John Garang

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John Garang
Illustration.
John Garang en août 2004.
Fonctions
Vice-président de la République du Soudan

(6 mois et 21 jours)
Président Omar el-Bechir
Prédécesseur Ali Osmane Taha
Successeur Salva Kiir
Président de la
région autonome du Soudan du Sud

(21 jours)
Président Omar el-Bechir
Prédécesseur Premier titulaire
Successeur Salva Kiir
Biographie
Nom de naissance John Garang de Mabior
Date de naissance
Lieu de naissance Wangulei (Soudan anglo-égyptien)
Date de décès (à 60 ans)
Lieu de décès New Cush (Soudan)
Nationalité Soudanaise
Parti politique Mouvement populaire de libération du Soudan
Conjoint Rebecca Nyandeng De Mabior
Enfants Deux filles, dont Akuol De Mabior
Diplômé de Université de Dar es Salam
Grinnell College
Université d'État de l'Iowa
Profession Militaire
Économiste
Religion Catholicisme

John Garang
Vice-présidents de la République du Soudan

John Garang (de Mabior) est un économiste, homme politique et militaire soudanais, né le dans le village de Wangulei dans la province de Jonglei, aux environs de Bor, dans l'actuel Soudan du Sud et mort le près de New Cush (Soudan du Sud). Leader de l'Armée de Libération du Peuple du Soudan qu'il fonde en 1983, il est une personnalité clé de la seconde guerre civile soudanaise sur laquelle il exerce une influence majeure, jusqu'à la signature des accords de pays qui lui permettent d'accéder en 2005 au poste de vice-président du Soudan. Décédé seulement trois semaines plus tard lors d'un accident d'hélicoptère, il ne peut empêcher la partition du Soudan en deux États, l'actuel Soudan et le Soudan du Sud après avoir pourtant toute sa vie défendu l'idée d'un Soudan unifié et démocratique.

Biographie[modifier | modifier le code]

Jeunesse et études[modifier | modifier le code]

John Garang né le 23 juin 1945 à Wagkulei, dans la province de Jonglei, dans une famille pauvre chrétienne dinka[1]. Après avoir perdu ses deux parents à l'âge de 9 et 11 ans, il fréquente l’école primaire de la colonisation britannique puis le collège de Rumbek, dans la région de Bahr-al-Ghazal)[1]. En 1964, il rejoint la Tanzanie où il poursuit ses études secondaires au Collège de Lushoto. puis à l'université de Dar es Salam où il fait la connaissance de Yoweri Museveni, le futur Président de l’Ouganda et d’Eduardo Mondlane, le futur fondateur du Front de libération du Mozambique[1] Il s’imprègne des idées révolutionnaires de l'époque, notamment marxistes, puis poursuit ses études en sciences économiques au Grinnell College (Iowa, États-Unis), dont il sort diplômé à 23 ans[2].

En 1971, lors de la première guerre civile soudanaise, il rejoint le mouvement rebelle Anyanya (qui réclame l'indépendance du sud du Soudan) contre le régime de Khartoum[1].

Après la signature d’un accord de paix à Addis-Abeba en 1972, il est intégré dans l’armée soudanais avec le grade de capitaine[3]. Devenu colonel, il se rend aux États-Unis (alliés du gouvernement soudanais) pour y recevoir une formation militaire sur la base de Fort-Benning en Géorgie[3]. En 1976, il se marie avec la femme politique Rebecca Nyandeng De Mabior, avec qui il aura deux filles dont la réalisatrice et mannequin Akuol De Mabior[4]. L'année suivante un doctorat d'économie agricole[3] sur le développement agricole du sud du Soudan[1], ce qui lui vaut d'être désigné, par ses amis comme ses ennemis, par son titre de « docteur »[5]. De retour au Soudan en 1981, il reprend sa place dans l'armée, et enseigne au Collège Militaire de Khartoum[1].

Deuxième guerre civile soudanaise[modifier | modifier le code]

De la reprise de la guerre à l'accord d'Addis-Abeba de 1988[modifier | modifier le code]

En début d'année 1983, le général Gaafar Nimeiry au pouvoir au Soudan abroge les accord d'Addis-Abeba ce qui provoque plusieurs soulèvements a sud du pays. En mai, John Garang, chrétien et dinka comme la majorité de la population sud-soudanaise, est envoyé par le gouvernement central pour calmer la mutinerie d'une garnison, le bataillon 105 de 2 000 à 3 000 soldats, stationnée à Bor[3]. Ce dernier avait par ailleurs lui-même commandé cette garnison entre les accords d'Addis-Abeba de 1972 et son départ aux États-Unis en 1979[5].

Sur place, il désobéit aux ordres aux ordres du gouvernement, se rallie aux mutins, et fonde avec eux l'Armée de Libération du Peuple du Soudan (SPLA), ralliant les plupart des soldats qu'il commandait dans l'armée soudanaise[3]. Le 31 juillet, à la suite de plusieurs rencontres entre différents opposants au gouvernement, John Garang proclame le « Manifeste du Mouvement Populaire Soudanais », avec pour objectif de lutter pour l'établissement du Soudan, « uni, laïc et démocratique »[6]. Son objectif est aussi économique, que les ressources pétrolières du sud du pays bénéficie davantage aux populations qui habitent sur ces terres[6]. Le SPLM est d’emblée soutenu par l'Union soviétique, et par le régime éthiopien de Mengistu Haile Mariam qui lui permet d'installer son quartier général à Addis-Abeba[1].

Le 9 septembre Gaafar Nimeiry impose la loi islamique à l’ensemble du Soudan, enfonçant le Soudan dans la deuxième guerre civile[6]. En février 1984 les groupes rebelles du sud attaquent les installations pétrolières de Chevron et le chantier du canal de Jonglei conduit par l’entreprise Grands travaux de Marseille, leur reprochant l'exploitation de leurs terres et de leurs ressoudes pour le compte du gouvernement central[7].

Le , confronté à des contestations croissantes et à des revers militaires dans le sud du pays, Gaafar Nimeiry en visite à Washington, est renversé par un coup d'État organisé par son Ministre de la Défense, le général Swar-ed-Dahab[8]. Ce dernier prend la présidence du Conseil militaire de transition. et invite John Garang à venir à Khartoum pour prendre part au gouvernement provisoire[7]. Mais le colonel sudiste, méfiant, refuse cette offre qui implique que les rebelles déposeraient les armes, évoquant une ressemblance du nouveau gouvernement militaire en place et son prédécesseur[7]. Abdel Rahman Swar al-Dahab démissionne pourtant l'année suivante, et un nouveau gouvernement, civil cette fois-ci lui succède sous la présidence d'Ahmed al-Mirghani, et Sadeq al-Mahdi comme Premier ministre[9]. Après une première rencontre infructueuse entre ce dernier et John Garang à Kampala le 4 décembre 1987[7], un accord de paix est finalement signé entre les deux hommes à Addis-Abeba le 16 novembre 1988[10]. Entre temps, la SPLA remporte sur série de succès militaires au sud du pays[10]. Cet accord prévoit la réunion d'une conférence constitutionnelle pour mettre fin à la guerre, un gel des lois islamiques, une levée de l'état d'urgence, et une dénonciation des pactes militaires[7]. Sadeq al-Mahdi, affaibli par une crise économique, voit son pouvoir être contesté par les islamistes, et se voit obligé d’associer au pouvoir le « National Islamic Front » d'Hassan Al-Tourabi[1]. Toujours Mais cela ne suffit pas à le maintenir au pouvoir[1].

Coup d'État d'Omar el-Béchir et reprise du conflit[modifier | modifier le code]

Le 30 juin 1989, Sadeq el-Mahdi est à son tour renversé par un coup d'État qui ramène au pouvoir un gouvernement militaire et islamiste dirigé par Omar el-Bechir et Hassan Al-Tourabi[11]. À noter qu'une semaine plus tard, ce dernier devait s’entretenir avec John Garang pour préparer une conférence constitutionnelle en vue de mettre fin à la guerre[12].

Paradoxalement, cette dérive autoritaire du nouveau pouvoir soudanais est vue comme une opportunité pour John Garang, de s'afficher en réformateur, démocrate, et rassembleur du peuple soudanais dans sa diversité[13]. Une coalition politique soudanaise laïque et démocratique se forme en opposition à ce nouveau gouvernement, la « National Democratic Alliance » (NDA), rassemblant des forces sudistes comme nordistes, que la SPLA rejoint en 1990[13]. John Garang obtient le commandement de la branche militaire de la NDA, étant donné que c'est lui qui dirige le groupe d’opposition armée le lus puissant[13]. Mais la NDA, tout en se targuant de rassembler toutes les forces d’opposition, peine à s’affirmer sur le terrain politique[13].

Décennie 1990 : scission de la SPLA et changements alliances internationaux[modifier | modifier le code]

John Garang en 1989 reçoit la visite du membre du Congrès des États-Unis Gary Ackerman dans son camp entrainement au sud du Soudan

Sur le front de la guerre civile soudanaise, dans les deux années qui suivent la prise de pouvoir d'Omar el-Béchir, aucun changement significatif n’est constaté dans le rapport des forces sur le terrain[13]. Mais sur la scène internationale d'importants bouleversements impactent cette guerre. Après avoir été dans un premier temps reconnu par les États-Unis et les pays arabes du Golfe, le gouvernement d'Omar el-Bechir décide de soutenir le gouvernement irakien de Saddam Hussein lors de l'invasion du Koweït puis de la guerre du Golfe[10]. En conséquence, ses relations se tendent avec Washington et Ryad (soutiens diplomatiques et militaires du Koweït) qui supprime une importante aide financière accordée à Khartoum[14]. Parallèlement, en 1991, l'appui du gouvernement soudanais aux nationalistes érythréens et tigréens leur permet de prendre le pouvoir à Asmara et à Addis-Abeba, provoquant la chute du régime éthiopien de Mengistu Haile Mariam, soutien vital de la SPLM[9],[15]. Le gouvernement soudanais profite de ses bonnes relations avec le nouveau gouvernement éthiopien de Meles Zenawi, pour passer par son territoire pour prendre la ville de Kapoeta[16]. Mais les succès de l'armée gouvernementale sur la SPLA restent limités et peu concluants[15]. D'autant que les années suivantes, le gouvernement soudanais accusé de soutenir des mouvements fondamentalistes islamistes armés en dehors de ses frontières, se coupe peu à peu de ses voisins africains : l'Érythrée et l’Ouganda dans un premier temps qui rompent leurs relations diplomatiques avec le Soudan, puis l’Éthiopie et l’Égypte[15].

De son côté, la rébellion de John Garang est affaiblie non seulement à cause de la perte de soutiens internationaux, mais aussi en interne à la suite de la sécession, avec leurs soldats, des commandants Riak Machar et Lam Akol qui fondent leurs propres factions de la SPLM (la « SPLM-Torit » et la « SPLM-Nasir »)[16]. Cette scission dégénère même en affrontements entre organisation rebelles sudistes rivales, reflétant et alimentant une fracture ethnique entre Dinka (ethnie de John Garang) et Nuer (celle de Riek Machar)[17]. Un facteur de tension que John Garang ne parviendra jamais à réduire, et qui mènera à la terrible guerre civile sud-soudanaise entre 2013 et 2020[18].

John Garang se cherche de nouveaux soutiens internationaux, africains mais aussi européens et américains. En décembre 1992, il se rend en France pour rencontre au Quay d'Orsay le Ministre de la Santé et de l'Action humanitaire Bernard Kouchner, après avoir fait sa connaissance au Soudan pendant l'été 1991[16]. Il bénéficie indirectement de la radicalisation du gouvernement islamiste soudanais qui accueille le terroriste saoudien Ousama ben Laden à Khartoum en 1992, pour s'attirer les sympathies de l'administration américaine de Bill Clinton[15]. Ce dernier rencontre John Garang lors de son second mandat (de 1996 à 2001), et lui fait part de son soutien, même dans les faits celui-ci reste limité sur le terrain en raison de divergences dans son gouvernement sur l'attitude à avoir au sujet de la guerre civile soudanaise[15]. Malgré l'animosité et la méfiance que lui inspirait le gouvernement islamiste soudanais, une partie de la classe politique américaine doutait de la possibilité d’une alternative au régime en place[15]. D'où un comportement ambivalent motivé d'une part par la crainte d'une déstabilisation trop forte du pays en cas de chute du régime, et d'autre part par la compassion envers leurs « frères » chrétiens soudanais persécutés[15].

Sur la scène politique interne soudanaise, chaque camp dans la guerre civile tente de nouer des alliances avec les opposants de son ennemi ; tandis que le gouvernement soudanais tend la main aux rebelles sécessionnistes de la SPLA, cette dernière se rapproche des opposant politique soudanais issus du gouvernement de Sadeq al-Mahdi[19]. La SPLA, renforcée par le retour de plusieurs soldats sécessionnistes et part des livraisons d'armes lourdes américaines, lance une grande offensive en octobre 1995. qui lui permet d'encercler Djouba, et de renforcer son contrôle des frontière du Zaïre, d'Ouganda et d'Éthiopie[19]. En janvier 1997, la SPLA renforce son contrôle sur le sud du pays grâce un l’appui de l’Ouganda, de l’Éthiopie et de l’Érythrée[12]. Au total, près de 2000 km de frontière se retrouvent contrôlés par la rébellion sudiste[19].

En août 1998, lors de l'Opération Infinite Reach, des navires américains en mer Rouge bombardent une usine pharmaceutique au Soudan soupçonnées de produire des composants d'armes chimiques[12].

Tournant des années 2000 : accords de paix et fin de la guerre civile[modifier | modifier le code]

Le 11 septembre 2001, les attentats du World Trade Center à New York dont Oussama ben Laden est accusé d'être l’instigateur, met sous pression le gouvernement soudanais qui avait accueilli ce dernier entre 1992 et 1996[12]. Quelques jours auparavant (le 6 septembre 2001), le diplomate américain John Danforth avait été nommé « représentant spécial du président pour le Soudan » par le nouveau président américain George W. Bush[12] . Omar el-Béchir craignant de subir les conséquences d'une hostilité américaine accrue, affiche sa volonté de coopérer avec Washington dans sa lutte contre le terrorisme international[12]. En réaction, l'administration américaine se divise comme à l'époque de Bill Clinton, entre les partisans d'une ligne dure contre Khartoum, et ceux qui souhaitent au contraire en faire un nouvel allié[12]. John Danforth, constatant que le régime comme la SPLA cherchent à accroître leur coopération avec Washington, exige de part et d'autre une cessation des hostilités[12]. Il réclame en outre une commission d’enquête sur l’esclavage, et des zones de sécurité pour les vaccinations[12]. Les deux camps obtempèrent sur la majeur partie du front, (bien que l'armée soudanaise mène encore des frappes aériennes), tandis qu'en janvier 2002, les chefs rebelles rivaux John Garang et Riak Machar signent un accord de paix et de réunification de leurs deux armées[20].

Quelques jours plus tard, des négociations s'ouvrent à Genève entre la SPLA réunifiée et le gouvernement soudanais pour conclure un cessez-le-feu[20]. En mars 2002, John Garang se rend à Washington à l'invitation du président Georges W. Bush, et rencontre les conseillers de ce dernier Colin Powell et Paul Wolfowitz[20]. Le 25 juillet 2002, Omar el- Béchir et John Garang se rencontrent pour la première fois à Kampala, la capitale ougandaise, et affirment leur détermination à faire la paix[20]. D'autres pourparlers sont annoncés deux semaines plus tard à Nairobi, capitale du Kenya[21]. L'année suivante, les dissidents Riak Machar et Lam Akol réintègrent officiellement la SPLM de John Garang[2]. Le 5 novembre 2003, John Garang est reçu à Rome par le pape Jean-Paul II[22].

La seconde guerre civile soudanaise prend officiellement fin avec les accords de paix de Naivasha entre le gouvernement soudanais et la SPLA, signés le dans la ville de Naivasha au Kenya[2]. Ces accords prévoient une nouvelle constitution, le retrait des troupes soudanaise du sud du Soudan et l'intégration du Mouvement populaire de libération du Soudan au gouvernement d'union nationale du Soudan[23]. Le 8 juillet 2005, vingt-deux ans après avoir quitté la capitale soudanaise pour fonder la SPLA, John Garang y fait un retour triomphal accueilli par des centaines de milliers de personnes[24]. Devant la foule, il déclare : « Ma présence ici, aujourd'hui, à Khartoum, signifie vraiment que la guerre est finie. »[25].

John Garang en 2005

Le lendemain, il est investi vice-président du Soudan au palais présidentiel, en présence notamment d'une dizaine de chefs d'État africains, du secrétaire général des Nations unies, le diplomate ghanéen Kofi Annan, du secrétaire général de la Ligue arabe, le diplomate égyptien Amr Moussa, et du secrétaire d'État adjoint américain, Robert Zoellick[24]. Devant son ancien ennemi et nouveau collaborateur le président soudanais Omar al-Béchir, il prête serment en déclarant : « Moi, John Garang de Mavior, je jure devant Dieu Tout puissant qu'en ma qualité de premier vice-président de la République du Soudan, je serai fidèle et ferai allégeance à la République du Soudan. »[24].

Lors de cette cérémonie, Omar al-Béchir signe la Constitution provisoire organisant la vie du pays pendant les six années à venir[25]. Le nord du Soudan est désormais soumis au régime de la charia, tandis que le sud est administré par ses propres lois et dirigé par le mouvement de John Garang[25]. À l'issue de cette période, les habitants du Sud-Soudan devront se prononcer par référendum sur leur indépendance[25].

Mort[modifier | modifier le code]

Le , soit trois semaines après son accès à la vice-présidence du Soudan, John Garang embarque vers 15h15 avec 13 personnes (dont 7 membres d'équipage) dans un hélicoptère du gouvernement ougandais en revenant d'une rencontre à Kampala avec le président ougandais Yoweri Museveni[2]. L'hélicoptère s'écrase environ trois heures après son décollage, au niveau de la frontière entre l'Ouganda et le Soudan et de la chaîne montagneuse Imatong[2]. Un communiqué de la présidence soudanaise annonce que l’appareil a « percuté la chaîne de montagne des Amatonj, dans le sud du Soudan, en raison de problèmes de visibilité »[26].

Image satellite des monts Imatong situés à la frontière entre l'Ouganda et le Soudan, où est tombé l'hélicoptère transportant John Garang en 2005

L'annonce de la mort de John Garang provoque de violentes émeutes à Khartoum qui font plusieurs dizaines de morts, déclenchées par des partisans qui soupçonnent le gouvernement soudanais d'avoir commandité son assassinat[26]. À noter que trois millions de Sud-Soudanais chrétiens et animistes résidaient alors dans le nord[15]. Le président ougandais Yoweri Museveni annonce la création d'une commission spéciale pour enquêter sur le crash, afin d'établir de façon définitive s'il s'agit bien d'un accident et non d'un sabotage ou d'un acte de terrorisme[26].

Les funérailles de John Garang sont célébrées le 6 août à la cathédrale de Tous les saints de Djouba, en présence d'une foule de plusieurs dizaines de milliers de personnes[2]. Le président Omar el Béchir, son ancien ennemi juré se rend également à Djouba et s'incline devant son cercueil aux côtés du président sud-africain Thabo Mbeki et de l'émissaire des Nations unies Jan Pronk[27].

En avril 2006, une commission d’enquête conjointe du Soudan et de l'Ouganda sur le crash de l'hélicoptère survenu huit mois plus tôt, conclut qu'il s'agit bien d'un accident causé par une erreur du pilote et par un manque de visibilité[28].

Idéologie politique[modifier | modifier le code]

Passé par l'université de Dar es-Salaam, dans la Tanzanie socialiste de Julius Nyerere, où convergent alors plusieurs les futurs leaders des mouvements armés de libération marxistes africains, John Garang, se situe d'abord dans cette filiation idéologique[5].Il s'instruit également sur la stratégie militaire en étudiant des classiques comme les œuvres de Sun Tzu, Carl von Clausewitz, Mao Zedong et Charles de Gaulle[2].

Représentation artistique du visage de John Garang avec le commentaire : « Les accords de paix signent le début d'un Soudan unifié indépendamment des races, des religions et des tribus. »

Par la suite, il bénéficie de l'appui de l'Éthiopie communiste du « Négus rouge », Mengistu Haïlé Mariam[5]. Mais si le marxisme est un moyen efficace d'obtenir des soutiens étrangers de la part de pays membre du bloc de l'Est pendant la guerre froide, il est inapplicable dans une population soudanaise hétérogène et marquée par un fort ancrage de cultures ethniques locales[17]. En conséquence, ni le SPLM, ni les intellectuels sudistes n’ont mené de véritable travail doctrinal, privilégiant comme base de rassemblement de la population du sud, la résistance à l'oppression du gouvernement central[17]. La personnalité charismatique de John Garang a aussi été un facteur de rapprochement de ses partisans, mais aussi de divergences avec d'autre leaders de l'organisation qui l'accusaient de dérive autoritaire[17].

À la suite de la perte de ce principal soutien crucial éthiopien en 1991, John Garang délaisse définitivement ses idéaux marxistes pour se rapprocher des évangélistes américains, mettant en avant sa lutte pour l'émancipation d'une minorité chrétienne dans un pays gouvernée par une dictature islamiste[5]. Pour autant, il soutient jusqu'au l'idée d'un « Nouveau Soudan » uni, laïque, et respectueux des cultures locales[17] malgré des aspirations sécessionnistes croissantes parmi les autres responsables du SPLA[5].

Héritage et suites historiques[modifier | modifier le code]

Rebecca Nyandeng De Mabior, veuve de John Garang, reçue par le président américain George W. Bush en 2006

Après la mort de son mari, Rebecca Nyandeng De Mabior rejoint le bureau politique du SPLM, tandis que le général Salva Kiir, bras droit de John Garang à la SPLA, lui succède dans cette organisation ainsi qu'au poste de vice-président du Soudan. Il nomme Rebecca Nyandeng De Mabior ministre de la Voirie et des Transports du gouvernement du Soudan du Sud. Les succès remportés par la SPLA et les concessions obtenues de Kahrtoum permettent à la population du sud du Soudan de prendre part à un référendum d'indépendance du 9 au 15 janvier 2011, comme prévu dans les accords de paix de Naivasha. À la suite d'une victoire écrasant du vote indépendantiste, le Soudan du Sud fait officiellement sécession du Soudan le 9 juillet 2011.

Hommage rendu sur la tombe de John Garang lors de la célébration de l'indépendance du Soudan du Sud le 9 juillet 2011.

Deux ans plus les fractures ethniques déjà présentes dans la SPLA pendant la guerre civile soudanaise dégénère dans une guerre civile opposant Salva Kiir et Riek Machar, qui ravage le jeune État nouvellement indépendant pendant six ans. Celle-ci se termine par des accords de paix signés à Addis-Abeba le 12 septembre 2018, pus par la réintégration de Riek Machar au gouvernement soudanais au poste de vice-résident le 22 février 2020. Rebecca Nyandeng De Mabior intègre également ce gouvernement d'union nationale.

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f g h et i Michel Raimbaud, Le Soudan dans tous ses états (2012), , p. 97 à 118
  2. a b c d e f et g Zygmunt L. Ostrowski, Le Soudan à l'aube de la paix : combat de John Garang, Éditions L'Harmattan, , 312 p., p. 1 à 6
  3. a b c d et e Zygmunt L. Ostrowski, Le Soudan à l'aube de la paix : combat de John Garang, Éditions L'Harmattan, , 312 p., p. 15
  4. « Akuol de Mabior raconte son Soudan du Sud, une histoire familiale très politique », sur RFI, (consulté le )
  5. a b c d e et f « John Garang, ex-chef de la rébellion du sud du Soudan devenu vice-président soudanais », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. a b et c Zygmunt L. Ostrowski, Le Soudan à l'aube de la paix : combat de John Garang, Éditions L'Harmattan, , 312 p., p. 20
  7. a b c d et e Gérard Prunier, « Les partis politiques soudanais « africains » depuis la chute de Nimeiry », Mondes arabes,‎ , p. 24
  8. Olivier Cabon, Histoire et civilisation du Soudan, De la préhistoire à nos jours, Bleu autour, , 955 p. (lire en ligne), p. 723 à 733
  9. a et b Gérard Prunier, La Guerre, des origines à nos jours, , 272 p. (lire en ligne), p. 231 à 238
  10. a b et c Zygmunt L. Ostrowski, Le Soudan à l'aube de la paix : combat de John Garang, Éditions L'Harmattan, , 312 p., p. 25 à 28
  11. Brendon Novel, « Corne de l’Afrique et Péninsule arabique : des relations déséquilibrées (1/3) », sur Les clés du Moyen-Orient, (consulté le )
  12. a b c d e f g h et i Alex de Waal, « Une perspective de paix pour le Soudan en 2002 ? », Politique africaine,‎ , p. 24
  13. a b c d et e Michel Raimbaud, Le Soudan dans tous ses États, , 430 p., p. 155 à 183
  14. Stéphane Dupont, « Soudan : une dérive suicidaire », Les Echos,‎ (lire en ligne)
  15. a b c d e f g et h Roland Marchal, « Le facteur soudanais, avant et après », Critique internationale,‎ , p. 7 (lire en ligne)
  16. a b et c Zygmunt L. Ostrowski, Le Soudan à l'aube de la paix : combat de John Garang, Éditions L'Harmattan, , 312 p., p. 47 à 53
  17. a b c d et e John Young, « Le SPLM/SPLA et le gouvernement du Sud-Soudan », Politique africaine,‎ , p. 16
  18. Gérard Prunier, « Au Soudan du Sud, l’écroulement des espoirs démocratiques : Luttes de pouvoir dans le plus jeune État du continent africain », Le Monde diplomatique,‎ (lire en ligne)
  19. a b et c Zygmunt L. Ostrowski, Le Soudan à l'aube de la paix : combat de John Garang, Éditions L'Harmattan, , 312 p., p. 106 à 112
  20. a b c et d Zygmunt L. Ostrowski, Le Soudan à l'aube de la paix : combat de John Garang, Éditions L'Harmattan, , 312 p., p. 148 à 153
  21. « Rencontre au sommet pour la paix au Soudan », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  22. Zygmunt L. Ostrowski, Le Soudan à l'aube de la paix : combat de John Garang, Éditions L'Harmattan, , 312 p., p. 59
  23. Marc Fontrier, Le Darfour : Organisations internationales et crise régionale 2003-2008, L'Harmattan, , 310 p. (ISBN 978-2-296-09372-0), p. 169
  24. a b et c « John Garang, ancien chef rebelle sudiste, devient premier vice-président du Soudan », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  25. a b c et d Christophe Ayad, « Au Soudan, l'ex-rebelle sudiste intronisé au Nord » (consulté le )
  26. a b et c « Des émeutes à Khartoum font plusieurs morts après l'annonce du décès du vice-président et ex-chef rebelle John Garang », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  27. « Soudan : John Garang inhumé, l'accord de paix sera appliqué », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  28. « Mort de John Garang : l'enquête conclut à une erreur du pilote », (consulté le )