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Rabîndranâth Tagore — Mon cœur mis à nu
- J’ai mis à nu devant toi ma vie tout entière, sans en rien omettre ou dissimuler. C’est pourquoi tu ne me connais pas.
- Si ma vie était une simple pierre colorée, je pourrais la briser en cent morceaux et t’en faire un collier que tu porterais autour du cou.
- Si elle était simple fleur, ronde, et petite, et parfumée, je pourrais l’arracher de sa tige et la mettre sur tes cheveux.
- Mais ce n’est qu’un cœur, bien-aimée. Où sont ses rives, où sont ses racines ?
- Tu ignores les limites de ce royaume sur lequel tu règnes.
- Si ma vie n’était qu’un instant de plaisir, elle fleurirait en un tranquille sourire que tu pourrais déchiffrer en un moment.
- Si elle n’était que douleur, elle fondrait en larmes limpides, révélant silencieusement la profondeur de son secret.
- Ma vie n’est qu’amour, bien-aimée.
- Mon plaisir et ma peine sont sans fin, ma pauvreté et ma richesse éternelles.
- Mon cœur est près de toi comme ta vie même, mais jamais tu ne pourras le connaître tout entier.
Rabindranath Tagore (6/5/1861 – 7/7/1941) — L’Offrande lyrique (Gitanjali, 1910). Traduction de l’anglais par André Gide (NRF, 1913).