Collectif Jeudi noir

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2 banderoles Jeudi Noir à Paris (celles du dessus), et 1 commune avec des associations

Le collectif Jeudi Noir, est un collectif français créé le pour dénoncer la forte hausse continuelle des loyers et le mal-logement en France, en premier lieu celui des étudiants et jeunes actifs, ainsi que celui des travailleurs pauvres et la population en général. Par le biais d'actions médiatiques telles que des visites festives d'appartements à louer lors de visites collectives en présence du propriétaire des lieux, tout comme dans des agences immobilières vendant des listes d'annonces d'appartements souvent déjà loués, ainsi que des occupations de bâtiments vides (qu'ils appellent des réquisitions citoyennes) dans de nombreux endroits de Paris, il attire l'attention des médias et de l'opinion publique sur le fait que la majeure partie de la population[réf. nécessaire] souffre d'un accès difficile et de la cherté des logements, surtout dans les grands centres urbains qui concentrent l'activité économique et étudiante du pays. Le collectif espère ainsi pousser les pouvoirs publics à agir.

Nom du collectif[modifier | modifier le code]

Le nom du collectif Jeudi Noir[1] fait référence à la fois :

• au journal de petites annonces immobilières De Particulier à Particulier qui sort chaque jeudi et est souvent consulté par les candidats à la location, l'adjectif noir soulignant ici le sentiment ressenti ce jour-là face à la difficulté de trouver un logement ;

• au krach de la bourse de Wall Street en 1929, qui évoque une bulle spéculative (le collectif considérant que l'immobilier en France à cette époque partageait les caractéristiques d'une bulle).

Principaux modes d'action[modifier | modifier le code]

Le collectif Jeudi Noir s'invite en 2006 lors de rendez-vous de visites collectives dans des appartements proposés à la location à des loyers qu'ils estiment excessifs par rapport à la moyenne.

Une quinzaine de ses membres débarquent, certains avec des accessoires ou déguisés, avec de la musique, des confettis, du mousseux, et des journalistes[2]. Une discussion s'ensuit souvent avec le ou la propriétaire[3], suivi du ménage avant de repartir[réf. nécessaire].

Le mode d'action est sensiblement le même pour les agences : sont choisis les vendeurs de listes d'annonces et celles qui réclament des pièces illégales pour les dossiers de candidature à la location.

Un personnage mascotte, appelé Disco King, habillé en chanteur disco[4], est souvent présent et danse lors de ces visites festives.

Ayant été informé de l'existence d'un certain nombre d'immeubles inoccupés depuis longtemps dans Paris, le collectif s'associe avec des associations et réalise ensuite ce qu'il appelle des réquisitions citoyennes. Il s'agissait d'entrer, toujours sans effraction, dans un immeuble manifestement inutilisé depuis longtemps, par une porte ou fenêtre battante. La médiatisation de ces espaces vides depuis plusieurs années avait pour but de mettre la pression aux pouvoirs publics sur leur manque de réaction face aux difficultés de logement de la population, et de dénoncer l'hypocrisie qu'il serait impossible d'agir pour enrayer la hausse des loyers et des prix car il y aurait plus de demande que d'offre et pas d'espaces suffisamment disponibles.

Dans le domaine des actions de communication, le collectif avait aussi un site internet à son nom, utilisé pour se présenter et diffuser notamment ses communiqués[5] (aujourd'hui l'adresse du site n'est plus gérée par un membre du collectif et n'est donc plus le site officiel).

Exemples d'actions[modifier | modifier le code]

Hôtel Coulanges, place des Vosges, occupé en octobre 2009.

Après des premières semaines exclusivement consacrées à des visites festives d'appartements et d'agences, le collectif réalise une « réquisition citoyenne » avec les associations Macaq et Droit au Logement, et renomment un bâtiment en  : le Ministère de la Crise du Logement, situé au 24, rue de la Banque, sur la place de la Bourse, dans le 2e arrondissement de Paris. Ce squat, où logent des artistes, des familles et des jeunes actifs, sera finalement racheté par l'office HLM de Paris pour en faire des logements sociaux[6].

Le , pour dénoncer les loyers trop élevés qui poussent certains jeunes à se prostituer en échange d'un logement, le collectif Jeudi Noir défile habillé en prostituées, proxénètes et travestis, devant le Ministère du Logement[7].

Le , le collectif occupe temporairement un immeuble du boulevard Montmartre pour dénoncer les nombreux logements vacants[8] à Paris. Ils sont expulsés par la police quelques heures après.

De mars à , Jeudi Noir occupe un bâtiment abandonné de 2 500 mètres carrés en plein Marais, impasse Saint-Claude : c'est « l'Impasse », à laquelle de nombreux soutiens politiques ne parviennent pas à faire éviter l'expulsion. En , un an jour pour jour après l'expulsion, la société propriétaire est condamnée à verser une indemnité aux habitants expulsés illégalement.

Le , le collectif effectue une nouvelle réquisition spectacle en investissant un immeuble du 16e arrondissement, avenue Kléber. Ils sont expulsés dans la soirée. En , l'immeuble est toujours laissé vacant par son propriétaire, le groupe hôtelier Costes[réf. nécessaire].

En 2009 et 2016, le collectif Jeudi Noir a lancé une cagnotte pour aider 8 étudiants assignés en justice à faire face à leurs frais de justice. Ces derniers étaient en effet poursuivis (en première instance puis en appel) pour réparation du préjudice subi, par la propriétaire d'un immeuble rue de Sèvres à Paris pour une occupation du-dit immeuble d'avril 2008 à juin 2009, avec une condamnation à une expulsion en août 2008[9],[10]. La propriétaire a demandé jusqu'à 460 000 euros[11]. Des tentatives de médiations ont été faites par Etienne Pinte, Martin Hirsch, Bertrand Delanoë ainsi que par Monseigneur Gaillot sans succès. En 2017, suite au nouveau jugement en appel après cassation du précédent jugement, le collectif Jeudi Noir a lancé un appel aux dons avec la fondation France-Libertés pour les anciens squatteurs condamnés à verser 90 000 euros à la propriétaire[12].

Du au , c'est l'occupation de « La Harpe », 24 rue de la Harpe, au cœur du quartier latin. Le bâtiment, un ancien centre médical vide depuis , appartient au CROUS. À la suite d'une médiation du député Étienne Pinte, les neuf habitants, condamnés à l'expulsion en mars, quittent le bâtiment pour que des travaux de transformation en logements étudiants puissent commencer. Malgré les engagements écrits de la ministre Valérie Pécresse et des responsables du CROUS, le bâtiment reste vide et muré plus d'un an, jusqu'en .

En , le collectif Jeudi Noir publie avec Mediapart une carte de près de 50 immeubles vides à Paris, représentant près de 200 000 m2 et une valeur de plus d'un milliard d'euros[13][réf. nécessaire].

D'août à , un ancien foyer de la Poste est occupé passage de la Bonne-Graine. Plus de 45 personnes habitent le lieu jusqu'au démarrage des travaux de rénovation.

, le collectif investit l'hôtel Coulanges (surnommé la Marquise rapport au lieu de naissance de la marquise de Sévigné), hôtel particulier de la place des Vosges inhabité depuis quarante-quatre ans, classé aux Monuments historiques [14], et dont certaines parties étaient abîmées dû à l'arrêt de travaux de rénovation[15]. Sa propriétaire était sous tutelle depuis décembre 2008[16]. Les soutiens politiques sont nombreux (Jack Lang, Anne Hidalgo, Cécile Duflot, Étienne Pinte, entre autres). Des visites commentées [17] y ont été organisées, notamment par des membres de Jeudi Noir. La décision du tribunal concernant les occupants, qui risquaient de se voir demander la somme de 115 000 euros, a été rendue le . La presse nationale et internationale suit de près cette affaire[réf. nécessaire]. Le jugement condamne en janvier 2010, les occupants à une indemnité de 3 400 euros par mois depuis la fin octobre 2009, puis à 25 000 euros par mois d'occupation s'ils ne quittaient pas les lieux sous huit jours. Bien que le collectif ait fait appel, des saisies ont été tentées sur les comptes de plusieurs d'entre eux[18]. Lors du jugement d'appel le 22 octobre 2010, les 33 occupants sont condamnés à 8 000 euros par mois d'occupation[19], ce qui monte la dette finale à 90 000 euros. Moins de 24 heures après cette décision de la cour d'appel confirmant aussi l'expulsion, le , les squatteurs sont expulsés par la police[20]. Des années après, l'hôtel particulier a été racheté[21].

Le , des membres du collectif ont envahi sous la forme d'un happening festif, un showroom aménagé en loft pour une opération de BNP Paribas de promotion de prêt à destination des jeunes sur le thème de la colocation. Jeudi Noir reproche principalement alors à la banque de promouvoir ainsi un mode d'habitat (la colocation) qui est pour beaucoup un choix par défaut chez les jeunes face aux difficultés de se loger, en plus de les inciter à s'endetter pour ce-faire[22].

À partir du , le collectif occupe un immeuble vacant depuis 2006[23] appartenant au groupe Axa, situé 22, avenue Matignon, à proximité de l'Élysée[24]. Condamnés à l'expulsion le , ils sont expulsés 3 jours plus tard[25].

Le , Jeudi Noir à la demande du collectif pour la libération du Gabon, apporte son soutien lors d'une action devant un immeuble propriété de Ali Bongo[26] à Paris. À la suite de l'interpellation de l'ensemble des militants, les policiers constatent qu'un certain nombre d'activistes ne sont pas des SDF, mais des fonctionnaires, des assistants parlementaires et des journalistes et transmettent leurs identités et professions au site Atlantico[27].

Le 31 octobre 2012, à la suite d'une déclaration quelques jours plus tôt de la ministre de l'Égalité des territoires et du Logement, Cécile Duflot, sur la réquisition, le collectif Jeudi Noir et l'association Droit au logement organisent pour des journalistes et des familles un city tour (un circuit commenté en car) pour présenter des immeubles vides dans Paris qui pourraient être réquisitionnés par l'État[28].

Membres[modifier | modifier le code]

Le collectif Jeudi Noir est composé, et majoritairement soutenu par des personnalités de gauche, mais aussi à plusieurs reprises par un député de l'UMP[29]. Plusieurs personnalités ont participé à ses actions comme l'artiste Marina Damestoy et le philosophe Malcolm Hammer, ainsi que les personnalités politiques Julien Bayou, Karima Delli, Leïla Chaibi, Ophélie Latil, Lionel Primault et Manuel Domergue[30],[31].

En septembre 2022, Le Point publie un article qui fait le lien entre l'engagement public de Julien Bayou contre la transformation des logements en bureaux et un appartement parisien loué à la société Kien Productions[32].

Cette société se trouve être également à l'origine du documentaire Ainsi squattent-ils (2013) réalisé par Marie Maffre, mettant en scène Julien Bayou, à l'époque un des principaux animateurs du Collectif Jeudi noir[32].

Principales revendications[modifier | modifier le code]

Les revendications du collectif s'appuient sur les constats dressés par la Fondation Abbé Pierre et l’association de droit au logement (DAL)[30].

* Un gel des loyers vu l'urgence puis leur encadrement
  • Le respect de la loi SRU (Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains) qui impose 25% de logements sociaux dans toutes les communes à partir d'un certain nombre d'habitants (avec inéligibilité des maires qui ne la respectent pas ainsi que la loi ALUR)
  • Une augmentation de la taxe sur les logements vacants
  • Un réel caractère opposable du droit au logement (DALO)
  • Modification du plan local d'urbanisme (PLU) afin de donner la priorité au logement sur les bureaux pour les constructions et réhabilitations.
  • L'application de la loi de réquisition a été une revendication publique afin d'inciter les pouvoirs publics à réellement agir lorsqu'ils ne voulaient pas encadrer les loyers par exemple.
  • Pour une liste plus complète des propositions du collectif, consulter Le petit livre noir du logement publié aux éditions La Découverte le 1er octobre 2009 (ISBN 978-2707158741)

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. Par Le 13 mars 2009 à 07h00, « Les « galériens du logement » de Jeudi noir », (consulté le )
  2. « La révolte festive des jeunes de "Jeudi noir du logement" », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. Administrateur, « L’emi-cfd au ministère de la crise du logement - École des Métiers de l’Information » (consulté le )
  4. « Rentrée en fanfare pour Jeudi Noir », (consulté le )
  5. « Logement : Jeudi Noir s'invite chez les agents immobiliers » (consulté le )
  6. Le « Ministère de la crise du logement » ferme ses portes, Le Parisien, 24 octobre 2011
  7. Lise Barcellini, Jeudi noir tapine pour dénoncer les propriétaires pervers, Rue89, 14 février 2008
  8. En 1999, l'INSEE comptabilise 136 554 logements vacants à Paris, soit 10,3 % du total des logements: [1], INSEE
  9. Tonino Serafini, « L’interminable duel propriétaire vs sans-toit en appel » (consulté le )
  10. Par C. B. Le 3 mars 2016 à 00h00, « Les squatteurs de la rue de Sèvres de retour à la case justice », (consulté le )
  11. « Une propriétaire réclame 460.000 euros à huit étudiants qui ont occupé son immeuble dans le VIe arrdt de Paris », (consulté le )
  12. « Les squatteurs du 69 rue de Sèvres condamnés à payer 90 000 euros », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  13. https://www.google.com/maps/d/viewer?mid=1R-vK1uDeDbxSfo-S0thhagtjJj0&hl=en_US&ll=48.889002299196875%2C2.32449500000007&z=13
  14. Ministère de la culture en France, « Hôtel Coulanges (ancien) »
  15. Julia Tissier, « Place des Vosges, Jeudi Noir voudrait passer l’hiver » (consulté le )
  16. « Place des Vosges, la vieille dame et les jeunes squatters », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  17. « Camille étudiante et « Jeudi Noir » | Studyrama » (consulté le )
  18. Delphine Chayet, « La propriétaire veut récupérer son bien squatté place des Vosges », Le Figaro,‎ (lire en ligne)
  19. « Paris, expulsion de Place des Vosges, une décision surprenante / Habitantes de Europa / Noticias / Home - International Alliance of Inhabitants » (consulté le )
  20. « La police fait évacuer les squatteurs de la place des Vosges », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  21. Par Philippe Baverel Le 28 juillet 2016 à 07h00, « De la marquise de Sévigné à Xavier Niel, l'histoire agitée de l'hôtel de Coulanges », (consulté le )
  22. « Colocation: Jeudi noir dénonce le «cynisme» de BNP-Paribas », sur www.20minutes.fr, (consulté le )
  23. « Jeudi Noir soutenu par un bailleur social » (consulté le )
  24. Julien Martin, L'annonce du Squat commentée sur Rue89, Rue 89, 7 janvier 2011
  25. Tu ne squatteras point, La Télé Libre, 16 mars 2011
  26. Biens mal acquis : un immeuble de l’État gabonais à Paris occupé par des opposants, Le Monde, 21 février 2011
  27. Squat else ? Les vrais faux mal-logés de la pause-café, Atlantico, 1er mars 2011
  28. « Le DAL city tour des logements réquisitionnables » (consulté le )
  29. « Pinte "comprend parfaitement la démarche" de Jeudi noir », (consulté le )
  30. a et b Caroline Vigoureux, « Qui se cache derrière Jeudi Noir ? », sur Europe 1, (consulté le )
  31. Abel Mestre, « L’ancienne Génération précaire prend la lumière à gauche », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  32. a et b Erwan Seznec, « Ce discret patrimoine dont Julien Bayou n’avait jamais parlé », sur Le Point, (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]