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Discussion:Manthelan

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'KERLEROUX : 20 août 1944' '''Emile GUIDOUX''' le fusillé miraculé.

(Ce récit est celui fait par Emile Guidoux lui-même, le 17 mai 1947).

Le 20 août 1944, à la ferme de Kerleroux que j'exploitais, nous nous étions levés un peu plus tôt que d'habitude, en vue d'un repas de famille qui devait avoir lieu ce jour-là. Vers 5 heures, lorsque nous allions nous mettre à table pour le petit déjeuner, nous passions par la boulangerie pour entrer dans la cuisine ; mais avant de passer dans celle-ci, des rafales de mitrailleuses et de fusils crépitèrent dans les portes et les fenêtres. Nous n'avions rien vu avant d'entrer et pourtant, nous avions circulé dans la cour. C'est ce qui explique que nous avions été encerclés de nuit. Avant la fusillade, moi par la fenêtre et ma femme par la porte de cuisine, nous avions aperçu 6 fusées. Ce qui devait être le signal de tir, puisque de tous côtés les balles arrivaient ; nous n'avions qu'à rester en face des murs. Cela dura environ vingt à vingt-cinq minutes. Aussitôt après, les soldats allemands, pas des hommes, des "sauvages" défigurés vinrent nous trouver ainsi que nos deux domestiques Fernand LUSSEAULT, âgé de 45 ans à l'époque, réfractaire au départ en Allemagne et Raymond Le PAUTREMAT (21 ans). Monsieur Lusseault était venu se cacher chez moi, jugeant qu'il y avait assez de son garçon qui était déporté pour le S.T.O (service de travail obligatoire). M. Lusseault s'en allait en cachette tous les dimanches, juste ce jour-là il était resté Les soldats nous firent sortir devant eux, laissant les femmes et les enfants à la maison. Ils nous gardèrent un moment au bout de la maison, puis nous conduisirent devant le château, à une quarantaine de mètres de la ferme.. C'est là que Prosper DOUARD (37 ans) garde forestier vint se joindre à nous, conduit lui aussi par ces "sauvages". Ils voulaient nous faire dire qu'il y avait eu des coups de feu tirés de la ferme et du château. Ce qui était faux : aussi nous ne voulions pas avouer. Alors la bonne (servante) de Mme DUPARC, une Alsacienne qui connaissait l'allemand, essaya de s'expliquer. Mais ce fut inutile : ils ne voulaient rien savoir. C'est à ce moment-là que je vis d'autres soldats emmener ma femme et nos 5 enfants, dont 2 sur les bras, une de 3 ans et l'autre de 6 mois qui étaient presque nus. Les "Allemands" n'avaient pas voulu la laisser les habiller. La "bonne" était avec elle, mais ils ne les emmenèrent pas avec nous. Ils les conduisirent au bout du château. Un moment plus tard, ils nous emmenèrent tous les quatre ensemble sur un petit pont à l'orée du bois, à une cinquantaine de mètres du château. Ils prirent tout ce qu'il y avait dans nos poches (comme j'avais ma carte d'identité dans mon agenda, c'est certainement elle qui leur aura servi plus tard pour me réclamer par mon nom aux environs). Un soldat habillé en allemand vint avec les autres,......lui aussi voulut nous faire dire qu'il y avait des maquisards et qu'il avait été tiré des coups de fusils. Comme nous continuions à nier, il nous fit cette réponse : "Pas d'histoire !" . Et les "soldats" nous firent alors marcher devant eux, dans une allée à la lisière du bois. Cinq hommes nous suivaient, un caporal et quatre soldats avec fusils. Nous avions fait une soixantaine de mètres, tous 4 côte à côte, lorsque je dis à M. Lusseault : "C'est beau de marcher devant eux, mais je voudrais voir ce qui se passe". Je me tourne de côté pour les regarder. Je n'eus que le temps de voir qu'ils nous tenaient en joue et que déjà les balles nous avaient touchés. Mes 3 camarades étaient morts et moi je m'étais laissé tomber, touché au bras, croyant mon épaule démolie. Je faisais le mort. Mais nos bourreaux vinrent se rendre compte des blessures. Et en me retournant, je fus obligé de gémir. Alors, je vis le canon du fusil à vingt centimètres de ma tête que je laissai tomber en faisant le mort ; des balles me traversèrent la tête. N'ayant pas perdu connaissance, je continuai à retenir tout mouvement. Puis les Allemands voyant le sang couler s'en allèrent, jugeant bien que nous ne bougerions plus. Ce qui était effectivement vrai pour mes camarades. Je surveillai leur départ et à peine furent-ils rentrés dans le bois que je mis mon nez dans une mare de sang, mais je pus néanmoins surveiller les environs. Quelle ne fut pas ma tristesse lorsque j'aperçus une sentinelle sur le petit pont de planche avec un fusil-mitrailleur. je commençai à désespérer de me tirer d'affaires quand un canon, placé pas très loin de là, (mais dont les serveurs ne me voyaient pas car ils étaient derrière une haie d'épines), se mit à tirer , incendiant la ferme et le château. La sentinelle regardant l'effet des coups de canon me tournait presque le dos. Alors je n'hésitai pas à me traîner jusqu'au fossé tout près de moi. Puis montant dans les bruyères, je m'aperçus que mon bras était cassé au coude. Je pris mon poignet et je partis dans les bois, laissant derrière moi mes lunettes et ma casquette. Avant de me relever, j'avais bien pousser le pied du pauvre M. Douard... n'ayant pas de réponse, je l'appelai tout bas, mais il était bien mort. Les deux autres étaient tombés quatre mètres plus loin. Après, j'étais dans le bois, j'étais repassé tout près de la sentinelle, coupant même une allée. La sentinelle regardait toujours le bombardement. Je voulais me diriger sur la ferme de La Touche, commune de Dolus-le-Sec, car un fossé dans les bruyères, parallèle à la route me permettait de m'éloigner assez vite de Kerleroux. Quelle ne fut pas ma déception lorsque j'arrivai, en me cachant, tout près du fossé ! des Allemands étaient dedans. Je dus faire demi-tour et reprendre une grande parcelle de bruyère un peu plus bas dans le bois. Lorsque je fus sorti, je traversai un champ et approchai de la ferme de La Touche quand une voiture allemande vint à la haie que j'avais choisie pour me cacher. Alors je me fourrai sous les ronces et attendis peut-être dix minutes. Mais je sentais la faiblesse me gagner. Je sortis en me cachant de la voiture, je fis demi-tour, coupai le coin d'un autre champ et arrivai à un autre fossé qui me conduit à la ferme de Bertin. Je le suivis puis gagnai un champ de topinambours. Je voulais arriver plus vite à la ferme mais je tombai au milieu des champs. Heureusement pour moi, M. ROBIN regardant se qui se passait me vit et vint me chercher. Il m'emmena dans sa grange, me coucha sur de la paille et me couvrit d'une bâche. puis il voulut aller me chercher à boire. C'est alors que les Allemands tirèrent 2 coups de canon sur la grange où j'étais couché. Je ne fus pas touché. un troisième coup fut tiré sur l'étable aux vaches ; le père Robin revint me voir et ressortit. Mais là, il se trouva nez à nez avec neuf Allemands. Un soldat le prit au collet, le mit en joue en me réclamant par mon nom, lui disant "Guidoux est ici". Le brave grand-père ne perdant pas son sang-froid déclara qu'il ne comprenait pas l'allemand. Et bien qu'ils recommencèrent plusieurs fois, il nia toujours. Pendant ce temps, à genoux, je pliai la bâche et j'entassai la paille pour cacher le sang et je me traînai sous des planches dans le fond de la grange dès que j'eus entendu parler allemand. Heureusement, car trois allemands vinrent dans la grange juste à côté de mes pieds mais ils ne me virent pas. Auparavant, j'avais eu la visite de M. RICHARD , instituteur, qui prévint des personnes à Dolus, disant que j'étais à Bertin et blessé.


(Plusieurs personnes vinrent successivement à son aide. Je citerai M. René BOILEAU qui fut blessé, Mme Léontine GUIET la bouchère de Dolus, puis M. BAILLOU (Château de l'Epinay), Mme CHAUCONNIER , Mme MAME (Famille de l'imprimerie) de Chanceaux-près-Loches, le Dr MOREAU de Manthelan. Chacune de ces personnes a risqué sa vie pour le secourir.)... ( Il changea plusieurs fois d'adresse pour ne pas être découvert et dû attendre le mercredi soir, soit 3 jours après la fusillade pour entrer à la clinique de Loches. Le Dr MARTINAIS dut l'amputer du bras droit. Il resta à l'hôpital 23 jours. Mais de la maison, il ne restait plus rien : ni sou, ni effet)... M. Emile Guidoux décéda en octobre 2000. Bien longtemps après cette journée du 20 aout 1944 qui a bien failli lui être fatale mais où il perdit 3 amis. Un monument, à Kerleroux , entre Manthelan et Loches, rappelle le souvenir de ce jour. Article mis en page par Emile Guidoux, 2ème du nom, son fils, qui avait 6 mois lors des évènements