Les Chroniques de Patrice Dumby

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Les Chroniques de Patrice Dumby sont une série de romans de Michel Mourlet, formée de cinq livres : Chronique tranquille de Patrice Dumby (1976), Patrice et les bergères (1977), Les Filles de l’eau (1985), La Chambre noire (1991) et Une Promenade en tilbury, inédite en français, dont la traduction anglaise a été publiée sous le titre A Jaunt in aTilbury (2019)[1].

Origine et contenu[modifier | modifier le code]

Le personnage[modifier | modifier le code]

Ces « chroniques » mettent en scène un personnage récurrent, Patrice Dumby, sorte de double de l’auteur[2], mais tenu à distance par celui-ci, qui ne se prive pas, le cas échéant, d’ironiser sur son compte ou de le critiquer.

Michel Mourlet, dans Une Vie en liberté, raconte comment lui est venue, à Nice, dans les années 60, l'idée de ce personnage : "C'est dans ce creuset chauffé par le soleil qu'a définitivement pris forme le personnage de Patrice Dumby et que m'est venue l'envie de dérouler en toute liberté - de forme, de longueur, de substance : parfois fiction pure, vérité personnelle souvent - la chronique de son existence solaire, tissée d'aventures amoureuses, de voyages, de songeries, d'idées fixes."[3]

Ce Dumby est présenté comme un vieux camarade de l’auteur : ils se sont connus dans les tout débuts de leur vie d’adultes, à Cannes, sur la Croisette[4]. Dumby raconte à l’auteur ses aventures personnelles ou des histoires auxquelles il a été mêlé de près ou de loin, lui confie ses états d’âme et ses pensées. L’auteur les met en forme et parfois les commente. Distinguer dans ces livres ce qui relève de la fiction pure, de la fiction mêlée d’autobiographie ou de l’autobiographie intégrale se révèle pratiquement impossible, sauf, on peut le supposer,, si l’on posait la question à l’auteur.

Description succincte[modifier | modifier le code]

La première chronique possède la particularité d'être composée de nouvelles tenant lieu de chapitres, dont quatre avaient été antérieurement publiées dans les Cahiers de la Table Ronde : "Happy Birthday to you" [5], "La Dame à la péniche"[6], "Amélie"[7], "Amoureuse Pologne"[8]. (On retrouvera ultérieurement Patrice Dumby en 2005, héros de deux nouvelles dans La Revue littéraire éditée par Léo Scheer[9].)

La deuxième, Patrice et les bergères, est une histoire d'amour qui finit mal, entre Dumby et une actrice de la Comédie-Française. Dans ine étude consacrée à la Chanson de Maguelonne du même auteur, Jean Parvulesco a noté le pessimisme de Mourlet, dans ses ouvrages dramatiques et romanesques, quant à la passion amoureuse[10]. Les Filles de l'eau présentent le tableau inverse et plus apaisé d'une chronique estivale, tandis que la Chambre noire renoue avec le tragique à la faveur de thèmes de société tels que l'écologie, le rôle de la police, la sincérité politique. La cinquième des chroniques publiées à ce jour (mai 2024), encore inédite en français, a été éditée en version anglaise. Elle se présente sous la forme d'un roman épistolaire "didactique" : échange de lettres entre Dumby et une étudiante résidant à Mayotte.

Au départ plutôt axée sur la recherche pour soi-même d’un art de vivre égotiste mais néanmoins ouvert et curieux de tout et de tous [11], l’évolution du personnage au fil des livres et des années paraît aller dans le sens d’une plus grande attention portée à ce qui l’entoure, notamment à ce qu’il considère comme des erreurs politiques, et à l’état de la société. Cette ouverture à la cité et à l’historicité est particulièrement sensible dans la quatrième « Chronque », la Chambre noire, dont le romancier et journaliste Éric Deschodt a pu écrire : « les tares de l’époque apparaissent d’autant plus irréparables que Michel Mourlet contrôle parfaitement l’ironique fureur qu’il emploie à les dépeindre. »[12]

 Réception par la critique[modifier | modifier le code]

Le critique belge Pol Vandromme a résumé à sa manière l’esprit du personnage : « C’est le frère jumeau du Guillaume Francoeur d’André Fraigneau, dans le cousinage des fils de roi de Gobineau. Un naturel aristocratique. La vie avec lui ne stagne jamais ; il la traverse soit en planant, soit en galopant, étranger à ce qui l’alourdit, les morales sociales et politiciennes, la vulgarité ; impétueux et désinvolte, brusque et nonchalant, avec la grâce de Chérubin et le détachement de Gilles. »[13]

 Non pas jumeau, mais « frère cadet » de Guillaume Francoeur, tel le voit Jacques de Ricaumont, qui se réfère aussi à Stendhal, dans la Revue des deux mondes.[14]

Dans sa chronique littéraire du Journal du Dimanche[15] consacrée à Patrice et les bergères, Michel Déon, plutôt qu’un frère de Francoeur, voit plutôt en Dumby un petit-fils du Barnabooth de Larbaud.

Dans Le Point, Bruno de Cessole aperçoit lui aussi en Larbaud et Fraigneau les pères spirituels de Dumby, mais il y ajoute Paul Morand[16].

Le critique du quotidien L’Alsace, Patrice Hovald, quant à lui, évoquait comme certains de ses confrères un ton stendhalien du récit, mais a récusé toute influence: « Mourlet est pur. Et seul. Il est son propre moment. À tout instant recommencé et différent. »[17]

Si l’on dresse un bilan des articles consacrés à la série des Chroniques de Patrice Dumby,  on note que la plupart appartiennent à des organes de presse classés à droite ou au centre droit, contre deux seulement situés à gauche : Le Matin[18] et L’Événement du Jeudi[19].

Liste des Chroniques[modifier | modifier le code]

  • I. Chronique tranquille de Patrice Dumby, Société de Production littéraire, 1976.
  • II. Patrice et les bergères, Société de Production littéraire, 1977.
  • III. Les Filles de l'eau, La Table Ronde, coll. Vermillon, 1985.
  • IV. La Chambre noire, Manya, 1991.
  • V. A Jaunt in aTilbury (Une Promenade en tilbury), trad. d'Elise Kendall, inédit en français, Amazon Fulfillment, FU Press, 2020.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Liste figurant dans les pages dites "Du même auteur" d'Écrivains de France, XXe siècle, 3e édition, France Univers, 2020.
  2. Hypothèse formulée par plusieurs commentateurs de ces ouvrages, dont R. Poulet dans le mensuel Le Spectacle du Monde de juillet 1977 et Philippe Saint-Germain dans sa chronique de Radio Monte-Carlo, "C'est à lire et à dire", du 26 juillet 1978.
  3. Une Vie en liberté, p. 192. (Séguier, 2016).
  4. 1On rencontre la première occurrence du personnage Patrice Dumby dans la première édition de Sur un art ignoré (La Table Ronde, 1975, p. 97 et 98), et éditions ultérieures. Rencontre confirmée par le critique Bernard Le Saux dans un article consacré à Patrice et les bergères : « Apparu [...] au détour d’une chronique cinématographique  ̶  c’était sur Croisette en 1963... » (Les Nouvelles littéraires, 31 août 1978.)
  5. Cahiers LTR, printemps 1973.
  6. Ibid., Été 1973.
  7. Ibid., Automne 1973.
  8. Ibid., Printemps-Été 1974.
  9. "La Châsse de Champagnat" (n° 12, 2e année, mars 2005) et "Encore une manigance des dieux" (n° 14, mai 2005).
  10. "Ce qui se cache derrière la Chanson de Maguelonne", La Revue littéraire, (Léo Scheer éd.), juillet-août 2005, 2e année, n° 16.
  11. Ainsi que le soulignait Michel Marmin dans Le Figaro du 29 juillet 1978 : « Avec une persévérance calme, silencieuse et indifférente aux écumes du temps, Michel Mourlet approfondit une création romanesque dont les contours, ciselés par une langue d’une pureté insolente, épousent une vision du monde et, plus simplement, un art de vivre, que l’on pourrait définir comme un hédonisme nietzschéen. » Cette analyse fut corroborée huit ans plus tard par B. de Cessole, qui écrit (article cité) que les Filles de l’eau sont « prétexte à décliner une ‘leçon’ de style et un ‘gai savoir’.
  12. Valeurs Actuelles, 2 juillet 1990.
  13. L’Écho du Centre, 4 juillet 1986.
  14. Revue des deux mondes, septembre 1978.
  15. « L’amour, cet enchaînement d’horreur », JDD, 9 juillet 1976.
  16. Le Point, n° 724, 4 août 1986.
  17. L’Alsace, 3 août 1977.
  18. « Mourlet fuit la bêtise à Saint-Tropez », par B. Le Saux, Le Matin, 17 juin 1986.
  19. « La Chambre noire », L’Événement du jeudi, 26 juillet au 1er août 1990.