce jour, la Banque des règlements internationaux (BRI) règlements la compensation des différentes zones monétaires dont les banques centrales sont actionnaires de la banque. Les autres pays ont des monnaies dites non-convertibles. En pratique la compensation est effectuée dans des établissements bancaires privés spécialisés appelés chambres de compensation.

Système monétaire international basé sur l'étalon-or[modifier | modifier le code]

Un système d'étalon-or est un système dans lequel chaque monnaie est référencée par rapport à une autre par son équivalent en or. Du fait de sa valeur intrinsèque forte, de son faible encombrement relativement à sa valeur unitaire, et à l'impossibilité d'une surproduction, l'or est depuis longtemps un des étalons les plus prisés dans les échanges internationaux.

Ce système a toutefois des inconvénients. Par exemple, lorsqu'une zone monétaire (principalement des États) a un déficit vis-à-vis d'une autre, elle doit transférer son or, une opération lourde, dangereuse et onéreuse.

L'étalon de change or, adopté dans l'entre-deux-guerres et à Bretton Woods (voir section « Histoire »), est un système qui dans lequel, par rapport à l'étalon or simple, on ajoute une ou plusieurs devises comme réserve des banques centrales permettant la création de monnaie dans l'économie locale. Cette devise, qui est au-dessus des autres, peut être convertie en or.

Système de changes flottants[modifier | modifier le code]

C'est le régime de change appliqué actuellement aux grandes monnaies convertibles entre elles. Il a été défini lors des accords de la Jamaïque en 1976, après l'abandon de la convertibilité en or du dollar en 1971 et des premiers accords de flottement en 1973. Les parties à l'accord déclarent accepter les différentes monnaies étrangères éligibles dont le taux de change sera déterminé librement sur le marché des changes en fonction de l'offre et de la demande. Ce système a vu des variations extrêmement importantes du cours des principales monnaies, allant du simple au double et faisant le chemin inverse souvent en quelques mois.

Ces variations ne sont mesurables qu'entre une monnaie et une autre vu l'absence d'un étalon monétaire mondial indépendant des diverses monnaies (ce qui n'est pas le cas actuel des DTS (Droits de tirage spéciaux du FMI), qui restent liés à un « panier » de monnaies) et auquel on pourrait comparer chacune.

Systèmes locaux alternatifs[modifier | modifier le code]

Dollarisation ou euroïsation[modifier | modifier le code]

Certains pays à monnaie traditionnellement faible et donc très peu valorisée sur le marché libre des changes ont cherché à trouver des solutions plus ou moins durables pour gérer leur taux de change. La dollarisation, ou l'euroïsation, consistent à accepter comme monnaie nationale la monnaie d'un autre pays.

Currency board[modifier | modifier le code]

Cette technique rattache la valeur d'une monnaie nationale de façon fixe à une autre. Il n'y a plus de création monétaire nationale propre, les signes monétaires nationaux étant créés un pour un en fonction de l'arrivée de la monnaie de référence dans les comptes de la banque centrale. Ce système inventé par les empires coloniaux pour éviter de transférer de l'or et des billets de banque vers les colonies a été employé par l'Argentine jusqu'à l'effondrement de l'économie au début des années 2000. La monnaie argentine désormais flotte. Le currency board reste en usage dans certains pays qui utilisent une monnaie forte comme seule source de création monétaire.

Zones monétaires locales[modifier | modifier le code]

Des pays au contraire désireux de s'unir plus profondément ont choisi d'unifier leur monnaie. Ce système a été mis en place par certains pays de l'Union européenne après l'échec de toutes les tentatives de stabilisation des cours de monnaies nationales (échec du SME). L'euro s'est imposé comme une des monnaies ayant un rôle international. Certaines monnaies de pays de l'Est sont de facto rattachées à l'euro par un système de serpent monétaire.

Histoire[modifier | modifier le code]

Montée (1815 - 1880) et apogée de l'étalon-or (1880 - 1913)[modifier | modifier le code]

Les premiers systèmes monétaires internationaux datent du XIXe siècle. Fondés sur le bimétallisme, ils reconnaissent pour la plupart deux métaux comme base de la monnaie, à savoir l'or et l'argent. Le choix par les États-Unis en 1873 d'adopter le monométallisme or, et la fin du bimétallisme de l'Union latine, mettent progressivement fin à l'étalon-or, qui dure jusqu'à la Première Guerre mondiale.

Entre-deux-guerres : l'étalon « change » or (1918 - 1939)[modifier | modifier le code]

La convertibilité est suspendue au cours de la Première Guerre mondiale à cause des besoins de financements des belligérants qui compromettent la viabilité du système. À la fin du conflit, le retour à l'étalon-or et aux parités de l'avant-guerre est jugé souhaitable par la plupart des gouvernements lors de la conférence de Bruxelles de 1920 puis lors de la conférence de Gênes où les participants s'engagent à adopter un nouvel étalon-or, sans préciser pour autant de calendrier précis. En effet, le rétablissement aux parités d'avant-guerre est difficile à mettre en place à cause de la forte dégradation, lors de la période 1918-1920, du taux de change de la plupart des devises par rapport au dollar états-unien[5].

En 1919, les États-Unis, dont les stocks d'or ont augmenté de plus de 80% pendant la guerre, rétablissent la convertibilité du dollar. Il faut attendre le milieu des années 1920 pour qu'un nombre conséquent de pays suivent le mouvement. Au Royaume-Uni, cette décision est actée en 1925 par Winston Churchill et suscite des critiques acerbes de la part de Keynes qui craint que la livre sterling ne soit surévaluée[6]. Dans d'autres pays (notamment en Belgique, en France et en Italie), le retour à la convertibilité survient plus tard (fin des années 1920), notamment parce que la dévaluation de leur monnaie a été particulièrement forte et qu'un retour à la parité d'avant-guerre est inenvisageable. Enfin, quelques rares pays comme l'Espagne ou la Chine[7] ne le rétablissent pas[5].

Le fonctionnement de ce nouvel étalon-or est légèrement différent de celui de la période précédente. Des experts comme Keynes, Gustav Cassel ou Ralph Hawtrey craignaient les tendances déflationnistes d'un rattachement trop étroit à l'or. Ce dernier théorise un régime de l'étalon de change-or ainsi :

« The principle is that the currency of each participating country, instead of being convertible into gold, may be convertible at par into the currencies of the other. »

— Ralph Hawtrey, « The Genoa resolutions on currency ». Economic Journal, 1922

« Le principe est que la monnaie de chaque pays participant, au lieu d'être convertible en or, peut être convertible au pair dans les monnaies des autres pays. »

— « The Genoa resolutions on currency ». Economic Journal, 1922

Ce changement se matérialise par une diminution de la part de l'or dans les réserves de change de banques centrales au profit de devises étrangères (ou précisément d'actifs de court-terme libellés dans une devise étrangère, dans la quasi-totalité des cas en dollar états-unien et en livre sterling). Alors que ces réserves en devise représentaient près de 20% des réserves totales en 1913, elles culminent à plus de 40% dans les années 1920, avec une forte hétérogénéité selon les banques centrales. En particulier, du fait de la centralité de leurs monnaies, les banques centrales des États-Unis et du Royaume-Uni possèdent surtout de l'or[5].

La Grande Dépression va anéantir cet effort de rétablissement de l'étalon-or. Dès décembre 1929, l'Argentine, l'Australie et le Brésil suspendent la convertibilité. Au début de l'année 1931, l'Autriche et la Hongrie puis l'Allemagne font face à de nombreuses crises bancaires. L'Allemagne introduit en juin un contrôle des changes qui conduit à un run bancaire à la Banque d'Angleterre. Ce run conduit à son tour, malgré l'aide de la Fed et de la Banque de France, à une dévaluation de la livre sterling et à une suspension quasi-générale de la convertibilité dans le monde entre septembre 1931 et mai 1932. Les États-Unis résistent un temps aux pressions spéculatives, haussent les taux d'intérêt, avant de se résoudre à une suspension en mars 1933. La liquidation des réserves de change des banques centrales qui se replient sur l'or aggravent la crise. Quelques pays (le « bloc-or ») s'efforcent de maintenir une convertibilité de l'or mais finissent par renoncer (l'Italie en 1934, la Belgique en 1935, la France en 1936)[5].

Cet épisode a fait l'objet de longues discussions académiques pour déterminer si l'étalon de change-or a amplifié la dépression et, si oui, comment. Par exemple, Barry Eichengreen a soutenu que ce système monétaire, du fait d'un problème de « crédibilité » et de manques de coopération entre banques centrales, souffraient intrinsèquement d'un « biais déflationniste »[8]. Charles Kindelberger a avancé que le fait de reposer sur deux monnaies de réserve (la livre et le dollar) traduisaient l'absence d'une puissance hégémonique unique capable de maintenir la stabilité (cf. théorie de la stabilité hégémonique).

Système de Bretton Woods (1946 - 1971)[modifier | modifier le code]

Jugée responsable de l'ampleur et de la durée de la dépression, la crise conduit à une coopération internationale, affirmée par les accords de Bretton Woods, instaurant un système de changes fixes mais ajustables, régulé par le Fonds monétaire international (FMI). Cet organisme crée les droits de tirage spéciaux (DTS), une monnaie fictive basée sur un panier de monnaies (livre sterling, le dollar, l'euro, le yen et le yuan).

Les accords de Bretton Woods, signés le , mettent en place d'un taux de change fixe, ajustable à plus ou moins 1 % fixé sur le dollar américain, lui-même rattaché à l'or sur la base de 35 dollars pour une once d'or. Ce système ne peut fonctionner que dès lors que le pays créateur de la monnaie de référence détient assez d'or pour garantir la convertibilité de sa monnaie dans le métal jaune. Or, les déficits successifs des Etats-Unis provoquent une chute du stock d'or, et met le pays dans l'impossibilité de garantir l'échange de dollar contre l'or à taux fixe.

Le système de Bretton Woods prend fin le lors d'une allocution du président Richard Nixon. Le choc Nixon provoque une instabilité des marchés financiers, conduisant à la signature d'accords de coopération dans les années qui suivent pour stabiliser la situation.

Post-Bretton Woods[modifier | modifier le code]

Les accords de Jamaïque (7 et ) entérinent la décision du président Nixon, et prévoient un taux de change flottant. Il reconnaît de jure la flottabilité des monnaies entre elles. On assiste alors à une démonétisation de l'or comme moyen de règlement international, quoiqu'il demeure une part importante des réserves des banques centrales.

La crise financière de 2008 repose la question de l'organisation d'un système monétaire international plus stable et plus régulé[9]. Comme le remarque Jacques Mistral dans Guerre et paix entre les monnaies, le caractère post-hégémonique du XXIe siècle rend nécessaire une hausse de la coopération et du multilatéralisme pour stabiliser le système monétaire international[10].

Propositions de réforme du système monétaire international[modifier | modifier le code]

Les crises monétaires à répétition, et surtout crise financière de 2008, font émerger des propositions de mise en place d'un nouveau système monétaire international plus stable et plus régulé. La réunion qui s'est tenue à Washington en 2008 dans le cadre du G20 n'a pas pris de mesures concrètes mais fixé un calendrier de réunions.

À ce stade, la terminologie « Bretton Woods 2 » est abusive en ce sens qu'aucune réforme du système monétaire international n'a été évoquée mais plutôt des modifications de règles concernant la comptabilité, les agences de notation, les bonus bancaires, certains produits financiers complexes et la régulation des hedge funds travaillant à partir des paradis fiscaux.

Le consensus académique est qu'un nouveau système monétaire international, quels que soient ses fondements, devra relever trois défis pour être durable : premièrement, offrir des liquidités internationales au monde entier, sans recréer le dilemme de Triffin qui avait obligé l'extinction du système de Bretton Woods ; deuxièmement, permettre une stabilité des taux de change et réduire la volatilité internationale ; enfin, déterminer un actif de réserve, comme les droits de tirage spéciaux[9].

Annexes[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Ronald I. McKinnon, RONALD I. AUTOR MCKINNON et William D. Eberle Professor of International Economics Ronald I. McKinnon, The Rules of the Game: International Money and Exchange Rates, MIT Press, (ISBN 978-0-262-13318-0, lire en ligne)
  2. William Honvo et Marc-Olivier Strauss-Kahn, La dissertation d'économie: Préparation aux concours avec méthode et sujets corrigés, De Boeck Supérieur, (ISBN 978-2-8073-2879-2, lire en ligne)
  3. Jean-Claude Trichet, « La réforme du système monétaire international », Commentaire, vol. Été, no 2,‎ , p. 283 (ISSN 0180-8214 et 2272-8988, DOI 10.3917/comm.150.0283, lire en ligne, consulté le )
  4. (en) Benn Steil, The Battle of Bretton Woods: John Maynard Keynes, Harry Dexter White, and the Making of a New World Order, Princeton University Press, (ISBN 978-0-691-14909-7, lire en ligne)
  5. a b c et d (en) Olivier Accominotti, « International Monetary Regimes: The Interwar Gold Exchange Standard », dans Handbook of the History of Money and Currency, Springer, , 633–664 p. (ISBN 978-981-13-0596-2, DOI 10.1007/978-981-13-0596-2_24, lire en ligne)
  6. Keynes (1925) The Economic Consequences of Mr. Churchill, mentionné par Accominotti (2020).
  7. La Chine adopte plutôt un étalon-argent, épisode raconté dans Milton Friedman (1992) « Franklin D. Roosevelt, silver and China ». J Polit Econ 100:62–83, cité par (Accominotti 2020).
  8. (en) Barry J. Eichengreen, Golden Fetters: The Gold Standard and the Great Depression, 1919-1939, Oxford University Press, (ISBN 978-0-19-510113-3, lire en ligne)
  9. a et b Yoann Brun, Lou Dumez, Matthias Knol, Fabrice Tricou et Delphine Pouchain (dir.), Monnaie et financement de l'économie, dl 2019 (ISBN 978-2-35030-634-6 et 2-35030-634-8, OCLC 1134989408, lire en ligne)
  10. Jacques Mistral, Guerre et paix entre les monnaies, Fayard, impr. 2014, cop. 2014 (ISBN 978-2-213-66632-7 et 2-213-66632-6, OCLC 870885544, lire en ligne)

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Albin Chalandon, Le Système monétaire international, Paris, CES, , 52 p.
  • Samuel Nana-Sinkam, Le système monétaire international : les pays candidats au processus de développement et le système international actuel des taux de change : une nouvelle dimension, Presses universitaires de France, Paris, 1991,332 p. (ISBN 2-13-043392-8), compte-rendu d'Isabelle Cordonnier dans Politique étrangère, [lire en ligne]
  • Émile Roche, Albin Chalandon, Jacques Rueff et Jean de Largentaye, La Réforme du système monétaire international, Paris, France-Empire, , 191 p. (OCLC 504737740)
  • André Grjebine et Tovy Grjebine (préf. Albin Chalandon), La Réforme du système monétaire international, Paris, Presses universitaires de France, coll. « L'Économiste » (no 39), , 214 p. (BNF 35186939)
  • Michel Lelart, Le systèmes monétaire international, Repères La Découverte, 2017 (neuvième édition)
  • Dans (en) Stefano Battilossi (dir.), Youssef Cassis (dir.) et Kazuhiko Yago (dir.), Handbook of the History of Money and Currency, Singapore, Springer, (ISBN 978-981-13-0595-5) :
    • Lawrence H. Officer, chapitre 24, « International Monetary Regimes: The Gold Standard »,
    • Olivier Accominotti, chapitre 25, « International Monetary Regimes: The Interwar Gold Exchange Standard »,
    • Peter Kugler et Tobias Straumann, chapitre 26, « International Monetary Regimes: The Bretton Woods System »,
    • Atish Ghosh, Anne-Marie Gulde et Holger Wolf, chapitre 27, « Currency Boards ».

Articles connexes[modifier | modifier le code]