Cyphoderus albinus

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Cyphoderus albinus est une espèce de Collemboles de la famille des Lepidocyrtidae. Minuscule, entièrement blanc et sans ocelles, il vit souvent en grand nombre dans les fourmilières en commensal de nombreuses espèces de fourmis sur l'ensemble de l'Eurasie et du nord de l'Afrique.

Description[modifier | modifier le code]

Illustration accompagnant la description originale de Nicolet en 1842 sous le nom Cyphodeirus albinos.

Cyphoderus albinus est un minuscule collembole particulièrement véloce et agile. Son corps peu velu mesure environ 1,6 mm de long et présente une forme oblongue. Coloré d'un blanc brillant, il ne possède pas d'ocelles, ces deux caractéristiques étant des adaptations à l'obscurité. Les segments de son thorax sont assez grand et cachent ses pattes. Les segments de sa furca, l'organe de fuite typique des collemboles, sont également assez longs. Ses antennes possèdent quatre articles : le premier et le troisième sont courts et en cône renversé alors que le deuxième et le quatrième sont beaucoup plus grands et oblongs[1],[2].

Plus précisément, les critères d'identification visibles à la loupe sont le quatrième segment de son abdomen qui est trois fois plus long que le troisième ; sa furca dont le mucron est long et possède deux dents et l’extrémité de son dente qui porte des écailles allongées[3],[4]. Une autre espèce étroitement apparentée et plus rare, Cyphoderus bidenticulatus, possède une dent supplémentaire sur son mucron[5].

Distribution[modifier | modifier le code]

Cyphoderus albinus est référencé dans les écozones paléarctique et indomalaise[6].

En Europe, il est présent aux Açores, en Albanie, en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en Espagne, en Grande-Bretagne, en Bulgarie, en Croatie, en Finlande, en France dont la Corse, en Hongrie, en Irlande, en Italie, en Crète, en Lettonie, en Norvège dont le Svalbard et l'Île Jan Mayen, aux Pays-Bas, en Pologne, en Roumanie, en Slovaquie, en Slovénie, en Suède, en Suisse, en Ukraine et en ex-Yougoslavie[6].

En France, l'espèce se retrouve dans la majeure partie du territoire métropolitain dont la Corse[7], dans des milieux forestiers variés allant de la forêt d'épicéas et de douglas dans le Morvan[8] à la forêt de chênes lièges et verts dans les Maures[9].

Les signalements cités aux États-Unis, en Argentine, en Sierra Leone et en Micronésie concernent probablement une ou plusieurs espèces différentes[10].

Écologie[modifier | modifier le code]

Cyphoderus albinus en compagnie de Myrmica ruginodis, ouvrières et sexués.

Cyphoderus albinus est une espèce myrmécophile commensale symbiotique et opportuniste, c'est-à-dire qu'il vit obligatoirement au sein des fourmilières en se nourrissant des déchets de ses hôtes sans prédater leur couvain, ce qui est qualifié de nettoyage symbiotique. Il peut atteindre des densités très importantes, surtout au cœur du nid[10],[11],[12].

Son habitat est caractérisé par des conditions de sol sèches. Il se rencontre toujours en compagnie de fourmis sous des pierres, dans des troncs ou sous les mousses des forêts. L'intervalle de température du sol est compris entre 6 et 14 °C et son degré d'humidité varie de 2 à 25 %. Cette espèce semble être confinée à une gamme de températures assez étroite, lorsqu'elles sont moins ou plus élevées, le collembole se calfeutre plus profondément sous terre[10].

Alors que les fourmis tolèrent C. albinus, il constitue une proie souvent abondante au sein même des fourmilières pour les araignées Mastigusa arietina et Thyreosthenius biovatus ainsi que pour le staphylin Stenus aterrimus. Plus les fourmis sont nombreuses et denses, plus les araignées sont régulées et moins elles prédatent le collembole ; à l'inverse du staphylin qui n'est pas agressé par les fourmis et continue sa chasse quels que soient leur nombre et leur densité. Contrairement à C. albinus, ces prédateurs myrmécophiles vivent plutôt en périphérie du nid[13].

Biologie[modifier | modifier le code]

Cyphoderus albinus au sein d'une colonie de Lasius flavus en compagnie d'une fourmi ouvrière et d'un puceron sexué.

La façon dont cette espèce est capable de localiser et de coloniser les nids de ses nouveaux hôtes est inconnue. Il est probable qu'elle produise des œufs qui sont identifiés par les fourmis comme des œufs ou des larves de leur colonie et amenés aux nids, à l'instar de certaines chenilles de papillons et larves de coléoptères myrmécophiles. Les adultes eux-mêmes pourraient également mimer le couvain de fourmi[10].

Chaque population porte sur elle l'identité phéromonale spécifique de la colonie de fourmis[10].

Espèces de fourmis hôtes[modifier | modifier le code]

L'éventail de des espèces-hôtes de C. albinus est assez élevé. En Europe, il est signalé en compagnie des genres Camponotus dont Camponotus herculeanus et Camponotus sylvaticus ; Formica dont Formica sanguinea et Formica fusca ; Lasius dont Lasius niger, Lasius flavus et Lasius emarginatus ; Myrmica dont Myrmica rubra, Myrmica ruginodis et Myrmica scabrinodis ainsi que le genre Tetramorium avec Tetramorium caespitum[10],[14].

Outre ces espèces indigènes, C. albinus se retrouve également chez des fourmis introduites et invasives comme Lasius neglectus dans les parcs de Gand en Belgique[10].

Usage[modifier | modifier le code]

C. albinus est parfois utilisé dans les élevages de fourmis amateurs afin de profiter de son nettoyage symbiotique.

Taxonomie[modifier | modifier le code]

L'espèce Cyphoderus albinus a été décrite en 1842 par l'entomologiste suisse Hercule Nicolet (d) (1801–1872)[15] sous le protonyme Cyphoderus albinos.

Synonymie[modifier | modifier le code]

Cyphoderus albinus a pour synonymes[15] :

  • Beckia albinos J.Lubbock, 1870
  • Beckia argentea J.Lubbock, 1870
  • Cyphodeirus albinos H.Nicolet, 1842
  • Cyphodeirus albus Carl, 1899
  • Cyphodeirus argentus Vellay, 1899
  • Cyphoderus albinos H.Nicolet, 1847
  • Cyphoderus argentea (Lubbock, 1869)
  • Lepidocyrtus albinos Gervais, 1844
  • Tullbergia immaculata Lie-Pettersen, 1896

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. H. Nicolet, « Recherches pour servir l'histoire des podurelles », Neue Denkschriften der Allgemeinen Schweizerischen Gesellschaft für die Gesammten Naturwissenschaften, vol. 6,‎ (lire en ligne : texte, planche)
  2. Victor Willem, « Recherches sur les collemboles et les thysanoures », dans Extrait du tome LVIII des Mémoires couronnés et Mémoires des savants étrangers, Bruxelles, Academie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, (lire en ligne)
  3. Philippe Garcelon, « Cyphoderus albinus », sur collemboles.fr (Inventaire des collemboles vivant sur la Réserve RNR Confluence Garonne-Ariège), 2016-2020
  4. (en) Arne Fjellberg, The Collembola of Fennoscandia and Denmark Entomobryomorpha and Symphypleona, vol. 42, Series: Fauna Entomologica Scandinavica, Brill, , 266 p. (ISBN 978-90-04-15770-5, lire en ligne), p. 161-162
  5. Steve Hopkin, « Cyphoderus albinus (Nicolet 1842) », sur Collembola - University of Roehampton (UK) (consulté le )
  6. a et b Fauna Europaea, consulté le 4 décembre 2022
  7. Thibaud J.-M., « Catalogue des collemboles de France », Zoosystema, vol. 39, no 3,‎ , p. 297-436 (DOI 10.5252/z2017n3a1)
  8. (en) Ponge J.-F. et al., « Collembolan communities as bioin- dicators of land use intensification », Soil Biology & Biochemistry, vol. 35,‎ , p. 813-826 (DOI 10.1016/S0038-0717(03)00108-1, lire en ligne)
  9. Poinsot-Balaguer Nicole, Kabakibi Mhd. Maher, « Contribution à l’étude des Collemboles des Maures (Var-France) », Ecologia mediterranea, vol. 13, no 3,‎ , p. 115-120 (DOI 10.3406/ecmed.1987.1628, lire en ligne)
  10. a b c d e f et g (en) Dekoninck, Wouter, Koen Lock & Frans Janssens, « Acceptance of two native myrmecophilous species, Platyarthrus hoffmannseggii (Isopoda: Oniscidea) and Cyphoderus albinus (Collembola: Cyphoderidae) by the introduced invasive garden ant Lasius neglectus (Hymenoptera: Formicidae) in Belgium », European Journal of Entomology, vol. 104,‎ , p. 159–161 (ISSN 1210-5759, DOI 10.14411/EJE.2007.023, lire en ligne)
  11. (en) Parmentier T., Dekoninck W., Wenseleers T., « Metapopulation processes affecting diversity and distribution of myrmecophiles associated with red wood ants », Basic and Applied Ecology, vol. 16,‎ , p. 553–562 (DOI 10.1016/j.baae.2015.04.008, lire en ligne)
  12. (en) Parmentier T., Dekoninck W., Wenseleers T., « Do well-integrated species of an inquiline community have a lower brood predation tendency? A test using red wood ant myrmecophiles. », BMC Evolutionary Biology, vol. 16, no 12,‎ (DOI 10.1186/s12862-016-0583-6, lire en ligne) Accès libre
  13. (en) Parmentier, T., De Laender, F., Wenseleers, T. & D. Bonte, « Contrasting indirect effects of an ant host on prey–predator interactions of symbiotic arthropods », Oecologia, vol. 188,‎ , p. 1145–1153 (DOI 10.1007/s00442-018-4280-6, lire en ligne)
  14. (en) Donisthorpe H.S.J.K., The Guests of British Ants. Their Habits and Life Histories, London, G. Routeledge & Sons, , 244 p. (lire en ligne)
  15. a et b GBIF Secretariat. GBIF Backbone Taxonomy. Checklist dataset https://doi.org/10.15468/39omei accessed via GBIF.org, consulté le 4 décembre 2022

Liens externes[modifier | modifier le code]

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