Trilemme

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Le triangle de la gestion de projet (en), Fast (« rapide »), Good (« bon ») et Cheap (« pas cher »), est un exemple de trilemme sous forme de diagramme de Venn sans zone centrale commune.

Un trilemme est une situation qui offre le choix entre trois alternatives menant à des résultats différents et dont les partis sont d'égal intérêt. Dérivé du dilemme, il se distingue de ce dernier par le nombre d'alternatives impliquées. Généralement, les possibilités offertes sont présentées aussi attirantes ou repoussantes les unes par rapport aux autres.

En logique, un trilemme peut être exprimé de deux manières équivalentes : il peut être un choix entre trois options défavorables ou un choix parmi trois options favorables.

Le concept est également utilisé en philosophie et en économie[1].

Histoire[modifier | modifier le code]

L'une des premières utilisations du trilemme est attribuée au philosophe grec Épicure, qui, selon David Hume, l'aurait utilisé pour rejeter l'idée d'un Dieu omniscient et omnipotent[2],[trad 1] :

  1. Si Dieu est incapable de prévenir le mal, alors il n'est pas tout-puissant.
  2. Si Dieu ne veut pas prévenir le mal, alors il n'est pas infiniment bon.
  3. Si Dieu veut et peut prévenir le mal, alors pourquoi ce dernier existe-t-il ?

Bien qu'attribué à Épicure, cela pourrait être également le travail de l'un des premiers philosophes sceptiques (possiblement Carnéade)[3]. En philosophie, le développement de ce trilemme est souvent rattaché au problème du mal.

On retrouve la première utilisation connue du terme « trilemme » en 1672 par le prêtre britannique Philip Henry (en). Le terme aurait été « découvert » indépendamment par Isaac Watts en 1725[4].

Exemples de trilemme[modifier | modifier le code]

Trilemme de Münchhausen[modifier | modifier le code]

En épistémologie, le trilemme de Münchhausen est un terme désignant l'impossibilité de prouver une vérité « certaine », même dans le domaine de la logique ou des mathématiques. Attribué au philosophe allemand Hans Albert, il s'énonce ainsi[trad 2] :

  1. Toute justification visant à établir une connaissance « certaine » doit également justifier les moyens qu'elle utilise, ce qui l'entraîne dans une régression à l'infini.
  2. On peut s'arrêter aux évidences établies par le sens commun, aux principes fondamentaux, parler ex cathedra ou toute autre stratégie dans le même sens mais, ce faisant, on abandonne l'idée d'une justification « certaine ».
  3. La troisième corne du trilemme est l'application d'un argument circulaire.

Trilemmes de John Stuart Mill[modifier | modifier le code]

John Stuart Mill est connu pour avoir formulé certains raisonnements pouvant s'exprimer sous forme de trilemmes.

  • Dans De la liberté, lors de son argumentation contre la suppression de la liberté d'expression, il affirme que ceux qui veulent justifier une telle suppression font face à un trilemme. Ainsi, si la liberté d'expression est supprimée, l'opinion censurée est soit[trad 3] :
  1. Vraie – dans ce cas, la société est privée de la chance de changer l'erreur en vérité,
  2. Fausse – dans ce cas, l'opinion va créer une « impression plus vive » de la vérité, permettant aux gens de justifier le point de vue correct,
  3. À moitié vraie – dans ce cas, elle contient un élément oublié de la vérité qu'il est important de mettre en lumière, avec la possibilité d'effectuer une synthèse des opinions divergentes qui représentent la vérité entière.
  • Certains principes politiques et économiques présentés dans Principles of Political Economy (en)[5] peuvent être illustrés sous forme d'un trilemme entre la liberté, l'égalité et l'efficacité[6].

Trilemme de la Terre[modifier | modifier le code]

Le « trilemme de la Terre », ou « trilemme 3E » (3E Trilemma), est un terme utilisé par des scientifiques œuvrant dans les domaines de l'énergie et de protection de l'environnement. Le trilemme réunit les trois E (économie, énergie, environnement).

« Le développement économique (E : économie) se fait par l'accroissement des dépenses énergétiques (en) (E : énergie), ce qui entraîne des enjeux environnementaux (E : environnement) par l'émission de polluants[trad 4]. »

— Yoshiro Hamakawa, New Energy Option for 21st Century[7],[8]

Trilemme de la population[modifier | modifier le code]

En 2019, dans un article[9] paru dans la revue Le Débat, Maxime De Blasi caractérise un trilemme (ou triangle d'incompatibilité) entre la population mondiale, le niveau de vie et la préservation de la planète : Deux items peuvent être atteints concomitamment mais au détriment du troisième. Ainsi, la préservation de la Terre et de ses espèces ne pourrait se faire qu’en diminuant la population ou en réduisant le niveau de vie, leur croissance simultanée depuis la révolution industrielle condamnant la Terre à moyen terme. Sur la base des projections de la population et du PIB mondial à l'horizon 2050, il évalue l'effort nécessaire à une réduction de la population (ou du niveau de vie) dans un facteur 4 à 5 par rapport au maximum, soit entre 2 et 3 milliards d'habitants (hypothèse d'un doublement du PIB mondial d'ici à 2050), ou un PIB mondial ramené à 35 000 milliards de dollars (hypothèse de 11 milliards d'habitants en 2050).

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Trilemma » (voir la liste des auteurs).
  1. (en) « 1- If God is unable to prevent evil, then he is not all-powerful.
    2- If God is not willing to prevent evil, then he is not all-good.
    3- If God is both willing and able to prevent evil, then why does it exist?
     »
  2. (en) « 1- All justifications in pursuit of certain knowledge have also to justify the means of their justification and doing so they have to justify anew the means of their justification. Therefore there can be no end. We are faced with the hopeless situation of an infinite regression.
    2- One can stop at self-evidence or common sense or fundamental principles or speaking 'ex cathedra' or at any other evidence, but in doing so the intention to install certain justification is abandoned.
    3- The third horn of the trilemma is the application of a circular argument.
     »
  3. (en) « If free speech is suppressed, the opinion suppressed is either:
    1. True – in which case society is robbed of the chance to exchange error for truth
    2. False – in which case the opinion would create a 'livelier impression' of the truth, allowing people to justify the correct view
    3. Half-true – in which case it would contain a forgotten element of the truth, that is important to rediscover, with the eventual aim of a synthesis of the conflicting opinions that is the whole truth. »
  4. (en) « For the activation of economic development (E: Economy) to occur, we need to increase the energy expenditure (E: Energy) however this raises the environmental issue (E: Environment) of more emissions of pollutant gases. »

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Buttonwood, « The trilemma », The Economist,
  2. (en) David Hume, Dialogues Concerning Natural Religion,
  3. (en) Mark Joseph Larrimore, The Problem of Evil: a reader, Blackwell, , xx
  4. (en) Allan A. Metcalf, Predicting New Words: The Secrets of Their Success, Houghton Mifflin Reference, , p. 106–107
  5. (en) J. S. Mill, Principles of Political Economy, Londres, Longmams, , chap. 1, p. 211
  6. (en) « MILL, Rawls, Cohen and the Egalitarian Trilemma », University College London, (consulté le ), page 3.
  7. (en) Hamakawa, Yoshihiro, « New Energy Option for 21st Century : Recent Progress in Solar Photovoltaic Energy Conversion », Japan Society of Applied Physics International, vol. 5,‎ , p. 30–35 (lire en ligne, consulté le )
  8. (en) « Trilemma Council » (consulté le )
  9. « Le débat » Environnement, population, niveau de vie » (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]