Plombier polonais

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Le « plombier polonais » est une expression popularisée en France au printemps 2005 lors du débat sur le projet de traité constitutionnel européen, par référence à un projet de directive européenne, appelée Directive Services, très impopulaire en France, présenté par l'ex-commissaire européen au Marché intérieur néerlandais Frits Bolkestein.

Origine[modifier | modifier le code]

On trouve l'expression sous la plume ironique de Philippe Val, dans un dossier de Charlie Hebdo de .

Mais c'est Philippe de Villiers qui provoque l'importante médiatisation du concept en faisant la déclaration suivante :

« Cette affaire est très grave, car la directive Bolkestein permet à un plombier polonais ou à un architecte estonien de proposer ses services en France, au salaire et avec les règles de protection sociale de leur pays d'origine. Sur les 11 millions de personnes actives dans les services, un million d'emplois sont menacés par cette directive. Il s'agit d'un démantèlement de notre modèle économique et social[1]. »

Cette expression est reprise sur le mode ironique et provocateur par Frits Bolkestein dans le journal Libération en , invoquant comme justification du projet de directive, la difficulté qu'il a à trouver un plombier pour les aménagements de sa résidence secondaire à Ramousies dans le Nord.

Popularisation et reprises[modifier | modifier le code]

Elle devient le symbole des polémiques entourant la campagne électorale portant sur le référendum français sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe. Les partisans du « Non » et du « Oui » se sont renvoyé la responsabilité de cette escalade: les premiers accusant les seconds d'avoir inventé de toutes pièces une caricature destinée à les discréditer ; les seconds accusant les premiers de ne pas avoir montré trop d'empressement à décrier une métaphore ambiguë faisant appel à la fois à la peur de transformations économiques et aux sentiments xénophobes. Plusieurs personnalités politiques opposées au traité ont repris cette image, comme Jean-Luc Mélenchon[2].

Les nouvelles discussions et le retour dans l'actualité de la directive services sous une forme modifiée, en , réactivent l'emploi qui fait un usage récurrent de cette formule.

L’image du plombier polonais comme élément d'opposition à l'immigration pour cause de dumping social venant concurrencer sur le plan salarial les travailleurs bien rémunérés reste ancrée, pour être reprise pour des situations comparables : le chef d’entreprise français Vighen Papazian (PDG d’Infodis), dénonce ainsi en 2007 la concurrence « déloyale » des ingénieurs indiens, qu’il trouve encore plus dangereuse que celle des plombiers polonais[3].

Réactions et critiques[modifier | modifier le code]

Réponses françaises[modifier | modifier le code]

Plusieurs personnalités à gauche ont critiqué l'utilisation de cette image par des personnes de leurs partis militant contre le traité. François Hollande, alors premier secrétaire du PS et partisan du traité, parle lors d'un conseil national du parti qui fait suite à la campagne électorale, de « xénophobie » pour qualifier cette image[4]. Daniel Cohn-Bendit, lui aussi partisan du traité, critique les « gens de gauche (...) qui n'ont trouvé comme bouc émissaire que le plombier polonais »[5]. Des journalistes comme Serge July, alors directeur de Libération, parle lui aussi de « xénophobie » pour qualifier cette image[6].

Réponses polonaises[modifier | modifier le code]

L'office du tourisme de Pologne a réutilisé cette image en se l'appropriant dans une publicité touristique. La publicité mettait en scène un mannequin avantageusement musclé, Piotr Adamski, habillé en plombier, et indiquant que parce qu'il restait en Pologne, les Français(es) devraient y venir pour le rencontrer[7]. L'office du tourisme polonais explique que par ce détournement, ils taquinaient les Français sur l'image négative de la Pologne véhiculée par ce cliché, tout en indiquant qu'ils n'avaient pas de rancune et donc étaient prêts à accueillir des touristes français[8]. Adamski a ensuite été invité par Laurent Ruquier sur le plateau de son émission On a tout essayé.

En , deux artistes polonais, Maciej Kurak et Max Skorwider, ont organisé une protestation de « plombiers polonais » devant le bâtiment du Centre Pompidou.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Kornelia Kończal, Vom Schreckgespenst zum Dressman. Le plombier polonais und die Macht der Imagination, dans: Kiran Klaus Patel, Veronika Lipphardt und Lorraine Bluche (dir.): Der Europäer – ein Konstrukt. Wissensbestände und Diskurse, Göttingen: Wallstein, 2008, p. 299–325.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Villiers : "La grande triche du oui", Interview de Philippe de Villiers, Le Figaro, 15 mars 2005
  2. Jean Quatremer, « Mélenchon et le « plombier polonais » », bruxelles.blogs.liberation.fr, 25 mai 2006, consulté le 11 novembre 2010
  3. Vighen Papazian. Interview à Distributique, n° 543 du 17/01/2007, p 36.
  4. « Laurent Fabius et ses partisans ont été exclus de la direction du Parti socialiste », Le Monde, 4 juin 2005, consulté sur www.lemonde.fr le 11 novembre 2010
  5. « Daniel Cohn-Bendit : "qu'est-ce qu'on n'a pas entendu comme conneries" », Le Monde, 25 mai 2005, consulté sur www.lemonde.fr le 11 novembre 2010
  6. Dominique Bègles, « Les bien-pensants médiatiques mis en cause », L'Humanité, 2 juin 2005, consulté sur humanite.fr le 11 novembre 2010
  7. Conférence de presse du plombier polonais
  8. 'Polish plumber' beckons French

Articles connexes[modifier | modifier le code]