Peinture sur le motif

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
L'Aquarelliste peignant le Simplon par John Singer Sargent.

La peinture sur le motif est celle qu'un artiste peintre réalise hors de l'atelier[1]. Les impressionnistes sont à l'origine de l'expression « peindre sur le motif » pour indiquer que leur paysage, n'était pas composé à partir d'un concept, mais peint face au motif, c'est-à-dire au sujet de la peinture[2] ; la peinture en extérieur, dite aussi peinture en plein air, inconnue dans l'Antiquité, s'est développée dès la Renaissance avec notamment Dürer. Au XIXe siècle les artistes commencent à produire en plein air des œuvres destinées à la vente. La pratique se généralise avec les impressionnistes, mais se raréfie au XXe siècle[3]. Pour les peintres, « peindre sur le motif » veut dire peindre à l'extérieur des murs, le plus souvent en milieu naturel ou rural. Pour indiquer que l'ouvrage représente une réalité visible, en atelier ou pas, les peintres disent « d'après nature »[4], tandis qu'on parle de dessin d'observation pour signaler qu'on le souhaite précis et documentaire.

Contrairement à une personne qui peint en atelier, une personne peignant en plein air est exposée à la variation de la lumière et aux intempéries. Les peintres qui peignent sur le motif produisent souvent d'abord des pochades qu'ils saisissent sur le vif, à l'extérieur, pochades qu'ils apportent ensuite à l'atelier en vue de les terminer en tant qu'œuvre achevée. Cela dit, de nombreux peintres font délibérément le choix de compléter leur œuvre in situ, de la sorte que toute l'exécution de l'œuvre se fasse en plein air, soit en plusieurs séances se déroulant au même endroit à des jours différents, soit alla prima, c'est-à-dire « dans le frais », en une seule séance de travail.

Les peintres de Barbizon, les pré-impressionnistes et les impressionnistes, avec leurs châssis entoilés, leurs chevalets portatifs et leurs tubes de peinture à l'époque récemment inventés, ont grandement affectionné la peinture en plein air et ont même contribué à la populariser. Ces mouvements pionniers sont de nos jours appelés « pleinairistes ».

Histoire[modifier | modifier le code]

Claude Monet peignant dans son atelier par Édouard Manet, à Argenteuil (1874).

C’est dès le XVIIIe siècle que l’on commence réellement à parler de peinture « en plein air ». De nombreux artistes d’Europe se retrouvent à Rome et vont peindre en plein air. Pierre-Henri de Valenciennes (1750-1819) exécute des esquisses de paysage, à l’huile, à Rome et dans ses environs (œuvres exposées au musée du Louvre). Également théoricien et pédagogue, il écrit dès 1799 ses Conseils à un élève sur la peinture et particulièrement sur le genre du Paysage[5]. Cette pratique de « peinture en plein air », se répand en France vers le milieu du XIXe siècle, avec certains membres de l'École de Barbizon, tel Charles-François Daubigny ou des peintres indépendants comme Eugène Boudin qui influencent, de manière considérable les futurs impressionnistes qui trouvent leur maître en la personne d'Édouard Manet[6].

Parmi les œuvres de peinture en plein air les plus anciennes, citons celles d'Alexandre-François Desportes (1661-1743), esquisses peintes à l’huile sur papier. Les sujets sont des paysages avec représentation de la flore, de la faune, en préparation de tableaux, scènes de chasse notamment, réalisées pour Louis XIV et Louis XV. Certaines de ces œuvres figurent en bonne place au musée du Louvre ou au musée de la chasse et de la nature à Paris. En 1817, Achille Etna Michallon (1796-1822) est le premier lauréat du « prix de Rome pour le paysage historique ». Il eut entre autres élèves, Corot, qui a réalisé de 1825 à 1828, une suite de paysage en Italie notamment ! Corot continuera durant toute sa carrière à peindre en plein air, sur le motif ; il est un des précurseurs de l’École de Barbizon, en allant peindre à Fontainebleau.

Tubes de peinture.

C’est à la fin du XIXe et au début du XXe siècle que la peinture de plein air connaît un véritable essor avec l'apparition des couleurs en tubes (1841). Celles-ci permettent aux artistes de se déplacer facilement, même si la plupart du temps, ils achèvent leur tableau en atelier. Leur souci devient alors de peindre la nature telle qu'elle leur apparaît, dans la lumière du moment présent. Les impressionnistes peignent des paysages non pour leur côté pittoresque mais pour les effets d'atmosphère, rendant compte des aspects différents que peut prendre un motif suivant les conditions de la lumière et donc des heures du jour, d'où l'apparition des séries (Cathédrales et Meules de Monet). Dans un ouvrage intitulé Histoire des peintres impressionnistes (Paris, parution 1939), Théodore Duret écrira notamment « la grande innovation des impressionnistes : la peinture de plein air »[7].

À l'intérieur du mouvement impressionniste, les attitudes sont toutefois partagées : ainsi Degas se refuse à « peindre en plein air » par manque de temps, contrairement à Renoir, qui, selon lui, « peut faire tout ce qu'il veut. »

Autoportrait d'Eugen Dücker, sur la mer du Nord (vers 1900).

Après les impressionnistes, au XXe siècle, de nombreux artistes à travers le monde ont peint en plein air ; parmi eux citons quelques Français, André Derain, Albert Marquet, Charles Camoin, Henri Manguin ou italienne Francesco Filippini. Toutes proportions gardées, les peintres de plein air de la fin du XXe et de ce début de XXIe siècle partagent avec les impressionnistes la même approche picturale, « à savoir le rendu du plein air et l’effet que produisent les variations constantes et imperceptibles de la lumière sur les éléments. […] Ces artistes travaillent à une nouvelle manière de peindre, liée à une nouvelle manière de voir. […] Il s’agit pour eux de retranscrire une sensation immédiate, de rendre les effets lumineux du ciel et de l’eau, la vibration colorée de leurs effets changeants. » (Théodore Duret, ouvrage cité.)

Aujourd’hui, la peinture de paysage est présente dans l’art contemporain. Ce mouvement, qu’on nomme parfois indifféremment « peinture de paysage », « peinture en plein air » ou « de plein air », « art nomade », est représenté par des artistes comme David Hockney, Per Kirkeby, Peter Doig, Antonio Lopez Garcia, Klauss Fussman, Vincent Bioulès, Alexandre Hollan… Il est particulièrement dynamique sur la côte Ouest des États-Unis avec le California Plein-Air Revival (en).

Actuellement en France on observe aussi un certain renouveau de la peinture en plein air.

Depuis 30 ans en Charente Maritme dans la ville de Magné se tient un concours de peinture en plein air réunissant jusqu'au 300 peintres sur 3 jours[8]. En 2019, un site consacré à la peinture en plein air en France a été créé Frenchpleinairpainters.com[9],[10]. C'est Festival Cultures Croisées[11],[12],[13],[14]- organisation qui a créé le Concours de Fourges - autre événement réunissant les artistes de différents pays souhaitant venir peindre en plein air en France - qui est à l'origine de ce site. Le Concours de Fourges a évolué en Festival depuis 2017 et s'est tenu en 2020 à Paris[15]. Il y a aussi des peintres contemporains reconnus pour qui le plein air représente la source principale d'inspiration comme Stéphane Ruais ou encore François Legrand, grand portraitiste, mais également pleinairiste hors pair.

Lieux[modifier | modifier le code]

Peintre de plein air sur la Côte d'Argent à Hourtin.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. BÉGUIN André, Dictionnaire technique de la peinture (p. 408) : « Peindre sur le motif : travailler directement à l'extérieur, sur un paysage par exemple, par opposition au travail en atelier »
  2. Anne Souriau (dir.), Vocabulaire d'esthétique : par Étienne Souriau (1892-1979), Paris, PUF, coll. « Quadrige », (1re éd. 1990), 1493 p. (ISBN 9782130573692), p. 1090.
  3. Ségolène Bergeon-Langle et Pierre Curie, Peinture et dessin, Vocabulaire typologique et technique, Paris, Editions du patrimoine, (ISBN 978-2-7577-0065-5), p. 264.
  4. Bergeon-Langle et Curie 2009.
  5. DE VALENCIENNES Pierre-Henri, Éléments de perspective pratique à l'usage des artistes, suivis de Réflexions et conseils à un élève sur la peinture et particulièrement sur le genre du Paysage, an VII (1799) ; Source scannée : Gallica.
  6. Claudio Zambianchi, Monet, tome 1, La Peinture en plein air
  7. DURET Théodore, Histoire des peintres impressionnistes (1939) ; Source scannée : Gallica.
  8. « 32ème Festival international de Peinture de Magné », sur eterritoire.fr, .
  9. « Vive l'Art en plein air », Pratiques des Arts,‎ octobre -novembre 2020, p. 15
  10. frenchpleinairpainters.com
  11. « La 4ème édition du Concours International de Peinture en Plein Air à Fourges », sur rusoch.fr, .
  12. Festival de cultures croisées (AFCC)
  13. VIALARD Noémie, La Croix, « Invitez des artistes peintres dans le jardin ! », 26/06/2020
  14. La Nouvelle République, « Quatre artistes russes peignent le château du Rivau », 05/07/2020
  15. « Le 4ème Festival International de peinture sur grand format », sur rusoch.fr, .