Aller au contenu

Grève des mineurs britanniques de 1974

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
(Redirigé depuis Three-Day Week)

La grève des mineurs britanniques de 1974 (UK miners' strike 1974) est une grève menée par l'Union nationale des mineurs en 1974.

Les mineurs déclenchent du 12 novembre 1973 au 6 mars 1974 la plus grande grève jamais organisée depuis un demi-siècle[1]

Elle entraîna la mise en place de la Three-Day Week, avec des restrictions très sévères en matière de consommation d’électricité, visant à diminuer la consommation d'électricité par les entreprises, ne les autorisant à l'utiliser que sur une période de trois jours consécutifs par semaine[1], en vigueur du 13 décembre au 8 mars 1974[1].

Contexte[modifier | modifier le code]

En 1974, les deux tiers des puits de charbon britanniques et écossais ont été fermés depuis 1958[2] avec la montée du pétrole arabe ou du gaz, et cette industrie perd "17000 hommes par an"[2]. Depuis quelques années, le syndicat des mineurs "n'a cessé de souligner au gouvernement combien il était dangereux de laisser l'industrie nationale tributaire à 50 % des approvisionnements en pétrole"[2], malgré des réserves évaluées à environ deux cents ans de charbon[2].

Les perspectives économiques étaient alors très déprimées et les experts pessimistes, avec l’envolée du prix du pétrole du premier choc pétrolier, suite à la guerre du Kippour[3], et avec pour le Royaume-Uni en plus la négociation des accords de Sunningdale en Irlande du Nord[3] et "les attentats terroristes perpétrés par l'IRA en plein cœur de la Grande-Bretagne"[3] dans la foulée de la tragédie de Bloody Sunday qui le 30 janvier 1972 avait fait 14 morts[3]puis déclenché "une vague d’attentats sur le sol britannique"[3]. En juillet 1972, cinq mois après la précédente grève victorieuse des mineurs, Angus Maude, du Parti conservateur, écrivit un article dans le Sunday Express affirmant que la situation pouvait mener à la chute de la démocratie britannique[3].

Déclenchement et déroulement[modifier | modifier le code]

La peur du rouge, « the Red Scare » était alors "très présente"[3]. Même si Edward Heath s'en est toujours défendu, stigmatiser les mineurs en les présentant comme de "dangereux citoyens à la solde du pouvoir soviétique"[3] devait permettre au Parti conservateur d'exploiter cette peur "à des fins électorales"[3] immédiates, par "la désignation d’un ennemi commun"[3]. Une sous-partie du manifeste conservateur, intitulé "Firm Action for a Fair Britain" était titrée "The Danger From Within" évoquait "l’impact nocif" des deux grèves de 1969 et 1972[3]. Fin janvier, apparaissent "les sous-entendus de plus en plus fréquents" aux "mauvaises influences" de "certains syndicats plus durs que les autres"[2], plus "politisés", décidés à "détruire le mode de vie britannique"[2], avec la métaphore des "rouges cachés sous le lit"[2].

Dès le 13 novembre 1973, alors que la veille les syndicats annoncent une grève des heures supplémentaires, le gouvernement décrête un état d’urgence, le cinquième en moins de quatre ans, et la Three-Day Week[3].

Des négociations commencèrent dès le mois de novembre entre le gouvernement, les responsables syndicaux, sans trouver aucun compromis[3]. Fin janvier, la presse dénonce "l'entêtement des gueules noires à refuser les offres du gouvernement"[2].

Le 29 janvier 1974, même le parti travailliste dénonce l'activisme de militants communistes dans les syndicats de mineurs[1], où ils représentent six des 27 dirigeants, le parti communiste ayant seulement une trentaine de milliers d'adhérents[2] mais parmi ses militants 55 des 354 dirigeants des douze premiers syndicats, tous secteur économiques confondus[1]. Joe Gormley, président du syndicat des mineurs, répond qu'il y a aussi sur ses 26 dirigeabts "13 sociaux-démocrates, dont il fait partie"[2]. "Les syndicats menacent-ils de détruire la British way of life ?", titre un article de Nicole Bernheim dans Le Monde le lendemain[2]. "Qui gouverne ?" demandent les conservateurs, explique le journal, en observant que la grève partielle des mineurs et le premier choc pétrolier ont conjointement "jeté le pays" dans "la crise nationale la plus grave depuis la dernière guerre"[2].

La pénurie d'électricité pénalise l'industrie automobile britannique: les chaînes de montage "ne marchent qu'au ralenti, faute d'être ravitaillées en radiateurs, dynamos, ou pneus"[4]. Une grève totale des mineurs britanniques de charbon, "si elle se prolongeait, ne manquerait pas de paralyser rapidement" une production iautomobile "qui, pour l'instant, paraît se maintenir de 50 % à 70 % de la normale", observe Le Monde le 6 février 1974 [4].

Au début du mois de février, il fut donc décidé qu’une élection programmée à la fin du mois pourrait permette de "trouver une sortie à la crise"[3] et le 9 février 1974,Edward Heath appelle ses compatriotes dans une déclaration solennelle à distinguer "entre la vraie et la fausse voix britannique, entre l’authentique et l’étrangère"[3], présentant les mineurs comme n'ayant "aucun respect pour leur pays et aucun patriotisme"[3].

Grève des cheminots au même moment[modifier | modifier le code]

Alors que "peu de salariés anglais" ont droit aux quatre semaines de congés payés[2] accordées aux Français en 1968, un autre conflit a cours au même moment, "beaucoup moins populaire"[2], et mobilisant des conducteurs de locomotives, qui a "forcé des milliers d'Anglais, et surtout de Londoniens, à passer des heures d'attente chaque matin et chaque soir sur les quais de gare"[2]. Cet autre conflit est jugé "significatif des méthodes d'action de certains syndicats britanniques", au nombre de trois chez les cheminots[2], avec des surenchères syndicales[2].

Violences[modifier | modifier le code]

La grève de 1974, "en termes de violence", fut bien moins dure" que celle de janvier-février 1972[3]. Cependant, un recours à l’armée "fut sérieusement envisagé" selon un article de 1980 dans The Guardian[3], affirmant que des officiers avaient planifié une intervention militaire, notamment pour arrêter le syndicaliste Mick McGahey[3], membre du Parti communiste anglais.

Conséquences politiques[modifier | modifier le code]

Le Premier ministre en exercice, Edward Heath, appela à des élections anticipées en février 1974 pour tenter d'apaiser la grève[5].

La victoire de la grève de 1972 puis la chute du gouvernement d'Edward Heath après les élections de février 1974, au résultat pourtant serré, "firent des mineurs les nouveaux héros de la classe ouvrière"[3].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d et e "Messieurs les Anglais. La fin du monde. La métamorphose d'une société. Le retour en Europe de la vieille Angleterre", par René Dabernat chez Robert Laffont en 1976 [1]
  2. a b c d e f g h i j k l m n o p et q "Les syndicats menacent-ils de détruire la " British way of life " par Nicole Bernheim dans Le Monde le 30 janvier 1974 [2]
  3. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s et t "La guerre est déclarée: le gouvernement Heath à l’épreuve des mineurs, 1972-1974" par Laetitia Langlois, Université d'Angers, en 2010 chez Eric Jamet Editeur [3]
  4. a et b Article par Jean Wetz dans Le Monde le 6 février 1974 [4]
  5. "Hier et aujourd'hui : 1974", par Gaston Palewski, chez Plon en 1975 [5]

Voir aussi[modifier | modifier le code]