Mortaza Behboudi

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Mortaza Behboudi
Mortaza Behboudi en juillet 2021.
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Grand reporter
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Université de Kaboul (à partir de )
Université Paris-I-Panthéon-Sorbonne (à partir de )Voir et modifier les données sur Wikidata
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Mortaza Behboudi (en persan مرتضی بهبودی) est un grand reporter et réalisateur franco-afghan né en 1994 en Afghanistan puis réfugié en France à partir de 2015. Il est fait prisonnier des talibans le et est libéré le après 284 jours de détention.

Biographie[modifier | modifier le code]

Il est né en 1994 en Afghanistan, dans la province de Wardak[1],[2]. En 1996, ses parents fuient le régime des talibans pour s'installer à Ispahan, en Iran. Malgré son jeune âge, à neuf ans, il doit travailler[3]. Il se mêle aux manifestants pour photographier le mouvement de protestation de 2009. Il retourne en Afghanistan en 2012[4] ou 2013[5]. Il entreprend des études de droit et sciences politiques à l'université de Kaboul[3],[4]. En parallèle, il s'engage dans une activité de journaliste et de photoreporter[3]. Il fonde le journal Daily Bazar en 2014[4],[2]. La situation des journalistes en Afghanistan se détériore[3]. Il est enlevé et manque de peu d'être exécuté[6].

Réfugié en France[modifier | modifier le code]

Il doit quitter son pays pour trouver asile en France en 2015[7], après avoir failli trouver asile aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Italie[4]. Il vit dans la rue avant d'être pris en charge par la Maison des Journalistes et d'obtenir le statut de réfugié politique[8],[3]. Non francophone, il suit d'abord un cursus FLE (Français Langue Étrangère) destiné aux réfugiés, puis un master « Relations internationales et action à l'étranger » à l'université Panthéon-Sorbonne[9]. Il obtient son diplôme en 2018[4]. Il est naturalisé français en 2020[10]. Il est accrédité pour couvrir la COP-21[5] et, dans ce cadre, interviewe Laurent Fabius et Justin Trudeau[4]. Il est l'un des fondateurs, en 2018, de Guiti News, un site d'information animé par des journalistes français et des réfugiés[7],[4]. Il collabore avec plusieurs médias audiovisuels et journaux français[9]. Son activité professionnelle, qui se concentre sur la question des réfugiés, l'a conduit dans plus de trente pays différents à travers le monde[9],[4]. Notamment en Grèce, sur l'île de Lesbos, où il enquête sur le camp de réfugiés de Moria[4]. De cette expérience est né le documentaire Moria, Beyond Hell[1].

Prix[modifier | modifier le code]

Il a obtenu un prix Bayeux des correspondants de guerre en 2022 pour son reportage Les petites filles afghanes vendues pour survivre, diffusé sur France 2[11],[12], et un autre, la même année, pour la série À travers l’Afghanistan, six mois après le retour des talibans, publiée par Mediapart[13],[9]. Cette série est également récompensée d'un prix de la Fondation Alexandre Varenne[4],.

En avril 2023, avec Andrzej Poczobut, il a reçu le Prix de la liberté d'expression de L’Association Internationale des Press Clubs[14].

Arrestation en janvier 2023[modifier | modifier le code]

Alors qu'il se rend en Afghanistan pour un reportage, le 7 janvier 2023, il est arrêté par les talibans[15] qui l'accuseraient d’espionnage au compte des services français[16],[17]. À l'exception d'un appel téléphonique écourté par ses geôliers, sa famille est sans nouvelles de lui[18]. Le 6 février, RSF (Reporters Sans Frontières) publie une tribune, à laquelle 15 médias s'associent, pour alerter sur son cas et demander sa libération[9],[15]. Le 9 février, un comité de soutien se réunit. Il a pour but de coordonner les actions en vue d'obtenir la libération du journaliste[18]. La Fédération internationale des journalistes et le Syndicat national des journalistes ont aussi demandé au gouvernement français de faire tout son possible pour que Mortaza Behboudi recouvre la liberté[19],[20]. Le 24 février, RSF demande à l'ONU d'intervenir pour faire pression sur le gouvernement taliban[21],[22].

Sa détention a entraîné un élan de solidarité à Douarnenez, où il vivait en France. Le Telenn-Mor, bateau ambassadeur de la ville, une réplique de chaloupe sardinière, est symboliquement parti pour Kaboul réclamer la libération de Mortaza Behboudi, un voyage utopiste[23],[24]. À l'annonce de son incarcération un grand rassemblement s'est produit devant la mairie, et un comité de soutien a été créé. Chacun, chacune, raconte que Mortaza Behboudi a participé au Festival de cinéma de Douarnenez, organisé un lâcher de cerfs-volants, s'est déguisé pour le carnaval, ou a fait le poirier avec des enfants. Joceline Poitevin, maire de la ville, est solidaire de ce mouvement, expliquant que « La graine qu’il a semée en France germe ici », ou encore « On l’accueillera avec plaisir lors de sa libération. On sait que Mortaza est un pigeon voyageur, mais Douarnenez peut devenir son nid. » Aleksandra Mostovaja, sa femme, dit que Mortaza s'est attaché à la ville pour son passé de luttes ouvrières, comme la grève des sardinières, son riche réseau d'associations, ou son militantisme festif[25].

Sa libération est annoncée le 18 octobre 2023 par l'organisation RSF. À l'issue d'un procès pour espionnage, « soutien illégal à des étrangers » et « aide au franchissement de frontières », il est acquitté[26]. Après 284 jours de détention, il quitte la prison Pul-e-Charkhi près de Kaboul. Pour prix de sa liberté, il s'engage à ne plus travailler avec des étrangers en Afghanistan si les reportages sont négatifs sur les talibans[27]. Il est de retour en France le 20 octobre[28].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b (en-GB) Geoffrey Macnab, « Cannes FF: Moria, Beyond Hell by Mortaza Behboudi », sur Business Doc Europe, (consulté le )
  2. a et b « Mortaza Behboudi », sur L'œil de la Maison des Journalistes #MDJ (consulté le )
  3. a b c d et e (en) UNESCO, « 10e forum des jeunes : Mortaza Behboudi », sur UNESCO, (consulté le )
  4. a b c d e f g h i et j (en-US) « Mortaza Behboudi • The Paris Institute », (consulté le )
  5. a et b « Les messagers de l’espoir : Mortaza Behboudi », Panthéon Sorbonne magazine n°18,‎ , p. 44 (lire en ligne [PDF])
  6. « Mortaza Behboudi, ou «un autre regard sur l'exil» », sur RFI, (consulté le )
  7. a et b (en) « Mortaza Behboudi », sur Forbes (consulté le )
  8. Redaction MDJ, « Mortaza Behboudi, "messager de l'espoir" à l'université Panthéon-Sorbonne, 06-09 2016 », sur Maison des journalistes, (consulté le )
  9. a b c d et e « L'université demande la libération de son ancien étudiant : Mortaza Behboudi - Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne », sur www.pantheonsorbonne.fr, (consulté le )
  10. « Mortaza Behboudi, mille et une vies », sur Le Telegramme, (consulté le )
  11. « Prix Bayeux-Calvados Normandie des Correspondants de Guerre 2022 », sur Prix Bayeux Calvados-Normandie (consulté le )
  12. « Prix Bayeux : les lycéens et apprentis ont primé le reportage télé "Les petites filles afghanes vendues pour survivre" », sur actu.fr, (consulté le )
  13. Admin, « 29e Prix Bayeux Calvados-Normandie des correspondants de guerre : le palmarès », sur Prix Bayeux Calvados-Normandie, (consulté le )
  14. « Andrzej Poczobut and Mortaza Behboudi are laureates of the IAPC Freedom of Speech Award 2023 ‹ International Association of Press Clubs », sur pressclubs.org (consulté le )
  15. a et b « RSF et 15 médias appellent à la libération du journaliste franco-afghan Mortaza Behboudi, détenu en Afghanistan | RSF », sur rsf.org (consulté le )
  16. « Afghanistan: «Mon mari Mortaza Behboudi est privé de ses droits en détention» », sur RFI, (consulté le )
  17. Brice Laemle, « Les proches du journaliste Mortaza Behboudi se mobilisent pour sa libération », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  18. a et b « #FreeMortaza : création du comité de soutien au journaliste Mortaza Behboudi | RSF », sur rsf.org (consulté le )
  19. (fa) « خبرنگاران بدون مرز: اگر طالبان، مرتضی بهبودی را تا چند روز دیگر آزاد نکنند، اقدام به بسیج عمومی می‌کنیم », sur ار.اف.ای - RFI,‎ (consulté le )
  20. « Syndicat National des Journalistes | Premier syndicat français de journalistes », sur www.snj.fr (consulté le )
  21. Le Figaro / AFP, « Afghanistan: RSF demande à l'ONU d'intervenir pour la libération d'un journaliste franco-afghan », sur Le Figaro, (consulté le )
  22. « RSF appelle les Nations unies à intervenir pour la libération du journaliste franco-afghan Mortaza Behboudi, détenu depuis 50 jours par les talibans | RSF », sur rsf.org, (consulté le )
  23. À Douarnenez, 250 personnes au départ « symbolique » du Telenn Mor, en soutien à Mortaza Behboudi
  24. Alexandre PLUMET et Marion GONIDEC, « Du Finistère à Kaboul, un « bateau de l’espoir » en soutien au journaliste détenu Mortaza », sur pontivy.maville.com (consulté le )
  25. Léa Masseguin, « «Il est l’un des nôtres» : à Douarnenez, au cœur de la mobilisation pour libérer le journaliste Mortaza Behboudi », sur Libération (consulté le )
  26. AFP, « Le journaliste franco-afghan Mortaza Behboudi, détenu en Afghanistan, a été libéré », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  27. « Les talibans libèrent Mortaza Behboudi, journaliste franco-afghan, qu’ils accusaient d’être un opposant », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  28. Rachida El Azzouzi, « Libéré, le journaliste Mortaza Behboudi est arrivé en France », sur Mediapart, (consulté le )

Liens externes[modifier | modifier le code]

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