Bataille de Cholet (1794)

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Bataille de Cholet
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La mort du général Moulin au combat de Cholet, 1794, huile sur toile de Jules Benoit-Lévy, 1900, musée d'Art et d'Histoire de Cholet.
Informations générales
Date
Lieu Cholet
Issue Victoire républicaine
Belligérants
Drapeau de la France République française Drapeau de l'Armée catholique et royale de Vendée Vendéens
Commandants
Jean-Baptiste Moulin
Jean Alexandre Caffin
François Pierre Amey
Étienne Cordellier
Joseph Crouzat
Jean-Nicolas Stofflet
Forces en présence
3 000 à 5 000 hommes initialement[1],[2]
2 000 à 3 000 hommes en renfort[2],[3]
4 000 à 7 000 hommes[4],[5]
Pertes
Inconnues Inconnues

Guerre de Vendée

Batailles

Coordonnées 47° 03′ 36″ nord, 0° 52′ 42″ ouest
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Bataille de Cholet

La troisième bataille de Cholet a lieu le lors de la guerre de Vendée. Les combats sont d'abord favorables aux Vendéens, qui s'emparent pendant quelques heures de la ville de Cholet, avant d'entre être chassés par l'arrivée de renforts républicains.

Prélude[modifier | modifier le code]

Depuis janvier 1794, les colonnes infernales du général Turreau ravagent le territoire insurgé et tentent de réduire les dernières forces vendéennes. Cependant le , les troupes républicaines des généraux Cordellier et Crouzat subissent une première défaite à la bataille de Gesté, contre les forces de Stofflet, qui s'emparent de Beaupréau, puis de Chemillé le 6 février et de Vihiers le 7, bousculant sur leur passage les maigres garnisons républicaines[4],[6]. Stofflet rassemble ensuite ses forces à Maulévrier et à Nuaillé, en vue d'attaquer la ville de Cholet[4],[3].

Cholet est quant à elle occupée depuis le 29 janvier par les troupes du général de brigade Jean-Baptiste Moulin[7], qui sont renforcées le 4 février par les colonnes des généraux François Pierre Amey et Jean Alexandre Caffin[1].

De son côté, après sa défaite à Gesté, le général Cordellier gagne Tiffauges le 6 février, ravageant tout sur son passage[3]. Le même jour, il écrit à Turreau : « J'ai ponctuellement exécuté ton ordre de purger, par le fer et par le feu, tous les endroits que j'ai rencontrés sur ma route. Car indépendamment que tout brûle encore, j'ai fait passer derrière la haie environ 600 particuliers des deux sexes »[8],[9],[3]. Deux jours plus tard, il annonce avoir incendié le bourg des Landes-Genusson et « fusillé tous les hommes, femmes et enfants qui y étaient restés »[10],[11],[3].

Le 4 février, après la prise de Beaupréau par les Vendéens, Moulin écrit à Turreau pour l'avertir de l'insuffisance de ses forces[2],[3]. Turreau lui répond alors que Cordellier et Crouzat l'appuieront en cas d'attaque contre Cholet[2],[3]. Moulin réplique alors le 6 février :

« Je ne sais pas où ils sont... Les brigands sont plus forts qu'on ne le pense ; ils m'entourent de tous côtés... Ils ont attaqué un avant-poste la nuit.. On entend une fusillade assez vive du côté de Gesté... On ne m'envoie pas les munitions demandées à Saumur ; la moitié des soldats n'ont chacun que sept et huit cartouches[2],[3]. »

Forces en présence[modifier | modifier le code]

Après la mort d'Henri de La Rochejaquelein, tué lors d'une escarmouche à Nuaillé le 28 janvier, l'armée d'Anjou passe sous le commandement de Jean-Nicolas Stofflet, avec pour seconds La Ville de Baugé, La Bouëre et de Bruc[5]. Elle est alors forte de 4 000[4] à 7 000[5] hommes selon les estimations. Dans un rapport adressé au ministre de la guerre, le général Turreau porte le nombre des Vendéens à 4 000, dont plusieurs non armés[12]. Dans ses mémoires, l'officier royaliste Bertrand Poirier de Beauvais fait également mention d'au moins 4 000 hommes, peut-être davantage[13].

Du côté des républicains, le général Turreau affirme dans son rapport au Comité de salut public qu'au matin du 8 février, 5 000 hommes sont stationnés à Cholet sous les ordres du général Jean-Baptiste Moulin et que 2 000 autres sont présents à Tiffauges — située à 15 kilomètres à l'ouest de Cholet — sous les ordres du général Étienne Cordellier[2],[14]. En 1995, les historiens Nicolas Delahaye et Pierre-Marie Gaborit évaluent plutôt à 3 000 le nombre des hommes commandés par Moulin, Amey et Caffin[1]. Charles-Louis Chassin monte quant à lui à 3 000 les effectifs de la colonne de Cordellier et Crouzat[3].

Déroulement[modifier | modifier le code]

Un premier rapport sur le déroulement des combats est envoyé le 9 février par le commandant Poché à Louis Marie Turreau, le général en chef de l'Armée de l'Ouest, qui se trouve alors à Nantes[A 1]. Le lendemain, ce dernier adresse son propre rapport au Comité de salut public[A 2]. Coté vendéen, l'officier d'artillerie Bertrand Poirier de Beauvais[A 3] et le chef de division Louis Monnier[A 4] laissent un récit de la bataille dans leurs mémoires.

Le matin du 8 février, les Vendéens marchent sur Cholet, divisés en trois colonnes[15]. D'après Bertrand Poirier de Beauvais, les forces de Moulin se déploient à 4 heures du matin hors de la ville[13]. La bataille débute à 10 heures du matin[16]. Trois canons républicains engagent le feu au boulet et à la mitraille[13]. Ayant trop peu de poudre pour répondre avec leur propre artillerie, les Vendéens avancent sur les positions tenues par les patriotes[13].

Les républicains cèdent rapidement à la panique et prennent la fuite[16],[4]. D'après le rapport du commandant Poché : « Une terreur panique a saisi nos soldats et la déroute a commencé aussitôt que l'action. Menaces, prières, tout a été inutile »[14],[3]. Le général Jean-Baptiste Moulin tente sans succès de rallier ses hommes, mais il ne peut réunir que quelques soldats pour faire face aux Vendéens et protéger la retraite[14]. Assailli dans une rue, blessé de deux balles, Moulin se suicide d'un coup de pistolet pour ne pas être capturé[16],[2],[5],[4],[3]. Plusieurs de ses officiers sont également tués ou blessés[14].

Les Vendéens entrent alors dans la ville de Cholet. Selon Poirier de Beauvais : « On combattit chaudement dans les rues et par les croisées, et les républicains furent encore obligés de chercher leur salut dans la fuite »[13]. Les Vendéens poursuivent les fuyards dans différentes directions : sur la route du May au nord, celle de Nantes au nord-ouest, celle de Tiffauges à l'ouest et celle de Mortagne, au sud[13].

Cependant, sur la route de Tiffauges, le général républicain Cordellier fait bientôt son apparition avec sa colonne et renverse la situation[16],[4],[14],[13]. Il est rejoint au passage par le général Caffin qui tentait de rallier des fuyards sur la route de Nantes[14],[3].

Dispersés par la poursuite, les Vendéens sont surpris et cèdent à leur tour à la panique[4],[14],[13]. Cholet est ainsi reprise par les républicains, après n'être restée qu'une ou deux heures aux mains des Vendéens[4],[5],[14],[6].

Dans ses mémoires, l'officier vendéen Bertrand Poirier de Beauvais affirme qu'accompagné de La Bouëre, il parvient à rallier 4 000 soldats à un quart de lieu de Cholet, mais que « l'apparition de hussards, que la chute du jour leur faisait croire plus nombreux, jeta de nouveau l'effroi dans leur esprit, et chacun continua à fuir »[13]. Il rapporte ensuite que la jeune comtesse de Bruc se distingue par son courage « héroïque » et parvient à rallier une seconde fois les Vendéens, mais en vain : « Une force supérieure semble les dominer et annuler cette hardiesse, dont ils avaient tant de fois donné des preuves éclatantes... ils fuient de nouveau »[13]. L'armée vendéenne poursuit sa retraite jusqu'à Chemillé[2],[13].

Pertes[modifier | modifier le code]

Les pertes du combat ne sont pas connues. Les républicains déplorent la mort du général Moulin, dont le corps est enterré au pied de l'arbre de la liberté[12]. Le général Caffin est blessé dans les derniers moments du combat[4],[14],[3]. Dans son rapport, le général Turreau affirme que les Vendéens ont subi de très lourdes pertes et qu'il en a été fait « une si grande boucherie » de « ces scélérats, qu'on n'a pu compter le nombre des morts »[14].

Cependant pour Bertrand Poirier de Beauvais, les pertes vendéennes sont très inférieures à celles des républicains, Cordellier n'ayant selon lui fait « éprouver d'autre perte que celle de quelques trainards »[13]. En revanche, il fait état de nombreux morts chez les républicains : « Les maisons et encore les jardins de Cholet étaient pleins de morts, mais ils étaient républicains. [...] La rue qui descend à l'hôpital était couverte de leurs morts, et il m'a été assuré par une infinité des nôtres qu'il y avait un endroit, dans cette rue, où les cadavres des républicains étaient en si grand nombre et si entassés qu'il y en avait parmi eux qui étaient debout, soutenus par d'autres »[13].

D'après le commandant Poché, les Vendéens ne sont pas entrés dans les maisons et n'ont rien pillé, les « effets de la République » ayant été évacués par la route de Nantes[14],[3].

Le 21 février 1794, devant la Convention nationale, le représentant en mission Jean-Baptiste Carrier, présent à Nantes au moment de la bataille, prétend également que des massacres ont été commis à Cholet par des femmes et des enfants contre les prisonniers républicains[17],[3] :

« On vous a parlé des femmes de la Vendée. Ces femmes, citoyens, sont toutes des monstres. Le jour que les brigands entrèrent dans Cholet, d'où Cordellier les chassa deux heures après, les femmes, croyant que les rebelles resteraient maîtres de cette cité, massacrèrent impitoyablement nos frères d'armes qui y étaient prisonniers et tous les patriotes connus[17]. »

L'officier vendéen Bertrand Poirier de Beauvais fait mention de ces accusations dans ses mémoires :

« Je sais que l'on n'a pas toujours avoué à la Convention ce que ses armées perdaient dans les batailles. Pour expliquer le nombre de ceux qui succombaient, on disait qu'ils avaient été traîtreusement tués par les femmes, qui les faisaient mourir dans les supplices, se faisant aider par leurs enfants quand ils en avaient la force. C'était dans le double projet de faire passer les défaites pour des victoires, d'exciter et de justifier les meurtres incalculables dont j'ai tant de fois parlé, mais que je ne puis trop répéter pour en inspirer une telle horreur, qu'on ne puisse jamais les voir renaître sur aucun point de la France, ou même ailleurs, s'il était possible[13]. »

Suites[modifier | modifier le code]

Après la bataille, le général Jean-Baptiste Huché arrive avec 1 460 hommes afin d'occuper la ville sur ordre de Turreau[2]. Le 15 février, Huché est nommé commandant de la place de Cholet, avec pour second de chef de brigade Lusignan[18].

Soucieux de se couvrir, Turreau, dans son rapport au Comité de salut public, demande l'évacuation et la destruction la ville de Cholet, qu'il juge difficilement défendable[19],[2] :

« L'intérêt public exige, citoyens représentants, que la Convention nationale décrète sur-le-champ que Cholet, malgré le patriotisme de ses habitants, ne sera point excepté de l'incendie général. Ce poste est si mauvais, qu'on ne peut en répondre, même avec des forces supérieures à celles de l'ennemi... Mortagne, dans une position heureuse, deviendra le point central des opérations de la Vendée. Je ne calcule point les intérêts particuliers lésés par cette mesure, la république est en état de dédommager les patriotes de la perte de leurs propriétés... Je le répète, tant que Cholet existera , il sera le théâtre des incursions des rebelles et le tombeau de nos soldats... Combien n'eussent pas péri dernièrement sans l'ordre que la prudence m'engagea de donner à la colonne de Cordellier ?[2],[19] »

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. « Citoyen général, depuis ton départ, Chollet a été loin d'être tranquille, les brigands ont montré une audace peu commune; après quelques avantages partiels, ils ont osé venir attaquer Chollet par la route de Saumur où ils se sont déployés à la distance de cinq cents toises de nos troupes. Une terreur panique a saisi nos soldats et la déroute a commencé aussitôt que l'action. Menaces, prières, tout a été inutile; le brave général Moulin, obligé de suivre le mouvement, protégeait la retraite , faisant face et chargeant les rebelles avec le peu d'hommes restés autour de lui ; il a été assailli dans une rue, blessé de deux balles, et s'est achevé d'un coup de pistolet, pour ne pas tomber vivant entre leurs mains, voulant mourir libre. Ceux qui combattaient à ses côtés, et dont la majeure partie étaient des officiers, ont presque tous péri ou ont été blessés.

    Le général Caffin s'était rendu sur la route de Nantes pour y rallier les troupes. S'il n'a pu parvenir à les faire revenir sur leurs pas, du moins il en a retenu une partie jusqu'à l'arrivée de la colonne du général Cordellier qui, après avoir traversé rapidement la foule de nos fuyards, a chargé les brigands avec tant d'intrépidité, qu'ils ont été forcés de sortir de Chollet plus vite qu'ils n'y étaient entrés. Ils ont été mis à leur tour dans la plus complète déroute; mais, dans leur fuite , ils ont blessé grièvement le général Caffin et plusieurs braves officiers.

    L'ennemi a été maître de Chollet environ une heure. Aucun d'eux n'a osé entrer dans les maisons; ils n'ont rien pillé. J'avais eu soin de donner des ordres pour faire filer les effets de la république sur la route de Nantes, et de ce côté nous étions tranquilles[14]. »

    — Rapport du commandant Poché au général Louis Marie Turreau, à Cholet, le 9 février 1794.

  2. « Les rassemblemens de brigands devenant chaque jour plus nombreux et plus inquiétans par leur audace, j'ai cru devoir diminuer le nombre de mes colonnes et de mes postes pour renforcer les uns et les autres. Les routes étant pour la plupart coupées par des partis de brigands, la correspondance devenant de jour en jour plus difficile, j'avais quitté Chollet, après y avoir laissé une quantité suffisante de troupes pour le défendre ; un général, sur le courage, l'activité et les talens duquel j'avais lieu de compter. J'étais parti de Chollet à la tête de la colonne du centre, et j'avais attaqué et repris Tiffauge. Arrivé à Montaigu, je remis au général Duquesnoy le commandement de cette colonne, qui, secondée d'un côté par la colonne de l'adjudant-général Dufour, de l'autre par les généraux Haxo et Dutruy, devait poursuivre sans relâche l'armée de Charette, que le rapport du général Bard portait à plus de dix mille hommes , à qui surtout la position du Bocage prêtait de nouvelles forces.

    Après avoir donné aux différens chefs de colonne les instructions qui se sont trouvées conformes à l'arrêté que vous m'avez envoyé, et qui n'était qu'une conséquence de la loi du mois d'août, je m'étais rendu momentanément à Nantes où m'appelaient plusieurs opérations relatives à la défense des côtes et aux autres points de mon commandement, et lorsque j'ai cru plus convenable de faire parvenir par Montaigu une grande partie des subsistances, plus sûr d'établir par cet endroit ma correspondance avec les généraux , j'ai résolu de fixer à Nantes mon quartier-général.

    En quittant Chollet, poste très-mauvais et que j'aurais déjà brûlé s'il n'avait pas été réservé par un décret de la Convention nationale, j'avais suffisamment pourvu à sa sûreté. Le brave Moulin le jeune, chargé de commander les cinq mille hommes qui s'y trouvaient stationnés, méritait toute la confiance que j'avais en lui : je savais qu'il ne quitterait ce poste qu'avec la vie.

    La marche des rebelles, sous les ordres de la Rochejaquelein , du côté de cette ville, me causait néanmoins la plus grande inquiétude. L'exemple de la lâcheté de quelques bataillons me faisait craindre l'effet de la terreur qui semble précéder les pas des brigands. Malgré les troupes préparées à leur résister, j'ordonnai au général Cordellier, alors à Tiffauge, de se porter sur-le-champ à Chollet avec deux mille hommes de l'armée du nord.

    A une lieue de cet endroit, Cordellier vit toute la division de Moulin dans une déroute complète, et poursuivie sur la route de Nantes par quelques milliers de brigands, en grande partie sans armes, qui avaient eu l'audace de fondre sur un poste garanti par tant de forces. Tout allait être en leur pouvoir, munitions de guerre et de bouche, lorsque les troupes du nord, précédées par les chasseurs francs, fondant sur ces coquins avec la rapidité de l'éclair, les contraignirent bientôt à ne songer qu'à fuir. Rien alors ne put les faire échapper à la vengeance des soldats dignes de porter le nom de républicains : on a fait de ces scélérats une si grande boucherie, qu'on n'a pu compter le nombre des morts.

    Cette victoire, on ne peut plus importante , a cependant coûté bien cher à la république, par la perte du général de brigade Moulin le jeune. Je le pleure bien moins comme mon ami que comme un des plus braves soldats, des plus habiles officiers et des plus purs républicains qui existent. Indigné de la lâcheté de ses troupes, Moulin fait de vains efforts pour les rallier, se précipite au-devant de l'ennemi pour les encourager par son exemple; il est atteint d'une balle, et, prêt à tomber entre les mains des brigands, se fait sauter la cervelle du dernier coup de pistolet qui lui restait à tirer.... Je ne doute point que la Convention nationale ne sache apprécier cet acte d'héroïsme; mais les mânes du courageux Moulin appellent la vengeance des lois contre les lâches qui ont fui dans cette mémorable journée ; et si l'on ne punit pas de mort les officiers qui auront pu donner l'exemple de cette déroute, je n'aurai plus de soldats sur lesquels je puisse compter... L'intérêt public exige, citoyens représentans, que la Convention nationale décrète sur-le-champ que Chollet, malgré le patriotisme de ses habitans, ne sera point excepté de l'incendie général. Ce poste est si mauvais, qu'on ne peut en répondre, même avec des forces supérieures à celles de l'ennemi... Mortagne, dans une position heureuse, deviendra le point central des opérations de la Vendée.

    Je ne calcule point les intérêts particuliers lésés par cette mesure, la république est en état de dédommager les patriotes de la perte de leurs propriétés... Je le répète, tant que Chollet existera , il sera le théâtre des incursions des rebelles et le tombeau de nos soldats... Combien n'eussent pas péri dernièrement sans l'ordre que la prudence m'engagea de donner à la colonne de Cordellier?... Aujourd'hui qu'une triste expérience m'a mis à portée de juger du nombre des rebelles qui existent encore, je dénonce formellement à la Convention nationale les ignorans, les fripons, les intrigans et les traîtres qui n'ont cessé de tromper sur la véritable situation de la Vendée; qui ont fait diminuer par leurs faux rapports les secours destinés à rétablir le calme dans cet abominable pays.... J'avais raison de dire depuis long-temps que la guerre de la Vendée n'était qu'assoupie; qu'elle serait devenue plus terrible que jamais, si on ne se fût empressé d'adopter de grandes mesures. Il faut encore passer 'vingt mille de ces scélérats au fil de la baïonnette. Je ferai tout pour terminer; mais j'ai le plus grand besoin, pour y parvenir, du concours des représentans du peuple , qui veuillent bien m'aider de leurs conseils et de leur autorité.

    Le désarmement s'exécute, les subsistances abondent dans nos magasins ; et, sans la négligence des employés, les intentions du comité de salut public eussent été mieux secondées[14],[2]. »

    — Rapport de Louis Marie Turreau, général en chef de l'Armée de l'Ouest, au Comité de salut public, le , à Nantes.

  3. « Nous quittâmes Vézins le 7, pour nous rendre à Maulévrier; dans cet endroit et ses environs, nous fîmes quelques recrues, et de là nous marchậmes, le 8, sur Cholet.

    Le général Moulin, bien instruit de nos mouvements, nous attendait dès la veille à quatre heures du matin hors la ville, sa garnison postée avantageusement, rangée en bataille, et ayant trois pièces de canon qui tiraient sur nous à mitraille et à boulet.

    Malgré le désavantage du lieu et des armes (car nous avions trop peu de poudre pour pouvoir nous servir d'artillerie), Moulin fut battu, son canon pris, et son armée repoussée jusque dans la ville. Nous y entrâmes pêle-mêle avec elle. On combattit chaudement dans les rues et par les croisées, et les républicains furent encore obligés de chercher leur salut dans la fuite. La rue qui descend à l'hôpital était couverte de leurs morts, et il m'a été assuré par une infinité des nôtres qu'il y avait un endroit, dans cette rue, où les cadavres des républicains étaient en si grand nombre et si entassés qu'il y en avait parmi eux qui étaient debout, soutenus par d'autres. Ils ne croyaient jamais être vaincus et furent si surpris de l’être qu'ils perdirent la tête en rentrant dans Cholet. Un soldat du pays des de Bruc, homme très brave, trouva cinq officiers dans une chambre; il les tua tous sans qu'ils fissent presque de résistance. C'étaient en partie des officiers supérieurs ; nous le jugeâmes à leurs épaulettes dont le soldat s'était nanti.

    En entrant dans Cholet, chacun de nous avait pris une direction pour y poursuivre l'ennemi et l'en chasser. Je m'étais porté vers la droite pour suivre ceux qui fuyaient par la route du May; j'étais à peine hors des bois taillis qui sont peut-être à un mille de Cholet, que j'entendis sur ma gauche une vive fusillade, qui ressemblait plutôt à un combat qu'à une poursuite.

    Sans perdre de temps, j'arrête les soldats qui sont autour de moi, fais ramener par quelques cavaliers ceux qui étaient plus avancés, bien sûr que les républicains étaient trop dispersés pour revenir nous inquiéter, et nous reprenons le chemin de Cholet.

    Je ne pus arriver assez vite pour donner du secours à nos gens, qui venaient d'être mis en déroute par le général Cordellier, qui arrivait de Tiffauges et les suivit dans Cholet, où ils ne restèrent pas. Alors les Vendéens qui poursuivaient l'ennemi de Cholet à Mortagne se trouvèrent coupés d’avec nous.

    Les soldats qui étaient avec moi, voyant fuir leurs camarades, en font autant. Je parvins cependant à arrêter les uns et les autres à un quart de lieue de Cholet; ils étaient environ quatre mille avec lesquels je me proposais de retourner dans cette ville. Mais l'apparition de hussards, que la chute du jour leur faisait croire plus nombreux, jeta de nouveau l'effroi dans leur esprit, et chacun continua à fuir.

    Au désespoir de cette déroute qui m'enlevait les espérances que j'avais conçues un moment, je fais le possible pour rallier encore les soldats... Mes soins, ceux employés par La Bouëre sont également inutiles; il était alors à côté de moi; nous étions désolés...

    La comtesse de Bruc, qui se trouve là séparée de son mari, se désespère de voir nos gens ainsi fuir; elle les exhorte à retourner à l'ennemi:

    - Quoi! soldats, leur dit-elle, vous avez peur... et de qui?... de ceux que vous avez vaincus il n'y a qu'un moment! Ce peu de mots prononcés avec feu par une femme très jeune et jolie semble faire quelqu'impression ; malheureusement cela ne dura pas.

    La comtesse, alors séparée des premiers fuyards par un large fossé, presse son cheval pour le franchir; l'animal, d’une taille médiocre, doute de ses forces, hésite: notre jeune héroïne se met en colère, force sa monture à faire ses volontés et heureusement arrive à l'autre bord.

    - Non! vous ne fuirez pas...Plutôt mourir, enfants, que de se couvrir de honte... Allons ! allons ! suivezmoi... je ne vous en demande pas davantage... je saurai vous montrer l'ennemi et partager vos dangers ....

    Le dévouement de cette intéressante et héroïque jeune femme fit beaucoup sans doute sur nos soldats, mais cette journée ne devait pas être pour nous.

    Arrêtés quelques instants seulement..., une force supérieure semble les dominer et annuler cette hardiesse, dont ils avaient tant de fois donné des preuves éclatantes... ils fuient de nouveau.

    La comtesse ne gagna rien en restant, si ce n'est de se trouver en arrière de toute l'armée, et de voir l'ennemi comme elle se le proposait, mais sans les moyens qu'elle désirait, Imof et moi nous nous attachâmes à ses pas, et lorsqu'elle ne pouvait être en avant ou à côté de nous, nous avions l'attention qu'elle fût entre nous deux.

    Dans la crainte d’être poursuivis trop vivement sur la route, et que son cheval ne pût répondre, nous suivîmes par les champs un gros d'infanterie royaliste, nous frayant avec nos sabres les passages des haies qui pouvaient être difficiles ; nous arrivâmes ainsi d'abord à Trémentine, puis à Chemillé, où toute l'armée se rallia.

    Turreau trouve un grand plaisir, en parlant du secours qui arriva si à propos à cette dernière affaire de Cholet, à répéter et faire sonner bien haut les affaires de Gesté, n'ayant pas de honte d'attribuer l'honneur de cette journée au général Cordellier, qui y avait été battu le plus complètement possible.

    Il dit, en outre, des choses qui n'ont pas l'ombre de vérité : que nous étions commandés par La Rochejaquelein; non seulement il n'était pas à notre tête, mais nous avions déjà eu le malheur de le perdre.

    Il a pu se faire que, malgré nos victoires, Cordellier ait encore occupé quelque temps les environs de Gesté, parce que nous poursuivions la conquête de notre pays, assez heureux pour aller de succès en succès, mais pas assez forts pour établir des postes dans les endroits que nous abandonnions, continuant notre marche victorieuse.

    Cordellier a dû passer le 5 à Gesté, en allant à Tiffauges, d'où il vint nous chasser de Cholet, après que nous nous en fûmes rendus maîtres, mais sans nous faire éprouver d'autre perte que celle de quelques trainards.

    Je ne doute pas que si Cordellier fût venu avant la bataille, il eût été battu, malgré le renfort qu'il apportait à la garnison de Cholet, nos gens étant assez nombreux pour cela et dans une disposition parfaite de bien faire; c'est son arrivée avec une troupe fraîche et en bon ordre au milieu d'eux, dans le désordre d'une poursuite, qui a été cause de ce revirement de fortune.

    Turreau me permettra de lui dire qu'il est bien vrai que les rues, les maisons et encore les jardins de Cholet étaient pleins de morts..., mais ils étaient républicains.

    Je sais que l'on n'a pas toujours avoué à la Convention ce que ses armées perdaient dans les batailles. Pour expliquer le nombre de ceux qui succombaient, on disait qu'ils avaient été traîtreusement tués par les femmes, qui les faisaient mourir dans les supplices, se faisant aider par leurs enfants quand ils en avaient la force.

    C'était dans le double projet de faire passer les défaites pour des victoires, d'exciter et de justifier les meurtres incalculables dont j'ai tant de fois parlé, mais que je ne puis trop répéter pour en inspirer une telle horreur, qu'on ne puisse jamais les voir renaître sur aucun point de la France, ou même ailleurs, s'il était possible.

    Le général républicain Moulin, ayant été vaincu à Cholet, pour ne pas survivre à sa défaite, s'était donné la mort. Turreau le remplaça, le 15 février, par le général Huché; quelque nombreuse que fût sa garnison, elle a fait comme toutes les autres qui ont encore un peu subsisté dans la Vendée : elles ne sortaient qu'en grande force pour aller au-devant des convois qui leur arrivaient, quand ils n'étaient pas interceptés.

    Après l'affaire de Cholet, l'armée vendéenne se retira donc à Chemillé[13]. »

    — Mémoires de Bertrand Poirier de Beauvais.

  4. « L'armée était complète; il fallut attaquer Cholet. Nos soldats étaient disposés à se battre. L'armée fut divisée en trois colonnes. Les républicains étaient sortis de Cholet; une partie était en bataille au Bois-Grolleau et une autre sur la route de la Séguinière ; alors Cholet était bien couvert. Il y avait 6.000 hommes à Mortagne, tout prêts à donner secours à Cholet en cas de défaite. J'attaquai le corps du Bois-Grolleau, qui fit une petite résistance et rentra à Cholet. Stofflet et Bérard attaquèrent ceux de la route de la Séguinière. Je poursuivis les bleus de très près dans la ville de Cholet, par Saint-Pierre. Dans la rue qui donne près des halles, il y a un passage étroit où les eaux coulent dans les douves; là, des voitures bouchaient le passage; la foule des bleus qui se sauvaient s'étouffaient. Nos soldats tombaient dessus; le sang coulait dans cette douve comme si c'eût été un fort orage; de sorte que le général républicain, désespéré d'une journée pareille et voyant que sa tête devait en répondre, se brûla la cervelle. Je pris la gauche, où je voyais une colonne qui montait. Je pensai qu'elle voulait m'entourer, mais elle se sauva sur la route du May; je me mis à sa poursuite. Le général Stofflet, qui avait battu sa colonne, m'envoya promptement demander de mes soldats pour le secourir. Je me trouvai bien embarrassé, car je poursuivais une colonne de près de 3.000 hommes avec 800 hommes. Enfin, j'en cédai près de 200 qui, à peine rendus, trouvèrent la déroute. Je poursuivis toujours mes fuyards jusqu'au May; ils prirent la route de Chemillé; on en tua ce qu'on voulut. Le jour commençait à tomber; je résolus de retourner à Cholet, persuadé que cette ville avait été prise par Stofflet, et ce qui me le persuada, c'est qu'aucun soldat que j'avais détaché au secours du général n'était revenu me trouver. Enfin, je marchai sur Cholet avec 50 à 60 hommes ; les autres s'en étaient allés à Saint-Léger, où une partie de la colonne du général s'était jetée. Lorsque j'approchai de Cholet, j'aperçus un feu ; les soldats qui l'entouraient s'enfuirent. Je considérai ce feu : je crus dans l'instant que c'étaient de nos gens qui avaient bivouaqué. Une portée de fusil plus loin, je vis encore un autre feu et des hommes qui coupaient du bois ; je crus entendre la voix du marquis de Carabas. Ils me crièrent : « Qui vive!, Je répondis : « Royaliste ! » La réponse fut : « M.... pour ton roi ! » Persuadé que c'était le marquis de Carabas : « Tu vas me payer ça, marquis, » lui dis-je. Encore une seconde fois, ils me crièrent : « Qui vive! » Je répondis encore : « Royaliste! » Ils me firent la même réponse ; ils s'enfuirent et rentrèrent à Cholet. Un soldat de la déroute du général s'était sauvé dans le bois de Saint-Léger; il m'entendit, vint à moi, sauta le fossé et me dit : « Ce sont les bleus, nous avons eu la déroute. » Il n'en fallut pas davantage : les soldats que j'avais avec moi se sauvèrent comme des voleurs et me laissèrent avec un cavalier. Je me rendis à Saint-Léger, où je trouvai près de 900 hommes, sans savoir où avait été le général. C'étaient les 6.000 hommes qui étaient à Mortagne qui étaient venus au secours de ceux que le général battait; il ne put tenir contre cette force majeure. C'était un nommé Carpentier, ex-curé de Louresse, près Doué, qui commandait ces 6.000 hommes : il eut bien son tour quelques jours après[15]. »

    — Mémoires de Louis Monnier.

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Delahaye et Gaborit 1995, p. 49.
  2. a b c d e f g h i j k et l Clénet 1993, p. 187-191.
  3. a b c d e f g h i j k l m n et o Chassin, t. IV, 1895, p. 288-290.
  4. a b c d e f g h i et j Tabeur 2008, p. 190-191.
  5. a b c d et e Gras 1994, p. 130.
  6. a et b Gabory 2009, p. 388.
  7. Delahaye et Gaborit 1995, p. 48.
  8. Gérard 2013, p. 400.
  9. Savary, t. III, 1825, p. 157.
  10. Gérard 2013, p. 385.
  11. Savary, t. III, 1825, p. 165.
  12. a et b Savary, t. III, 1825, p. 172.
  13. a b c d e f g h i j k l m n et o Poirier de Beauvais 1893, p. 255-260.
  14. a b c d e f g h i j k l et m Savary, t. III, 1825, p. 166-171.
  15. a et b Monnier 1894, p. 81-83..
  16. a b c et d Delahaye et Gaborit 1995, p. 51.
  17. a et b Gérard 2013, p. 499-502.
  18. Delahaye et Gaborit 1995, p. 52.
  19. a et b Hussenet 2007, p. 259.

Bibliographie[modifier | modifier le code]