Perche du Nil

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Lates niloticus

La Perche du Nil (Lates niloticus) est une espèce de poissons d'eau douce de la famille des Latidae[1] originaire d'Éthiopie. C'est le plus grand poisson d'eau douce du continent africain et l'un des dix plus gros poissons d'eau douce que l'on trouve actuellement sur la planète[2].

Elle a été introduite dans divers pays d'Afrique, où elle est parfois connue sous l'appellation « Capitaine ».

Histoire[modifier | modifier le code]

Déjà dans l'Antiquité, la perche du Nil était bien connue des anciens Égyptiens. On la retrouvait par exemple sculptée sur les monuments funéraires, elle était parfois embaumée et elle était vénérée en particulier dans la ville d'Esna en Haute-Égypte. Λατώπολις (Latopolis), le nom grec de cette ville, lui fut donné en l'honneur de ce poisson (nom binomial en latin scientifique Lates niloticus).

Description[modifier | modifier le code]

La Perche du Nil mesure couramment 1,20 m à 1,50 m et certains spécimens peuvent atteindre 1,80 m et peser 250 kg.

Perche du Nil, bassin du Tekezé.

Répartition[modifier | modifier le code]

On trouve ce poisson bien sûr dans le Nil mais aussi dans quelques lacs ou d'autres grands fleuves comme le Congo et le Niger[3].

Alimentation[modifier | modifier le code]

Les perches du Nil se nourrissent principalement d'autres poissons, les plus petites se nourrissent aussi de crustacés et d'insectes. Les juvéniles mangent du plancton[4].

Introduction dans d'autres milieux[modifier | modifier le code]

Lac Victoria[modifier | modifier le code]

Perche du Nil comparée à un homme.

En 1954, la Perche du Nil a été introduite dans les eaux du lac Victoria, le plus grand lac tropical au monde.

Ce lac présentait la particularité d'abriter une quantité considérable d'espèces endémiques, principalement plusieurs centaines d'espèces de cichlidés, fruit d'une diversification explosive depuis la (re-)création du lac il y a 12 000 ans jusqu'à l'introduction de la Perche du Nil.

La Perche du Nil s'est alors multipliée au détriment des espèces locales, causant par exemple la disparition des deux tiers des quelque 300 espèces endémiques des petits poissons colorés de la famille des cichlidés[5]. Alors qu'en 1977, les prises de cichlidés représentent encore 32 % du tonnage pêché et celles des perches du Nil 1 %, six ans plus tard les prises comportaient 68 % de perches du Nil pour 1 % de cichlidés.

Le groupe de spécialistes des espèces de l'UICN[6] inclut Lates niloticus parmi les pires cent espèces invasives du monde.

Avec la disparition d'un grand nombre d'espèces de cichlidés, les tonnages décollent : 1 000 t en 1978, 100 000 t en 1993 pour le seul Kenya — la Tanzanie exporte désormais la Perche du Nil en direction de l'Union européenne comme sa principale rentrée de devises : 500 tonnes de filets sont envoyées quotidiennement de l'aéroport de Mwanza (en), sur le lac Victoria. En 1987, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture rapportait « la présence de la Perche du Nil dans les pêcheries du lac Victoria » comme étant « un développement extrêmement positif du point de vue du bien-être humain »[7].

Le film Le Cauchemar de Darwin du réalisateur autrichien Hubert Sauper dénonce en 2004 l'exploitation de la Perche du Nil et ses conséquences, que l'auteur utilise comme une parabole des problèmes de l'Afrique tels qu'il les perçoit[8]. On notera cependant qu'il s'agit d'une thèse controversée, certaines affirmations du film n'étant pas étayées[9].

À la fin des années 2000, Brian Marshall, de l'Organisation des pêches du lac Victoria constate une diminution en masse : il y avait « 654 000 tonnes de poissons dans le lac en 2006 contre 310 000 aujourd'hui »[10].

Autres lacs africains[modifier | modifier le code]

Au Burkina Faso[modifier | modifier le code]

D'après un rapport de la Direction de la Pêche et de la Pisciculture du Burkina Faso (1981), ce prédateur a été capturé dans les Hauts Bassins de la Volta, situés entre 9° et 14° de latitude nord et de 0° à 5° de longitude ouest (source : Direction de la Pêche et de la Pisciculture du Burkina Faso).

En Égypte[modifier | modifier le code]

En Égypte, l'espèce est indigène et la faune piscicole est adaptée à être régulée par ce superprédateur. Les Égyptiens l'appellent « Samos ». Elle a colonisé le lac Nasser. Dans ce jeune lac de barrage, elle a connu une grande expansion comme d'autres poissons autochtones du Nil. Elle est présente dans tout le cours du Nil et par exemple dans le lac Mariout situé dans le delta du Nil.

Projet rejeté d'introduction en Australie[modifier | modifier le code]

Une étude concernant l'introduction de la Perche du Nil en Australie dans les lacs du Queensland a été menée il y a une quinzaine d'années, mais « vu les ravages causés par ce poisson dans plusieurs lacs d'Afrique », le gouvernement local a finalement rejeté cette idée[11].

Références externes[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) « Lates niloticus summary page », sur FishBase (consulté le )
  2. (en) WWF, « River of Giants : Giant Fish of the Mekong » [PDF], sur assets.worldwildlife.org, , p. 3
  3. Collectif (trad. André Delcourt et Hervé Douxchamps), Les animaux de l'univers, Unide (no 13), , 1732 p., Perche du Nil page 1212
  4. FishBase, consulté lors d'une mise à jour du lien externe
  5. Florian Bardou, « Frelon asiatique, moustique tigre… « Le coût des invasions biologiques double tous les six ans » », sur liberation.fr, Libération,
  6. 100 of the World's Worst Invasive Alien Species IUCN
  7. (en) Paragraphe 5.1, Reynolds, J.E., et D.F. Greboval, 1988 « Socio-economic effects of the evolution of Nile perch fisheries in Lake Victoria: a review ». CIFA Technical Paper, vol. 17, 148p, (ISBN 92-5-102742-0)(lire en ligne).
  8. Laure Noualhat et Sylvie Briet, « La perche du Nil, poison d'Afrique : Le Cauchemar de Darwin» dénonce l'exploitation intensive de ce poisson et ses effets catastrophiques sur l'écosystème et l'économie de la région du lac Victoria. », sur liberation.fr, Libération,
  9. Voir notamment François Garçon, Enquête sur le cauchemar de Darwin, Paris, Flammarion, , 265 p. (ISBN 978-2-08-210579-8) et également Jean-Philippe Rémy, « Contre-enquête sur un cauchemar », Le Monde,‎ (ISSN 1950-6244)
  10. « La "méchante" Perche du Nil est à son tour menacée d'extinction dans le lac Victoria », Le Monde, 16 février 2010.
  11. [1]