Grenadille

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Passiflora edulis

La grenadille (Passiflora edulis) est une espèce de plantes grimpantes de la famille des Passifloraceae, originaire de Colombie[1], du Venezuela, du Paraguay, du Brésil, du nord-est de l'Argentine et en Guyane française.

Elle tire son nom latin de Passiflora (fleur de la Passion), des divers éléments de sa fleur faisant allusion aux instruments de la Passion du Christ[2]; elle est cultivée pour ses fruits à pulpe comestible nommés grenadilles, fruits de la passion ou maracudja (mot créole[3] venant du tupi « mara kuya », sinon du guarani paraguayen «mburukuja»). En Nouvelle-Calédonie, ces fruits sont appelés « pomme-lianes » ; au Venezuela « parchita » ; à Porto Rico « parcha » ; à Haïti « grenadia » ; en République dominicaine « chinola », en Espagne « maracuyá » et au Brésil « maracujá »[Note 1].

Comme pour la vigne, la culture se fait sur des échalas et des fils de fer, dans les régions chaudes (correspondant à la zone de l'oranger). Il existe une centaine de variétés[4], dont la Common Purple, cultivée à Hawaï, la Black Knight, la Edgehill, cultivar aux fruits pourpres semblable à la Black Knight mais encore plus vigoureux et très planté en Californie, la Kahuna, la Perfecta (aux gros fruits) ou la Brazilian Golden.

Particularité[modifier | modifier le code]

Il existe deux variétés de grenadilles : la variété jaune-vert (à maturité), d'origine inconnue (Passiflora edulis f. flavicarpa). C'est elle qui est nommée maracuja (ou grenadille jaune) sur les étals ; elle se distingue de la seconde variété, de couleur pourpre profond (P. edulis f. edulis), par des zones de répartition naturelle distinctes et par des heures de floraison distinctes. La première est autostérile[Note 2] alors que la seconde est autofertile.

Le maracuja a un diamètre de 5 à 8 cm contre 4 à 8 cm pour la grenadille[5]. Les deux fruits se ressemblent sur le plan gustatif, le maracuja étant légèrement plus acide que la grenadille[6],[7].

Description[modifier | modifier le code]

Comparaison des formes pourpre et jaune.

C'est une plante grimpante vigoureuse[8], à base ligneuse, développant des tiges d'environ 6 m de long.

Les feuilles persistantes, de 6-13 × 8-13 cm, sont membraneuses, profondément trilobées et à marge glandulée-serrulée.

L'inflorescence est une cyme réduite dont la fleur centrale avorte, le pédicelle d'une fleur latérale donne une vrille et l'autre fleur se développe normalement. Le pédicelle de 4-5 cm de long porte :

  • 3 larges bractées vertes,
  • 5 pétales verdâtres à l'intérieur,
  • 5 pétales blancs,
  • une couronne de filaments pourpres et blancs,
  • une colonne de 1-1,2 cm de haut (l'androgynophore) portant
    • les 5 étamines terminées par les anthères tournées vers le bas
    • puis un ovaire obovoïde de 8 mm de haut surmonté de 3 ou 4 styles blancs, unis à la base.

La fleur dans son ensemble fait de 4 à 7 cm de diamètre.

Le fruit est une baie contenant de nombreuses graines noires, entourées d'un arille comestible.

Écologie[modifier | modifier le code]

Feuille et fleur de Grenadille.
Fruits de la passion aux Maldives.

La grenadille est originaire du Venezuela, Brésil, Paraguay nord de l'Argentine. Elle s'est naturalisée à Hawaï et certaines zones d'Australie.

C'est une plante subtropicale, préférant les régions où il ne gèle pas. La forme flavicarpa est celle qui tolère le moins bien le froid.

La grenadille est cultivée en Inde, au Sri Lanka, au Vietnam, en Nouvelle-Zélande, aux Caraïbes, au Brésil, en Colombie, en Indonésie, au Pérou, en Californie et en Floride, en Australie, en Afrique de l'Est, de l'Ouest et du Sud, au Mexique et en Israël.

Composition[modifier | modifier le code]

D'après la revue bibliographique de Dhawan et al.[9] (2004), les phyto-constituants de Passiflora edulis sont constitués par

  • des glycosides
    Dans la feuille séchée, il a été isolé la passiflorine, un glycoside de cyclopropane triterpine, des glycosides de flavonoïdes, des glycosides cyanogènes (passicapsine, passibiflorine, passicoriacine, rutinoside cyanogène etc.).
  • des phénols
  • 4-hydroxy-b-ionol, 4-oxo-b-ionol, et autres dérivés d'ionol
  • des terpènes diols
  • des alcaloïdes
    Il a été trouvé principalement dans les feuilles (0,12 %) des alcaloïdes indoliques : harmane, harmanine, harmaline, harmalol.
  • autres phyto-constituants
    Il a été isolé aussi de nombreux caroténoïdes (phytoène, phytofluène, α- et β-carotène, lycopène, néoxanthine etc.), de l'acide ascorbique, des anthocyanines (cyanidine-3-O-bêta-glucopyranoside, cyanidine-3-glucoside etc.), des γ-lactones (γ-hexa, γ-deca et γ-docecalacetone etc.), des huiles essentielles (limonène, 2-tridécanone, acide (9Z)-octadecenoïque etc.), des acides aminés (proline, acide aspartique, glutamique, sérine et alanine), des glucides, des minéraux (Na, K, Mg, Ca, Zn, Al, Mn, Fe), des triterpènes cycloartanes.

Propriétés pharmacologiques[modifier | modifier le code]

Passiflora edulis est présente comme principe actif dans de nombreuses préparations de phytopharmacie, sans être toutefois inscrite dans les pharmacopées d'Europe ou des États-Unis où P. incarnata est préférée [1].

Activité anti-inflammatoire[modifier | modifier le code]

Plusieurs études citées par Patel[10](2009) indiquent que les extraits aqueux de Passiflora edulis possèdent une activité anti-inflammatoire significative sur l'animal (dans certains tests supérieure même au dexaméthasone).

Activité anxiolytique[modifier | modifier le code]

Quelques études des extraits de Passiflora edulis sur des modèles animaux de l'anxiété ont donné des résultats incohérents. Mais une étude récente de Deng et als[11] (2010) montre que la forme jaune Passiflora edulis f. flavicarpa était anxiolytique sur des souris à faible dose et sédative à forte dose. Les flavonoïdes semblent jouer un rôle actif mais les auteurs supposent que d'autres constituants seraient aussi actifs puisque l'extrait aqueux contenant très peu de flavonoïdes manifeste aussi un effet anxiolytique.

Activité anti-oxydante[modifier | modifier le code]

La grenadille est riche en polyphénols et il a été montré[12] qu'il existe une relation linéaire entre le contenu total en composés phénoliques et l'activité anti-oxydante chez Passiflora alata et P. edulis. Les données indiquent que l'extrait hydro-alcoolique des feuilles de P. edulis possède une activité anti-oxydante tant in vitro qu'ex vivo et doit donc être considéré comme une nouvelle source d'antioxydants naturels.

Utilisations de la grenadille[modifier | modifier le code]

Usage culinaire[modifier | modifier le code]

Seuls le jus et la pulpe du fruit sont consommés. Ils sont utilisés frais tels quels ou préparés en salade, mousse, sorbet, cocktail, jus ou sirop.

C'est un fruit climactérique qui peut mûrir rapidement en présence d'éthylène. Il est riche en vitamine A et vitamine C.

Médecine populaire[modifier | modifier le code]

En Amérique du Sud, la grenadille a été abondamment utilisée en médecine traditionnelle pour traiter l'anxiété, l'insomnie, l'asthme, la bronchite et les infections urinaires. Au Brésil, l'infusion de feuilles est utilisée comme sédatif. Aux Antilles, les feuilles sont utilisées pour le traitement de l'hypertension artérielle.

En France, les préparations sédatives à base de passiflore utilisent une autre passiflore : la passiflore officinale P. incarnata. Ces deux passiflores se ressemblent énormément tant au plan morphologique que microscopique et ont été souvent confondues même par les spécialistes[9]. Pourtant les différences morphologiques minimes (au niveau des nervures de la feuille) se traduisent par une différence importante au niveau de l'activité anxiolytique : à la dose orale de 125 mg/kg, l'extrait au méthanol de Passiflora incarnata manifeste une activité anxiolytique significative alors que celui de P. edulis ne manifeste aucune activité[13].

Il manque pour l'instant une validation scientifique objective des effets bénéfiques de Passiflora edulis. Il faut savoir que quelques effets négatifs à court terme des extraits de feuilles fraîches ont été décrits[14]. La plante a montré une toxicité pancréatique et hépatobiliaire sur l'homme et l'animal[15].

Culture[modifier | modifier le code]

La grenadille est une liane assez vigoureuse pouvant croître de plusieurs mètres par an. Elle se reproduit assez facilement par semis mais les fruits ne conservent pas les caractéristiques du fruit d'origine des graines. Elle a besoin d'un climat tempéré avec une température minimale de +5 °C. Plusieurs virus peuvent infecter cette passiflore.

La grenadille est cultivée pour ses fruits comestibles. Les fruits pourpres sont en général transformés en jus, les jaunes sont plutôt consommés frais. Les principaux pays producteurs sont l'Australie, l'Afrique du Sud, le Brésil, les Fidji, Hawaï, le Kenya, le Pérou, la Colombie, le Sri Lanka, la Côte d'Ivoire, l'Inde, les Antilles et l'Angola. Le Brésil est le plus gros producteur avec 35 637 hectares plantés en 1999.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Pas de « d » écrit ni prononcé.
  2. L'allogamie (fécondation croisée) est nécessaire pour des raisons morphologiques (les anthères sont dessous les stigmates) et en raison d'auto-incompatibilité.

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Vanessa Calderón-Martínez, Johannes Delgado-Ospina, Juan Sebastián Ramírez-Navas et Edwin Flórez-López, « Effect of Pretreatment with Low-Frequency Ultrasound on Quality Parameters in Gulupa (Passiflora edulis Sims) Pulp », Applied Sciences, vol. 11, no 4,‎ , p. 1734 (ISSN 2076-3417, DOI 10.3390/app11041734, lire en ligne, consulté le ).
  2. « Grenadille (Passiflora edulis), fruit de la passion : plantation, culture, entretien », sur Binette & Jardin, (consulté le )
  3. « LEXIQUE FRANCO-CREOLE », sur ecrit.creole.free.fr
  4. (en) Torsten Ulmer, John Mochrie MacDougal, Passiflora:passionflower of the world, Timber Press,
  5. https://www.fruitrop.com/Articles-par-theme/Analyses-economiques/2008/Le-fruit-de-la-passion#:~:text=La%20vari%C3%A9t%C3%A9%20la%20plus%20commun%C3%A9ment,(5%20%C3%A0%208%20cm).
  6. « Fruit de la passion », sur Migusto (consulté le )
  7. Annie Walter, Chanel Sam, Fruits d'Océanie, Paris, Editions de l'IRD, , 310 p.
  8. (en) Référence Chinese Plant Names : Passilora edulis
  9. a et b (en) K. Dhawan, S. Dhawan, A. Sharma, « Passiflora : a review update », Journal of Ethnopharmacologye, vol. 94,‎ , p. 1-23
  10. (en) Sita Sharan Patel, « Morphology and pharmacology of Passiflora edulis : a review », Journal of Herbal Medicine and Toxicology, vol. 3, no 1,‎
  11. (en) Jun Deng, YJ Zhou, MM Bai, HW Li, Li LI, « Anxiolytic and sedative activities of Passiflora edulis f. flavicarpa », Journal of Ethnopharmacology, vol. 128,‎ , p. 148-153
  12. (en) M. Rudnicki, M.R. de Oliveira, T. Pereira, F. H. Reginatto, F. Dal-Pizzol, J. Moreira, « Antioxidant and antiglycation properties of Passiflora alata and Passiflora edulis extracts », Food Chemistry, vol. 100,‎ , p. 719-724
  13. (en) K. Dhawan, S. Kumar, A. Sharma, « Comparative biological activity study on Passiflora incarnata and P. edulis », Fitoterapia, vol. 72,‎ , p. 698-702
  14. (en) S. Zibadi, R. Ronald, « Passion Fruit (Passiflora edulis): composition, efficacy and safety », Evidence-Based Integrative Medicine, vol. 1, no 3,‎ , p. 183-187
  15. (en) Maluf E., Barros, Frochtengarten, Benti, Leite, « Assessment of the hypnotic/sedative effects and toxicity of Passiflora edulis aqueous extract in rodents and humans », Phytotherapy Research, vol. 5,‎

Annexes[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

  • Passiflora ligularis, la grenadille douce ou sucrée ou grenadelle
  • Passiflora incarnata passiflore officinale dont les parties aériennes séchées ont une activité anxiolytique et sédative
  • Passiflora caerulea passiflore bleue, la passiflore ornementale couramment cultivée en France métropolitaine.

Liens externes[modifier | modifier le code]