Utilisateur:Taciturnn/LettreEinstein

Une page de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Lettre d'Einstein à Franklin D. Roosevelt - le 2 août 1939[modifier | modifier le code]

La lettre qui suit, envoyée au président américain Franklin D. Roosevelt le 2 août 1939, a été signée par Albert Einstein, mais surtout rédigée par le physicien hongrois Leo Szilard.


Albert Einstein
Old Groove Rd.
Nassau Point
Peconie, Long Island

2 août 1939

F. D. Roosevelt
Président des États-Unis
Maison-Blanche
Washington, D.C.

Monsieur,

De récents travaux réalisés par E. Fermi et L. Szilard, lesquels m’ont été communiqués par manuscrit, m’ont amené à penser que l’élément uranium peut être transformé en une nouvelle et importante source d’énergie dans un futur immédiat. Certains développements semblent exiger de la vigilance et, si nécessaire, une action rapide de la part de l’administration. Je crois donc qu’il est de mon devoir de porter à votre attention les faits et recommandations suivants :

Au cours des quatre derniers mois, il est devenu probable – aussi bien par le travail de Joliot en France que de celui de Fermi et de Szilard en Amérique – qu’il sera possible de mettre en marche une réaction nucléaire en chaîne dans une grande masse d’uranium de laquelle une vaste quantité d’énergie et d’éléments nouvellement créés s’apparentant au radium serait générée. Maintenant, il semble pratiquement certain que cela pourra être atteint dans un futur immédiat.

Ce nouveau phénomène pourrait aussi mener à la construction de bombes et il est concevable — mais moins certain — que des bombes extrêmement puissantes d’un nouveau genre puissent être fabriquées. Une seule bombe de ce type, transporté par un bateau et détonée dans un port, pourrait bien détruire le port en entier ainsi qu'une partie du territoire environnant. Cependant, de telles bombes pourraient être trop lourdes pour être transportées par la voix des airs.

Les États-Unis n’ont que de très pauvres minerais d’uranium, en quantités minimes. Il y a de bons minerais au Canada et dans l’ex-Tchécoslovaquie, alors que la plus importante source se trouve au Congo belge.

Sachant cette situation, vous désirerez peut-être établir un contact continu entre l’administration et le groupe de physiciens qui travaillent sur la réaction en chaîne en Amérique. Une démarche possible pour atteindre cet objectif pourrait être de confier cette tâche à une personne qui a votre confiance et qui pourrait occuper une position officieuse. Sa tâche pourrait comprendre les choses suivantes :

a) approcher les départements gouvernementaux, les garder informés de développements additionnels et recommander des actions au gouvernement, en portant une attention particulière au problème de sécuriser un apport en minerai d’uranium pour les États-Unis ;

b) d’accélérer le travail expérimental, lequel est présentement effectué à l’intérieur des limites budgétaires des laboratoires universitaires, en fournissant des fonds, si de tels fonds sont requis, à travers ses contacts avec des particuliers qui sont prêts à faire des contributions pour cette cause, et peut-être aussi d'obtenir la coopération de laboratoires industriels qui possèdent l’équipement nécessaire.

Je crois savoir que l’Allemagne a présentement arrêté la vente d’uranium provenant de mines tchécoslovaques dont elle a pris le contrôle. Qu’elle ait pris de telles mesures si tôt peut être compris en s'appuyant sur le fait que le fils du sous-secrétaire d’État allemand, von Weizsäcker, est attaché à l’institut Kaiser-Wilhem à Berlin où certains travaux américains sur l’uranium y sont actuellement reproduits.

Très sincèrement vôtre,

(Albert Einstein)

Source[modifier | modifier le code]

Réponse de Roosevelt[modifier | modifier le code]

THE WHITE HOUSE
WASHINGTON

19 octobre 1939

Cher professeur,

Je veux vous remercier pour votre récente lettre, dont le contenu est des plus intéressants et importants.

J’ai trouvé cette donnée d'une telle importance que j’ai formé un comité constitué du responsable du bureau des standards, ainsi que de représentants de l’armée et de la marine pour examiner en profondeur les possibilités de votre suggestion concernant l’élément uranium.

Je suis heureux de dire que le Dr. Sachs va coopérer et travailler avec ce comité et je sens que c’est la manière la plus pratique et efficace de traiter ce dossier.

Veuillez accepter mes sincères remerciements.

Très sincèrement vôtre,

Franklin D. Roosevelt

Lettre d'Einstein à Gutkind[modifier | modifier le code]

http://www.lettersofnote.com/2009/10/word-god-is-product-of-human-weakness.html

En janvier 1954, un an avant son décès, Albert Einstein a écrit une lettre au philosophe Erik Gutkind après avoir lu son livre Choose Life: The Biblical Call to Revolt. Il partage ses perceptions de la religion.

Princeton, 3 janvier 1954

Cher Mr. Gutkind,

Inspiré par la suggestion répété de Brouwer, j'ai lu beaucoup de choses dans votre livre, et merci beaucoup de me l'avoir prêté. Ce qui m'a frappé fut ceci : en ce qui concerne l'attitude factuelle par rapport à la vie et à la communauté humaine, nous avons beaucoup en commun. Votre idéal personnel avec son aspiration à se libérer des désirs égotistes, pour rendre la vie belle et noble, avec un emphase sur l'élément purement humain. Ceci nous unit dans une « attitude non-américaine ».

Mais encore, sans la suggestion de Brouwer, je ne me serais jamais engagé intensivement avec votre livre parce qu'il est écrit dans une langue qui m'est inaccessible. Le mot Dieu n'est pour moi rien de plus que l'expression et le produit de la faiblesse humaine, la Bible une collection d'honorables, mais purement primitives, légendes qui sont toutefois assez enfantines. Aucune interprétation, peu importe leur subtilité, peut changer ça pour moi. Pour moi la religion juive comme toute autre est une incarnation des superstitions les plus enfantines. Et le peuple juif dont je fais avec bonheur partie, et de sa pensée pour laquelle j'ai une affinité profonde, n'ont pas de qualité différente pour moi que tous les autres peuples. En ce qui concerne mon expérience, ils ne sont pas mieux que les autres groupes humains, bien qu'ils soient protégés des pires cancers par un manque de pouvoir. Sinon je ne perçois rien d'« élu » chez eux.

En général je trouve cela douloureux que vous réclamiez une position privilégiée et essayez de la défendre à l'aide de deux murs de fierté, un externe, celui d'être homme, et un interne, celui d'être juif. En tant qu'homme, vous demandez, façon de parler, une dispense de la causalité autrement acceptée, en tant que juif, le privilège du monothéisme. Mais une causalité limitée n'est plus du tout une causalité, comme notre merveilleux Spinoza a reconnu de façon incisive, probablement le premier. Et les interprétation animistes des religions de la nature ne sont pas en principe annulées par la monopolisation. Avec de tels murs, nous pouvons seulement atteindre une certaine déception personnelle, mais nos efforts moraux ne sont pas favorisés par eux. Au contraire.

Maintenant que j'ai assez ouvertement déclaré nos différences en ce qui concerne nos convictions intellectuelles, il m'est clair que nous sommes assez proche l'un de l'autre en ce qui concerne les choses essentielles, par exemple notre évaluation du comportement humain. Ce qui nous sépare ne sont que des « accessoires » intellectuels et des « rationalisations » selon les termes de Freud. Ainsi je pense que nous nous comprendrons assez bien si nous parlons de choses concrètes.

Avec mes remerciements amicaux et mes meilleurs vœux,

Vôtre,

(Albert Einstein)