Jacquet de la Douai

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Jean-Claude Jacquet de la Douai ou de la Douay (Lons-le-Saunier, 1737 - Paris, 1794) est un aventurier, tour à tour juriste, policier, pamphlétaire et espion français du XVIIIe siècle. Il naît dans une famille liée à l'administration judiciaire, son père étant assesseur criminel.

Biographie[modifier | modifier le code]

Jacquet suit les pas de son père et entame une carrière dans la magistrature. De 1759 à 1772, il exerce en tant que procureur du roi et lieutenant particulier honoraire au bailliage de Lons-le-Saunier[1]. Il se marie avec la fille du greffier en chef du Parlement de Dombes, consolidant ainsi ses liens dans les cercles judiciaires.

Son entrée en politique se fait lorsqu'il se rend à Paris en 1771, où il est nommé procureur du roi de la principauté des Dombes jusqu'en 1774. Par la suite, il se voit confier la charge d'inspecteur de la Librairie étrangère par le ministre Maurepas. Jacquet devient célèbre pour ses compétences et sa finesse diplomatique. Ainsi, il est chargé 1777, de l'arrestation à La Haye du comte de Mirabeau[2] qui est conduit au donjon de Vincennes. Pendant la guerre, muni d’une « commission en forme de Brevet » pour aller à l’intérieur et à l’extérieur du royaume à la recherche des auteurs et des éditeurs, il est envoyé en Angleterre où il joue un rôle crucial dans la surveillance et la répression des « écrits contre la cour et contre le gouvernement ». Cependant, agent-double, il se livre alors à un véritable trafic de pamphlets. Associé à Michel-Louis de Marcenay, au libraire Jean-Pierre Costard, à l'abbé de Launay et à Imbert de Boudeaux, il pratique un double jeu consistant à acquérir des libelles avec des fonds publics pour ensuite les réintroduire sur le marché voire à les faire rédiger lui-même[3]. En 1780, il est dénoncé par Morande et accusé par l'un de ses complices, d'avoir extorqué la Police de Paris et de promettre de se procurer les manuscrits qu'il avait fait imprimer à son profit. Parmi ces documents figuraient un libelle intitulé Essais Historiques sur la vie de Marie Antoinette ou Les Nuits d'Antoinette ou encore Vie d'Antoinette ainsi que Les Joueurs de Jean Dussaulx et Le Diable dans un bénitier. À son retour de Londres en 1781, il est arrêté à Bruxelles comme « chef de la bande » par l'inspecteur Henry, en même temps que Marcenay et l'abbé de Launay, et tous trois sont emprisonnés[4]. Incarcéré à la bastille, puis un temps à Charenton en 1782[5] il est de nouveau embastillé en 1783[6]. Dans ses Mémoires sur la Bastille, Linguet affirme qu'il y est étranglé quand il en est lui même l'hôte[7]. Il en est rien. Il est libéré quelques jours avant la prise de la forteresse, le 9 juillet 1789 et se voit exiler à Lons-le-Saunier [8]. Avec la Révolution française, il rentre à Paris reste en contact avec des personnalités politiques hostiles à l'agitation révolutionnaire telles que l'abbé Maury.

Jacquet de la Douai continue d'être actif dans les intrigues politiques. Il est impliqué dans des opérations secrètes qui le conduisirent à être arrêté à plusieurs reprises. Il est ainsi missionné par Louis Marie de Narbonne-Lara pour apporter des chevaux d'artillerie de Versailles sur le territoire autrichien en collaboration avec Monsieur de Marcenay, premier commis de la guerre sous le ministère de de Brienne. Cependant, il est arrêté à Tournai sur la dénonciation d'un individu nommé Borel, pour avoir rédigé un libelle intitulé Le Masque arraché. Par la suite, Jacquet de la Douai est de nouveau interpellé à Luxembourg en juin 1792. Pendant cet interrogatoire, il livre les noms de nombre des agents de la Convention envoyés en missions secrètes et exprime son désir de prêter ses services aux princes et aux armées émigrées. Il se fait alors espion à à Coblence, à la solde du général Schroeder[9]. Emprisonné par le Comité de Sûreté Générale lors du procès d'Anisson-Dupéron, il est condamné par le Tribunal révolutionnaire pour conspiration et corruption des agents publics de Ris et guillotiné le 6 floréal an II (25 avril 1794)[10].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Archives du Doubs, B. 973.
  2. Bachaumont, Mémoires, Secrets, 31 mars 1783, XXII, p. 209.
  3. La Police de Paris dévoilée, t. I, Paris, Garnery, 1791, 256 ; Guillaume Imbert de Boudeaux, Paule Adamy (ed.), Recueil de lettres secrètes : année 1783, 1997.
  4. Bachaumont, Mémoires secrets, XXIII, 7 février 1782, p.65 ; Archives municipales d'Orléans, « papiers Lenoir », MS 144, f. 54-55 ; Lenoir à Vergennes, 24 février 1783 « Le Sr. Receveur a déjà réussi à démasquer Jacquet, et à découvrir en Hollande et à Bruxelles, ses manœuvres et ses complices » (AAE CP Ang. 541 / f. 51).
  5. Journal de l'abbé Mulot, 14 janvier 1782, p.69
  6. Bachaumont, Mémoires secrets, 2 novembre 1782, XXI, p. 266.
  7. Cette légende est également reproduite dans l'ouvrage Liste des noms des ci-devants nobles, t. I, Paris, Garenry, 1791.
  8. Portefeuille d'un ancien typographe, p. 189
  9. Correspondance de Berne, déclaration faite par le Sieur Jacquet de la Douay [...] le dimanche 24 juin 1792 dans la ville Luxembourg [...] par ordre du général Schroeder, François Descostes (ed.), Mallet du Pan (M., Jacques) La révolution française vue de l'étranger 1789-1799 - Mallet du Pan à Berne et à Londres, d'après une correspondance inédite., 1897, p. 102.
  10. Alfred Bégis, « Les prisonniers de la Bastille », L'Intermédiaire des chercheurs & curieux, v. 25, 1889, p. 219 ; AN, W 353, dossier 723.

Bibliographie et sources[modifier | modifier le code]

  • Frantz Funck-Brentano, Les lettres de cachet à Paris, étude suivie d'une liste des prisonniers de la Bastille (1659-1789), Paris, Imprimerie nationale, coll. « Histoire générale de Paris », , LIII-485 p. (lire en ligne)
  • Victor Fournel, Les hommes du 14 juillet, gardes-françaises et vainqueurs de la Bastille, Lévy, 1890.