Charles-Pierre Colardeau

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Charles-Pierre Colardeau
Charles-Pierre Colardeau, par Guillaume Voiriot, 1771, musée des Beaux-Arts de Bilbao.
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Fauteuil 21 de l'Académie française
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Mr. C ...., M. C ***Voir et modifier les données sur Wikidata
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Charles-Pierre Colardeau, né à le Janville et mort le à Paris, paroisse de Saint-Sulpice, est un poète et traducteur français.

Les meilleurs poèmes de Colardeau, l’imitation de la Lettre d’Héloïse à Abailard de Pope, la traduction des deux premières Nuits du poète romantique anglais Edward Young notamment, témoignent de la sensibilité préromantique du XVIIIe siècle. Il a en outre créé le terme « héroïde » pour désigner les lettres en vers imaginaires de personnages célèbres[1].

La relative minceur de son œuvre doit être attribuée selon les uns à une santé fragile, que confirmerait sa mort à 43 ans, et pour les autres à une paresse proverbiale.

Biographie[modifier | modifier le code]

Charles-Pierre Colardeau est le fils de Charles Colardeau[a], receveur du grenier à sel de Janville et de sa femme Jeanne Regnard[b]. Orphelin à 13 ans, il est élevé par un oncle maternel, l’abbé Regnard, curé de Saint-Salomon de Pithiviers, qui l’envoie achever au collège de Meung-sur-Loire les humanités qu’il avait commencées chez les jésuites d’Orléans. Il monte à Paris faire sa philosophie au collège de Beauvais, sous Dominique-François Rivard[3], avant de retourner à Pithiviers[4].

Son oncle le fait entrer comme secrétaire chez un procureur au Parlement de Paris, avec l’intention de le préparer à l’étude du droit et à la profession d’avocat. Il reprend donc le chemin de la capitale, en 1753, mais n’y reste que peu de temps, car sa santé s’étant altérée, il doit retourner à Pithiviers, où il s’adonne à nouveau à son penchant pour la poésie, entreprenant la rédaction de ses tragédies Nicéphore et Astarbé, le sujet de la première ayant été tiré de la Bible et celui de la seconde de l’épisode de Pygmalion dans les Aventures de Télémaque de Fénelon. Pour se faire pardonner de son oncle, il traduit en vers quelques fragments de l’Écriture sainte[4].

En 1755, le rappel des Parlements lui permet de rentrer à Paris, où il achève sa tragédie d'Astarbé, dont il donne lecture aux Comédiens-Français en . Devant le bon accueil fait à sa pièce, reçue avec les plus grands éloges, il décide de renoncer au droit pour se consacrer uniquement à la carrière littéraire. Astarbé ne sera cependant pas jouée avant 1758, Colardeau ayant remanié sa pièce, terminée dès 1756, mais retardée par l’attentat de Damiens, auquel elle semblait prêter quelque allusion, non sans affadir, au passage, les personnages féneloniens pour faire de Pygmalion un personnage essentiellement inconséquent, et d’Astarbé une femme tendre, au lieu d’un monstre[c]. Néanmoins, enfin représentée en , Astarbé sera bien accueillie.

La même année, il compose une imitation de l’épître en vers Eloisa to Abelard du plus grand poète anglais du début du XVIIIe siècle, Alexander Pope. Le grand succès de cette traduction libre[d], de 1758, qui inaugure la grande influence de ce texte en France, lui assure une célébrité immédiate. Colardeau poursuivra dans la veine des épîtres en vers sur un sujet médiéval, en donnant une nouvelle héroïde intitulée Armide à Renaud, la même année[6].

La création, à la Comédie-Française, en novembre 1760, de sa deuxième tragédie, Caliste, adaptée de The Fair Penitent (1703) de Nicholas Rowe[7], a connu grâce au talent de Mademoiselle Clairon, un certain succès avec treize représentations[8], mais la modernité de son sujet pour l’époque (un viol) a suscité des commentaires critiques. Il avait également entrepris une traduction en vers français de la Jérusalem délivrée du Tasse, mais il y a renoncé et en a détruit le manuscrit, après avoir appris que Watelet en avait déjà traduit plusieurs chants[9]. Il s’essaie ensuite à une traduction de l'Énéide de Virgile à laquelle il renonce lorsqu’il est informé que l’abbé Delille travaillait de son côté à un projet identique.

Charles-Pierre Colardeau par Thérèse-Éléonore Lingée, 1777.
Charles-Pierre Colardeau par Thérèse-Éléonore Lingée, 1777, National Gallery of Art.

En 1762, son poème Le Patriotisme est très gouté à la Cour, et lui vaut une lettre de compliment de la part du duc de Choiseul, mais lui attire, par la même occasion, vaut une satire anonyme très plate, mais très mordante. Dans la première et unique fois où il s’est permis de répondre à ses ennemis, il l’a fait avec douceur par une lettre adressée à sa chatte, intitulée Épître à Minette[10]. Retourné à Pithiviers en 1766, il compose une comédie en cinq actes et en vers, les Perfidies à la mode qui, bien qu’agréée par les comédiens n’a pas représentée car, inachevée lors de son agrément, il a négligé d’y travailler jusqu’en 1773, quand est venu son tour de la faire jouer. Après avoir cédé son tour au Regulus et la Feinte par Amour du chevalier Dorat, n’étant pas plus avancé, l’année suivante, il laisse passer à fa place aux Amans Généreux de Rochon, puis au Célibataire de Dorat, en 1775. Lorsqu'il a enfin terminé sa comédie, Colardeau, qui venait d'être élu à l’Académie française, s'est mis à hésiter à la faire jouer, craignant de ne pas obtenir le succès dû à un académicien, et celle-ci est restée dans les cartons[10]:277.

En 1770, il met en vers les deux premières Nuits d’Edward Young, le poème inaugurant d’un genre sombre et mélancolique le romantisme anglais, dont la traduction française venait de paraître. Il publia en 1772 un Temple de Gnide composé dix ans auparavant, adapté de Montesquieu, comme le poème de Nicolas-Germain Léonard paru peu de temps auparavant. En 1774, il publia son Epître à M. Duhamel de Denainvilliers sur les charmes de la campagne et un poème descriptif : Les Hommes de Prométhée qui décrit l’éveil du sentiment amoureux chez les deux premières créatures humaines.

Les Mémoires secrets de Bachaumont attribuent la mort prématurée de l’écrivain à une maladie vénérienne contractée au cours d'une relation passagère avec une « courtisanne [sic] ingrate et perfide ». Cette sirène que les Mémoires secrets désignent comme Demoiselle Verrières serait Marie Rinteau (1730-1775) dite Marie Verrières ou De Verrières[e]. Marie et sa sœur avaient à Auteuil une maison accueillante et pourvue d'un théâtre charmant[11]. L'idylle de Marie avec Colardeau – poète par trop désargenté – ne fut donc qu'une trop brève parenthèse et le pauvre Charles-Pierre fut d'abord prié « de s'éloigner pour deux ans » pour faire place à un plus riche protecteur, puis définitivement renvoyé à son écritoire. La chronique des Mémoires secrets de l’année de sa mort affirme que, une fois convaincu de sa disgrâce, Charles-Pierre avait fait circuler dans Paris une « satire sanglante » où Marie est sévèrement égratignée dans une prétendue confession générale de sa vie à l’Abbesse de Saint-Cyr détaillant ses amours, ses infidélités, ses perfidies envers Colardeau[12].

Comme nombre de écrivains désargentés de son époque, Colardeau a vécu, pendant quelques années jusqu’à sa mort, chez une aristocrate, la marquise de Viéville, dont les Mémoires secrets nous disent qu'elle était une « femme donnant dans le bel esprit et la philosophie[12] », ajoutant que « le bruit courait qu'elle l’avait épousé [Colardeau] ou qu’elle l’épouserait[13] ». Il semble que la marquise se soit donnée du mal pour faire de son poète un académicien mais il ne faut pas pour autant oublier que, toujours selon Bachaumont, Colardeau avait, dans le monde des lettres, la réputation d’écrire fort peu mais d'être le meilleur versificateur de France.

Elu en , à l’Académie française, au fauteuil de Paul-Hippolyte de Beauvilliers, duc de Saint-Aignan, sa mort survenue trois mois plus tard, âgé seulement de 43 ans, l’empêche de prononcer son discours de réception.

Ses œuvres forment 2 volumes in-8º, 1779. fig. de Monnet. Il existe des exemplaires sur grand papier.

Œuvres[modifier | modifier le code]

  • Lettre d’Héloïse à Abailard, imitée de Pope, 1756.
  • Astarbé, tragédie, 1758.
  • Armide à Renaud, 1758.
  • Caliste, tragédie, 1760.
  • Le Patriotisme, 1762.
  • Epître à Minette, 1762.
  • Les Perfidies à la Mode, comédie, 1766.
  • Les Nuits d’Young, 1770.
  • Le Temple de Gnide, 1772.
  • Épître à M. Duhamel de Denainvilliers, 1774.
  • Les Hommes de Prométhée, 1774.
  • Œuvres de Colardeau de l'Académie Française 3 t., Paris, Casin, 1793.
  • Jean-François de La Harpe et Jean-François Marmontel, éds., Œuvres de Colardeau : avec sa vie par Jabineau de La Voute et son Éloge par La Harpe et Marmontel, t. 1, Paris, Ballard et Le Jay, , 2 vol., portrait gravé, in-8º (OCLC 1176662077), p. xv, lire en ligne sur Gallica, lire en ligne sur Gallica.

Iconographie[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Certaines biographies le donnent pour né le 14 octobre 1732, cette dernière date étant celle de son baptême[2].
  2. Son acte de baptême épelle son nom avec deux L[2].
  3. Selon le reproche que lui en fera Élie Fréron, dans l'Année littéraire[5].
  4. De 1758 à 1760, cette œuvre ne connaitra pas moins de six traductions en France[6].
  5. De la liaison de Marie avec Maurice de Saxe une fille était née en 1748, Aurore, qui devint la grand-mère de George Sand. Marie n'avait pas grandes dispositions pour la sagesse et la Dauphine enleva Aurore à sa mère pour la faire élever dans un couvent : après la mort du maréchal de Saxe (1750) le nom de Marie se trouve associé dans les chroniques du temps avec celui de nombreux gentilshommes parmi lesquels on note la présence durable de celui de Denis-Joseph Lalive de Bellegarde, marquis d’Épinay, issu d'une famille de fermiers généraux, époux de Louise d'Epinay (qui a eu pour amant Louis Dupin de Francueil, futur époux d’Aurore et grand-père de George Sand).

Références[modifier | modifier le code]

  1. Renata Carocci, Les Héroïdes dans la seconde moitié du XVIIIe siècle : choix de textes, avec un commentaire, Fasano ; Paris, Schena ; Nizet, , 376 p., 21 cm (OCLC 25009687, lire en ligne), p. 17.
  2. a et b Lucien Merlet, « 1788-1740. — Baptêmes, mariages, sépultures », dans Inventaire-sommaire des archives départementales antérieures à 1790, t. 3e, Chartres, Édouard Garnier, (lire en ligne), p. 294.
  3. Lucien Merlet, « Charles-Pierre Colardeau », dans Poètes beaucerons antérieurs au XIXe siècle, t. 2e, Chartres, Durand, , xii-285, 286 p., 2 vol. ; in-8º (lire en ligne sur Gallica), p. 125-140.
  4. a et b Maxime Beauvilliers, « Colardeau : étude littéraire et bibliographique », dans Bulletins, t. 7, Châteaudun, Société dunoise : archéologie, histoire, sciences et arts, (lire en ligne), p. 345.
  5. Albert Chérel (de), Fénelon au XVIIIe siècle en France (1715-1820) : son prestige, son influence, Paris, Hachette, , 694 p., 17 cm (OCLC 1431314129, lire en ligne), p. 373.
  6. a et b (en) Sarah Collins, The Aesthetic Life of Cyril Scott, Woodbridge, Boydell Press, , xxxi, 248 p. (ISBN 978-1-84384-342-9, OCLC 903292756, lire en ligne), p. 152.
  7. Jean-Noël Pascal, La Belle Pénitente : deux tragédies de Caliste imitées de l'Anglais Rowe (1703) par Mauprié (1750) et Colardeau (1760), Perpignan, Presses Univ. de Perpignan, , 177 p. (ISBN 978-2-91451-800-0, OCLC 237523054, lire en ligne).
  8. Laurence Marie, « L’Entrée de Shakespeare au répertoire de la Comédie-Française au XVIIIe siècle », Littératures classiques, vol. 95, no 1,‎ , p. 181-190 (lire en ligne).
  9. Torquato Tasso (trad. Charles-François Lebrun), La Jérusalem délivrée : poème, Paris, Ledentu, , 440 p. (OCLC 682392146, lire en ligne), p. 40.
  10. a et b Pierre Jabineau de la Voute (d) Voir avec Reasonator, « Vie de M. Colardeau », dans Œuvres de Colardeau : avec sa vie par Jabineau de La Voute et son Éloge par La Harpe et Marmontel, t. 1, Paris, Ballard et Le Jay, , 2 vol. in-8º, portr. (OCLC 1176662077, lire en ligne sur Gallica), p. xv.
  11. Gaston Maugras, Les Demoiselles de Verrières, Paris, C. Lévy, , viii-268 p., portr. ; in-8º (lire en ligne sur Gallica), p. 140 sqq.
  12. a et b Georges-Jean Mouchet, Dictionnaire contenant les anecdotes historiques de l'amour, depuis le commencement du monde jusqu’à ce jour, t. 2. Car-Gen, Troyes, Gobelet, , 2e Revue, corrigée et augmentée par l'Auteur éd., 5 vol. (OCLC 220759635, lire en ligne), p. 168.
  13. Louis Petit de Bachaumont et Jean-Toussaint Merle, éd., Mémoires historiques, littéraires politiques, anecdotiques et critiques : depuis l'année 1762 jusques 1788, t. 2, Paris, Léopold Collin, , 2e éd. (lire en ligne), p. 98-9.
  14. « Tableau : Portrait de Charles-Pierre Colardeau », notice no PM28001367, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Palissy, ministère français de la Culture.

Liens externes[modifier | modifier le code]

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