Maurice Duverger

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Maurice Duverger
Fonctions
Député européen
3e législature du Parlement européen
Italie
Parti démocrate de la gauche
-
Directeur
Institut d'études politiques de Bordeaux
-
Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
Maurice Louis Georges DuvergerVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
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Maurice Duverger, né le à Angoulême et mort le [1] à Paris, est un universitaire et juriste français. Professeur émérite de droit, il fut spécialiste du droit constitutionnel et de sociologie du droit.

Biographie[modifier | modifier le code]

Maurice Duverger naît le [2],[3],[4] à Angoulême[2],[3],[4]. Dès l'âge de quinze ans, il est militant dans des groupes d'extrême droite bordelais. En 1937, il est responsable à Bordeaux de l'Union populaire de la jeunesse française, organisation de jeunesse du Parti populaire français (PPF) et participe à ce titre à différents congrès des jeunesses doriotistes, étant membre de ce parti. Durant l'Occupation, il accepte d'enseigner à l'Institut d'études corporatives et sociales, fondé sous l'égide du maréchal Pétain pour y former les cadres de la Révolution nationale.

Étudiant en droit à Bordeaux, Maurice Duverger est reçu, en , à l'agrégation de droit public après avoir soutenu sa thèse de doctorat sur l'Affectation des immeubles domaniaux aux services publics[2]. Il est successivement professeur à la Faculté de droit de Poitiers en [2], à celle de Bordeaux en [2] — où il est le premier directeur de l'Institut d'études politiques de Bordeaux créé en 1948 — et enfin à celle de Paris (faculté de droit et des sciences économiques) de à [2]. Il est l'un des fondateurs du département de science politique de la Sorbonne (Paris I), en 1969.

Maurice Duverger écrivit dans les numéros de juin et de la Revue du droit public un article intitulé La situation des fonctionnaires depuis la révolution de 1940. Il lui a été reproché, notamment en 1987 par Michel Bergès dans le magazine Actuel, d'avoir, par cette étude juridique, légitimé le statut des juifs[5]. En 1988, il gagne un procès contre le magazine Actuel qui l'accusait d'avoir soutenu les mesures discriminatoires anti-juives. Le doyen Georges Vedel témoigne à l'occasion de ce procès que « loin d'approuver le principe des mesures frappant les fonctionnaires juifs et encore moins d'en favoriser l'application, Maurice Duverger en a proposé une interprétation totalement restrictive de nature à en paralyser l'effet, ce qui, dans les circonstances du moment, constituait la contribution la plus efficace qu'un juriste pût apporter à l'opposition aux textes qu'il commentait »[6].

La Revue du droit public s'inscrit clairement dans l’« effort de restauration nationale » souhaité par le régime de Vichy. Un article titré « A nos lecteurs » et signé par Roger Bonnard, directeur de la revue, ouvre le numéro de juin 1941. Il se félicite de la reparution de celle-ci après « autorisation des autorités occupantes ». Roger Bonnard salue en Pétain « un guide d’une sagesse et d’une maîtrise de pensée incomparable et quasi surhumaine[7] ».

En juin 1941, Duverger fait partie de l' « Équipe » de rédaction de l'hebdomadaire Le Progrès, fondé par le député-maire de Bordeaux Adrien Marquet, ministre de l'intérieur du Maréchal Pétain en 1940 et partisan de la collaboration. Le journal « exprime (...) un collaborationnisme sans faille, un anti-sémitisme sans fard, l'éloge du parti unique et de ses "nouveaux Templiers" (10 août 1941), etc. Aux côtés des officiels de Vichy, les personnalités allemandes y sont interviewées sans complaisance[8] ». Maurice Duverger, sous le nom de Philippe Orgène, signe des articles culturels, politiques et sociaux. L'hebdomadaire cesse de paraître début 1943.

Duverger se défend de cette accusation, évoquant un « pseudonyme collectif » et une collaboration éphémère qui se serait limitée à quelques articles culturels[7].

Après s'être rapproché de la Résistance[réf. nécessaire], il était aussi devenu — après la Libération jusqu'aux années 1980 — un éditorialiste écouté au journal Le Monde, dont il fut un des conseillers politiques. Ses articles sont alors aussi publiés dans El País, le Corriere della Sera, Sud-Ouest[2], l'Express[2] et le Nouvel Observateur[2].

Fervent communiste et admirateur de l'Union Soviétique, il écrit dans la foulée du Rapport secret de Khrouchtchev dévoilé en 1956, que Staline n'avait été ni meilleur ni pire que les tyrans qui l'avaient précédé, et que « le parti unique russe apparaît comme un organisme vivant dont les cellules se renouvellent perpétuellement. La crainte des purges maintient les militants en haleine, réveille constamment leur zèle »[9]. De 1989 à 1994, il siège au Parlement européen comme élu indépendant de la liste du Parti communiste italien.

Maurice Duverger est l'un des fondateurs de l'Association française de science politique et de la Revue française de science politique. Il a ainsi participé à la prise d'autonomie de la science politique proprement dite par rapport au droit public dans les années 1970.

Maurice Duverger a été maintes fois consulté par les autorités politiques et les présidents de nombreux pays, en premier lieu ceux des nouveaux États indépendants d'Afrique noire issus de la décolonisation, aux fins de conseils juridiques et de rédactions constitutionnelles[10].

Maurice Duverger a toutefois fait preuve d'une méconnaissance du droit constitutionnel canadien lorsqu'il a écrit le 6 février 1982 dans le journal Le Monde sous le titre « Un peuple enchaîné ? » au sujet de l'Accord constitutionnel du 5 novembre 1981 sur le rapatriement de la Constitution du Canada entre le gouvernement fédéral canadien et les neuf gouvernements provinciaux majoritairement anglophones sans l'assentiment du seul gouvernement provincial majoritairement francophone qui était alors un gouvernement voué à l'indépendance de la province du Québec. Suite à cet article, le premier ministre Pierre Elliott Trudeau du Canada a écrit le 31 mars 1982 une lettre dans le journal Le Monde pour lui faire connaître les faits qui se sont produits avec le Québec lors des négociations durant notamment la conférence constitutionnelle de 1981. Le même jour, Maurice Duverger a répondu dans le même journal pour expliquer son texte polémique qui avait pour but de susciter une réaction. Malheureusement, sa réponse confirmait son incompréhension de la situation politique et juridique canadienne avec une province du Québec qui ne formait nullement un des deux peuples fondateurs du Canada et était alors gouvernée par un gouvernement indépendantiste qui avait perdu son référendum sur la souveraineté du Québec et ne voulait aucunement renouveler ou réformer la fédération canadienne.

Maurice Duverger meurt dans la nuit du au à Paris, à l'âge de 97 ans[11].

Ses doctrines de droit public[modifier | modifier le code]

Il est l’auteur de très nombreux ouvrages de droit constitutionnel et de science politique.

Les partis politiques[modifier | modifier le code]

Dans un livre devenu classique, Les Partis politiques, il a démontré qu'un mode de scrutin proportionnel (de type italien ou Quatrième République) tendait à la multiplication des partis tandis qu'un mode de scrutin majoritaire à un tour (de type britannique ou américain) tendait au bipartisme. Il met en avant la distinction entre les partis de cadres et les partis de masses.

Duverger est également l'auteur de l'expression quadrille bipolaire[12], qui a caractérisé l'essentiel de la Cinquième République : les fonctions exécutives étaient partagées par quatre partis réunis en deux pôles : le PS et le PCF d'une part, le RPR et l'UDF d'autre part.

La nouvelle séparation des pouvoirs[modifier | modifier le code]

Selon Duverger, « la séparation des pouvoirs revêt deux formes principales dans les démocraties occidentales, suivant les modes de relations entre le Parlement et le gouvernement : le régime parlementaire et le régime présidentiel […]. Mais ces dénominations se fondent trop exclusivement sur les rapports juridiques entre Parlement et gouvernement : elles ignorent trop les réalités politiques et notamment le rôle des partis. »

Ainsi, quand la majorité du parlement sera la même que celle du gouvernement, le parlement pourra être un simple instrument de la politique du gouvernement ; parler de la séparation des pouvoirs entre parlement et gouvernement dans ce contexte devient absurde.

Selon lui, la véritable séparation, ou articulation, se fait entre la majorité et la minorité (qu'elles soient issues de coalitions ou non).

Ainsi, à l'intérieur de chaque institution (nationales comme le gouvernement ou le parlement, ou locales, comme un conseil municipal), le parti politique (ou la coalition de partis) qui a la majorité fait passer ses décisions, tandis que la minorité tente de les bloquer. Les partis politiques ont une action transcendante ou verticale, c'est-à-dire qu'ils appliquent une même politique à tous les échelons.

La théorie du régime semi-présidentiel[modifier | modifier le code]

Maurice Duverger est aussi à l'origine du concept de régime semi-présidentiel regroupant les régimes mixtes empruntant certaines caractéristiques aux régimes parlementaires et aux régimes présidentiels. Les régimes semi-présidentiels seraient alors ceux de l'Allemagne de Weimar de 1919 à 1933, de la Finlande, de la France (Ve République), de l'Islande, de l'Irlande, de l'Autriche, du Portugal et de la plupart des pays européens sortis du communisme dans les années 1990. La pertinence de cette notion regroupant des pays aux pratiques politiques parfois contradictoires fut alors critiquée par d'autres constitutionnalistes comme Jean Gicquel, Jean-Louis Quermonne ou encore Olivier Duhamel.

Il est surprenant de voir que Maurice Duverger, au lieu de proposer une nouvelle classification tenant compte de la séparation des pouvoirs entre majorité et minorité, a préféré plutôt conserver la séparation classique entre régimes présidentiels et régimes parlementaires, en y ajoutant une troisième catégorie.

L'avènement obligatoire du socialisme démocratique[modifier | modifier le code]

Dans son ouvrage Introduction à la politique, Duverger formule une hypothèse[13] : l'avènement du socialisme démocratique. Au moment où il écrit, le monde se trouve dans un contexte de guerre froide ; il y a alors les deux systèmes opposés, celui de l'Est, communiste autoritaire, et celui de l'Ouest, démocratique et libéral. Duverger prédit que les deux systèmes vont se rejoindre, celui de l'Ouest en se socialisant, et celui de l'Est en se libéralisant. Les deux seraient alors, après une évolution sans doute longue, en passe d'être marqués par le socialisme démocratique. Cela ne se ferait pas sans heurts, ni sans obstacles, ni sans régressions temporaires, sans doute. Mais fatalement, du fait des mouvements populaires, ce système adviendra. Il admet que des divergences pourront demeurer entre les deux blocs ; mais il y aura, selon lui, un rapprochement. Il soutient que le Tiers-monde, après les deux blocs, ira dans le même mouvement vers ce système, socialiste et démocratique. Il suppose qu'en optant pour le communisme, les pays du Tiers-monde auront plus tôt fait d'arriver au socialisme démocratique qu'en optant d'abord pour le capitalisme. Il pense que l'on ne pourra pas arriver au socialisme démocratique sans passer préalablement par une de ces voies : communisme ou capitalisme. Il juge que, par son efficacité, le socialisme se démarque des deux autres systèmes ; il permet une planification globale bien plus enviable que l'économie de marché, marquée par « l'absence d'organisation » et du fait que le capitalisme est marqué par « l'impossibilité de construire une véritable communauté humaine [avec ce système anti-social] » ; et la démocratisation du communisme est irrémédiable du fait de « l'évolution économique et technique ». Il pense, d'ailleurs, que si le capitalisme reste en place encore un temps, ce n'est pas parce qu'on considère qu'il est légitime, mais parce que le système communiste observé, stalinien, est pire encore que lui. Si un jour l'Est est marqué par le socialisme démocratique, il n'y aura plus aucun attachement au capitalisme à l'Ouest. Duverger envisage aussi que le socialisme démocratique puisse advenir à l'Ouest avant de le faire à l'Est.

Distinctions[modifier | modifier le code]

Décorations[modifier | modifier le code]

Docteur honoris causa[modifier | modifier le code]

Maurice Duverger est docteur honoris causa de plusieurs universités, dont :

Publications principales[modifier | modifier le code]

  • La situation des fonctionnaires depuis la Révolution de 1940, Paris, LGDJ, 1941.
  • Les partis politiques, Paris, Armand Colin, 1951.
  • La participation des femmes à la vie politique, Paris, UNESCO, 1955.
  • Demain La République, Paris, René Julliard, 1958.
  • Méthodes de la science politique, Paris, PUF, 1959.
  • La VIe République et le régime présidentiel, Paris, Fayard, 1961.
  • Les institutions françaises, Paris, PUF, 1962.
  • Constitutions et documents politiques, Paris, PUF, 1964, 3e édition.
  • Introduction à la politique (1964)
  • Sociologie la politique, publié aux Presses universitaires de France dans la collection Thémis (Paris, 1966) dirigée par Maurice Duverger, réédité dans les années 1980 dans la même collection sous le titre Sociologie de la politique, (ISBN 9782130423980).
  • Institutions politiques et droit constitutionnel (I. Les grands systèmes politiques et II. Le système politique français), Paris, Thémis, 1970.
  • La Monarchie républicaine, ou comment les démocraties se donnent des rois (1974)
  • Lettre ouverte aux socialistes Éditions Albin Michel, 1976 (ISBN 2226003266) (BNF 34578046)
  • Échec au roi, Paris, Albin Michel, 1977.
  • Dictatures et légitimité, Paris, PUF, 1982.
  • Maurice Duverger (dir.) et Jean-François Sirinelli (dir.), Histoire générale des systèmes politiques, 4 tomes ; tome 1 : Jean Tulard (dir.), Les empires occidentaux, de Rome à Berlin, Paris, PUF, 1997 ; tome 2 : Yves-Marie Bercé (dir.), Les monarchies, Paris, PUF, 1997 ; tome 3 : Éric Bournazel (dir.) et Jean-Pierre Poly (dir.), Les féodalités, Paris, PUF, 1998 ; tome 4 : Serge Berstein (dir.), La démocratie libérale, Paris, PUF, 1998.
  • Les constitutions de la France, Paris, PUF, 2004.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Bertrand Le Gendre, « Maurice Duverger, professeur de droit et de sciences politiques, journaliste et éditeur », Le Monde, 22 décembre 2014 .
  2. a b c d e f g h i j et k Le Gendre 2014.
  3. a et b Hoffmann-Martinot 2015, p. 390, col. 2.
  4. a et b Seiler 2017.
  5. Michel Bergès, Démystifier Maurice Duverger, alias « Philippe Orgène » : le devoir des historiens du politique, 2015, [en ligne sur le site de l'UQAC] .
  6. « Le procès de Maurice Duverger contre "Actuel" Compléments... », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  7. a et b Bertrand Le Gendre, « Duverger, un jeune juriste sous l’Occupation », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  8. Pascal Ory, Les collabos - l'Histoire, Paris, Arthème-Fayard/Pluriel, , 401 p. (ISBN 978-2-01-279549-5), Petits tas de secrets de l'occupation.
  9. Raymond Aron, Mémoires, Robert Laffont (Bouquins), 2003, p. 466.
  10. « Mort de Maurice Duverger, le "pape" de la science politique française », sur lemonde.fr, .
  11. « Maurice Duverger est mort à 97 ans », sur lepoint.fr, .
  12. Maurice Duverger, Le système politique français, 21e édition, Presses Universitaires de France, collection Thémis, 1996, (ISBN 9782130474142).
  13. Maurice Duverger, Introduction à la politique, Idées/Gallimard, , chapitre "Vers le socialisme" (p. 363-380).
  14. a b c d e f g h et i Colas et Émeri 1987a, p. 767.
  15. Mayer et Déloye 2014.
  16. Décret du 31 décembre 1994 portant élévation à la dignité de grand'croix et de grand officier.
  17. a b c d e f g h et i Hoffmann-Martinot 2015, p. 391, col. 1.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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