Théorème de Bézout

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Nombre de points d'intersection entre deux courbes algébriques projectives complexes, le quadrifolium (en bleu) d'équation de degré 6, et le trifolium (en rouge) d'équation de degré 4. Il y a 24 points d'intersection, à savoir : une intersection en (0,0,1) (au centre de la figure) de multiplicité 14, quatre autres intersections visibles sur la figure en des points simples, mais il y a aussi deux points d'intersection triples en l'infini à coordonnées complexes, (1, i, 0) et (1, -i,0).

Le théorème de Bézout, attribué à Étienne Bézout[1],[2], affirme que deux courbes algébriques projectives planes de degrés et , définies sur un corps algébriquement clos et sans composante irréductible commune, ont exactement points d'intersection, comptés avec leur multiplicité.

La forme faible du théorème dit que le nombre d'intersections (sans tenir compte des multiplicités) est majoré par . Autrement dit, si sont deux polynômes homogènes à coefficients dans (avec et [3]) de degrés respectifs et sans facteur commun, alors le système

admet au plus solutions dans le plan projectif .

Origine[modifier | modifier le code]

Dans la géométrie de Descartes, le calcul de la tangente d'une courbe ou, ce qui revient au même, de la droite normale en un point, se fait par la recherche du cercle osculateur en ce point. La méthode décrite par Descartes consiste à écrire l'équation des cercles passant par le point de la courbe et à chercher celui des cercles qui n'a qu'un point d'intersection unique avec la courbe[4].

Dès le début du XVIIIe siècle, la recherche du nombre de points d'intersection de deux courbes planes d'équations cartésiennes implicites , P, Q sont deux polynômes de degré respectifs m, n se fait par la méthode d'élimination d'une des deux variables.

Dès 1720, Maclaurin conjecture[5] qu’« en général, le nombre de points d'intersection est égal à  ». Léonard Euler examine la question sur quelques cas particuliers mais ne parvient pas à faire rentrer le cas des racines multiples dans une démonstration générale[5]. Étienne Bézout est le premier à démontrer (1764) l'énoncé dans le cas où il n'y a que des racines simples[1].

Multiplicité d'intersection[modifier | modifier le code]

Soient deux polynômes dans , non-constants et sans facteur irréductible commun. Alors l'ensemble de leurs zéros communs dans est fini. Fixons un zéro commun , et considérons l'anneau local , constitué des fractions rationnelles dont le dénominateur ne s'annule pas en P, et son quotient par l'idéal engendré par . Ce dernier est un -espace vectoriel de dimension finie, sa dimension est appelée la multiplicité d'intersection des courbes [3] en .

Exemple : Si sont non-singulières, alors leur multiplicité d'intersection en (a, b) est 1 si et seulement si leurs tangentes en sont distinctes.

Un cas particulier[modifier | modifier le code]

Le théorème de Bézout est très simple à démontrer lorsque l'une des courbes est une droite. En effet, par un automorphisme projectif du plan, on peut supposer que . De plus, on peut supposer que la droite ne contient aucun point d'intersection des deux courbes. On se ramène alors à travailler dans le plan affine avec le polynôme . Un point d'intersection de est un point avec . Notons . C'est un polynôme de degré , et la multiplicité d'intersection de et en est simplement la multiplicité de zéro de en . Le théorème résulte alors du fait que la somme des multiplicités des zéros de est égale au degré de , donc à .

Maintenant si l'une des courbes est un multiple d'une droite , alors la multiplicité d'intersection de et en un point est égale à fois la multiplicité d'intersection de et en . Ce qui implique encore Bézout. On remarque que la position de la droite importe peu (il suffit qu'elle ne soit pas contenue dans ).

Principe de la preuve[modifier | modifier le code]

Les premières preuves de ce résultat (et d'autres analogues) utilisaient le résultant. Une preuve plus moderne est basée sur l'idée suivante : soit une droite non contenue dans , d'après le cas particulier ci-dessus, il suffit de montrer que a le même nombre d'intersection (multiplicités comprises) que avec . Cela se ramène alors à montrer que sur une courbe projective , le degré total d'un diviseur principal (qui sera le diviseur associé à la fonction rationnelle restriction de à ) est nul.

Le cas d'un corps de base quelconque[modifier | modifier le code]

Le théorème de Bézout sur un corps quelconque (non nécessairement algébriquement clos) reste valable si l'on définit convenablement le degré d'un point dont les coordonnées ne sont pas nécessairement dans le corps de base. Plus précisément, si est un point d'intersection, et si est le corps résiduel (c'est l'extension de k engendrée par les coordonnées de ), alors la multiplicité d'intersection est la longueur de l'anneau artinien et le degré du point est le degré d'extension . Le théorème de Bézout s'énonce comme

On peut noter que .

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Cf. Étienne Bézout, « Mémoire sur plusieurs classes d’équations de tous les degrés qui admettent une solution algébrique », Histoires de l'Académie Royale des Sciences de Paris,‎ .
  2. La première preuve correcte semble être celle de Georges-Henri Halphen, dans les années 1870 : (en) Robert Bix, Conics and Cubics : A Concrete Introduction to Algebraic Curves, Springer, , 289 p. (ISBN 978-0-387-98401-8), 230.
  3. a et b Pour F polynôme homogène en X, Y, Z, on note V+(F) l'ensemble projectif des points où F s'annule. Pour F polynome en X, Y, on note V(F) l'ensemble affine des points où F s'annule.
  4. Cf. La Géométrie (Descartes), livre II : « Façon generale pour trouver des lignes droites qui couppent les courbes donnees, ou leurs contingentes, à angles droits. »
  5. a et b D'après Jean Dieudonné (dir.), Abrégé d'histoire des mathématiques 1700-1900 [détail des éditions], chap. IV « Géométrie analytique et analyse géométrique », p. 78-79.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Article connexe[modifier | modifier le code]

Paradoxe de Cramer

Liens externes[modifier | modifier le code]