Éducation fondée sur des preuves

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L'éducation fondée sur les preuves (EFP[1]), ou éducation basée sur les faits (EBE, de l'anglais evidence-based education) est une pratique fondée sur les preuves appliquée en éducation[2]. Elle se concentre ainsi sur les pratiques validées par des preuves plutôt que par la tradition, le jugement personnel ou d'autres influences[3]. Elle est la base de l'enseignement fondé sur les preuves[4],[5],[6], l'apprentissage fondé sur les preuves[7] et la school effectiveness research[8],[9].

L'approche est l'objet de certaines critiques, qui affirment, notamment, que les méthodes de recherche valides en médecine, prônées par la médecine fondée sur les preuves dont s'inspire l'EFP, peuvent être totalement inappropriées dans le domaine éducatif[10].

Histoire[modifier | modifier le code]

Monde anglosaxon[modifier | modifier le code]

En 1996, lors d'une conférence, le pédagogue David H. Hargreaves (en) affirme : « l'enseignement actuel n'est pas fondé sur la recherche. Je suis sûr que s'il l'était, il serait plus efficace et satisfaisant[trad 1]. » Il compare les domaines de la médecine et de l'éducation, affirmant que l'on s'attend à ce que les médecins soient à jour au niveau de la recherche médicale, alors que plusieurs enseignants ne sont probablement même pas au courant de l'importance de la recherche faite dans leur domaine. Afin de pallier cela, il propose un « changement radical » afin que les enseignants soient plus impliqués dans la pratique et l'application de la recherche[3]. L'idée est reprise par les décideurs politiques britanniques afin de mieux lier la théorie et la pratique dans ce domaine, bien qu'en même temps, la recherche en éducation soit critiquée sur sa qualité, fiabilité, impartialité et accessibilité[11].

En 2000 et 2001, deux études internationales fondées sur les preuves sont lancées afin d'analyser et rapporter l'efficacité de l'éducation scolaire dans le monde : le programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) (2000) et le programme international de recherche en lecture scolaire (PIRLS) (2001). À la même époque, des études sur la lecture fondées sur les preuves mettent en évidence la valeur des preuves en éducation : le National Reading Panel (en) américain (2000), le rapport australien sur l'enseignement de la lecture (2005[12]), l'Independent review of the teaching of early reading (Rose Report 2006) (en) anglais et le Clackmannanshire Report du Scottish Executive Education Department (en) (SEED)[13].

La scientifically based research (SBR[14]) fait son apparition dans la législation américaine avec le Reading Excellence Act (2000[15]), qui mène à la Comprehensive School Reform (en) deux ans plus tard[16]. Cependant, le sujet est surtout mis en lumière dans ce pays avec le No child left behind act (en) (NCLB) de 2001, qui vise à aider les enfants éprouvant des difficultés de lecture de la garderie jusqu'à la troisième année du primaire[17]. Le NCLB est remplacé en 2015 par le Every Student Succeeds Act (en) (ESSA)[18].

En 2002, le département de l'Éducation des États-Unis fonde l'Institute of Education Sciences (en) (IES) visant à encadrer la recherche sur l'éducation fondée sur les preuves. La Common Core State Standards Initiative (en), fondée en 2009, vise sensiblement les mêmes objectifs[19]. Certaines initiatives tentent de standardiser des pratiques telles le principe alphabétique (en), la sensibilité phonologique (en), la méthode syllabique, la reconnaissance des mots et la fluidité[20], bien que ces champs de compétence soient partagés entre différentes juridictions[21]. En 2020, 41 États américains ont adopté des standards[22],[23],[24].

Certaines études affirment que la Common Core State Standards Initiative ne semble pas avoir mené à des améliorations significatives de la performance étudiante[25]. Son application semble toutefois très variable[26],[27].

En 2011, le Sutton Trust (en) fonde la Education Endowment Foundation (en) anglaise, basée à Londres, afin de développer l'éducation fondée sur les preuves[28],[29]. L'année suivante, le département anglais de l'éducation adopte une approche fondée sur les preuves pour soutenir l'apprentissage de la lecture chez les élèves du primaire[30].

En 2013, l'éducation fondée sur les preuves est soutenue par le chercheur anglais Ben Goldacre, qui prône des changements systémiques et une utilisation plus grande des essais randomisés contrôlés pour évaluer les effets des interventions éducatives[31],[32].

Exemples[modifier | modifier le code]

Le système Leitner est un exemple d'application de la répétition espacée.

Parmi les exemples de pratiques prônées par l'éducation fondée sur les preuves, on compte la répétition espacée (dont l'effet d'espacement et l'apprentissage espacé (en)) qui « mène à la formation d'une mémoire plus robuste que l'apprentissage avec peu ou pas d'espacement[trad 2],[33],[34],[35]. »

Programmes[modifier | modifier le code]

Le tableau suivant, mis-à-jour en juillet 2020, liste des programmes présentant des « résultats positifs robustes » d'après le site de la WWC[réf. souhaitée].

Programme Description Niveau Effets
Success for All (en) Appliqué de la garderie jusqu'à la première année. Les enseignants lisent à voie haute et discutent avec les élèves, focalisant l'attention sur la sensibilité phonologique, la discrimination auditive et le mélange des sons. Un tutorat individualisé est offert aux élèves en difficulté. K-4 alphabétisation (+9 %)
READ 180 (en) Programme de lecture pour les élèves en retard de deux niveaux ou plus. 4–10 compréhension (+6 %) et littéracie (+4 %)

Les études de la WWC sont cependant critiquées[36],[37],[38].

Critiques[modifier | modifier le code]

L'éducation fondée sur les preuves est critiquée par certains pédagogues, qui disent que la « recherche en éducation, c'est bien, mais qu'il ne faut pas oublier que l'enseignement est une forme d'art complexe[trad 3], [39]. » Certains croient ainsi que cette approche « limite la possibilité des intervenants en éducation d'exercer leur jugement sur ce qui est désirable dans certaines situations éducatives[trad 4],[40]. »

En 2018, lors d'une conférence, le professeur émérite de l'University College London Dylan Wiliam (en) affirme que la « recherche éducative ne dira jamais aux professeurs quoi faire. Leur classes sont trop complexes pour que ce soit possible[trad 5]. » À la place, il propose que les enseignants soient critiques envers la recherche en éducation, qu'ils soient « conscients que même les meilleurs résultats de recherche ne s'appliquent pas nécessairement pour toute situation[trad 6],[41]. »

D'autres soulignent que la médecine fondée sur les preuves, d'où est issue l'éducation fondée sur les preuves, produit souvent des résultats contradictoires[42].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes
  1. (en) « Teaching is not at present a research-based profession. I have no doubt that if it were it would be more effective and satisfying »
  2. (en) « leads to more robust memory formation than does massed training, which involves short or no intervals »
  3. (en) « Education research is great but never forget teaching is a complex art form »
  4. (en) « limits the opportunities for educational professionals to exert their judgment about what is educationally desirable in particular situations. »
  5. (en) « Educational research will never tell teachers what to do; their classrooms are too complex for this ever to be possible. »
  6. (en) « aware of when even well-established research findings are likely to fail to apply in a particular setting. »
Références
  1. « L’éducation fondée sur des preuves : définition et enjeux », sur sciencespo.fr, (consulté le ).
  2. (en) « Promoting evidenced based education », sur leeds.ac.uk
  3. a et b (en) David H. Hargreaves, « Teaching as a research-based profession », The teacher training agency annual lecture (conférence),‎
  4. (en) « Instructional strategies, Understood »
  5. (en) « Dimension: evidence-based, high impact teaching strategies », Government of Australia
  6. (en) « Evidence-based teaching », Cornell University
  7. (en) « An evidence-based approach to teaching and learning, Australian Council for Educational Research (ACER), 2005 »
  8. (en) « School Effectiveness Research, DOI: 10.1080/09243450500114884, September 2005 »
  9. (en) « School Effectiveness Framework, Government of Ontario, Canada, 2013 »
  10. (en) « Don't import the scourge of scientism into schools, Spiked, 2013-09-09 »
  11. (en) James Tooley and Doug Darby, « Educational Research: a critique »
  12. (en) « Teaching Reading » [PDF], sur Australian Government Department of Education, Science and Training.
  13. (en) « A Seven Year Study of the Effects of Synthetic Phonics Teaching on Reading and Spelling Attainment », (ISSN 1478-6796)
  14. (en) « What Does Scientifically Based Research Mean for Schools? »
  15. (en) « Reading Excellence Act, USA, 2000 »
  16. (en) « Comprehensive School Reform Program, Title I, Part F, USA, 2002 »
  17. (en) « NCLB ACT PUBLIC LAW 107–110, Section 1202-1203, JAN. 8, 2002 »
  18. (en) « Every Student Succeeds Act (ESSA), USA 2015 »
  19. (en) « Common Core State Standards Initiative »
  20. (en) « English Language Arts Standards, Reading – Foundational Skills, K-5 »
  21. (en) « A Governor's Guide to Early Literacy, NGA, 2013 »
  22. (en) « Standards in your state »
  23. (en) « DPI endorses 'explicit phonics instruction' as critical component of reading instruction », sur Milwaukee Journal Sentinel,
  24. (en) « Wisconsin Department of Public Instruction »
  25. (en) « Nations report card, grade 4, 2019 »
  26. (en) « C-SAIL handout, May 2020 »
  27. (en) « 2019-20 Common Core of Data (CCD) Preliminary Directory Files »
  28. (en) « Education Endowment Foundation, UK »
  29. (en) « What Works Network, UK Government »
  30. (en) « Educational Excellence Everywhere », England, Department for Education, , p. 5–6
  31. (en) Ben Goldacre, « News: Building Evidence into Education »,
  32. (en) « researchED home page »
  33. (en) Paul Smolen, Yili Zhang et John H. Byrne, « The right time to learn: mechanisms and optimization of spaced learning », Nature Reviews Neuroscience, vol. 17, no 2,‎ , p. 77–88 (PMID 26806627, PMCID 5126970, DOI 10.1038/nrn.2015.18, Bibcode 2016arXiv160608370S, arXiv 1606.08370)
  34. (en) « The Cognitive Science of Learning Enhancement: Optimizing Long-Term Retention »
  35. (en) « Enhancing human learning via spaced repetition optimization »
  36. (en) « WWC, Robert Slavin's blog, Director of the Center for Research and Reform in Education at Johns Hopkins University »
  37. (en) « WWC handbook summary »
  38. (en) « Straight Talk on Evidence », sur WWC,
  39. (en) Thomas Rogers, « Education research is great but never forget teaching is a complex art form », sur National association of school-based teacher trainers,
  40. (en) Gert Biesta, « Why "What Works" Won't Work: Evidence-Based Practice and the Democratic Deficit in Educational Research », Educational Theory, vol. 57,‎ , p. 1–22 (DOI 10.1111/j.1741-5446.2006.00241.x, lire en ligne)
  41. (en) « How is educational research supposed to improve education?, researched.org »
  42. (en) « The problem with evidence-based education policy: the evidence », sur Washington Post,