Utilisateur:Leonard Fibonacci/Livre d'Elkasaï

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Dans son Introduction sur le Livre d'Elkasaï dans le tome I des "Écrits apocryphes chrétiens", Luigi Cirillo mentionne bien que le livre d'Elkasaï contenait une « prophétie sur la guerre apocalyptique » dont il est difficile de savoir comment elle était rattachée aux recommandations astrologiques à l'aide des courts extraits cités dans l'Elenchos[1]. Simon Claude Mimouni ne mentionne pas cet aspect de la prédication des Elkasaïtes, totalement en accord avec les préoccupations de la tendance d'Esséniens qui ont caché les Manuscrits de la mer Morte dans des grottes près de Qumrân au Ier siècle. De même cette indication est complètement en accord avec la notice attribuée à Hippolyte de Rome (Réfutation de toutes les hérésies, IX, § 26) pour qui tant les Sicaires que les Zélotes sont issus des Esséniens[2]. Il est vrai qu'après avoir dit que pour Épiphane de Salamine, à l'époque de Trajan, Elxaï se serait affilié au groupe des Osséens dont il précise que le mot désigne les Esséniens[3], Simon Claude Mimouni estime « suspecte » la filiation que suggère Épiphane entre elkasaïtes et Esséniens[4].

Les manuscrits de la mer Morte sont ceux d'une des quatre tendances d'Esséniens[modifier | modifier le code]

En s'appuyant sur une version peu connue de ce qui semble être la notice utilisée par Flavius Josèphe, certains critiques ont émis l'hypothèse qu'aussi bien le mouvement de Judas le Galiléen, que les Sicaires et les Zélotes sont issus des Esséniens[2]. Un texte attribué à Hippolyte de Rome (Réfutation de toutes les hérésies, IX, § 26), retrouvé au XIXe siècle, paraît s'appuyer sur la même notice que Flavius Josèphe dans la Guerre des Juifs à leur propos[5]. Toutefois, à l'endroit où la notice de Josèphe sur les Esséniens rapporte leur division en « quatre lots » ou « quatre classes », dans celle-ci on trouve la définition des « quatre catégories[6] » d'Esséniens[7]:

« [Les Esséniens] sont divisés selon l'ancienneté et ils n'observent pas les pratiques de la même manière, répartis qu'ils sont en quatre catégories. Certains d'entre-eux en effet, poussent les pratiques à l'extrême, jusqu'à ne pas tenir en main une pièce de monnaie, déclarant qu'il ne faut ni porter, ni regarder, ni fabriquer d'effigie ; aussi nul de ceux-ci n'ose même entrer dans une ville, de peur de franchir une porte que surmonte des statues, estimant qu'il est sacrilège de passer sous des images. Certains autres d'entre-eux, lorsqu'ils entendent un individu discourir sur Dieu et sur ses lois, s'assurent, s'il est incirconcis, que cet individu et seul dans un endroit, puis ils le menacent de l'assassiner, s'il ne se laisse pas circoncire : s'il ne veut pas obtempérer, loin de l'épargner, on l'égorge : c'est de cela, étant donné ce qui se passe, qu'ils ont reçu leur nom, celui de Zélotes ou de la part de quelques-uns, celui de Sicaires. D'autres encore parmi eux refusent de donner à personne le nom de maître (Rabbi), sauf à Dieu[8]. »

Dans cette version quatre groupes d'Ésséniens sont identifiés et non quatre classes[5] et ils se seraient créés au fil du temps[9]. Les Zélotes seraient donc rattachés aux Esséniens, dont ils seraient une émanation tardive et avec laquelle ils refuseraient de frayer[10]. L'auteur de l'Elenchos « les présente comme des hétérodoxes qui se distinguent par leur fanatisme et leurs exagérations[11]. » Ceux qui « refusent de donner à personne le nom de maître, sauf à Dieu » seraient les membres de la Quatrième philosophie puisque c'est la définition que donne Josèphe pour ce groupe[12], disant qu'ils sont prêts à subir « les genres de mort les plus extraordinaires[13] » et que « les supplices de leurs parents et amis les laissent indifférents, pourvu qu'ils n'aient à appeler aucun homme du nom de maître[13]. »

Selon André Dupont-Sommer, la notice d'Hippolyte est étroitement parallèle à celle de Josèphe et semble en être un abrégé[14]. Robert Eisenman estime que soit les deux auteurs ont utilisé une source commune, soit l'auteur en est Josèphe lui-même pour sa version de la Guerre des Juifs en araméen[5] et que ce passage a été volontairement omis dans les versions en grec. Pour lui, ce que Josèphe semble avoir fait pour définir la Quatrième philosophie, c'est couper ce qui décrivait l'un des quatre groupes d'esséniens dans sa notice initiale pour l'écrire comme définition du mouvement de Judas de Gamala[12].

Pour Eisenman, cette notice d'Hippolyte permet de résoudre les contradictions que l'on a trouvé entre les descriptions idéalisées des Esséniens par Josèphe et Philon d'Alexandrie et les manuscrits de la mer Morte[9], où le groupe qui écrit — identifié à des Esséniens — est littéralement obsédés par les « féroces Kittim[15] », derrière lesquels on reconnaît aisément les Romains[16] et dont de nombreux écrits parlent de guerres apocalyptiques (en) qu'il faudra mener contre eux. Philon d'Alexandrie et Josèphe insistaient en effet sur l'aspect que l'on pourrait qualifier de « non-violent » de la doctrine des esséniens, les conduisant même jusqu'à refuser de posséder des armes[17]. Ils soulignent que lorsqu'ils voyageaient, les esséniens n'emportaient que des armes défensives[18] et Philon indiquait que pas un seul d'entre-eux ne fabriquait d'armes. Cela lèverait la principale objection d'un certains nombres d'historiens, comme Norman Golb[19], Michael Wise[20], ou André Paul[21] qui les avait conduit à douter que la secte de la mer Morte soient les Esséniens, dont certains faisaient remarquer qu'outre à Qumrân, le seul endroit où l'on a retrouvé des manuscrits appartenant au même mouvement était la forteresse de Massada, qui a toujours été contrôlée par les Sicaires et/ou les Zélotes, ce qui selon eux permettait de savoir qui étaient ceux qui lisaient ces rouleaux au moment de la Grande révolte juive[22],[23] (66-74). D'autre-part, si ceux qui occupaient Qumrân au moment de l'arrivée des Romains étaient en accord avec les manuscrits comme cela est très largement admis, l'archéologie montre qu'ils ont résisté[22],[Note 1]. Les manuscrits retrouvés à Qumrân étaient sur ce point tellement différents de ce que disaient Philon et Josèphe que certains commentateurs, comme G. R. Driver ou Cecil Roth ont même proposé d'identifier les auteurs de ces manuscrits à des Zélotes[24].

Ésotérisme, secret, apocryphe[modifier | modifier le code]

Selon Luigi Cirillo, le dernier fragment de l'Apocalypse d'Elkasaï fourni par l'Elenchos, « l'exhortation à cacher aux infidèles les mystères ineffables de l'ouvrage[25] » « rappelle deux passages que l'on rencontre dans le corpus pseudo-clémentin[26] : d'une part dans la "Contestation de Jacques", l'exhortation de Jacques de Jérusalem à ne pas communiquer au premier venu les livres des prédications de Pierre, mais seulement aux hommes de biens et à ceux qui sont pieux[27] ; d'autre-part un passage des "Homélies" : « Réservez vos mystères à moi et aux fils de ma maison[28]. »[29] »

Biblio[modifier | modifier le code]

  • Michael Wise, Martin Abegg et Edward Cook, Les Manuscrits de la mer Morte, Paris, Perrin, (ISBN 2-262-02082-5) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • François Bovon (dir.) et Pierre Geoltrain (dir.), Écrits apocryphes chrétiens, t. I, Paris, Gallimard, (ISBN 9782070113873). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • François Bovon (dir.) et Pierre Geoltrain (dir.), Écrits apocryphes chrétiens, vol. 516, t. II, Paris, Gallimard, , 2156 p. (ISBN 9782070113880). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Simon-Claude Mimouni, Les Chrétiens d'origine juive dans l'Antiquité, Albin Michel, coll. « Présences du judaïsme », Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, PUF, (ISBN 978-2-13-056396-9). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (en) Robert Eisenman, James the Brother of Jesus And The Dead Sea Scrolls, The Historical James, Paul as the Enemy, and Jesus' Brothers as Apostles, Vol. I, GDP, , 411 p. (ISBN 9780985599133).
  • (en) Robert Eisenman, James the Brother of Jesus And The Dead Sea Scrolls, The Damascus Code, the Tent of David, the New Convenant, and the Blood of Christ, Vol. II, GDP, , 443 p. (ISBN 9780985599164).
  • André Paul, Qumrân et les esséniens : L'éclatement d'un dogme, Paris, Cerf, (ISBN 978-2-204-08691-2). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Norman Golb, Qui a écrit les manuscrits de la Mer morte ? : Enquête sur les rouleaux du désert de Juda et sur leur interprétation contemporaine, Paris, Plon, (ISBN 9782259183888). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • André Dupont-Sommer, Les Écrits esséniens découverts près de la mer Morte, Paris, Payot, (1re éd. 1959) (ISBN 2-228-12740-X). Document utilisé pour la rédaction de l’article
Sources primaires

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Dans le compte-rendu des recherches archéologiques de l'équipe qui travailla de 1953 à 1956 sur le site, on lit: Les bâtiments « ont été ruinés par une action militaire » dont « témoignent l'effondrement des plafonds », des flèches en fer et l'incendie des toitures. « On a trouvé des preuves que les toits avaient été brûlés, que les plafonds et les superstructures s'étaient effondrés. » Dans son rapport archéologique, Roland de Vaux indique que la tour « chaussée de son talus de pierres, résista mieux. » Pour Norman Golb, « la présence de flèches en fer, de type romain, indique qu'une troupe de soldats romains avaient attaqué puis pris la place. » (Golb 1998, p. 7). À ces éléments Franck M. Cross qui avait participé aux fouilles ajouta lors de la publication de son livre un point que Norman Golb estime crucial et dont il s'étonne que De Vaux ne l'ait pas mentionné. Cross indique que « les murs furent sapés [et] les ruines des bâtiments [...] furent enfouies dans des couches de cendres provenant d'un grand incendie. (Franck M. Cross, cité par Golb 1998, p. 7) » Norman Golb remarque que « saper les murs en creusant des galeries souterraines » était une technique classique de la poliorcétique que les stratèges romains utilisaient pour prendre des fortifications ennemies qui ne pouvaient pas être prises autrement. Ces galeries étaient soutenues par des poutres en bois qui étaient mises à feu quand les troupes avaient fini de creuser (Golb 1998, p. 7). Selon Roland de Vaux, la prise du site par les Romains aurait eu lieu en 68. Compte tenu de l'incertitude sur le déploiement des forces romaines, les historiens préfèrent retenir la fourchette de 68-70, au plus tard quelques mois après la chute de Jérusalem (août 70). (Golb 1998, p. 8)

Références[modifier | modifier le code]

  1. Luigi Cirillo, Introduction au Livre d'Elkasaï, in Écrits apocryphes chrétiens, Tome I, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1997, p. 836, présentation en ligne.
  2. a et b Eisenman 2012 vol. II, p. 366-371.
  3. Simon Claude Mimouni, Les Chrétiens d'origine juive dans l'Antiquité, Paris, Albin Michel, 2004, p. 216.
  4. Simon Claude Mimouni, Les Chrétiens d'origine juive dans l'Antiquité, Paris, Albin Michel, 2004, p. 216-217.
  5. a b et c Eisenman 2012 vol. II, p. 366.
  6. Dupont-Sommer 1983, p. 43, note no 4.
  7. Dupont-Sommer 1983, p. 43.
  8. André Dupont-Sommer, Les écrits esséniens découverts près de la mer Morte, Paris, Payot, 1983,p. 43-44.
  9. a et b Eisenman 2012 vol. II, p. 367.
  10. Flavius Josèphe (v. 75). Guerre des Juifs, 5, 145.
  11. André Dupont-Sommer, Nouveaux aperçus sur les manuscrits de la mer Morte, p. 28, cité par Henri Del Medico, Enigme des manuscrits de la Mer Morte, Paris, éd. Plon, p. 34.
  12. a et b Eisenman 2012 vol. II, p. 369.
  13. a et b Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, livre XVIII, I, 6.
  14. Dupont-Sommer 1983, p. 37.
  15. Wise, Abegg et Cook 2003, p. 28
  16. Wise, Abegg et Cook 2003, p. 30
  17. Wise, Abegg et Cook 2003, p. 37
  18. Golb 1998, p. 15.
  19. Norman Golb, Who Wrote the Dead Sea Scrolls ?, 2012, http://www.ebookIt.com.
  20. Wise, Abegg et Cook 2003, p. 36-46
  21. André Paul, Qumrân et les esséniens : L'éclatement d'un dogme, Paris, Cerf, 2008.
  22. a et b Golb 1998.
  23. Wise, Abegg et Cook 2003, p. 46
  24. Eisenman 2012 vol. II, p. 368.
  25. Elenchos, IX, 17, 1.
  26. C'est-à-dire en latin les "Reconnaissances", et en grec, vingt "Homélies" (note de Luigi Cirillo, ibid. p. 837.
  27. Homélies pseudo-clémentines, Engagement solennel, I.
  28. Homélies pseudo-clémentines, XIX, 20, 2.
  29. Luigi Cirillo, ibid., p. 837.