Fils de Dieu

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« Fils de Dieu » est un titre conférée à différentes divinités fils d'un plus important ou à des « homme divin », demi-dieux, héros, thaumaturges ou souverains remarquables auxquels sont prêtées des qualités surhumaines.

Dans la littérature judaïque biblique et post-biblique, l'expression peut désigner des créatures célestes, Israël, son peuple ou ses rois, voire désigner l'humanité en général. Dans le Nouveau Testament, l'expression est associée à plusieurs reprises à Jésus de Nazareth en tant que messie royal de nature humaine de la lignée de David, puis devient l'un des titres christologique traduisant, depuis les Pères de l'Église, sa nature divine avant de faire référence, pour le christianisme trinitaire, à la relation entre Jésus-Christ, Dieu le Père et le Saint-Esprit.

Littératures antiques[modifier | modifier le code]

mur décoré
Visite d'Amon à la mère d'Amenhotep III - XVIIIe dynastie - Louxor.

Dans les religions et traditions du Proche-Orient ancien et du monde hellénistique, le titre apparaît pour désigner dans certains panthéons des divinités, fils d'un dieu plus important ou du dieu suprême, dans diverses traditions, des demi-dieux comme le Sumérien Gilgamesh, des rois remarquables ou certains hommes auxquels sont prêtées des qualités surhumaines[1].

Dans des sociétés où la monarchie apparaît comme l'une des institutions-clefs, le titre est ainsi régulièrement associé à l'idéologie royale dont il constitue l'une des caractéristique importante[2] : le souverain devient « fils » de la divinité par adoption lors de son entrée en fonction[2]. En Égypte antique, cette relation est plus qu'une adoption et s'apparente à une filiation réellement physique entre le pharaon et la divinité, le souverain étant littéralement engendré par celle-ci[2] à la suite d'une procréation charnelle[3].

Dans le monde gréco-romain, le concept de « Fils de Dieu » connait deux utilisations notables[4]. La première utilisation se trouve dans la titulature de différents souverains, d'une part de la dynastie égyptienne des Lagides, dont les rois d'origine gréco-macédonienne portent le titre de « fils d’Hélios », le dieu Soleil ; d'autre part, certains empereurs romains, après la divinisation de Jules César, portent le titre de « fils de César », à l'instar d'Auguste (Imperator Caesar, divi filius, Augustus) ou de Tibère (Divi Augusti filius, divi Iulii nepos)[4]. Également liée au culte impérial, la seconde utilisation réfère à la notion d’« homme divin » qui dans la mythologie classique, désigne certains héros, sages ou thaumaturges[4].

Judaïsme[modifier | modifier le code]

Les société monarchiques égyptienne et mésopotamienne ont joué à plus d'un titre un rôle référentiel pour l'Israël antique[2] et l'on trouve l'expression « fils de Dieu » à plusieurs reprises dans la littérature judaïque biblique et post-biblique, sans jamais toutefois de rapport avec une descendance physique de Dieu[5], et toujours dans un emploi métaphorique[6].

La Bible hébraïque mentionne trois types de « fils de Dieu »[7] : des êtres célestes ou angéliques[7] ; des individus juifs ou Israël ou son peuple en tant que collectif, l'expression étant alors utilisée dans un sens pour signifier que le peuple croyant en général est constitué des « enfants de Dieu »[5]; enfin des rois d’Israël ou de Juda[7] pour deux occurrences figuratives[8], le roi étant lié au roi suprême qui est Dieu[9].

Quelques passages de textes tardifs font du titre des acceptions particulières comme dans le Livre de la Sagesse[v 1] où le titre de Fils de Dieu est donné à l’« homme juste », et, dans un sens très particulier, au plus juste parmi les justes, ou encore dans le Livre des Psaumes[v 2] où le titre il est associé au le messie fils de David. On rencontre enfin également l'expression dans un écrit judéo-grec originaire d’Égypte intitulé Joseph et Aseneth (en)[v 3] ainsi que dans un texte fragmentaire des Manuscrits de la mer Morte[v 4] qui, de nature polémique, semble renvoyer là aussi à l’idéologie royale[7].

Commentateurs[modifier | modifier le code]

En général, dans le judaïsme rabbinique l'expression fait référence à Israël ou aux êtres humains en général[5]. Plus singulièrement, commentant le passage de la Genèse suivant lequel « les fils de Dieu eurent des rapports avec les filles des hommes »[v 5], le tannaïm Eliezer ben Hyrcanos (début du IIe siècle) fait des « fils de Dieu » les fils de Seth et des « filles des hommes » les filles de Caïn[10]. Son contemporain Shimon ben Yohaï maudit ceux qui utilisent l'expression « fils de Dieu », étant donné que Dieu ne s'est jamais marié et n'a jamais eu d'enfants[11]. Pour l'historien juif Flavius Josèphe, les fils de Dieu sont des anges déchus[12].

Christianisme[modifier | modifier le code]

Le Christ baptisé par saint Jean dans le Jourdain.

Nouveau Testament[modifier | modifier le code]

Dans les évangiles, le titre « Fils de Dieu » (en grec : o υιός του Θεού / ho huios tou theou) , à l'instar d'ailleurs de « Seigneur », n'est décerné à Jésus qu'après la Pâques et rétroprojeté dans sa biographie, témoignant de la relecture croyante que les disciples ont faite après sa mort de leur maître, sans toutefois que les auteurs des évangiles placent ces titres dans la bouche même de Jésus[13] : dans l'évangile selon Marc qui l'utilise le plus abondamment, le titre est énoncé par le narrateur[v 6], par Dieu lui-même lors des épisodes du Baptême[v 7] et de la Transfiguration[v 8], par les démons[v 9] ou encore par l'officier romain[v 10] présidant à la crucifixion[14].

Marc débute d'ailleurs son évangile en décrivant explicitement le « Commencement de l'évangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu » en référence à l'ancien titre employé pour désigner un roi de la maison de David[15]. Cette désignation n'est pas utilisée dans une acception de filiation biologique mais plutôt pour insister sur l'unique et très grande proximité entre Dieu et Jésus, Fils qui est le représentant et le porte-parole autorisé du Père sur Terre, sa voix et sa main[16].

L'ensemble des évangiles associent dans une même séquence chronologique la manifestation de Jésus comme fils de Dieu avec la figure de Jean le Baptiste[17]. Les synoptiques de Luc et Matthieu, font en outre valoir dès les récits de l'enfance la qualité de Fils de Dieu de Jésus tandis que l'auteur de l'évangile selon Jean[v 11] affirme que le Fils, assimilé au Logos, est préexistant[18].

Si deux passages des évangiles synoptiques[v 12] semblent exprimer la position de Jésus de Nazareth vis-à-vis de Dieu en termes d’un rapport de filiation quand il s'adresse à Dieu en l'appelant « Père », il n'est pour autant pas possible d'affirmer que Jésus se soit compris ou désigné lui-même comme le Fils de Dieu[7]. Si tel était le cas, il est probable que, dans la perspective religieuse monothéiste qui est la sienne, Jésus se soit alors compris comme le fils non divin mais bien humain, c’est-à-dire et suivant une acception bien établie dans la conception messianique de l’époque, comme le messie royal dans la ligne davidique[19], roi terrestre de la lignée de David[20], symboliquement considéré comme l'enfant de Dieu[6]. Néanmoins, l'authenticité de cette façon de s’adresser à Dieu quand il l'appelle « Père » est débattue[7], l'expression pouvant avoir pour origine un discours eschatologique provenant d'une tradition évangélique postérieure aux années 70 et d'hymnes de l'Église primitive[6].

Lui appliquant le titre de « Fils de Dieu », les rédacteurs des évangiles soulignent ainsi essentiellement le statut de roi-messie de Jésus de nature humaine, comme un descendant attendu de David qui restaure la royauté promise par Dieu à la fin des temps, à la différence du titre de « Fils de l'Homme », beaucoup plus utilisé dans le Nouveau Testament, qui envisage Jésus comme ayant part à la divinité de Dieu et souligne sa nature divine[15]. En tout état de cause, dans les mondes judéens ou grec du Ier siècle, l’identification explicite d’un personnage historique contemporain avec une divinité aurait été inconcevable[21].

Christologie[modifier | modifier le code]

Ce n’est que qu'à partir de la fin du Ier siècle, que l’expression est utilisée pour identifier Jésus à Dieu, dans une interprétation qui ne se développe que progressivement à la suite d'Ignace d’Antioche qui désigne Jésus comme « notre Dieu »[22] et comme « le Dieu qui vous a rendus si sages »[23]. Mais, les nombreux titres christologiques décernés à Jésus chez les premiers chrétiens, c'est finalement celui de « Fils de Dieu » finit par s’imposer comme éminemment décisif pour exprimer qui est Jésus[24] et paradoxalement traduire, depuis les Pères de l'Église, sa nature divine[25].

Depuis, la foi chrétienne proclame que Jésus est le Fils de Dieu et dans la plupart des traditions théologiques chrétiennes, l'expression fait ainsi référence — dans une conception trinitaire — à la relation entre Jésus de Nazareth en tant que Christ, Dieu le Père et le Saint-Esprit[26]. La croyance en Jésus-Christ Messie et « Fils de Dieu », ressuscité d'entre les morts, est un élément essentiel du kérygme, qui appelle à la conversion[27].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. André Paul, article Dieu, Fils de, in Encyclopaedia Universalis, n.d., version numérique consultée le 30/06/2013.
  2. a b c et d Joëlle Ferry, « Les institutions d'Israël », dans Michel Quesnel et Philippe Gruson, La Bible et sa culture, vol. I : Ancien Testament, Desclée de Brouwer, (ISBN 978-2-220-06277-8), p. 264
  3. Florence Quentin, Les grandes souveraines d'Égypte, Perrin, (ISBN 978-2-262-08203-1, lire en ligne), Pt59
  4. a b et c Mimouni 2007, p. 147.
  5. a b et c (en) Shalom Paul, « Son of God », dans Adele Berlin (dir.), The Oxford Dictionary of the Jewish Religion, Oxford University Press, (ISBN 978-0-19-973004-9), p. 698
  6. a b et c Geza Vermes, Enquête sur l'identité de Jésus : Nouvelles interprétations, Paris, Bayard, (ISBN 2-227-47040-2), p. 186
  7. a b c d e et f Mimouni 2007, p. 148.
  8. (en) Riemer Roukema, Jesus, Gnosis and Dogma, T&T Clark International, (lire en ligne), p. 150.
  9. (en) Jonathan Bardill, Constantine, Divine Emperor of the Christian Golden Age, Cambridge University Press, (lire en ligne), p. 342.
  10. Rabbi Eliezer ben Hyrcanos, Midrash Pirke Rabbi Eliezer, chapitres 21 et 22.
  11. J. Theodor, Ch. Albeck, Midrash Genèse Rabba, Berlin, 1912-27, 2 volumes.
  12. Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques, livre 1, III:1.
  13. Daniel Marguerat, Vie et destin de Jésus de Nazareth, Seuil, (ISBN 978-2-02-128034-0), p. 211, 223-224
  14. Geza Vermes, Enquête sur l'identité de Jésus : Nouvelles interprétations, Paris, Bayard, (ISBN 2-227-47040-2), p. 187
  15. a et b Daniel Boyarin, Le Christ juif : À la recherche des origines, Paris, Cerf, (ISBN 978-2-204-09958-5), p. 42
  16. Daniel Marguerat, Vie et destin de Jésus de Nazareth, Seuil, (ISBN 978-2-02-128034-0), p. 276
  17. Geza Vermes, Enquête sur l'identité de Jésus : Nouvelles interprétations, Paris, Bayard, (ISBN 2-227-47040-2), p. 82
  18. Christian Grappe, Initiation au monde du Nouveau Testament, Labor et Fides, (ISBN 978-2-8309-1394-1), p. 89
  19. Louis Roy, « La connaissance humaine du Christ : Exégèse, théologie contemporaine et Thomas d’Aquin », Recherches de Science Religieuse, vol. 106, no 4,‎ , p. 568 (ISSN 0034-1258)
  20. Daniel Boyarin, Le Christ juif : À la recherche des origines, Paris, Cerf, (ISBN 978-2-204-09958-5), p. 38
  21. Mimouni 2007, p. 149.
  22. Lettre aux Éphésiens, 1, 1
  23. Lettre aux Smyrniotes, 1, 1
  24. Mouson 1981, p. 31.
  25. Daniel Boyarin, Le Christ juif : À la recherche des origines, Paris, Cerf, (ISBN 978-2-204-09958-5), p. 37
  26. en J. Gordon Melton, Martin Baumann, Religions of the World: A Comprehensive Encyclopedia of Beliefs and Practices, ABC-CLIO, USA, 2010, p. 634-635
  27. Schubert M. Ogden, The Understanding of Christian Faith, Wipf and Stock Publishers, USA, 2010, p. 74

Références textuelles et bibliques[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Christopher Bryan, Son of God : Reflections on a Tradition, Oxford University Press, (ISBN 978-0-19-765126-1).
  • (en) Garrick V. Allen, Kai Akagi, Paul Sloan et Madhavi Nevader, Son of God : Divine Sonship in Jewish and Christian Antiquity, Penn State Press, (ISBN 978-1-64602-008-9).
  • (en) William E. L. Broad, Alexander or Jesus ? : The Origin of the Title “Son of God”, Wipf and Stock Publishers, (ISBN 978-1-63087-946-4).
  • (en) Michael Peppard, The Son of God in the Roman World : Divine Sonship in Its Social and Political Context, Oxford University Press, (ISBN 978-0-19-975370-3).
  • Simon Claude Mimouni, « Les titres de Jésus et la messianologie-christologie aux Ier – IIe siècles », dans Simon Claude Mimouni et Pierre Maraval, Le christianisme des origines à Constantin, Presses Universitaires de France, coll. « Nouvelle Clio », , 139–152 p. (ISBN 978-2-13-052877-7).
  • Jean Mouson, chap. II « Genèse de la christologie dans le Nouveau Testament : De l’histoire de Jésus à la confession du Fils de Dieu », dans Jésus Christ, fils de Dieu, Presses universitaires Saint-Louis Bruxelles, coll. « Collection générale », (ISBN 978-2-8028-0306-5).
  • Martin Hengel, Jésus, fils de Dieu, Cerf, coll. « Lectio Divina » (no 84), (ISBN 978-2-204-01125-9, lire en ligne).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]