Les Voyages de Gulliver

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Voyages du capitaine Lemuel Gulliver en divers pays éloignés
Image illustrative de l’article Les Voyages de Gulliver
Gulliver exhibited to the Brobdingnag Farmer par Richard Redgrave.

Auteur Jonathan Swift
Pays Drapeau du Royaume d'Irlande Royaume d'Irlande
Genre roman satirique
Version originale
Langue anglais
Titre Gulliver’s Travels
Éditeur Benjamin Motte
Lieu de parution Londres
Date de parution 1726
Version française
Traducteur Anonyme
Éditeur P. Gosse et J. Neaulme[1]
Lieu de parution La Haye
Date de parution 1727
Illustrateur Richard Redgrave

Les Voyages de Gulliver ou Les Voyages extraordinaires de Gulliver (en anglais : Travels into Several Remote Nations of the World. In Four Parts. By Lemuel Gulliver, First a Surgeon, and then a Captain of Several Ships abrégé en Gulliver’s Travels) est un roman satirique écrit par Jonathan Swift en 1721. L'auteur fait beaucoup d'allusions aux écrivains de l'antiquité, dont Lucien de Samosate[2].

Une version censurée et modifiée par son éditeur paraît pour la première fois en 1726 ; ce n’est qu’en 1735 qu’il paraît en version complète. Il apparaît pour la première fois en français sous le titre Voyages du capitaine Lemuel Gulliver en divers pays éloignés [1]) en , à La Haye[3].

Le contexte[modifier | modifier le code]

Les Voyages de Gulliver marquent un sommet de la satire sociale et politique au travers d’éléments mêlant, sur le mode du pamphlet ou de la description narrative, de la philosophie, de la logique, du fantastique et de la science-fiction.

Le roman a été écrit par Swift après le krach de 1720. Il avait acheté des actions de la Compagnie des mers du Sud pour 1 000 livres. La spéculation avait fait passer la valeur d'une action de 128 livres à 1 050 livres, avant de s'effondrer ruinant bon nombre de commerçants britanniques. Cet accroissement puis cette miniaturisation de la richesse en un temps très court a dû donner à Swift l'idée des changements de taille relative de son personnage principal qui serait une métaphore de ce krach en donnant à Swift l'occasion de se moquer des travers de la société de son temps.

Les quatre voyages de Gulliver[modifier | modifier le code]

Cette œuvre, écrite à la première personne, est divisée en quatre parties : le voyage à Lilliput, qui représente la cité des nains ; le voyage à Brobdingnag, qui représente la cité des géants ; le voyage à Laputa ; le voyage au pays des Houyhnhnms.

Voyage à Lilliput[modifier | modifier le code]

Gulliver and the Liliputans.
Jean-Georges Vibert, Gulliver et les Lilliputiens, vers 1870
Carte de Lilliput dans l'édition de 1726 des Gullvers's Travels

Où l’on voit Lemuel Gulliver, chirurgien de marine, naviguer vers Bristol. Après un naufrage, il se retrouve sur l’île de Lilliput, dont les habitants, les Lilliputiens, ne mesurent qu'environ six pouces de haut (env. 15 cm). Par plusieurs aspects, la société lilliputienne semble bien plus avancée que l'Angleterre de l'époque, bien que les peuples passent leur temps à faire la guerre. Après bien des aventures, Gulliver découvre l'origine de la guerre entre Lilliput et Blefuscu qui est l'île voisine : un roi a voulu imposer le côté par lequel devaient être cassés les œufs à la coque ; d'où le nom des partisans de chaque doctrine, les Gros-boutistes et les Petits-boutistes. À la fin du récit, Gulliver doit fuir Lilliput pour Blefuscu : en effet, en ayant refusé d'asservir les Blefusciens vaincus et surtout à la suite d'un complot fomenté par le Grand Amiral et certains ministres lilliputiens, il perd les grâces de l'Empereur. S'il restait, il se risquerait à une sentence d'arrachement de ses yeux, l'Empereur ayant atténué la peine prévue par les ministres : la mort. Il parvient finalement à retrouver un navire au large pour retourner en Angleterre.

Voyage à Brobdingnag[modifier | modifier le code]

À noter que durant tout le voyage, il est écrit Brobdingnag, mais dans la lettre à son cousin Simpson qui clôt le livre, Gulliver précise que l'orthographe exacte est Brobdingrag.

Gulliver entreprend un deuxième voyage et se retrouve à Brobdingnag, que l'auteur situe dans l'océan Pacifique entre le Japon et l'Amérique. Il se retrouve alors dans la situation inverse de Lilliput : tous les Brobdingnagiens sont des géants. L'un d'entre eux s'empare de Gulliver pour l'emmener dans sa ferme, où une petite fille, qu'il surnomme Glumdalclitch, s'occupe de lui. Il est par la suite acheté par la cour royale de Brobdingnag et y réside avec sa nourrice Glumdalclitch. Du fait de sa petite taille, le héros devient un objet de curiosité pour le roi, la reine et la cour, et devient notamment favori de la reine. Il explique au roi le système politique existant en Angleterre. Le souverain critique vivement les institutions anglaises. Mais à la suite d'un manque d'attention de la part d'un courtisan qui l'emmenait en balade près d'une falaise, Gulliver se retrouve emporté depuis sa chambre artificielle par un aigle, puis est repêché par des marins, qui le ramènent en Angleterre, où il a l'impression durant quelque temps de voir la population plus petite que lui.

Voyages à Laputa, à Balnibarbi, à Glubbdubdrib, à Luggnagg et au Japon[modifier | modifier le code]

Voyage à Laputa, chapitre V. Les académiciens de Balnibardi pratiquant le langage universel. Illustration de Gleeson White, 1906

Laputa est une île volante, flottant au-dessus du pays de Balnibarbi grâce à un complexe système reposant sur une pierre magnétique. Elle renferme la noblesse de plus haut rang qui s'en sert comme d'une arme pour menacer leurs sujets dans le cas où ils refuseraient de payer leurs impôts, ainsi l'île se déplace de ville en ville à travers le pays. Elle dispose de plusieurs moyens de persuasion : soit elle peut ordonner que l'on jette des pierres sur les maisons plus bas, soit elle peut assiéger une ville, jusqu'à ce que les habitants meurent de faim, mais le plan final du monarque en cas d'urgence est de tout simplement laisser tomber l'île sur la tête des villageois, étant constituée d'une surface de cristal géante qui protège les fonctions essentielles de la machinerie. Les habitants de l'île sont très particuliers : étant constamment plongés dans des réflexions, ils perdent toute perception de ce qui les entoure, ainsi quand l'on désire leur parler, il faut que les sonneurs à leur service appelés « climenoles » fassent retentir leur instrument, pour les faire revenir à eux, et ce, de très nombreuses fois par jour. Obsédés par l'astronomie, les mathématiques et la physique, ils passent des journées entières à penser et repenser les choses, émettre des conjectures et faire des calculs incessants.

Lassé du peu d'intérêt qu'ils lui portent, Gulliver décide de mettre pied à terre et rencontrer les habitants de Balnibarbi ; ainsi il découvre que là-dessous, les fonds ne servent qu'à alimenter les recherches de la science, ce qui génère une grande pauvreté du peuple. Il découvre l'académie de Lagado (en) où, abusant de la science spéculative, les hommes perdent tout sens commun, exposant et appliquant les théories les plus folles avec par exemple, un scientifique qui espérait recréer de la nourriture à partir de matière fécale ou encore un autre, tentant de piéger les rayons du soleil dans des concombres. Un chercheur lui présente également une machine à générer des écrits aléatoirement, qui préfigure l'ordinateur moderne. C’est une critique de la Science qui est là divinisée et mise au-dessus de la raison.

Luggnagg est un pays où Gulliver découvrira l'existence d'êtres immortels appelés « Struldbruggs ». Tout d'abord pris d'enthousiasme à l'idée d'un tel phénomène, il découvrira par la suite que malheureusement, malgré le fait que ces personnes ne puissent mourir, elles n'en gardent pas pour autant une jeunesse éternelle. De ce fait, ces immortels vieillissent, rongés par les maladies, oubliant tous les êtres de leur famille ; ils deviennent malfaisants et très faibles, irascibles et haïs de tous : ils prennent petit à petit une forme spectrale au fil du temps, peinés de voir les autres mourir et pas eux. Le gouverneur de cette île a, en outre, le pouvoir de nécromancien d'invoquer les esprits des morts pour une journée sous forme de fantômes. C'est ainsi que Gulliver a l'occasion de converser avec de grandes figures du passé telles qu'Alexandre le Grand ou Hannibal le Carthaginois.

Glubbdubdrib est une île où résident des sorciers. Là-bas, Gulliver, grâce aux talents de nécromancien du gouverneur, va pouvoir échanger avec des personnalités historiques de tous âges qui lui révéleront des vérités cachées sur l'histoire des hommes à propos de points déterminants de celle-ci, philosophes, héros de guerre, grandes figures politiques, Gulliver les rencontre tous et se rend compte que l'histoire qu'il connaît est bâtie sur de nombreux mensonges et erreurs.

Voyage au pays des Houyhnhnms[modifier | modifier le code]

Gulliver quitte définitivement le pays des Houyhnhnms, tableau de Sawrey Gilpin, 1789

Pays peuplé par les Houyhnhnms, des chevaux beaux et intelligents arrivés au sommet de la raison et de la sagesse, qui sont les maîtres des Yahoos, animaux d’aspect répugnant au comportement misérable, qui se révèlent, au grand désespoir de Gulliver, être des humains. Swift pose ici une question de réflexion : quelle est la différence entre un être humain et un animal ? Cette différence est-elle réelle ou est-elle simplement apparente ? Doit-on avoir honte d’être humain ?

Adaptations cinématographiques et télévisuelles[modifier | modifier le code]

Extrait du film d'animation Les Voyages de Gulliver (Gulliver's Travels) de 1939.

Dès 1902 : le livre est adapté une première fois au cinéma muet avec Le Voyage de Gulliver à Lilliput et chez les géants de Georges Méliès.

Plusieurs adaptations suivront depuis lors. Dont, entre autres :

Dans son film Un cas pour un bourreau débutant (1970), Pavel Juráček reprend le livre de Swift en racontant l'arrivée de Lemuel Gulliver à Balnibarbi. À travers son œuvre, il critique le régime totalitaire tchécoslovaque. Le film est tout de suite censuré[6].

Adaptations théâtrales[modifier | modifier le code]

  • Jean-Louis Sarthou a écrit et mis en scène une adaptation intitulée La fable de Libre-Gueule. Elle a été jouée en 1974-75 au Studio d'Ivry et en tournée en France (particulièrement en coproduction avec la Maison de la Culture de Chambéry). Elle était interprétée par Dany Tayarda, Raymond Bisbal, Michel Brothier et Vincent Violette.

Postérité[modifier | modifier le code]

  • Après avoir traduit l'original en français en 1727, Pierre Desfontaines a écrit Le Nouveau Gulliver ou Voyage de Jean Gulliver, fils du capitaine Gulliver… en 1730.
  • En 1933, le film américain King Kong montre l'héroïne se faire enlever par un gorille géant qui escalade l'Empire State Building. Cette scène peut faire écho au chapitre V, lors du voyage à Brobdingnag, où le héros est enlevé par un singe géant qui le tient dans sa main et escalade le pied d'une table. On peut y voir une préfiguration[7].
  • Bertolt Brecht emprunte à Swift dans Têtes rondes et têtes pointues (allemand : Die Rundköpfe und die Spitzköpfe) car Yahoo désigne alors un royaume imaginaire : « La scène représente un pays nommé Yahoo, / Dans lequel le Juge des crânes, en les répartissant, / Décide du même coup du sort de certaines gens » (traduction de Michel Habart, L'arche, 1959).
  • La nouvelle Farémido (1916) de l'écrivain hongrois Frigyes Karinthy est un pastiche de l'œuvre de Swift. Ayant pour sous-titre Le cinquième voyage de Gulliver, elle raconte la rencontre de Gulliver, pilote d'avion durant la Première Guerre mondiale, avec un peuple d'androïdes, s'exprimant dans une langue purement musicale.
  • Plusieurs cratères de Phobos, satellite naturel de Mars font référence à des personnages du roman.
  • Dans le film d'animation, Le Château dans le ciel (1986) de Hayao Miyazaki, le château volant nommé Laputa est une adaptation libre de cette partie des Voyages.
  • En informatique, l'ordre des octets, l'endianness, porte le nom des deux peuples Lilliputiens, en référence au côté par lequel chaque peuple mange ses œufs à la coque.
  • Dans Docteur Folamour (1964) de Stanley Kubrick, le bombardier B-52 « Colonie lépreuse » cible le site de « missiles Laputa ».
  • le nom du site Yahoo! a été choisi en référence au peuple des yahoos[réf. nécessaire]
  • le nom de la chaîne de télévision française Gulli, destinée à la jeunesse, est un diminutif de Gulliver.
  • en 2000, Maxime Aulio, compositeur, écrit une suite pour Orchestre d'Harmonie, basée sur ce livre.
  • Dans la série de jeux Animal Crossing, un des personnages s'appelle Gulliver en hommage aux Voyages. Il peut être trouvé échoué sur les plages. Il se révèle être un capitaine ayant fait naufrage. Amnésique, il ne se rappelle pas de son dernier voyage ; le joueur peut y remédier en l'interrogant.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b « Première version française (P. Gosse et J. Neaulme, 1727) », sur Gallica (consulté le ).
  2. Jan Borm, « Gulliver : voyages et véracité », dans Les voyages de Gulliver : Mondes lointains ou mondes proches, Presses universitaires de Caen, coll. « Symposia », (ISBN 978-2-84133-456-8, lire en ligne), p. 51–62
  3. Paul-Gabriel Boucé, Les Deux premières traductions françaises de Gulliver's Travels, La Traduction romanesque au XVIIIe siècle, Arras, Artois Presse Université, , p. 79-89.
  4. The Adventures of Gulliver chez IMDB
  5. Gulliver's Travels (1977) chez IMDB
  6. Laura MAURIÈS, « UN CINÉMA TCHÉCOSLOVAQUE DES ANNÉES 1960 : DU DÉGEL À LA NORMALISATION », Article universitaire,‎ , p. 115 (lire en ligne Accès libre [doc])
  7. Jonathan Swift (trad. Guillaume Vileneuve), Les Voyages de Gulliver, Paris, Flammarion, , 430 p. (ISBN 978-2-0813-4243-9), Chapitre V, pages 185 et note 113

Annexes[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Filmothèque[modifier | modifier le code]

  • Les Voyages de Gulliver, Lobster Films, 2016, Coffret DVD « Les Pionniers de l'Animation »

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Discours et vérité dans les Voyages de Gulliver, Alain Bony, Presses Universitaires de Lyon, 2002.
  • Revenir/Devenir Gulliver ou l'autre voyage, Jean Viviès, Paris, Editions rue d'Ulm, 2016.

Liens externes[modifier | modifier le code]