Apophénie

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En psychiatrie, une apophénie est une altération de la perception qui conduit un individu à attribuer un sens particulier à des événements banals en établissant des rapports non motivés entre les choses. Tout lui paraît avoir été préparé pour lui[1] : par exemple pour le tester, pour lui transmettre un enseignement caché etc.

Ce phénomène peut être présent dans divers troubles psychiatriques (appartenant surtout au spectre de la schizophrénie) mais aussi dans le cadre de la pensée magique chez des individus non pathologiques comme un remède au non-sens, dans des situations anxiogènes, crises spirituelles par exemple[2].

Historique[modifier | modifier le code]

Dès 1930[3], en psychologie jungienne, l'apophénie est à rapprocher de la notion de synchronicité[4],[5], bien que Jung se contente de décrire le phénomène tel qu'il est vécu, sans se positionner clairement quant à l'idée que ce phénomène consiste en une distorsion de la perception ou s'il s'agit d'un contact particulier avec une authentique réalité métaphysique.

Selon Klaus Conrad, en 1958[6], l'apophénie est la deuxième phase dans le développement d'une schizophrénie[7] (entre le tréma et l’apocalypse[8]). Conrad a d'abord décrit ce phénomène en relation à la distorsion de la réalité présente dans les cas de psychoses, mais il est devenu plus largement utilisé pour décrire cette tendance chez des individus sains sans nécessairement impliquer la présence de troubles neurologiques ou de maladie mentale[9]. En ce sens, il est devenu un quasi-synonyme de paréidolie d'après James Alcock.

En 2001[10], Peter Brugger (né en 1957 à Zurich), neuropsychologue suisse et professeur de neurologie comportementale et de neuropsychiatrie à l'Université de Zurich, voit dans ce phénomène une explication du lien entre psychose et créativité[11].

Certains individus atteints d'apophénie pensent être capables de remarquer l'apparition anormalement élevée de motifs dans des ensembles de données aléatoires[réf. nécessaire].

Classification[modifier | modifier le code]

Depuis l'adoption de la classification internationale des maladies publiée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), en 1990, l'apophénie figure dans le DSM-5 parmi les symptômes de troubles du « spectre de schizophrénie et autres troubles psychotiques » et dans la CIM-10 en tant que symptôme du « trouble de la personnalité schizotypique (TPS) »[12]. En statistique, elle est définie comme une erreur de première espèce ou erreur de type I[13].

Types d’erreur possible[13] Décision
Vrai Faux
Réalité Vrai Ok Faux négatif : Erreur de 2e espèce
Faux Faux positif : Erreur de 1re espèce Ok

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Henri Grivois et Luigi Grosso, La schizophrénie débutante, p. 45.
  2. Thierry Ripoll, Pourquoi croit-on?, Auxerre Cedex, Sciences Humaines Éditions, , 391 p. (ISBN 978-2-36106-600-0), p. 104-110
  3. « Synchronicité et Paracelsica (Carl Gustav Jung) », sur Espace Francophone Jungien (EFJ) (consulté le ).
  4. Carl Gustav Jung, Synchronicité et Paracelsica, Paris, Albin Michel, , 352 p. (ISBN 2-226-02820-X, OCLC 20082157, BNF 34926106, SUDOC 001224727, présentation en ligne).
  5. Du clavier de Benoit Mouroux, « Synchronicité : Premières approches », sur carl-gustav-jung.blogspot.com, (consulté le ).
  6. Emmanuel Delille (d) Voir avec Reasonator, « La réception française des travaux allemands sur les psychoses débutantes. un exemple de circulation difficile des savoirs médicaux 1945-1989 », PSN, Paris, Éditions Matériologiques,‎ , p. 11 / 24 (ISSN 1639-8319, lire en ligne [PDF], consulté le ).
  7. Alex Nikolavitch, Apocalypses !, Lyon, Les Moutons électriques, coll. « Bibliothèque des miroirs », , 180 p., 21 cm (ISBN 2-36183-658-0 et 978-2-36183-658-0, BNF 42785599, SUDOC 252616006, présentation en ligne, lire en ligne Accès limité), p. 169.
  8. Nicolas Franck, « Trouble de l’attribution des actions dans la pathologie schneidérienne : Étude clinique des symptômes de 1er rang », Institut des sciences cognitives (d) Voir avec Reasonator. ISC working papers, Bron, UMR 5015 CNRS UCB Lyon,‎ (« lire en ligne » (version du sur Internet Archive), consulté le ).
  9. Jérôme Bellayer, « Le yéti nain de Levens (06) ou Paréidolie & Cie », sur Laboratoire de Zététique, Université de Nice-Sophia Antipolis, (consulté le ).
  10. Paul Franceschi, « Une défense logique du modèle de Maher pour les délires polythématiques : L'apophénie », Philosophiques, Montréal, Université d'Ottawa,‎ (ISSN 0316-2923, lire en ligne, consulté le ).
  11. (en) Peter Brugger, « From haunted brain to haunted science: A cognitive neuroscience view of paranormal and pseudoscientific thought », sur ResearchGate, (consulté le ).
  12. Pierre Schulz, Trouble de la personnalité schizotypique, p. 181.
  13. a et b « Statistiques : l'apophénie, ou comment donner du sens à ce qui n'en a pas », sur Sciences et Avenir, (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

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