Vache à hublot

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Un hublot sur le flanc d'une vache.

Une vache à hublot, aussi appelée vache fistulée ou vache canulée, est une vache utilisée en expérimentation animale sur le flanc de laquelle des scientifiques ont pratiqué une ouverture (fistule) et y ont placé une canule fermée par un clapet (hublot), pour pouvoir y introduire le bras et accéder au contenu du rumen (panse), l'un des quatre compartiments gastriques de la vache. Cet équipement vise à servir la recherche vétérinaire et agronomique.

Historique[modifier | modifier le code]

La pratique de la fistulation (ou canulation) ruminale est attestée en 1833 dans le cadre des expériences de Pierre Flourens sur les mécanismes de la rumination. Dans un mémoire de l'Académie des sciences, Flourens décrit la manière dont il a pratiqué des ouvertures dans chacun des quatre compartiments gastriques de plusieurs moutons en établissant ce qu'il appelle des « anus contre nature »[1].

Par la suite, cette opération est pratiquée sur d'autres animaux, principalement des ruminants. Son objet principal est en effet de fournir un accès aisé au rumen pour permettre l'étude de sa physiologie et le prélèvement d'échantillons sans sacrifice de l'animal[2]. La première attestation de l'utilisation de cette technique sur des bovins date de 1854 par Gabriel Colin[3].

La technique connaît plusieurs évolutions au cours de la première moitié du XXe siècle. En particulier, le choix des matériaux pour la conception de la canule (aluminium, chrome, ébonite, lucite, etc.) a fait l'objet de plusieurs travaux scientifiques[2].

D'après Michel Doreau[4], aucun dispositif mécanique n'a été prévu pour l'obturation de la canule avant les travaux de Schalk et Amadon en 1928[5]. Les systèmes d'obturation doivent permettre de limiter la perte de fluides et de gaz, et donc de réduire au minimum les interférences dans le fonctionnement normal du rumen.

Utilisation[modifier | modifier le code]

La pratique de la fistulation ruminale est répandue dans le monde entier. Le procédé de fistulation reste un acte invasif dans le corps de l'animal, même si les scientifiques le considèrent comme étant indolore. Il peut cependant engendrer pour l'animal un risque d'infection.

La pose d'une canule permet, entre autres :

  • l'étude du transit et des flux digestifs via l'infusion de marqueurs indigestibles ;
  • l'analyse des produits terminaux de la digestion ;
  • l'isolement et la quantification des populations bactériennes du rumen.

Cette technique est notamment utilisée en Allemagne[réf. nécessaire], au Canada, en France, aux Pays-Bas[réf. nécessaire] et en Suisse[6].

En France[modifier | modifier le code]

En 2013, en France, les vaches à hublot sont notamment utilisées par l'INRA. On en trouve notamment à l'Unité de recherche sur les herbivores de Theix, sur la commune de Saint-Genès-Champanelle[7]. Jusqu'en 2007 au moins, on trouvait également des vaches fistulées à la ferme de la Bouzule[8],[9], propriété de l'ENSAIA sur la commune de Laneuvelotte près de Nancy.

Dans les années 2000, ces recherches ont permis de mener des expériences visant à diminuer la production de gaz à effet de serre en réduisant la méthanogenèse bovine.

Controverses[modifier | modifier le code]

L’association L214 se mobilise pour faire cesser le recours à cette méthode, qu’elle considère comme de la maltraitance animale. Elle publie en une vidéo illustrant cette pratique dans un centre de recherche de la Sarthe, contre lequel elle annonce porter plainte pour « expérimentations illégales et pour sévices graves sur les animaux », précisant que « d’après la réglementation, les expérimentations sur les animaux ne peuvent être menées que s’il y a « stricte nécessité » »[10].

Analogue humain[modifier | modifier le code]

Au XIXe siècle, le trappeur canadien Alexis Saint Martin garda une fistule à la suite d'une blessure par balle donnant accès à son estomac, ce qui permit au médecin américain William Beaumont d'expérimenter sur lui in vivo les processus de la digestion.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Flourens 1833.
  2. a et b Stoddard et al. 1951.
  3. Gabriel Colin, Traité de physiologie comparée des animaux domestiques, Paris, J. B. Baillière et Fils [tome 1, 1854] et [tome 2, 1856].
  4. Doreau 2008.
  5. (en) Arthur Frederick Schalk et R. S. Amadon, « Physiology of the ruminant stomach (bovine) : Study of the dynamic factor », Bulletin, Fargo, Agricultural Experiment Station, North Dakota Agricultural College, no 216,‎ (OCLC 18595853, lire en ligne).
  6. Jacques Deveaux, « Des vaches à hublot pour lutter contre l’effet de serre », sur francetvinfo.fr, (consulté le ).
  7. Pierre Vandeginste, « Des "vaches à hublot" pour regarder passer les chercheurs », sur Rue89, (consulté le ).
  8. Mention des vaches fistulées du domaine expérimental de la Bouzule dans un article de 2003 : Priscille Lemasson, Michel Schiavon, Guido Rychen, Corinne Perrin-Ganier et Cyril Feidt, « Étude in vitro de l’extractibilité de deux Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques du sol par le jus de rumen », (consulté le ).
  9. Mention des vaches fistulées du domaine expérimental de la Bouzule dans une thèse de 2007 : Adrian Costera Pastor, Transfert des polluants organiques persistants (POP) du fourrage vers le lait chez le ruminant, (HAL tel-01752948, lire en ligne).
  10. Anne-Sophie Tassart, « Sarthe : L214 filme des vaches à hublot dans un centre expérimental », Sciences et Avenir, .

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • G. E. Stoddard, N. N. Allen, W. H. Hale, A. L. Pope, D. K. Sorensen et W. R. Winchester, « A Permanent Rumen Fistula Cannula for Cows and Sheep », Journal of Animal Science (en), vol. 10, no 2,‎ , p. 417–423 (PMID 14832146, DOI 10.2527/jas1951.102417x).
  • Pierre Flourens, « Expériences sur le mécanisme de la rumination », Mémoires de l'Académie royale des sciences de l'Institut de France, vol. 12,‎ , p. 483 (lire en ligne).
  • Michel Doreau, « Apports et limites des techniques alternatives à la chirurgie expérimentale du tractus digestif des herbivores », Bulletin de l'Académie vétérinaire de France, vol. 161, no 5,‎ , p. 425–433 (DOI 10.4267/2042/48167, lire en ligne).

Liens externes[modifier | modifier le code]

  • Guy Seligmann et Paul Ceuzin, « Sauver le bœuf... », Eurêka, , reproduit sur le site de l'INA : reportage sur les recherches de l'INRA et notamment les vaches à hublot.