Victorine Brocher

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Victorine Brocher
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 82 ans)
LausanneVoir et modifier les données sur Wikidata
Nom de naissance
Victorine MalenfantVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Conjoints
Jean Charles Rouchy (d) ()
Gustave Brocher (d) (à partir de )Voir et modifier les données sur Wikidata
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Œuvres principales
Souvenirs d'une morte vivante (d)Voir et modifier les données sur Wikidata

Victorine Brocher, née le et morte le , est une communarde, conférencière et journaliste anarchiste, figure emblématique des femmes dans la Commune de Paris. Elle est connue pour avoir rédigé ses mémoires intitulés Souvenirs d'une morte vivante, détaillant sa participation à la Commune de Paris. Elle est déléguée au Congrès anarchiste de Londres de 1881 et a contribué à des périodiques anarchistes tout au long de sa vie. Elle cofonde et enseigne à l'école internationale de Louise Michel.

Jeunesse[modifier | modifier le code]

Une morte vivante, article de Louise Bodin dans l'Humanité du vendredi 25 novembre 1921 en hommage à Victorine Brocher morte à Lausanne le 3 novembre 1921

Marie Victorine Malenfant naît le 4 septembre 1839 à Paris, dans une famille républicaine. Son père est un franc maçon socialiste qui a choisi de devenir cordonnier[1]. Deux ans plus tard, ils sont établis à Orléans, son père fuit en Belgique le coup d'État du 2 décembre 1851 de Louis-Napoléon Bonaparte[2]. Elle est élevée par sa mère, ouvrière lingère[3] à Orléans puis à Paris[4],[5], dans l'ancien 3e arrondissement et aux rues Transnonain et Saint-Merri[6]. Enfant, elle est spectatrice de la révolution de Février et des journées de Juin[4].

Elle indique dans ses mémoires Souvenirs d'une morte vivante qu'elle travaillait dans la boutique de son père et recousait les boutons de chaussures de femmes[1].

Elle se marie le avec Jean Charles Rouchy[7] (1835 - circa 1880), ancien cordonnier et soldat de la Garde impériale en Crimée et en Italie[8]. Elle est piqueuse de bottines[4]. Ils ont deux enfants, qui meurent tous deux en bas âge, Albert à quatre ans le d'une maladie de la moelle[3] et Gabriel à quatorze mois le [4],[8] des conséquences des privations du siège de la commune de Paris[3]. Charles Rouchy est alcoolique et bat Victorine[9].

Engagement révolutionnaire[modifier | modifier le code]

Les Rouchy sont membres de l'Association internationale des travailleurs[5] et Victorine est l'une des premières Françaises à l'être[4],[1]. Elle se lie avec plusieurs futurs communards, comme Léo Frankel, Adolphe Assi ou Auguste Vermorel et œuvre dans l'internationalisme.

En 1867, le couple prend part à la fondation d'une boulangerie coopérative[10],[1] au quartier de la Chapelle, dans le 18e arrondissement[4].

Victorine Brocher indique avoir été inspirée par la lecture des Misérables dans les années 1860[11].

Les guerres de 1870 et 1871[modifier | modifier le code]

La capitulation de Sedan en 1870- NARA - 20807046

La France déclare la guerre à la Prusse en juillet 1870. L'armée française est défaite en septembre 1870 à Sedan et Louis Napoléon Bonaparte est emprisonné par les Prussiens[12]. Une foule envahit les rues de Paris le 4 septembre 1870 et à la fin de la journée la Troisième République est proclamée par Léon Gambetta. Un Gouvernement de la Défense nationale se forme pour continuer la guerre. Victorine Brocher écrit :

« Des milliers de poitrines répétaient avec une ardeur et un transport incomparable : « Vive la France ! Vive la République ! ». Ces cris s'élevant de toute part firent un effet magique sur la foule[1]. »

Malgré les espoirs d'une République sociale, c'est une coalition de républicains libéraux conservatrice qui prend le pouvoir, constituée de monarchiste, d'orléanistes, qui souhaitent mettre fin à la guerre et aux troubles sociaux, qui les effraient davantage encore que l'armée prussienne[13].

Bataille à la Moncelle le 1er septembre 1870.

Charles Rouchy est fait prisonnier par les Prussiens, en guerre contre la France, le à Orléans, mais parvient à s'évader. Elle le ramène à Paris, dans le 7e arrondissement, au 44 rue de Lille[8].

Durant le siège de Paris, elle est cantinière du 17e bataillon[4] et lui retourne au combat, comme franc-tireur de Paris. Il est envoyé sur les fronts de la Loire et de l'Est, avant de rentrer à la fin du mois de [8]. En son absence, elle vit difficilement, et décrira vivre dans une grande misère, subissant à la fois un hivers glacial, un rationnement mal organisé[9] et des prix jamais-vus[14].

Commune de Paris[modifier | modifier le code]

Moins d'un mois après, une insurrection conduit à la proclamation de la Commune de Paris, à laquelle participent Victorine[15] et Charles Rouchy. Ils s'engagent tous deux dans le bataillon des Défenseurs de la République, dits turcos de la Commune, comme cantiniers[5],[8]. Victorine prend part aussi à la défense des remparts[15]. Également ambulancière[6],[16], Victorine est notamment active durant la bataille du fort d'Issy, où elle se bat et secourt les blessés.

Dès les débuts elle prend des notes sur le déroulement des évènements.

Elle assiste le 28 mars à la fête de la proclamation de la Commune[17].

Elle est citée pour sa bravoure dans le Journal officiel du [5],[4] : « Le bataillon félicite notre cantinière, la citoyenne Victorine Rouchy, du courage qu'elle a montré en suivant le bataillon au feu, et de l'humanité qu'elle a eu pour les blessés dans les journées des 29 et [a]. » Blessé grièvement par une marmite d'eau bouillante, Charles Rouchy ne rejoint son bataillon que vers la mi-mai. Il le retrouve sur le territoire de l'ancienne commune de Passy, où il établit sa cantine dans l'école des Frères[8].

Victorine défend une position républicaine[18] et ne souhaite avoir de relations avec les groupes féminins[9]. Le 21 ou 22 mai, elle rencontre Louise Michel qui lui propose de rejoindre le groupe des femmes. Elle refuse par loyauté envers son groupe, et parce que, dit-elle, elle ne connaît pas les groupes féminins et ne les a pas fréquentés.

Maquette du Tage, prison où Charles Rouchy est incarcéré.

Le , deuxième jour de la reprise de Paris par les forces versaillaises, Charles Rouchy est fait prisonnier dans sa cantine. Il est interné au camp de Satory, à la prison des Chantiers puis sur le Tage, un bateau transformé en prison flottante amarré au port de Cherbourg[8]. Victorine reste jusqu'à la fin des combats[15], rue Haxo et est sauvée in extremis par ses camarades, qui sont eux, tous fusillés[3].

Fuite à Genève[modifier | modifier le code]

Le Cri du Peuple, première édition.

Victorine se cache pendant un an après avoir été arrêtée et condamnée à mort pour avoir incendié la Cour des comptes puis s'enfuit à Genève. Elle est considérée comme morte lorsque sa mère l'identifie par erreur (ou pour la sauver[3]) parmi les restes de ceux abattus à Versailles. Son mari reste en prison[2].

À Genève, Victorine assiste à la Première Internationale[2] avant de s'installer en Hongrie pour devenir tutrice. En 1874, avec son mari sorti de prison, ils retournent à Genève, où elle travaille comme cordonnière et participe à la Fédération jurassienne rencontrant Paul Brousse, Elisée Reclus et Andrea Costa[2].

Amnistie et déménagement à Paris[modifier | modifier le code]

Victorine et Gustave Brocher, son second mari.

Après l'amnistie, elle retourne probablement à Paris et devient déléguée de la ville au Congrès anarchiste de Londres en 1881. Elle y rencontre alors Gustave Brocher[10]. Ils se marient et élèvent plusieurs enfants. Victorine Brocher écrit pour le journal anarchiste La Révolution sociale durant cette période. En 1883, elle manifeste avec Louise Michel et Émile Pouget à l' Hôtel des Invalides. Elle continue d'écrire pour Le Cri du Peuple, La Lutte et Le Drapeau noir. Elle suit une formation d'infirmière après le décès de Jean Rouchy en 1884[2].

Victorine Brocher cofonde l'école internationale de Louise Michel à Londres et y enseigne dès 1886[2].

La période de Lausanne[modifier | modifier le code]

Une morte vivante, article de Louise Bodin dans l'Humanité du vendredi 25 novembre 1921 en hommage à Victorine Brocher morte à Lausanne le 3 novembre 1921

Victorine et son second mari déménagent à Lausanne en 1892 où ils exploitent une librairie. Ils tiennent également une pension de jeunes, La Clochette, de 1891 à 1912[15]. Elle publie en 1909 ses mémoires, sous le nom de «Victorine B.», dans lesquelles elle mentionne sa participation à la Commune de Paris. Elle écrit également pour La Libre Fédération entre 1915 et 1919. Le couple vit à Fiume pendant deux ans, où son mari enseigne, et à Levallois-Perret. Lorsque Victorine tombe malade en 1921, ils retournent à Lausanne, où elle meurt le 3 novembre[2],[19],[3].

Souvenirs d'une morte vivante[modifier | modifier le code]

Victorine Brocher, Souvenirs d'une morte vivante, 1909

Victorine Brocher écrit ses mémoires intitulées Souvenirs d'une morte vivante en 1909[5],[20],[21]. Cherchant une maison d'édition, elle se tourne vers Lucien Descaves, qui avait préfacé Mes cahiers rouges de Maxime Vuillaume et Souvenirs d'un Révolutionnaire de Gustave Lefrançais[20],[21].

La correspondance entre Victorine Brocher et Lucien Descaves est archivée dans le fonds Descaves à l'Institut International d'histoire sociale d'Amsterdam. Descaves lui écrit

« Tout ce que je peux vous dire dès maintenant, c'est qu'il y a très peu de chances pour que vous trouviez un éditeur à Paris. Je ne pourrais vous indiquer que Stock - mais je suis déjà brouillé avec lui. Mieux vaudrait que vous tâchiez d'être éditée à Lausanne ou à Genève[21]. »

Le livre parait d'abord chez les éditeurs anarchistes Armand Lapie à Lausanne et Paul Delesalle à Paris, puis est republié en 1976 par Maspero, et en 2002 par La Découverte. Victorine Brocher souhaitant rester anonyme signe avec son prénom suivi de l'initiale du nom de son mari. Sur la couverture du livre figurent quatre dates emblématiques 1848-1851-1870-1871. Victorine Brocher y décrit les évènements, le retour des vaincus du fort d'Issy le 4 mai 1871, la mort de Dombrowski, la semaine sanglante, la traque des communards et les souffrances qui leur sont infligés jusqu'à la fin. Elle y indique sa joie lors de l'annonce de l'abdication de Napoléon, et son scepticisme par rapport à la moralité de Gambetta, qui dit-elle ne comprend pas le peuple mais s'en sert pour arriver au pouvoir lors de la révolution du 4 septembre.

Jean Grave en livre une critique[22] peu élogieuse dans Les Temps Nouveaux le 15 juillet 1909, critiquant l'omission des évènements du 22 janvier 1871 et une erreur sur l'explosion de la cartoucherie Rapp[23]. Victorine Brocher lui répond par un article dans le même quotidien le 2 octobre 1909 que l'omission du 22 janvier est due à l'oubli d'une page lors de l'impression du livre, et elle la fait imprimer dans le journal[24].

Louise Bodin recense également le livre en 1921 dans le journal L'Humanité[3] à l'occasion du décès de Victorine Brocher, et souligne le fait que le récit bien qu'emprunt selon elle de naïveté est l'un des plus poignants sur La Commune, soutenant la comparaison avec Mes cahiers rouges de Maxime Vuillaume[3].

Œuvres[modifier | modifier le code]

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Anciennes éditions[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. « Défenseurs de la République, turcos de la Commune », Journal officiel de la République française, no 137 (3e année),‎ , p. 2 (lire en ligne [PDF])

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d et e Eichner 2020, p. 32.
  2. a b c d e f et g Marianne Enckell, « BROCHER Victorine (née MALENFANT, épouse ROUCHY puis BROCHER) », dans Dictionnaire des anarchistes, Paris, (lire en ligne)
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  3. a b c d e f g et h Louise Bodin, « Une morte vivante », sur Gallica, (consulté le )
  4. a b c d e f g et h Michèle Audin, « Victorine Brocher (1839-1921) », sur La Commune de Paris, (consulté le ).
  5. a b c d et e Enckell 2020 Brocher.
  6. a et b La Quinzaine littéraire, numéros 224 à 246, (lire en ligne), p. 2.
  7. (en) « Brocher-Rouchy, Victorine, 1838-1921 », sur libcom.org (consulté le )
  8. a b c d e f et g Enckell 2020 Rouchy.
  9. a b et c Christine Fauré, « La Révolution avec ou sans la femme ? », dans Christine Fauré (dir.), Encyclopédie politique et historique des femmes, Presses universitaires de France, , 885 p. (ISBN 2-13-048316-X, lire en ligne).
  10. a et b (en) Revolutionary Women (lire en ligne)
  11. Martyn Lyons et Pauline Baggio, « La culture littéraire des travailleurs. Autobiographies ouvrières dans l'Europe du XIXe siècle », Annales, vol. 56, no 4,‎ , p. 927–946 (DOI 10.3406/ahess.2001.279994, lire en ligne, consulté le ).
  12. Eichner 2020, p. 31.
  13. Eichner 2020, p. 33.
  14. Odile Krakovitch, « Les femmes de Montmartre et Clemenceau durant le siège de Paris : de l'action sociale à l'action politique ? », dans collectif, La Commune de 1871 : L'événement, les hommes et la mémoire, Actes du colloque organisé à Précieux et à Montbrison les 15 et 16 mars 2003, Presses universitaires de Saint-Étienne, , 412 p. (ISBN 978-2-8627-2314-3, lire en ligne), p. 45.
  15. a b c et d « Victorine Brocher », sur www.letempsarchives.ch, Gazette de Lausanne, Lausanne, (consulté le ), p. 2/3
  16. Colette Becker, « Bellet (Roger) et Regnier (Philippe), Écrire la Commune. Témoignages, récits et romans (1871-1931) », Les Cahiers naturalistes, Société littéraire des amis d'Émile Zola,‎ , p. 219-220 (lire en ligne).
  17. Éloi Valat, « Les Louises en insurrection », Le Monde diplomatique,‎ (lire en ligne).
  18. Riot-Sarcey 1994, p. 44 : « République, le mot est au centre du récit de Victorine ; mot magique, mot sacré. À l'en croire, elle lui doit son existence ; il guiderait ses pas et fixerait son destin. ».
  19. « Journal de Genève - 08.11.1921 - Pages 4/5 », sur www.letempsarchives.ch (consulté le )
  20. a et b Victorine (1838-1921) Auteur du texte Brocher, Souvenirs d'une morte vivante / Victorine B. [Brocher] ; préface de Lucien Descaves, (lire en ligne)
  21. a b et c V. Brocher 2017.
  22. « Les Temps nouveaux », sur Gallica, (consulté le )
  23. « Les Temps nouveaux », sur Gallica, (consulté le )
  24. « Les Temps nouveaux », sur Gallica, (consulté le )

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Michèle Riot-Sarcey, « La mémoire des vaincus : l'exemple de Victorine B. », dans Roger Bellet (dir.) et Philippe Régnier (dir.), Écrire la Commune, témoignages, récits et romans (1871-1931), Tusson, Éditions du Lérot,
    Reproduit dans la réédition des Souvenirs de 2017 par Libertalia.
  • Carolyn J. Eichner, Franchir les barricades : Les femmes dans la Commune de Paris, Éditions de la Sorbonne, , 314 p. (ISBN 979-1-0351-0522-8, OCLC 1149074370, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article

Articles[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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